Réponse du 05/12/2013,
Réponse apportée par Bernard Laponche, polytechnicien, docteur ès sciences en physique des réacteurs nucléaires, docteur en économie de l'énergie, membre de l'association Global Chance (www.global-chance.org) :
La loi de 2006 a été très souvent citée au cours des premiers débats « video ». Elle constitue en effet la base du projet CIGEO et les « experts indépendants » la connaissent très bien. Elle constitue la « toile de fond » des différents débats. Je pense que dans l’esprit des intervenants du 20 novembre (y compris les « experts non indépendants »), elle est suffisamment connue pour qu’il ne soit pas nécessaire de la rappeler dans chaque séance. Ce fut probablement une erreur de ne pas l’avoir au moins mentionnée, je vous l’accorde.
Cela étant dit, il faut toutefois remarquer que cette loi n’a que timidement mentionné l’entreposage, et encore moins l’entreposage à sec en sub-surface des déchets radioactifs (combustibles irradiés notamment), comme l’exprimait en 2006 dans son « bilan du débat » le président de la CNDP, Yves Mansillon, dont je reproduis ci-dessous les propos :
« En ce qui concerne les déchets à vie longue, l’apport le plus notable du débat public est l’apparition d’une nouvelle stratégie possible.
Pendant une grande partie du débat, se sont confrontés les arguments des partisans du stockage en couche géologique profonde et des partisans de l’entreposage en surface ou sub-surface, ceux qui font confiance à la géologie et ceux qui font confiance à la société, comme le dit le compte-rendu. Puis s’est dégagée l’idée de l’entreposage pérennisé, non plus solution provisoire, fût-elle de longue durée, en attendant le stockage, mais autre solution à long terme ; on a relevé que certains, qui étaient vivement opposés à l’enfouissement, ne s’y déclaraient pas opposés.
Et de là apparaît la possibilité d’une nouvelle stratégie qui n’est apparemment critiquée par personne : celle consistant à prévoir dans la loi de 2006 à la fois la poursuite des expérimentations sur le stockage géologique, qui pour certains devrait constituer à l’avenir la « solution de référence » et sur un prototype à réaliser d’entreposage pérennisé ; cela permettrait, en l’absence de deuxième laboratoire, de recréer la possibilité d’un choix ; on utilise ainsi les délais, qui sont de toute façon indispensables pour être sûr de la faisabilité du stockage, pour se donner encore plus d’éléments d’éclairage de la décision à l’échéance suivante (2020) et pour se donner le temps de mieux prendre en compte les considérations éthiques ».
S’il est parfaitement normal de respecter la loi, il est regrettable que les élus de la République, de leur côté, ne tiennent pas compte des conclusions d’un débat public.
Et il est également regrettable que, quand cela « arrange », la loi ne soit pas respectée par le pouvoir exécutif, ce qui a été le cas pour la première loi sur les déchets radioactifs, celle de 1991, qui demandait que plusieurs laboratoires de recherche soient installés, alors que ce fut seulement le cas pour celui de Bure. La perte de confiance des citoyens sur ce sujet ne date donc pas d’hier... Elle n’a pu que se renforcer avec le passage subreptice d’un laboratoire à un centre de stockage sur le site de Bure, en dépit des déclarations officielles.
Enfin, comme le président de la CPDP l’a plusieurs fois souligné lors des débats video, une nouvelle loi peut modifier et même annuler la précédente si l’on s’aperçoit que l’on a fait fausse route. Je suis convaincu que c’est le cas, qu’il s’agisse du principe même d’enfouissement en profondeur des déchets radioactifs ou du projet CIGEO lui-même.
C’est le mieux que l’on puisse souhaiter au vu de l’inadaptation de la loi de 2006 à la réalité de la situation des déchets et des matières nucléaires dites « valorisables » (combustibles irradiés, notamment les MOX, plutonium, uranium appauvri d’enrichissement et surtout de retraitement, etc.).