QUESTION 1486 -
Posée par Madeleine CORRE, (PLOURIN-LES-MORLAIX), le 14/01/2014
Questions posées dans le cahier d'acteurs n°134 de Mme Madeleine Corre : Comment croire les concepteurs d'ASSE et de Cigéo quand ils affriment qu'une infiltration d'eau, voire une inondation est impossible? Ce n'est pas parce que argile et sel sont stables depuis des millions d'années qu'il ne peut pas y avoir des mouvements de terrain et des infiltrations d'eau. L'inondation possible, pourquoi aucun processus pour lutter contre l'inondation, et pour y remédier n'est prévu? Le coffre fort de sel d'ASSE devait être étanche pour des milliers de siècles. Or, il y a eu infiltrations de 12.000 litres/par jour au bout de 15 années. Qu'en sera t-il à Bure où le stockage est pris en sandwich entre deux immenses réservoirs d'eau? Il y a obligation de garantie pour le futur. Comment les ingénieurs peuvent-ils certifier que leurs recherches aboutiront à coup sûr, alors que rien ne permet de le garantir? Sans vouloir comparer la vitesse de migration des radionucléides dans le sel et dans l'argilite, donc le nombre d'années au bout desquelles la radioactivités atteindra la biosphère, se pose le problème des normes d'acceptabilité pour la santé. Quelles seront les normes dans 100.000 ans? Chacun sait qu'au vu des effets négatifs réguilièrement découverts de la radioactivité, ces normes (seuils) ont régulièrement été abaissées tout au long de ces dernières décennies. Et si dans 100.000 ans elles etaient abaissées au point de rendre inacceptable les résultats de la modélisation de l'Andra? Si un sérieuse arrivée d'eau devait se produire à Bure : Que ferait-on? Qui fabriquerait les robots, qui devront savoir nager pour aller rechercher des colos? Qui paierait? Qui serait responsable? Pourquoi ne pas reconnaître qu'à ASSE, ou bien on a menti, ou bien on s'est trompé? Et la question est transposable pour Bure. Alors, menti ou trompé? Les deux, lorsqu'on apprend que l'Andra est partie prenante dans le projet ASSE!
Réponse du 13/02/2014,
Réponse apportée par l'Andra, maître d'ouvrage :
En aucun cas la mine de Asse en Allemagne ne peut être comparée au projet Cigéo. Le stockage à Asse a été réalisé au titre du droit minier et non des réglementations de la sûreté nucléaire telles qu’elles existent aujourd’hui. Il s’agit d’une ancienne mine de sel qui a été reconvertie en un stockage de déchets radioactifs en 1967. Lors du creusement de la mine, aucune précaution n’avait été prise pour préserver le confinement assuré par le milieu géologique. Le stockage n’avait pas non plus été conçu au départ pour être réversible. Les difficultés rencontrées aujourd’hui à Asse illustrent pleinement l’importance d’une démarche d’étude scientifique et d’évaluation préalablement à la décision de mettre en œuvre un projet de stockage.
Cigéo ne pourra être autorisé qu'après un long processus d’études et de recherches, initié il y a plus de 20 ans par la loi de 1991. Les phénomènes induits par le creusement du stockage sur la roche argileuse sont étudiés au moyen du Laboratoire souterrain. La réversibilité est prise en compte dès la conception du stockage et des essais ont été réalisés pour confirmer sa faisabilité. Des autorités indépendantes (Commission nationale d’évaluation, Autorité de sûreté nucléaire, Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire…) contrôlent l’avancement du projet à chaque étape. Les acteurs locaux sont impliqués notamment au travers du Comité local d’information et de suivi qui s’appuie également sur des expertises indépendantes.
Si Cigéo est autorisé, il sera construit progressivement. L’Andra propose que des rendez-vous soient programmés régulièrement avec l’ensemble des acteurs (riverains, collectivités, évaluateurs, État…) pour contrôler le déroulement du stockage. Ces rendez-vous seront notamment alimentés par les résultats des réexamens périodiques de sûreté, conduits au moins tous les 10 ans par l’Autorité de sûreté nucléaire, et par la surveillance du stockage. Le premier de ces rendez-vous pourrait avoir lieu cinq ans après le démarrage du centre.
Concernant l’arrivée d’eau dans le stockage
De nombreuses mesures seront prises pour prévenir d’éventuelles arrivées d’eau accidentelles dans Cigéo :
- Protection des puits et de la descenderie contre les intempéries,
- Etanchéification des puits et des descenderies au niveau des couches de roche aquifères traversées au-dessus de la couche d’argilite,
- Systèmes de drainage des eaux issues des couches de roche supérieures peu productives et pompage de ces eaux jusqu’à la surface,
- Protection des canalisation d’eau interne et mécanismes de fermeture automatique en cas de rupture.
Ces dispositions sont largement éprouvées dans l’industrie minière.
Par précaution, des scénarios accidentels d’arrivées d’eau (par exemple suite à la défaillance d’une canalisation ou suite à une panne dans le système de drainage des eaux provenant des couches de roche supérieures) sont pris en compte dans les études de sûreté menées pour Cigéo, au même titre que pour n’importe quelle installation nucléaire. Compte tenu des origines possibles, ce débit sera nécessairement limité (pour mémoire le débit drainé par chacun des puits du Laboratoire souterrain est de l’ordre de 10 m3/jour en moyenne, ou moins, ce qui est très faible par comparaison à certains sites miniers). Un tel évènement resterait très localisé dans le stockage et n’aurait qu’un effet très limité sur l’argile qui sera protégée par les revêtements. En tout état de cause, ce type d’incident ne remettra pas en cause la sûreté du stockage .
Concernant l’évolution des normes
La réglementation impose aux installations nucléaires de ne pas dépasser la norme de 1 mSv par an pour l’impact que pourraient engendrer leurs rejets sur la population. L’Autorité de sûreté nucléaire impose au stockage profond un seuil de 0,25 mSV par an, soit un quart de cette norme réglementaire. Si les normes réglementaires sont susceptibles d’évoluer, la comparaison à l’irradiation d’origine naturelle (2,5 mSv en moyenne en France, soit dix fois plus que la valeur applicable à Cigéo) restera quant à elle toujours pertinente.
La couche d’argile très peu perméable, de plus de 130 mètres d’épaisseur, dans laquelle serait installé le stockage souterrain à 500 mètres de profondeur s’il est autorisé, servira de barrière naturelle pour retenir les radionucléides contenus dans les déchets et freiner leur déplacement. Le stockage permettra ainsi de garantir leur confinement sur de très longues échelles de temps. Seuls quelques-uns de ces radionucléides, les plus mobiles et dont la durée de vie est longue, pourront migrer jusqu’aux limites de la couche argileuse - de manière très étalée dans le temps (plus d’une centaine de milliers d’années) - et atteindre en quantités extrêmement faibles les couches géologiques situées au-dessus et en-dessous de l’argile et dans lesquelles l’eau peut circuler. Dans son évaluation d’impact sur l’homme et l’environnement à long terme, l’Andra suppose que les eaux de ces couches pourraient être captées par forage et utilisées pour des usages du type de ceux qui peuvent être pratiqués aujourd’hui (jardin, boisson, abreuvement des animaux). Les études montrent que même dans ce cas, l’impact du stockage reste inférieur aux normes réglementaires imposées par l’Autorité de sûreté nucléaire et ne présente pas de risque pour la santé.