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QUESTION 1487 -
Posée par Jean-Dominique BOUTIN, le 14/01/2014

Questions posées dans le cahier d'acteurs n°107 de M. Jean-Dominique Boutin : Les appréciations tomographiques de la microfissuration par l'IRSN démontrent que toutes autres méthodes sont insuffisantes. Ces technicités semblent ignorées à Bure. Comment dès lors assurer qu'il n'existe pas de fissuration si on n'utilise pas la méthode la plus performante pour la déceler? Le site serait d'une grande homogénéité de matériaux. Or, en qualifiant LA strate du Callovo-oxfordien on affirme le contraire : deux strates distinguées ne puvent pas être "homogènes". La réponse fournie semble prouver le contraire. Sur le site du labo, peut-être, mais latéralement l'incertitude de la continuité des faciés latéraux n'est-elle pas à craindre? Faut-il commenter l'information récurrente de l'Andra convcernant l'absence de ressources géothermiques des trates inférieures s'opposant ainsi fortement aux connaissances des organismes ad hoc et notamment de notre expert national, le BRGM? Erreur d'appréciation ou mensonge avéré? Dans les deux cas, il y a une véritable dépréciation de la chose géologique insinuant un doute majeur sur les autres affirmations. Géologiquement, si le site semble présenter des capacités de haut niveau, de grands flous persistent ne permettant pas de conclure à la faisabilité. Les aléas naturels de grande ampleur doivent inciter à plus de méfiance et à une capacité d'adaptation au fil du temps. Par eilleurs, combien de géologues sur la question? Quel regard pluraliste sur le site (Cf cahier d'acteurs scandinaves? sur la sismicité)? Quelle indépendance des chercheurs dédiés? Après manipulation, le foisonnement naturel, caractéristique des marnes, laisse perplexe sur le retour de la qualité première. Insuffisament technicien pour juger pleinement des technologies retenues, je considère que l'aléa géotechnique est majeur par le fait que l'aléa naturaliste est inimaginable. Les évènements japonais l'ont rappelé, hélas! Impossible d'envisager toutes les "anormalités" du milieu naturel : les roches, trop souvent qualifiées d'"inertes", n'échappent pas au concept "positif" de biodiversité. Pour preuve, les réflexions non unanimes sur les diagénèses éventuelles. Quant aux scellements proposés seront-ils jamais validés? Induration liée à un "cuisson" des argiles par la chaleur dégagée? Fragilisation face aux petits mouvements déjà enregistrés dans les cavités réalisées? Cette fissuration "tardive" est sous-évaluée. Les technologies utilisées innovantes, semblent aller dans le bon sens, mais aucune certitude ne peut s'en dégager. D'ailleurs le concept même d'"innovation" suffit pour affirmer qu'aucune technologie éprouvée ne répond à la question posée. Peut-on dès lors engager autant de responsabilités pour le futur?

Réponse du 13/02/2014,

Réponse apportée par l’Andra, maître d’ouvrage :

Concernant les propriétés de la couche argileuse :

Afin de reconnaitre de manière précise la structure multicouche du milieu géologique sur la zone d’implantation de Cigéo (ZIRA – 37 km²), l’Andra a mis en œuvre en 2010 une sismique réflexion haute-résolution 3D: cette méthode qui permet de détecter des failles présentant un décalage vertical faible (supérieur à quelques mètres) n’a détecté aucune faille de cette dimension, ni dans la couche du Callovo-Oxfordien, ni dans ses encaissants carbonatés de l’Oxfordien et du Dogger. Une sismique 3D menée sur le site du laboratoire souterrain de Bure avait conduit au même constat. L’analyse avait été confortée par  des forages déviés réalisés à l’aplomb du site du laboratoire souterrain : traversant la couche du Callovo-Oxfordien (longueur totale de carotte : 1478 m) avec une trajectoire sub-horizontales ces forages n’ont rencontré aucune fracture traversant la couche.

La méthode de tomographie a été mise en œuvre dans le laboratoire souterrain afin de caractériser la fracturation autour des galeries expérimentales ; aucune structure naturelle de type micro-fracture entre les galeries du laboratoire n’a été observée.

La couche du Callovo-Oxfordien présente une variation litho-stratigraphique verticale, avec au toit un facies plus carbonaté et ailleurs, notamment à la profondeur où serait implanté Cigéo, un facies argileux. Les forages et les interprétations des données sismiques ont montré que l’on retrouve cette organisation de facies aux échelles de la ZIRA et de la zone de transposition. Les mesures des paramètres de transfert des solutés en verticale et en latéral montrent leur faible variation soulignant le caractère globalement homogène de la couche du point de vue des propriétés de transfert.

Concernant le potentiel géothermique du site :

L’Andra n’a jamais nié le potentiel géothermique du site étudié. Comme partout ailleurs en France, la géothermie dite de surface (qui permet d’alimenter des maisons individuelles et des immeubles collectifs ou tertiaires via des pompes à chaleur) est réalisable localement. L’exploitation de ces ressources en surface ne serait d’ailleurs pas incompatible avec Cigéo, même au droit des installations souterraines de Cigéo, qui seraient situées à 500 mètres de profondeur.

Les études et les conclusions de l’Andra portent sur le potentiel géothermique profond du site mesuré grâce à un forage à 2000 mètres de profondeur dans les grès du Trias (Forage EST 433, Montiers-sur-Saulx) réalisé lors d’une campagne de reconnaissance menée en 2007-2008. Les caractéristiques habituellement recherchées pour déterminer s’il existe un potentiel géothermique (salinité, température et productivité) ont été mesurées. Il en ressort que le sous-sol dans la zone étudiée pour l’implantation de Cigéo ne présente pas un caractère exceptionnel en tant que ressource potentielle pour une exploitation géothermique profonde. Dans son rapport n°4 de juin 2010, la CNE aboutit aux mêmes conclusions : « Le trias de la région de Bure ne représente pas une ressource géothermique potentielle attractive dans les conditions technologiques et économiques actuelles. »

Par ailleurs, même si le sous-sol de Bure ne présente aucun caractère exceptionnel, il est tout à fait possible de réaliser des projets de géothermie profonde dans la région en dehors de l’installation souterraine de Cigéo (qui serait implantée à l’intérieur d’une zone de 30 km²). Par précaution, l’Andra a tout de même envisagé que l’on puisse exploiter le sous-sol au niveau du stockage et qu’une intrusion puisse avoir lieu. Les analyses ont montré que même dans ce cas, le stockage conserverait de bonnes capacités de confinement. Comme dans le dossier 2005, l’Andra présentera dans le dossier de demande d’autorisation de création de tels scénarios d’intrusion, incluant des doublets de forage comme ceux pratiqués pour l’exploitation de la géothermie.

Concernant la fiabilité des études :

Les recherches menées depuis 1994 sur le site étudié en Meuse/Haute-Marne ont permis aux scientifiques de reconstituer de manière détaillée son histoire géologique, depuis plus de 150 millions d’années. Le site étudié se situe dans la partie Est du bassin de Paris qui constitue un domaine géologiquement simple, avec une succession de couches de calcaires, de marnes et de roches argileuses qui se sont déposées dans d’anciens océans. Les couches de terrain ont une géométrie simple et régulière. Cette zone géologique est stable et caractérisée par une très faible sismicité. La couche argileuse étudiée pour l’implantation éventuelle du stockage, qui s’est déposée il y a environ 155 millions d’années, est homogène sur une grande surface et son épaisseur est importante (plus de 130 mètres).

Aucune faille affectant cette couche n’a été mise en évidence sur la zone étudiée.

Cette analyse s’appuie sur des investigations géologiques approfondies : plus de 40 forages profonds ont été réalisés, complétés par l’analyse de plus de 300 kilomètres de géophysique 2D et de 35 km² de géophysique 3D. Environ 50 000 échantillons de roche ont été prélevés.

La roche argileuse a une perméabilité très faible, ce qui limite fortement les circulations d’eau à travers la couche et s’oppose au transport éventuel des radionucléides par convection (c’est-à-dire par l’entraînement de l’eau en mouvement). Cette très faible perméabilité s’explique par la nature argileuse, la finesse et le très petit rayon des pores de la roche (inférieur à 1/10 de micron). L’observation de la distribution dans la couche d’argile des éléments les plus mobiles comme le chlore ou l’hélium confirme qu’ils se déplacent majoritairement par diffusion et non par convection. Cette « expérimentation », à l’œuvre depuis des millions d’années, confirme que le transport des éléments chimiques se fait très lentement (plusieurs centaines de milliers d’années pour traverser la couche). Les études menées par l’Andra ont montré que l’impact du stockage serait nettement inférieur à celui de la radioactivité naturelle à l’échelle du million d’années.

L’ensemble de ces travaux font l’objet de publications dans des revues à comités de lecture (50 à 70 publications scientifiques internationales par an depuis 10 ans) et sont évalués par des instances indépendantes, en particulier la Commission nationale d’évaluation, mise en place par le Parlement, et l’Autorité de sûreté nucléaire qui s’appuie sur l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. Les grands dossiers scientifiques et techniques que l’Andra remet dans le cadre de la loi font l’objet, à la demande de l’Etat, de revues internationales sous l’égide de l’Agence pour l’énergie nucléaire de l’OCDE. L’Andra a également été évaluée en 2012 par l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES). Enfin, des expertises sont régulièrement commandées par le Comité local d’information et de suivi du Laboratoire souterrain sur les grands dossiers de l’Andra ou sur des sujets plus ciblés.

Dans son cahier d’acteur (n°150), l’association SGF (Société Géologique de France), qui réunit 1 400 membres issus des milieux académiques et professionnels, a souhaité apporter son éclairage au débat public, suite à une consultation de ses membres. Elle considère ainsi que, dans l’état des connaissances scientifiques actuelles, l’option du stockage géologique profond réversible de déchets radioactifs de haute activité et de moyenne activité à vie longue est, sur le plan technique, le moyen le plus sûr et le mieux adapté pour gérer ces éléments. Elle souligne la nécessité de mettre en place une surveillance géologique du site à une large échelle, de poursuivre des programmes de recherche, enrichis par les observations du suivi, pour réduire sans cesse les incertitudes et minimiser les risques et de pérenniser des filières de formation permettant d’accéder aux compétences nécessaires à la sûreté du site de stockage et à ses impacts sur l’environnement. 

Concernant les études menés sur les scellements :

Conformément à la demande des évaluateurs, l’Andra met en œuvre un programme d’essais pour apporter les éléments nécessaires à la démonstration de la faisabilité industrielle des scellements. En particulier, l’essai FSS (Full Scale Seal) vise à démontrer d’ici 2015 les modalités de construction d’un noyau à base d’argile gonflante et de massifs d’appui en béton en conditions opérationnelles. La qualité de réalisation de l’ouvrage est contrôlée. Le diamètre utile de l’ouvrage considéré est de 7,60 m environ. Compte tenu des contraintes opérationnelles que représente un ouvrage d’une telle taille, l’essai est réalisé en surface dans une « structure d’accueil » construite à cet effet. Des conditions de température et d’hygrométrie représentatives des conditions du stockage sont maintenues autour de l’essai et les conditions qui seraient induites par la réalisation d’un scellement en souterrain sont appliquées (ventilation et délai de transport du béton notamment) pour que cet essai soit représentatif des conditions de Cigéo. Les interfaces avec le revêtement laissé en place et les argilites dans les zones de dépose du revêtement sont représentées par des simulations d’alternances de portions de revêtement maintenues et déposées et de hors-profils (jusqu’à 1 m de profondeur) avec une surface représentative de la texture de l’argilite. Des massifs de confinement en béton bas pH sont également construits de part et d’autre du noyau avec deux méthodes distinctes (béton coulé et béton projeté). Cet essai fait partie du projet européen DOPAS (Demonstration Of Plugs And Seals) qui réunit quatorze organisations issues de huit pays européens et teste quatre concepts de scellement développés en Finlande, en Suède, en République Tchèque et en France.

 

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