Réponse du 18/12/2013,
Réponse apportée par l’Andra, maître d’ouvrage :
L’article L. 542-1-2 du code de l’environnement définit les termes « stockage » et « entreposage » :
- « Le stockage de déchets radioactifs est l’opération consistant à placer ces substances dans une installation spécialement aménagée pour les conserver de façon potentiellement définitive dans le respect des principes énoncés à l’article L. 542-1 » [protection de la santé des personnes, de la sécurité et de l’environnement].
- « L’entreposage de matières ou de déchets radioactifs est l’opération consistant à placer ces substances à titre temporaire dans une installation spécialement aménagée en surface ou en faible profondeur à cet effet, dans l’attente de les récupérer ».
En aucun cas les déchets les plus radioactifs ne pourraient être stockés définitivement en surface ou en sub-surface à faible profondeur. En effet, les conséquences radiologiques sur l’homme et l’environnement à long terme ne seraient pas acceptables. Un stockage en sub-surface n’est donc pas une solution pour gérer de manière définitive les déchets les plus radioactifs, contrairement au stockage à 500 mètres de profondeur étudié par l’Andra dans une couche d’argile capable de confiner la radioactivité sur le très long terme.
Des études ont également été menées sur l’entreposage de longue durée en subsurface. Dans le cadre du programme de recherches mis en place par la loi du 30 décembre 1991, le CEA a ainsi étudié des concepts d’entrepôts en surface et en sub-surface dont la durée de vie irait jusqu’à 300 ans. Dans son avis du 1er février 2006, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) estime toutefois qu’il ne serait pas raisonnable de retenir comme solution de référence la solution consistant à renouveler plusieurs fois un entreposage de longue durée, car elle suppose le maintien d’un contrôle de la part de la société et la reprise des déchets par les générations futures, ce qui semble difficile à garantir sur des périodes de plusieurs centaines d’années. Dans ces conditions, l’ASN considère que l’entreposage de longue durée ne peut pas constituer une solution définitive pour la gestion des déchets radioactifs de haute activité à vie longue. L’avis de l’ASN est consultable sur le site du débat public : http://www.debatpublic-cigeo.org/docs/docs-complementaires/docs-avis-autorites-controle-evaluations/01-02-06-recherche-gestion-dechets-havl.pdf
L’Andra a publié en 2012 un bilan des études et recherches qu’elle a menées sur l’entreposage pour les déchets radioactifs de haute activité et de moyenne activité à vie longue. L’Andra a étudié des solutions d’entreposage en sub-surface (voir le chapitre 6 du bilan). Du point de vue de la robustesse, la possibilité pour des ouvrages souterrains d’offrir une grande résistance à une agression externe (chute d’avion en particulier) ne compense pas nécessairement un fonctionnement moins passif et une plus grande complexité des systèmes de refroidissement. De plus, il est possible d’assurer une protection efficace vis-à-vis du risque de chute d’avion au moyen du génie civil d’un entrepôt en surface. En Allemagne, la majorité des entrepôts renforcés vis-à-vis des agressions externes adoptent ainsi une implantation en surface. La comparaison entre installations en surface et installations réalisées en souterrain fait ainsi apparaître une plus grande complexité des secondes, sans contrepartie notable en matière de robustesse : difficulté accrue de mise en place d’une convection naturelle pour la ventilation, nécessité de protection de l’entrepôt vis-à-vis de l’eau souterraine, augmentation du nombre de ruptures de charges pour les manutentions... Ce diagnostic spécifique à des installations d’entreposage visant à des fonctions comparables ne s’applique pas à la comparaison entre une installation d’entreposage en surface et une installation de stockage en profondeur : si la première est effectivement plus simple et de moindre coût, elle ne permet de gérer les colis de déchets de manière sûre que sur une durée d’un siècle au plus, alors que la seconde apporte une solution qui peut devenir définitive, tout en laissant aux générations suivantes la possibilité de faire évoluer pendant au moins 100 ans cette solution si elles le souhaitent, grâce à la réversibilité. Le bilan des études et recherches menées par l’Andra sur l’entreposage est consultable sur le site du débat public : http://www.debatpublic-cigeo.org/docs/decisions/Rapport-2012-Andra-entreposage.pdf
Réponse apportée par Bernard Laponche, polytechnicien, docteur ès sciences en physique des réacteurs nucléaires, docteur en économie de l'énergie, membre de l'association Global Chance (www.global-chance.org) :
Il y a dans la dénomination « stockage à sec en sub-surface » deux composantes : l’entreposage à sec qui est une technique et la sub-surface qui est un contenant.
L’entreposage à sec existe déjà en France pour plusieurs types de déchets :
- Les verres produits à La Hague qui contiennent les produits de fission et les actinides mineurs (éléments plus lourds que l’uranium, hors plutonium) qui sont issus des combustibles usés provenant des réacteurs et séparés par le retraitement : ils sont entreposés à La Hague dans des silos verticaux et, comme ils sont très chauds, ils sont refroidis par une ventilation naturelle forte et une ventilation forcée. Ce sont des déchets HA-VL (haute activité, vie longue).
- Le plutonium issu lui aussi du retraitement et non utilisé pour faire des combustibles MOX (un stock de 56 tonnes environ à La Hague fin 2012, dont 18,2t issues de combustibles usés d’origine étrangère) est lui aussi entreposé à sec « sur les étagères » à La Hague (le plutonium est très dangereux en cas d’inhalation ou d’ingestion mais émet peu de rayonnement gamma et n’a pas besoin d’être refroidi) .
- Les déchets MA-VL (moyenne activité, vie longue) et notamment les déchets en conteneurs de bitume sont entreposés à La Hague dans des hangars ventilés, sans autre protection.
Mais le plus intéressant est que, en Allemagne et surtout aux Etats-Unis, les combustibles usés (ou combustibles irradiés) qui sont considérés comme des déchets puisqu’ils ne sont pas retraités comme en France (qui est pratiquement le seul pays à le faire à grande échelle), ont développé et développent des entreposages de longue durée sur le site même des centrales nucléaires (ce qui évite les transports), à sec, pour les combustibles usés, après un séjour d’environ cinq ans dans les piscines de refroidissement situées auprès des réacteurs nucléaires. Les assemblages de combustibles sont placés chacun dans des conteneurs métalliques de type « Castor » (ceux utilisés pour le transport des assemblages pour retraitement à La Hague) ou dans des conteneurs en béton.
Aux Etats-Unis, la centrale de Surry (deux réacteurs de 840 MW de puissance électrique chacun, à uranium enrichi et eau sous pression, du même type que les 58 réacteurs des centrales nucléaires françaises) est la première centrale à avoir adopté le stockage à sec pour ses combustibles usés.
Source : Franck Von Hippel (International Panel on Fissile Material,
Quant à la « sub-surface », il s'agit de stocker les combustibles irradiés des centrales sans aucun retraitement dans des galeries creusées à faible profondeur, on dans le flanc de montagnes granitiques. De la sorte, on facilite la surveillance, et on garantit la possibilité d'extraire ces combustibles dans le cas d'une solution technique. C'est la solution préconisée (avec quelques variantes) par la plupart des pays nucléarisés.
Cette méthode peut s’appliquer également aux conteneurs (bien conditionnés) des déchets MA-VL existants, sachant que le meilleur entreposage de longue durée des verres HA existants est actuellement celui de La Hague.