QUESTION 442 -
Posée par Raymond CHAUSSIN, le 24/10/2013
Question posée lors du débat contradictoire du 16 octobre 2013 - Risques et Sécurité :
On va donc laisser aux générations futures les fameux colis bitumineux! Alors pourquoi faire toutes ces manipulations dangereuses soit disant pour des raisons éthiques, ne pas laisser aux générations futures la gestion des déchets.
Réponse du 10/12/2013,
Réponse apportée par l’Andra, maître d’ouvrage :
Le procédé de bitumage a été largement utilisé depuis les années 1960 pour conditionner les boues issues du traitement des effluents radioactifs. Ce type de conditionnement avait été retenu car il permet d’immobiliser les substances radioactives et d’empêcher leur dispersion (par exemple en cas de chute de colis de déchets lors d’une opération de manutention), en enrobant ces substances dans une matrice de bitume. Ces déchets sont actuellement entreposés sur les sites de Marcoule (CEA) et de La Hague (Areva NC) dans l’attente d’une filière de stockage. Pour concevoir Cigéo, l’Andra prend bien sûr en compte les risques spécifiques induits par ces déchets qui contiennent des substances inflammables. Le stockage de ces déchets dans Cigéo ne pourra être autorisé par l’Autorité de sûreté nucléaire que si l’Andra démontre qu’elle maîtrise les risques associés à leur stockage.
Réponse apportée par Jean-Claude Zerbib, ancien ingénieur en radioprotection du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) :
Lorsque l’on ouvrage des matières, quelles soient radioactives ou non, l’on produit des déchets sous forme solide et liquide. Dans ce dernier cas, l’entreposage d’effluents ou de boues[1], pose toujours, sur le long terme, des problèmes (corrosions, fuites, contaminations, etc.).
L’idée consistait donc à ramener le déchet liquide sous la forme d’un résidu sec qui sera inséré dans une matrice solide. Le choix de cette matrice s’est porté sur le bitume qui permet, à chaud, d’obtenir un mélange homogène du résidu radioactif (ou d’une boue radioactive) et de la matrice.
Mais le bitume est constitué d’hydrocarbures qui, comme le nom l’indique, sont constitués uniquement d’hydrogène et de carbone. La présence de radionucléides qui émettent des particules alpha de fortes énergies va entraîner des ruptures de liaisons qui unissent l’hydrogène au carbone, constitutifs des molécules d’hydrocarbures.
L’hydrogène ainsi libéré va produire des microbulles qui vont migrer dans la matrice et finir par sortir du conteneur et se répandre dans le lieu de stockage. Un risque physico-chimique survient alors, car au-delà d’une teneur en hydrogène de 4% dans l’air, le mélange peut exploser ou s’enflammer spontanément.
Ce mélange de matières radioactives à du bitume, qui est un combustible inflammable, pose donc un problème qui invite à ne pas poursuivre ce type de conditionnement.
En 2008, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a d’ailleurs interdit le conditionnement de boues de traitement de La Hague (STE2), mais les bitumes déjà conditionnés à Marcoule (7578m3) et à La Hague[2] (75m3 STE2 et 2428m3 de la STE3) sont là, et il faut les prendre en compte comme d’autres déchets conditionnés.
[1] Les boues radioactives résultent de traitement d’effluents radioactifs en vue de leur épuration.
[2] Les stations de traitement des effluents (STE) de Marcoule (STE1) et de La Hague (STE2 et STE3) produisent des boues qui sont entreposées dans des fosses dans l’attente d’un conditionnement. Le traitement par bitumage avait été retenu à Marcoule puis à La Hague, où un total de 10080m3 a été produit. AREVA doit mettre en œuvre une autre technique pour conditionner les boues entreposées. Elles seront séchées et compactées sous forme de pastilles qui seront conditionnées dans des fûts en acier inoxydables. Du sable sera rajouté pour combler les vides interstitiels.