Avis n°227
L'arnaque des résidences de tourisme
le ,Nous voilà divisés, quant au projet de création d'un village touristique à la campagne de plusieurs milliers d'habitants, autrement dit le « Center Parc », sur nos espaces communaux de quelques centaines de résidents. Ce qui arrive à nos campagnes est arrivé aux sites de montagne il y a 30, 40 parfois 50 ans. En montagne ce sont les pentes enneigées qui attirèrent les promoteurs, pour le meilleur et pour le pire diront certains, mais je vais vous parler du pire, car il arrive. L'or blanc de la neige ne retombe pas toujours dans les poches des habitants des villages de montagne sur lesquels les promoteurs ont jeté leur dévolu gourmand. Or de nos jours ce sont nos forêts qui sont l'objet de leur gourmandise. Voici deux exemples à méditer :
Connaissez-vous le village de Villarembert ? Le nom n'est pas connu, c'est un peu le Rousset de la station du Corbier. Dans les années 70 une ville à la montagne a été construite sur son territoire, les terrains ont été acquis à vil prix. Bien sûr les promoteurs ont promis monts et merveilles aux habitants, de l'emploi, etc., etc. Enfin vous connaissez la chanson. A la suite d'élections truquées, Villarembert perdit le contrôle de son territoire au profit du Corbier, la ville touristique implantée par des promoteurs sur son territoire. Quand vous allez skier au Corbier, à la Toussuire, ou aux Sybelles (regroupement de ces stations) ce village que vous traversez sans le voir, sans vous y arrêter, sans rien y acheter, c'est Villarembert. Ah mais, me direz-vous, ils ont eu les emplois. Parlons-en alors : des emplois saisonniers de moindre qualification : en effet 48% sont dans le secteur du nettoyage à 12H/semaine en moyenne pour 370€/mois. Des emplois qui en rien ne ralentirent l'exode des jeunes. Et même, pour être franc, des emplois non qualifiés temporairement attractifs pour des jeunes, des emplois qui ont eu tendance à favoriser une certaine déscolarisation précoce des jeunes tentés d'entrer rapidement dans la vie active pour s'insérer dans un milieu de vie qui les attirait, comme la lampe attire les papillons de nuit… Mais une attractivité qui a son revers et qui s'estompe vite, dès que ces jeunes passent leur 25ème année, car ces emplois ne permettent pas de s'installer dans la vie. C'est alors que l'exode se fait, et dans les pires conditions car ces jeunes adultes partent sans qualification acquise. Par ailleurs, pour ces emplois, les "jeunes du pays" se trouvent en concurrence avec d'autres jeunes venant d'autres horizons, et qui leur sont préférés pour deux raisons : d'abord ils ne sont pas du coin. Hé oui, c'est un avantage, ils n'ont pas de parents ni de connaissances dans le village, ce qui protège l'employeur de pressions. Et deuxième avantage, les jeunes anglais qui viennent faire la saison, eux ils parlent l'anglais. Oui c'est intéressant pour la clientèle... Il faut comprendre les employeurs ! Bref la population de Villarembert qui était de plus de 600 habitants en 1800, 400 en 1900, 274 en 1975, est de 264 en 2011, en comptant les habitants permanents du Corbier. Voyez comme le pays a profité de son or blanc !
Voici un 2ème exemple plus récent. Vous connaissez peut-être Saint-Honoré 1500, ce village était destiné à être l'équivalent du Corbier pour Villarembert. Mais il n'en a pas eu vraiment le temps. Cette ville touristique, construite sur un versant bien ensoleillé, aurait besoin de beaucoup de neige artificielle pour distraire les touristes l'hiver et d'autres équipements pour les distraire en été. Outre que ce n'est pas écologique, évidemment ça coûte cher, trop cher, comme de chauffer une bulle pseudo tropicale à 29°, en plein hiver dans les Monts du Charollais. Du coup une fois que les promoteurs ont eu vendu les appartements aux investisseurs, (des particuliers comme vous et moi qui épargnent sagement pour améliorer leur retraite ou transmettre à leurs enfants), et après avoir versé leur part du gâteau à ceux qui ont coulé le béton en défigurant au passage ce coin de montagne, ils sont allé jouer ailleurs, pour abuser d'autres villageois crédules et d'autres investisseurs naïfs. Ainsi la nouvelle station n'a jamais trouvé son équilibre financier, elle a fini par fermer les remontées mécaniques et il reste des immeubles et des propriétaires d'appartements qui cherchent vainement à s'en débarrasser ; nous ça pourrait être des bungalows en matériaux jetables achetés plus de 250 000€ et qui ne trouveront pas preneurs à 25 000 €, sachant que le terrain lui-même restera propriété de l'investisseur ! Vous pouvez acheter, ce n'est vraiment pas cher. Si ça vous plaît de vivre dans un immeuble aux 3/4 vide en montagne (ou dans quelques années, un « cottage » à rénover au milieu de nulle part), saisissez l'occasion. Je ne vous parle pas des emplois promis, vous connaissez la chanson et elle a fini encore plus rapidement qu'à Villarembert, mais de la même manière : exode des jeunes. J'ajoute, pour faire bonne mesure, qu'il faut tout de même que la commune et le conseil général continuent à financer l'entretien des routes et autres viabilités, ce qui pèse sur le budget des habitants et des contribuables du département.
Alors désespérant me direz-vous ? Non, j'ai encore un exemple, un bon cette fois. Connaissez-vous Bonneval sur Arc ? Sans doute, ici le village porte le nom de sa station touristique. Et elle est aux mains de ses habitants. Oh elle est modeste, ce n'est pas Val d’Isère, ni même le Corbier. Éloigné, souvent coupé du reste du monde par des avalanches l'hiver et bientôt déserté, le village avait pourtant des handicaps certains, mais handicaps qui finalement le préservèrent de la rapacité des promoteurs du plan neige : ce fut sa chance ! Près de 500 habitants en 1800, 350 en 1900, plus que 140 habitants en 1975 et 240 en 2011. Mais 240 habitants qui sont les propriétaires et exploitants des équipements touristiques et qui les gèrent. Vous voyez la différence je pense ? Et du coup des jeunes qui sont restés au pays, voire qui sont revenus s'y installer, font vivre cette station et en vivent, une station qui de plus, ce n'est pas un moindre détail, respecte l'environnement et qui est même sur ce plan exemplaire.
Vous l'avez compris, nous qui possédons sur notre territoire un espace naturel ayant un avenir certain en tant que tel, préservé comme il l'est, contrairement aux usines à tondre le touriste qui sont d'un autre âge, ne nous laissons pas voler cette richesse : Sur le secteur le Rousset-Marizy-La Guiche, avec seulement le 1/10ème des sommes d'argent public promises au promoteur/prédateur qui tente de mettre la main sur l'or vert et bleu que constitue notre forêt, nous pouvons nous-même imaginer et bâtir un projet respectueux de cette forêt et qui soit dans nos mains, qui nous offre des emplois de qualité issus d'une activité de qualité. Informons honnêtement élus et particuliers des enjeux réels, de la poudre aux yeux que constituent ces sous-emplois, informons les jeunes agriculteurs du secteur qui ont agrandi leurs exploitations en faisant disparaître le tissu rural et villageois, complices malgré eux de ce système à broyer les populations et qui sont destinés eux aussi à laisser la place aux groupes financiers initiateurs des « fermes de 1000 vaches » voulues par la grande distribution et le système mondialisé. Réunissons-nous, discutons, invitons des partenaires sérieux, professionnels d'un tourisme doux, et nous trouverons comment faire porter du fruit à notre or vert et bleu. Avec un nouveau projet, ensemble, nous pourrions obtenir, je le répète, ne serait-ce que 10 % des sommes qu'au nom des contribuables l'Etat et les collectivités territoriales, par la défiscalisation (chercher sur Google « l'amendement Cahuzac ») et les aides directes ou indirectes, s’apprêtent à refiler aux actionnaires du promoteur/prédateur qui veut installer dans notre forêt un ersatz des tropiques, stupide et destructeur de la nature.
Belle analyse qui remet en cause l'attrait supposé de l'emploi !
Merci pour cette contribution qui analyse l'impact de la création de tels lieux, en particulier au niveau de l'emploi !