Réponse du 18/11/2013,
Réponse apportée par l’Andra, maître d’ouvrage :
Aujourd’hui, 90 % du volume des déchets radioactifs produits chaque année en France dispose d’une solution de stockage opérationnelle. Il s’agit de déchets radioactifs de très faible activité ou de faible et moyenne activité à vie courte qui peuvent être pris en charge dans les centres de stockage de surface exploités par l’Andra. Ce système industriel reste à compléter pour les autres catégories de déchets radioactifs : ceux de faible activité à vie longue (FA-VL) pour lesquels l'Andra étudie des solutions de gestion et ceux de moyenne activité à vie longue (MA-VL) et de haute activité (HA), qui pourraient être accueillis dans Cigéo (projet de stockage géologique profond), s’il est autorisé.
A ce jour, environ 43 000 m3 de déchets HA et MA-VL ont déjà été produits, depuis une cinquantaine d’années. Dans l’attente d’une solution de gestion à long terme, ils sont provisoirement entreposés dans des bâtiments sur leur site de production, notamment à La Hague (Manche), Marcoule (Gard) et Cadarache (Bouches-du-Rhône) et, pour un volume limité, à Valduc (Côte d’Or). Ces bâtiments sont sûrs mais ne sont pas conçus pour confiner la radioactivité sur de longues échelles de temps. Le projet Cigéo vise en premier lieu à proposer une solution pour mettre en sécurité de manière définitive ces déchets, qui sont déjà produits.
D’autres déchets HA et MAVL seront inévitablement produits par le parc électronucléaire actuel dans les années à venir, quels que soient les choix énergétiques futurs. Cigéo, s’il est autorisé, permettra également de prendre en charge ces déchets « engagés ».
Réponse apportée par Bernard Laponche, polytechnicien, docteur ès sciences en physique des réacteurs nucléaires, docteur en économie de l'énergie, membre de l'association Global Chance (www.global-chance.org) :
Il y a effectivement une grande quantité et une grande variété de déchets déjà produits. Pour s’en tenir à ceux résultant de la production d’électricité à partie de la chaleur produite dans les réacteurs nucléaires, on trouve d’abord les combustibles irradiés qui sont entreposés dans les piscines voisines des réacteurs, puis dans la grande piscine de La Hague, en attente du retraitement (production de plutonium, séparation de l’uranium restant, dit uranium appauvri de retraitement, produits de fission et actinides autres que le plutonium). Le retraitement des combustibles irradiés qui permet cette séparation des composants des combustibles irradiés engendre de nouvelles catégories de déchets (tout en réduisant la quantité de combustibles irradiés) : les verres qui renferment les produits de fission et les actinides hors plutonium et sont entreposés pour plusieurs dizaines d’années à La Hague, des déchets liés aux opérations de retraitement (gaines des combustibles, boues de traitement des effluents, équipements usés radioactifs, etc.), du plutonium non réutilisé dans les combustibles MOX (environ 90 tonnes à La Hague dont une trentaine issus de combustibles irradiés étrangers). Il faut également noter que le retraitement ne s’applique qu’aux combustibles à uranium naturel enrichi, tandis que les combustibles MOX ne sont pas retraités et restent stockés dans les piscines de La Hague. Il faut ajouter à cette liste déjà longue les résidus des mines d’uranium exploitées en France dans le passé, l’uranium issu du retraitement des combustibles irradiés (24000 tonnes fin 2010), l’uranium appauvri issu de l’enrichissement de l’uranium naturel (271000 tonnes accumulées fin 2010), les déchets des usines de fabrication des combustibles (notamment du combustible MOX). Soulignons par ailleurs que l’utilisation du plutonium dans les combustibles MOX ne diminue la quantité de plutonium (entre combustible neuf et combustible irradié) que de 20% environ et que les combustibles MOX irradiés, outre le fait qu’il ne peuvent pas être retraités à de forts tonnages dans les conditions actuelles, sont beaucoup plus chauds et radiotoxiques que les combustibles irradiés issus de combustibles à uranium enrichi.
Pour les déchets de faible activité (qui proviennent actuellement surtout des usines de retraitement et des centrales nucléaires mais auxquels il faudra ajouter beaucoup de déchets provenant du démantèlement des réacteurs nucléaires lorsqu’ils seront arrêtés, il existe actuellement trois centres de stockage en surface gérés par l’Andra à Soulaine, Morvilliers et La Hague (centre de stockage de la Manche).
Ces différents stockages et entreposages ne sont pas sans poser des problèmes (notamment pour le centre de La Manche mais la situation la plus à risque se présente pour l’entreposage des combustibles irradiés (en particulier MOX) dans les piscines des centrales nucléaires et surtout celle de La Hague qui contient environ l’équivalent de cent chargements complets d’un réacteur de puissance (environ 1000 MW de puissance électrique). En effet, ces piscines ne sont pas sécurisées par rapport à des agressions extérieures naturelles, terroristes ou militaires), situation qui ne peut perdurer et a été soulignée par l’autorité de sûreté.
On a ainsi toute une gamme de déchets, depuis des matières entreposées dont une partie sera retraitée (les combustibles à uranium) jusqu’aux résidus des mines, en passant par toutes les catégories qui se distinguent par leur activité (haute activité HA, moyenne activité MA, faible activité FA) et la durée de vie (on parle de « demie vie » qui est le temps au bout duquel la quantité initiale du produit concerné a été réduite de moitié), celles-ci allant jusqu’à des centaines de milliers d’années pour certains produits.
Les déchets radioactifs prévus pour le stockage dans Cigeo (HAVL, les verres stockés à La Hague, et MAVL , en conteneurs de bitume ou de béton) ne constituent donc qu’une partie minoritaire de l’ensemble des déchets (non seulement en volume mais aussi en radioactivité) actuellement sur le territoire, que ceux-ci soient appelés dans le langage « nucléaire » déchets radioactifs ou matières récupérables (comme le plutonium), en sachant qu’une très grande partie ne sera probablement pas récupérée. Cela s’appliquant évidemment au plutonium qui est présent à la fois « sur les étagères » de La Hague et dans les combustibles MOX irradiés
Ce qui paraît de la première urgence est d’assurer la sécurité des stockages et entreposages actuels, avant de se lancer dans des opérations de stockage en profondeur. Ajoutons pour être complets que la France, qui a choisi le retraitement, ne retraite qu’un millier de tonnes de combustibles irradié par an, alors que nos centrales en "produisent " 1200 tonnes par an. Il y a donc accumulation progressive de combustibles irradiés non retraités qu’il va falloir entreposer dans des conditions de sécurité acceptables.