Réponse du 09/01/2014,
Réponse apportée par l’Andra, maître d’ouvrage :
La réversibilité est une demande sociale et politique. Elle a émergé progressivement dans le cadre du processus d’études et de recherches mis en place par la loi du 30 décembre 1991, qui envisageait « l’étude des possibilités de stockage réversible ou irréversible dans les formations géologiques profondes ». Lorsqu’il a autorisé la création et l’exploitation du Laboratoire souterrain (décret du 3 août 1999), le gouvernement a demandé à l’Andra d’inscrire dorénavant ses études dans la « logique de réversibilité ». La réversibilité a ensuite été imposée au projet par la loi du 28 juin 2006. Les conditions de réversibilité seront fixées par une future loi.
Les échanges avec les parties prenantes montrent que la demande de réversibilité peut être motivée par différents types de préoccupations, en particulier : contrôler le déroulement du processus de stockage, préserver la possibilité de mettre en œuvre d’autres modes de gestion, conserver une possibilité d’intervention en cas d’évolution anormale, pouvoir récupérer des colis si les déchets qu’ils contiennent devenaient valorisables, ne pas abandonner le site. Ces attentes sont illustrées au travers de différentes questions posées sur le site du débat public.
Ces attentes ont conduit l’Andra à proposer une approche de la réversibilité reposant sur des dispositions techniques destinées à faciliter le retrait éventuel de colis et sur un processus décisionnel permettant de piloter le processus de stockage :
1) Contrôler le déroulement du processus de stockage
Si Cigéo est autorisé, l’Andra propose que des rendez-vous soient programmés régulièrement pendant une centaine d’années avec l’ensemble des acteurs (riverains, collectivités, évaluateurs, État…) pour contrôler le déroulement du stockage et préparer les étapes suivantes. Le premier de ces rendez-vous pourrait avoir lieu cinq ans après le démarrage du centre. Compte tenu de leur importance, l’Andra propose également que le franchissement des étapes de fermeture du stockage fasse l’objet d’une autorisation spécifique.
2) Préserver la possibilité de mettre en œuvre d’autres modes de gestion
De nombreuses solutions pour gérer les déchets radioactifs ont été imaginées depuis 50 ans : les envoyer dans l’espace, au fond des océans ou dans le magma, les entreposer plusieurs centaines d’années en surface ou à faible profondeur, les transmuter… Seul le stockage profond est aujourd’hui reconnu en France et à l’étranger comme une solution robuste pour mettre en sécurité ces déchets à très long terme. Si Cigéo est autorisé, notre génération aura mis à la disposition des générations suivantes une solution opérationnelle pour protéger l’homme et l’environnement sur de très longues durées de la dangerosité de ces déchets.
Grâce à la réversibilité, les générations suivantes garderont la possibilité de faire évoluer cette solution. Les rendez-vous proposés par l’Andra seront notamment alimentés par les résultats des recherches qui continueront à être menées sur la gestion des déchets radioactifs et les avancées technologiques. A chaque étape, il sera possible de décider de poursuivre le processus de stockage tel qu’initialement prévu ou de le modifier, par exemple si des solutions alternatives sont identifiées.
3) Conserver une possibilité d’intervention en cas d’évolution anormale
Les expérimentations menées au Laboratoire souterrain de Meuse/Haute-Marne ont permis de qualifier in situ les propriétés de la roche argileuse, d’étudier les perturbations qui seraient induites par la réalisation d’un stockage (effets du creusement, de la ventilation, de la chaleur apportée par certains déchets…), de mettre au point des méthodes d’observation et de surveillance et de tester les procédés de réalisation qui pourraient être utilisés si Cigéo est mis en œuvre.
L’étape suivante sera d’acquérir une expérience complémentaire lors de la réalisation des premiers ouvrages de stockage. Si Cigéo est autorisé, le démarrage de l’exploitation se fera de manière progressive. Des premiers colis de déchets radioactifs pourraient être pris en charge à l’horizon 2025. Dans son avis du 16 mai 2013, l’Autorité de sûreté nucléaire a recommandé une phase de « montée en puissance » progressive de l’exploitation du stockage. L’évolution du stockage sera surveillée tout au long de l’exploitation de Cigéo. Les rendez-vous proposés par l’Andra seront alimentés par les résultats de la surveillance du stockage.
La sûreté de l’installation doit être acquise quelle que soit sa réversibilité. Dans la logique de la réversibilité, l’Andra conçoit néanmoins le stockage afin de faciliter la récupération éventuelle de colis de déchets stockés. Les dispositions mises en œuvre par l’Andra prennent en compte le retour d’expérience d’autres installations, en France et à l’étranger. Les colis utilisés pour le stockage des déchets, en béton ou en acier, sont indéformables. Des espaces suffisants sont ménagés entre les colis pour permettre leur retrait. Les tunnels de stockage (alvéoles de stockage) ont un revêtement en béton ou en acier pour éviter les déformations. L’exploitant disposera d’une connaissance précise de l’emplacement de chaque colis et de ses conditions de stockage. Des essais de retrait de colis ont d’ores et déjà été réalisés à l’échelle 1. Des nouveaux tests de retrait seront réalisés dans le stockage avant que la mise en service de Cigéo ne puisse être autorisée, puis pendant toute l’exploitation de Cigéo.
4) Pouvoir récupérer des colis si les déchets qu’ils contiennent devenaient valorisables
Conformément à la loi du 28 juin 2006, les déchets radioactifs destinés à Cigéo sont des déchets ultimes, c’est-à-dire qui « ne peuvent plus être traités dans les conditions économiques du moment, notamment par extraction de leur part valorisable ou par réduction de leur caractère polluant ou dangereux ». A l’inverse, une matière radioactive est une « substance radioactive pour laquelle une utilisation ultérieure est prévue ou envisagée, le cas échéant après traitement ». Les combustibles usés, qui sont aujourd’hui considérés comme des matières valorisables, ne sont ainsi pas inclus dans l’inventaire du projet Cigéo, même si la faisabilité de leur stockage est étudiée par précaution.
Par ailleurs, les déchets radioactifs sont conditionnés par leurs producteurs pour les solidifier ou les immobiliser sous une forme non dispersable. Plusieurs modes de conditionnement sont mis en œuvre suivant la nature des déchets (vitrification, cimentation, bitumage). Ces conditionnements, dont le but est d’améliorer le confinement des déchets, rendent corollairement plus complexes la récupération des éléments radioactifs. Il n’apparaît pas aujourd’hui pertinent de chercher à récupérer les radionucléides contenus dans les déchets une fois conditionnés. Néanmoins, un suivi des éventuels progrès scientifiques et technologiques pourra être réalisé dans le cadre des rendez-vous réguliers proposés par l’Andra.
5) Ne pas abandonner le site
Après fermeture, la sûreté du stockage sera assurée de manière passive, c’est-à-dire sans dépendre d’actions humaines. Cela repose notamment sur le choix du milieu géologique, qui sert de barrière naturelle à très long terme, et sur la conception du stockage. Une surveillance sera néanmoins maintenue après la fermeture du stockage aussi longtemps que la société le souhaitera et des actions seront menées pour conserver et transmettre sa mémoire. Le Parlement a d’ores et déjà décidé que seule une loi pourrait autoriser la fermeture définitive du stockage. Cette future loi pourra fixer les conditions dans lesquelles le site restera contrôlé, sa surveillance maintenue et la mémoire conservée.
Plusieurs moyens pourront être mis en œuvre pour continuer de surveiller l’installation souterraine et l’environnement après fermeture. Les pistes à l’étude sont par exemple des forages depuis la surface jusqu’à l’Oxfordien calcaire situé au-dessus de la couche argileuse du Callovo-Oxfordien, des moyens géophysiques et des instruments laissés en place dans l’installation souterraine lors de sa fermeture.
La mémoire du stockage sera transmise aux générations futures pour les informer de l’existence et du contenu de l’installation. Des solutions d’archivage de long terme existent pour les centres de stockage de surface exploités par l’Andra et font l’objet de revues périodiques. Le retour d’expérience montre que ces solutions paraissent robustes pour au moins les 500 premières années. Ainsi, pour Cigéo, l’Andra prévoit qu’un centre de la mémoire perdurera sur le site. Il pourra accueillir le public et comprendra notamment les archives du Centre. De manière générale, le maintien de la mémoire doit aussi impliquer les acteurs locaux, qui peuvent prendre le relai en cas de défaillance de l’Andra ou de l’État. L’Andra veille d’ores et déjà à les informer sur les enjeux associés à la mémoire et étudie avec des anthropologues, des philosophes ou encore des artistes les facteurs qui peuvent favoriser la transmission de la mémoire. L’Andra a lancé en 2010 un programme d’études pour proposer des outils qui rendent cette transmission plus robuste sur une échelle de temps millénaire. Des pistes se dessinent tels des marqueurs de surface, mais aussi des rendez-vous réguliers à mettre en place au niveau des populations locales. En tout état de cause, comme il est impossible de garantir notre capacité à communiquer avec des êtres vivant dans plusieurs milliers d’années, c’est chaque génération qui aura la responsabilité de contribuer à transmettre cette mémoire aux générations suivantes.
Les propositions de l’Andra relatives à la réversibilité sont présentées sur le site du débat public http://www.debatpublic-cigeo.org/informer/les-etudes-preparatoires.html.