Réponse du 20/11/2013,
Réponse apportée par l’Andra, maître d’ouvrage :
Effectivement, le stockage profond est aujourd’hui la seule solution robuste pour mettre en sécurité à très long terme les déchets les plus radioactifs. Cette solution est étudiée depuis plus de 20 ans.
Différentes solutions ont été étudiées dans le cadre du programme de recherches institué par la loi de 1991. Les résultats de ces recherches ont été évalués en 2005/2006 et un débat public a été organisé sur la politique nationale de gestion des déchets radioactifs. Sur la base de l’ensemble de ces éléments, le Parlement a fait le choix en 2006 du stockage profond réversible pour mettre en sécurité de manière définitive les déchets les plus radioactifs et ne pas reporter la charge de leur gestion sur les générations futures. Le Parlement a demandé à l’Andra de préparer la mise en œuvre de cette solution.
Le débat public en 2013 est une étape importante pour le projet. L’Andra prendra en compte les recommandations issues du débat pour élaborer le dossier de demande d’autorisation de création de Cigéo. L’instruction de cette demande par les évaluateurs durera plusieurs années et les collectivités territoriales seront saisies pour avis. Une loi devra préciser les conditions de réversibilité du stockage. Une enquête publique sera également organisée. Ce n’est qu’après l’ensemble de ces étapes que le stockage pourra être mis en œuvre. Sa mise en service est prévue en 2025, s’il est autorisé.
Réponse apportée par Bernard Laponche, polytechnicien, docteur ès sciences en physique des réacteurs nucléaires, docteur en économie de l'énergie, membre de l'association Global Chance (www.global-chance.org) :
Les premiers programmes de recherche ne datent que du milieu des années 1990 (programme PACE du CNRS). Un des problèmes rencontrés par ces programmes était qu'ils devaient tenir compte du retraitement (imposé pour des raisons politiques) qui a de fait imposé de ne se préoccuper que des déchets les plus "dangereux". Il était déjà décidé que les déchets de moindre activité ou de durée de vie courte devaient être stockés et surveillés durant 300 à 800 ans.
C'est devant l'impossibilité technique, énergétique et financière que l'on a considéré l'enfouissement comme une "solution". Le résultat aujourd'hui est que lorsqu'un centre de stockage ou d'enfouissement sera saturé, on cherchera à en ouvrir un autre, autre part. Le plus simple serait probablement d'arrêter le nucléaire (qui pose également des risques d’accidents majeurs), a minima le temps de trouver une vraie solution.
Effectivement, aucune solution satisfaisante n’a été jusqu’ici trouvée pour éliminer les déchets radioactifs ni même pour en réduire les risques qu’ils présentent, jusqu’à des centaines de milliers d’années pour certains d’entre eux.
C’est dès l’origine de la découverte de la possibilité d’utiliser l’énergie nucléaire par la fission des noyaux d’uranium 235 que l’impossibilité de traiter la question des déchets aurait dû amener à renoncer à cette technique. Il n’en a rien été. Au contraire : en 1974 déjà, les scientifiques savaient que le problème des déchets nucléaires deviendrait crucial. Mais certains d'entre eux estimaient que "avant que ce problème ne soit crucial, les scientifiques auront trouvé une solution" (Louis Leprince-Ringuet). C'était encore l'époque de la confiance absolue en la science…
Conscients de cette impasse, certains pays qui avaient développé cette utilisation y ont renoncé et notamment deux des quatre principaux pays de l’Union Européenne, l’Italie et l’Allemagne. La position de l’Allemagne a été clairement exposée par Wolfgang Renneberg, directeur général chargé de la sûreté nucléaire au ministère de l’environnement de l’Allemagne, de novembre 1998 à novembre 2009, dans un discours prononcé à Madrid, le 24 Mai 2001 :
« Comme vous le savez tous, le gouvernement de l'Allemagne a décidé d'éliminer progressivement l'utilisation commerciale de l'énergie nucléaire. Je vais préciser quelques-unes des raisons les plus pertinentes qui fondent cette décision.
La décision du gouvernement d’éliminer cette utilisation résulte d'une réévaluation des risques que présente cette technologie. Nous ne disons pas que les centrales électriques en Allemagne ne sont pas sûres au regard des standards internationaux. Cependant, le gouvernement allemand est d'avis que l'ampleur des effets des accidents nucléaires possibles est telle que cette technique ne peut être justifiée, même si la probabilité d'un tel accident est faible.
Une raison supplémentaire est qu’aucune solution pratique au problème de l'élimination finale des déchets hautement radioactifs n'a encore été trouvée. Les déchets radioactifs sont un fardeau pour les générations futures. L’arrêt définitif de la production d’électricité d’origine nucléaire supprime la production de nouveaux déchets.
Une autre raison est que les nombreuses mesures qui sont nécessaires pour réduire les risques d’une utilisation des matériaux fissiles à des fins destructrices au niveau national et international ne peuvent remplir leur fonction de protection, de sûreté et de contrôle que si les pays concernés jouissent de conditions sociales, économiques et politiques stables. La fin de l'utilisation commerciale de l'énergie nucléaire en Allemagne et l'arrêt du retraitement du combustible allemand réduit le stock de matériaux « proliférants ». À cet égard, ce choix contribue à réduire les risques de prolifération. »
Et cela était dit bien avant Fukushima.
La même décision serait possible en France.
A tout le moins, il est en tout cas indispensable de réduire la quantité de déchets radioactifs produits et cela de trois façons complémentaires :
- réduire les consommations d’électricité, notamment pour les usages qui lui sont spécifiques (électroménager, audiovisuel, bureautique et informatique dans les secteurs résidentiel et tertiaire représentent environ la moitié de la consommation totale d’électricité en France) ;
- ne pas exporter d’électricité d’origine nucléaire (actuellement la réduction d’environ dix unités de 900 MW de puissance électrique, dont on garde en France les déchets nucléaires qui en résultent ;
- réduire la production d’origine nucléaire au profit de la production d’origine renouvelable (notamment éolien et photovoltaïque).
De plus, il est indispensable d’arrêter la production de plutonium par le retraitement des combustibles irradiés car c’est une industrie à haut risque et polluante, tant au niveau de l’usine de La Hague que de l’usine Melox de fabrication des combustibles MOX et des transports de plutonium. Sans parler du risque d’extension de la prolifération des armes nucléaires, l’une des raisons de la décision allemande.