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QUESTION 1438 -
Posée par Jean-Pierre LEFEVRE, le 23/12/2013

Questions posées dans le cahier d'acteurs de M. Jean-Pierre LEFEVRE :

Pour quel motif et quelle modalité ces colis seraient-ils récupérés? Qui aura l'autorité pour décider de leur remonter ou non? Quoi qu'il en soit, l'unique perspective proposée par Cigéo est bien un stockage profond destiné à être définitif avec des accès rebouchés. Le coût selon les dires très importants pourrait être compris entre 15 milliards et plus de 100 milliards. Est-ce en fonction de la qualité du processus envisagé de réversibilité? Cette absence de certitude sur son coût n'est-elle pas liée à une imprécision sur les moyens à mettre en oeuvre pour éviter tous risques?

Réponse du 06/02/2014,

Réponse apportée par l’Andra, maître d’ouvrage :

Concernant votre question « Pour quel motif  et quelle modalité ces colis seraient-ils récupérés ? »
 
La réversibilité est une demande sociétale et politique. Elle a émergé progressivement dans le cadre du processus d’études et de recherches mis en place par la loi du 30 décembre 1991, qui envisageait « l’étude des possibilités de stockage réversible ou irréversible dans les formations géologiques profondes ». Lorsqu’il a autorisé la création et l’exploitation du Laboratoire souterrain (décret du 3 août 1999), le gouvernement a demandé à l’Andra d’inscrire dorénavant ses études dans la « logique de réversibilité ». La réversibilité a ensuite été imposée au projet par la loi du 28 juin 2006.  Les conditions de réversibilité seront fixées par une future loi.
 
Les échanges avec les parties prenantes montrent que la demande de réversibilité peut être motivée par différents types de préoccupations, en particulier : contrôler le déroulement du processus de stockage, préserver la possibilité de mettre en œuvre d’autres modes de gestion, conserver une possibilité d’intervention en cas d’évolution anormale, pouvoir récupérer des colis si les déchets qu’ils contiennent devenaient valorisables, ne pas abandonner le site. Ces attentes sont illustrées au travers de différentes questions posées sur le site du débat public.
 
Ces attentes ont conduit l’Andra à proposer une approche de la réversibilité reposant sur des dispositions techniques destinées à faciliter le retrait éventuel de colis et sur un processus décisionnel permettant de piloter le processus de stockage : 
 
1) Contrôler le déroulement du processus de stockage
 
Si Cigéo est autorisé, l’Andra propose que des rendez-vous soient programmés régulièrement pendant une centaine d’années avec l’ensemble des acteurs (riverains, collectivités, évaluateurs, État…) pour contrôler le déroulement du stockage et préparer les étapes suivantes. Le premier de ces rendez-vous pourrait avoir lieu cinq ans après le démarrage du centre. Compte tenu de leur importance, l’Andra propose également que le franchissement des étapes de fermeture du stockage fasse l’objet d’une autorisation spécifique. 
 
2) Préserver la possibilité de mettre en œuvre d’autres modes de gestion
 
De nombreuses solutions pour gérer les déchets radioactifs ont été imaginées depuis 50 ans : les envoyer dans l’espace, au fond des océans ou dans le magma, les entreposer plusieurs centaines d’années en surface ou à faible profondeur, les transmuter… Seul le stockage profond est aujourd’hui reconnu en France et à l’étranger comme une solution robuste pour mettre en sécurité ces déchets à très long terme. Si Cigéo est autorisé, notre génération aura mis à la disposition des générations suivantes une solution opérationnelle pour protéger l’homme et l’environnement sur de très longues durées de la dangerosité de ces déchets.
 
Grâce à la réversibilité, les générations suivantes garderont la possibilité de faire évoluer cette solution. Les rendez-vous proposés par l’Andra seront notamment alimentés par les résultats des recherches qui continueront à être menées sur la gestion des déchets radioactifs et les avancées technologiques. A chaque étape, il sera possible de décider de poursuivre le processus de stockage tel qu’initialement prévu ou de le modifier, par exemple si des solutions alternatives sont identifiées.
 
3) Conserver une possibilité d’intervention en cas d’évolution anormale
 
Les expérimentations menées au Laboratoire souterrain de Meuse/Haute-Marne ont permis de qualifier in situ les propriétés de la roche argileuse, d’étudier les perturbations qui seraient induites par la réalisation d’un stockage (effets du creusement, de la ventilation, de la chaleur apportée par certains déchets…), de mettre au point des méthodes d’observation et de surveillance et de tester les procédés de réalisation qui pourraient être utilisés si Cigéo est mis en œuvre.
 
L’étape suivante sera d’acquérir une expérience complémentaire lors de la réalisation des premiers ouvrages de stockage. Si Cigéo est autorisé, le démarrage de l’exploitation se fera de manière progressive. Des premiers colis de déchets radioactifs pourraient être pris en charge à l’horizon 2025. Dans son avis du 16 mai 2013, l’Autorité de sûreté nucléaire a recommandé une phase de « montée en puissance » progressive de l’exploitation du stockage. L’évolution du stockage sera surveillée tout au long de l’exploitation de Cigéo. Les rendez-vous proposés par l’Andra seront alimentés par les résultats de la surveillance du stockage.
 
La sûreté de l’installation doit être acquise quelle que doit sa réversibilité. Dans la logique de la réversibilité, l’Andra conçoit néanmoins le stockage afin de faciliter la récupération éventuelle de colis de déchets stockés. Les dispositions mises en œuvre par l’Andra prennent en compte le retour d’expérience d’autres installations, en France et à l’étranger. Les colis utilisés pour le stockage des déchets, en béton ou en acier, sont indéformables. Des espaces suffisants sont ménagés entre les colis pour permettre leur retrait. Les tunnels de stockage (alvéoles de stockage) ont un revêtement en béton ou en acier pour éviter les déformations. L’exploitant disposera d’une connaissance précise de l’emplacement de chaque colis et de ses conditions de stockage. Des essais de retrait de colis ont d’ores et déjà été réalisés à l’échelle 1. Des nouveaux tests de retrait seront réalisés dans le stockage avant que la mise en service de Cigéo ne puisse être autorisée, puis pendant toute l’exploitation de Cigéo.
 
4) Pouvoir récupérer des colis si les déchets qu’ils contiennent devenaient valorisables
 
Conformément à la loi du 28 juin 2006, les déchets radioactifs destinés à Cigéo sont des déchets ultimes, c’est-à-dire qui « ne peuvent plus être traités dans les conditions économiques du moment, notamment par extraction de leur part valorisable ou par réduction de leur caractère polluant ou dangereux ». A l’inverse, une matière radioactive est une « substance radioactive pour laquelle une utilisation ultérieure est prévue ou envisagée, le cas échéant après traitement ». Les combustibles usés, qui sont aujourd’hui considérés comme des matières valorisables, ne sont ainsi pas inclus dans l’inventaire du projet Cigéo, même si la faisabilité de leur stockage est étudiée par précaution.
 
Par ailleurs, les déchets radioactifs sont conditionnés par leurs producteurs pour les solidifier ou les immobiliser sous une forme non dispersable. Plusieurs modes de conditionnement sont mis en œuvre suivant la nature des déchets (vitrification, cimentation, bitumage). Ces conditionnements, dont le but est d’améliorer le confinement des déchets, rendent corollairement plus complexes la récupération des éléments radioactifs. Il n’apparaît pas aujourd’hui pertinent de chercher à récupérer les radionucléides contenus dans les déchets une fois conditionnés. Néanmoins, un suivi des éventuels progrès scientifiques et technologiques pourra être réalisé dans le cadre des rendez-vous réguliers proposés par l’Andra. 
 
5) Ne pas abandonner le site
 
Après fermeture, la sûreté du stockage sera assurée de manière passive, c’est-à-dire sans dépendre d’actions humaines. Cela repose notamment sur le choix du milieu géologique, qui sert de barrière naturelle à très long terme, et sur la conception du stockage. Une surveillance sera néanmoins maintenue après la fermeture du stockage aussi longtemps que la société le souhaitera et des actions seront menées pour conserver et transmettre sa mémoire. Le Parlement a d’ores et déjà décidé que seule une loi pourrait autoriser la fermeture définitive du stockage. Cette future loi pourra fixer les conditions dans lesquelles le site restera contrôlé, sa surveillance maintenue et la mémoire conservée.

Concernant votre question « Qui aura l'autorité pour décider de leur remonter ou non? »
 
L’Andra propose que le décret d’autorisation de création de Cigéo couvre des opérations de retrait limité et temporaire de colis de déchets stockés. Ces opérations seront décrites dans le rapport de sûreté et dans les règles générales d’exploitation. L’Andra considère que toute opération notable de retrait de colis de déchets stockés devra faire l’objet d’une autorisation spécifique.
 
Ainsi, dans l’hypothèse d’une évolution de la politique en matière de gestion des déchets radioactifs qui conduirait à envisager une opération de retrait d’un nombre important de colis de déchets, l’Etat demanderait à l’Andra d’étudier l’opération. L’étude devrait comprendre une analyse détriments-bénéfices. L’opération pourrait nécessiter des modifications notables de l’installation, notamment en surface : l’Andra définirait la nature de ces modifications en fonction de la situation de retrait considérée : famille de colis concernée, volumes, dates de retrait, devenir des colis retirés du stockage…
 
Ce type d’opérations nécessiterait ensuite le dépôt d’une demande de modification du décret d’autorisation de création par l’Andra, évaluée par l’Autorité de sûreté nucléaire et soumise à enquête publique. L’autorisation demandée devrait couvrir les opérations envisagées sur Cigéo (opérations de retrait, de reconditionnement éventuel, d’expédition…) et l’ensemble des modifications d’installations à apporter (construction éventuelle d’entreposages, de nouveaux ateliers…). Le dossier support à la demande devrait présenter une démonstration complète et justifiée de la sûreté des opérations projetées.

Concernant vos questions relatives au coût du stockage :

Le but du stockage est de ne pas reporter indéfiniment la charge des déchets radioactifs sur les générations futures. Le coût global du stockage permet la mise en sécurité définitive de tous les déchets français de haute activité et de moyenne activité à vie longue, produits par les installations nucléaires françaises depuis les années 1960 et qui seront produits par les installations nucléaires actuelles jusqu’à leur démantèlement.
 
Pour un nouveau réacteur nucléaire, sur l’ensemble de sa durée de fonctionnement, le coût du stockage des déchets radioactifs est de l’ordre de 1 à 2 % du coût total de la production d’électricité. Au stade des études de faisabilité scientifique et technique, le chiffrage arrêté par l’Etat en 2005 était d’environ 15 milliards d’euros, répartis sur une centaine d’années (coût brut non actualisé). En 2009, l’Andra a réalisé une estimation préliminaire d’environ 35 milliards d’euros, répartis également sur une centaine d’années (coût brut incluant une mise à jour de l’inventaire des déchets et des conditions économiques), avant le lancement des études de conception industrielle. A titre de comparaison, le coût de la gestion des autres déchets en France (déchets ménagers, entreprises, nettoyage des rues) est de l’ordre de 15 milliards d’euros par an.

L’Andra a lancé en 2012 les études de conception industrielle de Cigéo avec l’appui de maîtres d’œuvre spécialisés qui apportent leur retour d’expérience sur d’autres projets industriels (construction de tunnels, d’ateliers nucléaires, d’usines…). L’Etat a demandé à l’Andra de finaliser son nouveau chiffrage d’ici l’été 2014, après prise en compte des suites du débat public et des études d’optimisation en cours. Sur cette base, le ministre chargé de l’énergie pourra arrêter une nouvelle estimation et la rendre publique après avis de l’Autorité de sûreté nucléaire et observations des producteurs de déchets, conformément au processus défini par la loi du 28 juin 2006.

Si Cigéo est autorisé, notre génération aura mis à la disposition des générations suivantes une solution opérationnelle pour protéger l’homme et l’environnement sur de très longues durées de la dangerosité de ces déchets. Grâce à la réversibilité, ces générations garderont la possibilité de faire évoluer cette solution. L’Andra propose un partage équitable entre les générations du financement de la réversibilité :

  • Les générations actuelles provisionnent l’ensemble des coûts nécessaires pour permettre la mise en sécurité définitive des déchets radioactifs produits depuis les années 1960 ainsi que ceux qu’elles produisent. Ces provisions couvrent également les propositions techniques retenues par l’Andra pour assurer la réversibilité de Cigéo pendant le siècle d’exploitation.
  • Si les générations suivantes décidaient de faire évoluer leur politique de gestion des déchets radioactifs, par exemple si elles décidaient de récupérer des déchets stockés, elles en assureraient le financement. La prise en compte de la réversibilité dès la conception du stockage permet de limiter cette charge.

Le cadre législatif et réglementaire qui s’applique à l’Andra, futur exploitant du stockage s’il est autorisé, est très clair et donne la priorité à la sûreté. Outre les limites strictes imposées par les textes, ceux-ci imposent également aux exploitants d’abaisser autant que possible le niveau d’exposition des populations au-delà des limites fixées par la réglementation. L’Andra, comme tous les exploitants, est soumise à ces exigences réglementaires, qui sont de plus complètement cohérentes avec sa mission, qui est de mettre en sécurité les déchets radioactifs, afin de protéger l’homme et l’environnement sur le long terme.

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