DEBAT AVEC LA SALLE
Question de la salle 6
Thématiques : équipements et infrastructures - phasage
Philippe SAINSARD, Conseiller régional, Administrateur du STIF : Merci Monsieur le Président. Philippe SAINSARD, Conseiller régional et Administrateur du STIF. Monsieur le Président, vous avez, dans votre propos introductif, indiqué que ce débat devait répondre à un certain nombre de questions. J’en ai noté une. Faut-il construire ou non cette infrastructure ? Et à cette question, dans l’état actuel du projet, tel qu’il nous a été présenté, ce soir, je réponds non. Je vous en donnerai 4 raisons pour lesquelles il me semble que ce projet n’est pas adapté actuellement. Je dis bien dans l’état actuel. Ce qui peut supposer une réflexion en particulier menée en commun avec les collectivités territoriales dont je rappelle qu’elles ont en charge l’organisation des transports en Ile-de-France.
Les 4 raisons sont : premièrement, c’est une réponse qui est déconnectée des besoins actuels des Franciliens. Aujourd’hui, pour les Franciliens, cela a été dit par un certain nombre de personnes qui sont intervenues précédemment, ce sont des besoins pour se déplacer et pour améliorer les conditions de transport actuelles. Aujourd’hui, ce projet, c’est la deuxième raison est un projet coûteux dont nous ne connaissons pas aujourd’hui les clés de financement. C’est un projet qui va mobiliser 25 milliards de fonds publics, d’une façon ou d’une autre. Donc, forcément aujourd’hui, dans l’état actuel des finances, que ce soit celles des collectivités ou de l’État, nous aimerions savoir quels sont les modes de financement auxquels vous avez pensé. J’ai bien noté, dans votre réponse tout à l’heure, Monsieur VERON, que les collectivités ne seraient pas appelées à contribuer au financement de ce projet. La troisième réponse : ce sont des réponses inadaptées à l’aménagement régional. Et c’est là une conception différente de la réponse, de la Région Ile-de-France en particulier. Vous avez ciblé 4 ou 5 territoires en Ile-de-France, et pour simplifier, vous organisez une double boucle de métro pour relier ces 4 ou 4 sites, dont vous avez décrété qu’ils seraient les pôles de développement économique de l’Ile-de-France. Or, le développement de l’Ile-de-France ne se résume pas à ces 4 ou 5 pôles, même si les sites visés ont bien sûr toute leur place dans le développement francilien. Enfin, la dernière raison est que ce projet a été bâti de façon isolée, non concertée avec les élus du territoire francilien, et qui nous rappelle la façon dont les projets étaient menés dans les Trente Glorieuses, à un moment où l’État décidait des projets qui étaient bien pour les Franciliens et pour les autres régions (mais nous étions en Ile-de-France), au mépris aujourd’hui des lois de décentralisation, au mépris de la participation des élus franciliens. Voilà les éléments.
Je rappelle que la Région Ile-de-France a effectivement engagé un plan de mobilisation. 19 milliards d’euros, financés par l’État à hauteur de 2 milliards. Vous aviez dit que l’État participait, effectivement, c’est à hauteur de 2 milliards. Dans ce plan de mobilisation, la Seine-et-Marne et le territoire de Melun sont concernés avec les TZen Sénart-Corbeil, Sénart-Melun et l’amélioration de la ligne D. Même si évidemment les projets doivent être encore amplifiés et mobiliser encore des financements supplémentaires.
Je terminerai par deux questions. Vous évoquez une vitesse de 65 km/h. J’aimerais savoir quels sont les matériels et les infrastructures que vous avez imaginés pour atteindre des vitesses commerciales, parce que les gains de temps que vous évoquez reposent sur une vitesse de 65 km/h. Dernière question : vous avez parlé d’un planning qui nous amène à l’horizon 2025. Quel est le phasage ? Quelles vont être les boucles de métro ? Dans quel ordre vont-elles se réaliser et selon quels morcellements ? Je conclus. Je ferai une proposition à Monsieur le Maire de Melun. S’il veut inviter la Région Ile-de-France à venir présenter, dans un cadre, identique, le plan de mobilisation, la Région Ile-de-France répondra positivement.
François LEBLOND, Président de la Commission particulière du débat public sur le projet de réseau de transport public du Grand Paris : Monsieur Veron, on vous a posé beaucoup de questions. Donc si vous voulez bien résumer un peu votre réponse.
Marc VERON, Président du directoire de la Société du Grand Paris : ce qui me rassure, Monsieur le Président, c’est qu’à toutes les réunions, nous avons exactement la même cible de questions. Je ne vais pas me lancer dans une polémique avec Monsieur l’administrateur du STIF. Je voudrais simplement vous dire la chose qui suit. Ce qui est très étonnant, pour un projet qui a été concocté dans un bureau, probablement par des technocrates irresponsables, c’est de voir successivement paraître par l’AFP les communiqués de toute une série de maires qui déclarent être tout à fait favorables au projet. Ils ne sont pas d’ailleurs spécialement d’un bord politique ou d’un autre. Je vais vous donner 2 ou 3 exemples, et je vais vous demander si vraiment vous considérez que c’est absurde.
Quand nous relions, au cœur de la capitale, pas dans les champs de pommes de terre bien sûr, les aéroports de Roissy, d’Orly, du Bourget (qui est le premier aéroport d’affaires en Europe) et que, par là, nous voulons mettre fin à une situation totalement inédite dans toutes les grandes capitales, c’est-à-dire celle d’une non-liaison directe entre l’aéroport et le cœur de la ville, est-ce que cela vous paraît être un projet insensé ? Quand nous prétendons desservir des zones totalement explosives, Clichy, Montfermeil, Sevran (je pourrais continuer d’ailleurs, puisque depuis il y a une intense réflexion sur la zone Sarcelles/Villiers-le-Bel), et que mon Dieu, aujourd’hui je ne vois plus très bien politiquement qui oserait s’opposer à cela sauf à prendre quelques risques, est-ce que vous croyez que c’est un projet qui est totalement invraisemblable ? Lorsque, tenant compte du fait qu’autour d’Orly, désespérément depuis 15 ans, il y a une somme de friches qui n’a absolument aucune chance, jamais, d’être autre chose que des friches, sans investissement d’infrastructures. Je le dis parce que c’est une zone que j’ai particulièrement connue en tant qu’industriel. Est-ce que vous croyez que c’est totalement déraisonnable ? Je pourrais continuer comme cela. Pour tout vous dire, ce que je comprends de votre intervention, c’est que vous auriez probablement aimé que le métro vienne à Melun. Malheureusement, je le dis, c’était au-dessus – vous parlez de coûts exorbitants — des moyens que nous pouvions raisonnablement mobiliser sur un tel projet. Ce qui me navre le plus dans votre question, ce n’est pas qu’elle soit négative par rapport à notre projet. C’est qu’elle rejoigne une tendance de fond hélas, je le crois vraiment et je le dis comme je le crois, qui consiste à dire que jamais le gâteau ne doit croitre et que tout ce qui est proposé ou fait est nécessairement au détriment du reste. Donc, dans une logique où nous raisonnons à budget constant, considérant qu’il n’y a pas de croissance au-delà de celle qui existe aujourd’hui qui permet de rémunérer sur une longue période, nous l’avons vu, très peu des investissements nécessaires (ce point est vraiment une question économique de fond), dès lors que nous sommes dans un raisonnement au-delà de cette tendance sur longue période, d’une croissance molle, nous semblons donner le vertige. Pour cela, je vous invite à regarder ce qui se passe autour de nous, que ce soit en Angleterre, en Allemagne, maintenant en Scandinavie. Dans tous ces pays-là, et la Scandinavie est un bon exemple récent, nous avons rompu avec cette logique totalement incompréhensible qui, encore une fois, consiste à dire que nous sommes à l’intérieur d’un gâteau fermé qui ne peut pas croitre, et que donc nous ne devons surtout désinvestir ici pour investir là. Ce raisonnement économique est malheureusement, je le crains, une impasse.