QUESTION 425 -
Posée par CEDRA, le 23/10/2013
Question posée lors du débat contradictoire du 9 octobre 2013 - Principes de précaution et réversibilité :
Pourquoi abuser l’opinion publique en disant que le stockage souterrain à Bure serait sûr et qu’il serait réversible, alors que les chercheurs indépendants démontrent à présent :
- que la roche (argilite) se déliterait après le creusement des galeries et alvéoles s’il elle était en contact avec de l’eau
- que de l’eau il y en a énormément au-dessus de l’argilite (présence de plusieurs aquifères)
- que cette eau ne demanderait qu’à descendre dans l’énorme gruyère creusé pour un stockage : par les puits, par la descenderie, par les failles anciennes, colmatées mais qui se rouvriraient par les séismes tous proches des Vosges
Sûreté ? Réversibilité ? Et l’Andra, documents à l’appui, a affirmé pendant des années qu’il n’y avait pas d’eau. A quel jeu joue l’Andra, et les organismes qui disent la surveiller ?
Réponse du 17/12/2013,
Réponse apportée par l’Andra, maître d’ouvrage :
Concernant le délitement de l’Argile
Le phénomène de délitement d’un échantillon d’argile placé dans un verre d’eau est connu de tous. Il ne peut être transposé aussi simplement à un massif de roche d’argile de 130 mètres d’épaisseur à 500 mètres de profondeur : la roche argileuse est solide alors qu’elle contient environ 10 % d’eau en masse (18 % en volume). Compte tenu de son volume très important, le massif argileux ne pourrait se déliter en présence de venues d’eau externes que de façon très localisée. Dans Cigéo, les parois des galeries seront recouvertes d’un soutènement en béton qui protège la roche, avec des caniveaux pour drainer les éventuelles venues d’eau vers des points de collecte. La roche sera à nu uniquement au niveau des fronts de creusement.
Concernant la présence d’aquifères
L’Andra a toujours été claire à ce sujet : le projet de stockage Cigéo est prévu d’être implanté dans la couche argileuse du Callovo-Oxfordien, située à une profondeur d’environ 500 m et dont l’épaisseur varie de 140 à 160 m environ sur le site étudié. Au sens de la définition générale d’un aquifère (ou nappe phréatique), il existe trois formations aquifères situées de part et d’autre de la couche du Callovo-Oxfordien :
- en surface, les calcaires du Barrois : d’une épaisseur de quelques dizaines de mètres, il s’agit d’un aquifère généralement de type karts. Cet aquifère est exploité localement pour l’alimentation en eau potable,
- de part et d’autre de la couche du Callovo-Oxfordien, l’Oxfordien carbonaté au-dessus et le Dogger en dessous :
- l’Oxfordien carbonaté d’environ 300 mètres d’épaisseur est à une profondeur de 200 m. L’aquifère est en fait constitué de deux aquifères séparés par des marnes. L’aquifère le plus proche de la couche du Callovo-Oxfordien est située environ de 40 m et 100 m de cette dernière,
- le Dogger a une épaisseur d’environ 300 m. On y distingue aussi deux aquifères séparés par des marnes (marnes de Longwy) d’environ 30 m d’épaisseur : l’un, le Bathonien, est situé en partie supérieure du Dogger, avec une épaisseur moyenne de 100 m environ ; l’autre, le bajocien, est en partie basse. Sur le site, la distance entre la base du Callovo-Oxfordien et le bathonien aquifère varie de 20 m à 40 m environ.
Sur la zone de transposition, les aquifères de l’Oxfordien et du Dogger présentent des caractéristiques hydrogéologiques faibles, parfois désignés sous le nom d’aquitards. Ils ne sont de ce fait exploités qu’en dehors de la zone où pourrait être implanté Cigéo, là où leurs caractéristiques hydrogéologiques sont plus favorables.
Concernant l’arrivée d’eau accidentelle dans Cigéo
De nombreuses mesures seront prises pour prévenir d’éventuelles arrivées d’eau accidentelles dans l’installation souterraine de Cigéo :
- Protection des puits et de la descenderie contre les intempéries,
- Étanchéification des puits et des descenderies au niveau des couches de roche aquifères traversées au-dessus de la couche d’argilite,
- Systèmes de drainage des eaux issues des couches de roche supérieures peu productives et pompage de ces eaux jusqu’à la surface,
- Protection des canalisations d’eau interne et mécanismes de fermeture automatique en cas de rupture.
Ces dispositions sont largement éprouvées dans l’industrie minière.
Par précaution, des scénarios accidentels d’arrivées d’eau (par exemple suite à la défaillance d’une canalisation ou suite à une panne dans le système de drainage des eaux provenant des couches de roche supérieures) sont pris en compte dans les études de sûreté menées pour Cigéo, au même titre que pour n’importe quelle installation nucléaire. Compte tenu des origines possibles, ce débit sera nécessairement limité (pour mémoire le débit drainé par chacun des puits du Laboratoire souterrain est de l’ordre de 10 m3/jour en moyenne, ou moins, ce qui est très faible par comparaison à certains sites miniers). Un tel évènement resterait très localisé dans le stockage et n’aurait qu’un effet très limité sur l’argile qui sera protégée par les revêtements. En tout état de cause, ce type d’incident ne remettra pas en cause la sûreté du stockage.
Réponse apportée par Monique Sené, physicienne nucléaire, chercheuse au CNRS, vice-présidente du comité consultatif de l'ANCCLI :
Le discours ANDRA gomme effectivement les problèmes rencontrés et ceci peut lui être reproché. Il est dommage que l’ANDRA ne prenne pas en compte les incertitudes résultant de ses propres études.
Cependant des questions sont posées par l’ASN et l’IRSN. L’inconvénient est de vouloir continuer à marche forcée sans avoir procéder aux expérimentations : il y a trop de modélisations dans leurs explications et pas assez d’expérimentations pour confirmer les calculs.
Il est certain que l’eau est un problème et l’IRSN a posé des conditions :
« D’une manière générale, l’IRSN considère que l’Andra devra présenter, dans le dossier accompagnant la DAC, les dispositifs de maîtrise des eaux qui seront mis en place au niveau du Barrois dans les puits et dans la descenderie. Pour ce qui concerne les dispositifs d’étanchéité, l’Andra devra préciser leur objectif de performance, les dispositions de contrôle de leur efficacité, ainsi que les conséquences d’un éventuel défaut et les dispositions associées pour y remédier.
Pour ce qui concerne les dispositifs de collecte et d’évacuation des eaux drainées, l’Andra devra justifier, au regard des quantités d’eau susceptibles d’être recueillies, le dimensionnement des capacités de rétention et des débits d’évacuation. En outre, l’Andra devra évaluer, sur la base de premières investigations de terrain, la présence éventuelle de poches karstiques à proximité des liaisons jour-fond et prés »
Pour le moment, il est urgent d’avoir des entreposages de qualité, avec des emballages suffisamment robustes pour pouvoir continuer des recherches et pouvoir mettre les déchets en un lieu permettant de garantir la santé des travailleurs et des riverains. Il est certain qu’une partie des déchets devra attendre près de 50 ans pour avoir suffisamment refroidis pour ne pas dégrader la roche protectrice.