Questions de la salle 8 – 9 – 10 – 11 - 12
Thématiques : la convergences des différents projets – la modernisation des équipements – le développement économique et social
Ludovic BU : je suis l'un des auteurs d'un livre qui s'appelle « Les transports, la planète et les citoyens », et je travaille sur les questions de mobilité durable depuis maintenant 13 ans. Je suis premièrement assez surpris. C'est la première fois où nous avons un débat avec deux équipes qui s'affrontent un peu comme sur un plateau de télévision, et nous avons l'impression que c'est la course à celui qui a la plus longue ligne de métro. Nous avons une avalanche de chiffres : des milliards d'euros ; des centaines de milliers de passagers ; des dizaines de kilomètres ; des centaines de rames, etc. Et on ne nous parle absolument pas de qui va utiliser ces lignes.
Deuxièmement, c'est comme cela dans toute la France. Je suis intervenu dans un grand nombre de communes en France, dans les débats publics et auprès des collectivités. On nous dit que davantage de transports en commun va désaturer l'existant. -150 000 voitures par jour sur des axes routiers. Le laboratoire d'économie des transports constate par exemple depuis 30 ans que l'on a rajouté du transport, et que l'on a 30 % de déplacements en plus, 30 % de voitures en plus, et 30 % de distance parcourue en plus. Je ne vois pas comment tout d'un coup, grâce à un miracle, ces lignes feraient qu'il y aurait moins de déplacements. Cela va uniquement désaturer quelques lignes pendant deux ou trois ans, qui satureront de nouveaux assez vite plus tard.
Troisièmement, on nous parle de vitesse. Il faut toujours être en train de courir et d'aller loin. Or, tous les chercheurs qui travaillent sur les questions de déplacements disent que depuis 150 ans à peu près, c'est-à-dire depuis que nous avons des statistiques, les gens font entre 45 minutes et une heure de transport. Plus nous allons avoir des lignes qui vont vite d'un point d'une région à l'autre bout de la région, plus les gens pourront habiter loin de là où ils veulent travailler, de là où ils étudient, de là où ils sortent, etc. Cela va donc entraîner encore des déplacements supplémentaires
J’en viens à ma dernière remarque, et à ma question. Qui sont les gens qui utilisent les axes ? Dans un cadre associatif, je travaille avec des gens qui sont exclus, notamment des gens qui sont sur le plateau à Clichy-sous-Bois dont nous avons parlé tout à l'heure, notamment des gens qui habitent à Orly, et qui ont déjà un RER qui va directement à Paris. J'ai rencontré des gens qui ne savent pas prendre les transports en commun. On ne parle jamais de ces gens-là. J'ai rencontré des gens qui ne sont pas forcément en fauteuil roulant ou pas forcément aveugles, mais qui ont de véritables difficultés à se déplacer. Il n'en est également jamais question. Il faut donc peut-être à un moment se poser la question de l'accompagnement, et la question de la lenteur nécessaire pour que ces gens puissent monter dans les trains.
Ma question s’adresse aux deux. On nous a fait un grand débat sur le Grand Paris, avec une grande vision des logements, des quartiers piétons et de la haute qualité environnementale, avec des villes agréables. Et nous nous retrouvons avec un ou deux petits métros. Ne vaudrait-il pas mieux aider les gens à habiter près de là où ils veulent vivre, et donc construire des logements, notamment des logements haute qualité environnementale, des logements basse consommation, afin de faire baisser le prix de l'immobilier pour que les gens n’aient pas besoin de prendre autant le métro pendant une heure pour faire le tour de la région ? Je vous remercie.
Applaudissements
Thierry BOURGOGNE, Président de l'association Orbital : je suis toujours très admiratif devant l’art que les personnes qui défendent les projets ont de dépenser de l'argent qu'ils n'ont pas, pour proposer de mauvaises solutions à des faux problèmes. Je suis absolument ahuri de voir que vous vous projetez dans un futur extrêmement lointain, alors que la situation actuelle a déjà dépassé les limites de l'entendement. Il faudrait de temps en temps un petit peu arrêter de nous faire rêver, afin que nous supportions mieux le présent.
Ensuite, le choix de métro sur pneumatiques présente différents avantages. Il a l'avantage d'être limité en vitesse, en capacité, mais pas en bruit. Comme cela a en outre déjà été dit, sa consommation énergétique est supérieure de 30 %. Il a également l'avantage d'être absolument compatible avec rien du tout. C'est-à-dire que si par hasard dans 50 ans, vous voulez faire passer autre chose que du métro sur pneumatiques, cela sera totalement impossible.
Encore plus fort. Pourquoi aucun des deux projets ne tient-il compte de ce qui a été proposé par les architectes ? Pourquoi aucun des deux projets ne tient-il compte des projets qui sont déjà lancés ? Je pense en particulier à la tangentielle Nord, à l'interconnexion TGV qui, excusez du peu, va desservir Orly. Pourquoi aucun des deux projets ne prend en compte la problématique de la logistique urbaine ? Les Franciliens mangent et font des commandes sur Internet. Si nous voulions être un petit extrémistes, et en étant un peu provocateur, ce sont quand même deux projets qui sont très pro-camions. Vous n'avez en effet aucune proposition pour faire une alternative. Pourquoi vos deux projets ne tiennent-ils pas compte des infrastructures déjà existantes qui ne sont pas encore utilisées ?
Je vais ensuite vous donner quelques solutions. Si vous avez vraiment 35 milliards d'euros à dépenser, il serait bien de faire un chèque de 27 milliards à Monsieur DU MESNIL, Président de Réseau Ferré de France, de 5 milliards à Monsieur Pierre MONGIN, Président de la RATP, et de quelque 10 milliards à Monsieur Guillaume PEPY, Président de la SNCF. Je vous remercie.
Annick LEPETIT, Adjointe au Maire de Paris en charge des transports : je voulais bien évidemment dire que le projet Arc Express ne traverse pas Paris. Pour autant, la mairie de Paris appuie totalement ce projet. Nous avons d'ailleurs eu l'occasion de le voter au Conseil de Paris de juillet 2009 dans le cadre du plan de mobilisation pour lequel la ville apporte une contribution financière de 200 millions d'euros. Je souhaite également dire que je ne crois pas que la question qui est posée aux habitants, c'est-à-dire aux Franciliens, au travers de ces nombreuses réunions qui vont avoir lieu, consiste à trancher entre deux projets. Il s'agit plutôt de saisir cette opportunité des débats publics pour demander justement aux pouvoirs publics de hiérarchiser les projets, parce qu'il n'y en a pas que deux. Il y a de nombreux projets, et cela nous a été expliqué tout à l'heure, notamment au travers du plan de mobilisation pour les transports, avec des projets à court et à moyen terme, et bien sûr des projets à plus long terme. Il faut bien évidemment les hiérarchiser parce qu'ils ne pourront pas tous être faits en même temps, et ils ne pourront surtout pas tous être financés en même temps. Je pense qu'à travers les propos que nous avons commencé à entendre dans cette salle, il s'agit au contraire de développer un certain nombre de transports différents. Nous avons parlé des tramways, et des bus à haute qualité. Nous avons parlé des Tram-Trains. Nous avons parlé bien évidemment de métro.
Je ne suis pas certaine que la concurrence entre deux projets telle qu'elle a l'air d'être comprise par un certain nombre de personnes soit finalement le message qu'il faut passer. Il faut au contraire profiter de ces débats et de toutes ces réunions qui vont avoir lieu pour lancer ce message, et dire qu'il y a effectivement des communes et des quartiers proches de Paris, ou un peu plus éloignés, qui ont besoin de transports collectifs. Des projets existent. Commençons par ceux-là. Je termine pour dire qu'il y a eu un débat public récemment concernant le prolongement de la ligne 14. Pourquoi ? Pour désaturer la ligne 13. Cela fait 20 ans que l'on parle de la désaturation de la ligne 13.
Nous avons enfin un projet qui a été porté par le STIF. Il y a eu un débat public, et un bilan du débat public. Je souhaiterais donc que cela ne soit pas oublié au détriment d'autres projets. Bien au contraire, la ligne 14 est concernée puisqu'elle se trouve dans la double boucle. La ligne 14 va-t-elle devoir aller jusqu'à Roissy ou jusqu'à Orly ? Il faudrait peut-être déjà commencer à ce qu'elle fasse Saint-Lazare et Saint-Ouen, c'est-à-dire le projet pour lequel on a demandé aux riverains, aux habitants et aux usagers de se prononcer.
Applaudissements
Hugo de ROQUIGUY : j'ai 18 ans, et je suis étudiant à Sciences-Po. Ma question est très simple. Elle part d'un constat. Nous avons des stations de RER qui sont particulièrement âgées, qui ont jusqu'à 40 ans d’âge. En comparant avec le système de Shanghai où je viens de passer un mois de vacances, avec 18 millions d'habitants à Shanghai, et 250 kilomètres de réseau de métro, il y a un flux réel au niveau du flux d'habitants qui utilisent le système par une optimisation des différents systèmes, comme des escalators. La RATP a par exemple utilisé un système d'escalators plus rapides à Montparnasse. Avons-nous essayé, par exemple pour le RER, d'améliorer les différents systèmes d'escalators et de tapis roulant dans les stations ? Est-ce que l'on a essayé également de moderniser les stations du RER depuis 40 ans ? Non.
Il y a donc un problème. Il y a une inadaptation entre la demande de Franciliens qui utilisent le réseau, et l'absence d'études pour éventuellement optimiser ces réseaux. Est-ce que vous avez fait des études, et que proposez-vous pour améliorer les réseaux existants au niveau de l'efficacité ?
Pierre SIMON, Président de la Chambre de commerce de Paris : un double remerciement d'abord aux organisateurs. Tout d'abord, je vous remercie d'être venus ici. Nous avons construit ce Palais des congrès il y a 30 ans, et vous pouvez donc y venir aussi souvent que possible. Vous êtes toujours les bienvenus. Merci également pour la qualité du débat de ce soir qui nous permet d'aborder beaucoup de choses. Je voudrais dire que j'adhère à ce qui a été largement dit et répété par beaucoup. On ne peut pas opposer les problèmes à solution immédiate et rapide et une vision de long terme. Il faut absolument faire les deux, et avoir les deux en même temps. Il faut bien avoir conscience que nous vivons aujourd'hui sur deux structures de transport. L'une a été conçue il y a un siècle, et l'autre a été conçue il y a 40 ans. Le débat qui va donc se dérouler l'année prochaine est un débat terriblement structurant. Il va commander ce que cette région sera en matière de transport sur les 30 ou 40 ans qui viennent. C'est là que se situe l'enjeu. Nous ne pouvons donc pas opposer le problème du court terme et le problème du moyen terme. C'est absolument impossible.
Je voudrais simplement poser deux questions. Il faut absolument qu'il y ait une convergence. Je vais donc poser la question aux deux Présidents : comment envisagent-ils de travailler l'un avec l'autre pour essayer d'élaborer les pistes de convergence ? Et pensez-vous possible, justement pour concilier l'approche des liaisons rapides entre les grands territoires économiques majeurs et le service de proximité, d'avoir sur un même réseau des trains qui soient une sorte d'omnibus, et des trains plus rapides permettant de concilier les deux approches ?
Applaudissements
Jean-Luc MATHIEU : les maîtres d'ouvrage vont répondre aux questions qui leur sont adressées. Vous nous en adressez une à nous deux, les Présidents des Commissions particulières, concernant les convergences. Ce désir de convergence ne m’a bien sûr pas échappé, et j'ai pris des contacts avec le Président CARREZES, en pensant que c'est autour des problèmes financiers que l'on pouvait rechercher des convergences. Je vous annonce qu'il m'a dit qu'il viendrait à une réunion. Nous transformerons cette réunion spécifique d’Arc Express en réunion commune le 8 novembre, pour l'instant à Nogent. Je ne pense pas que la date bouge. Peut-être que le lieu changera.
MARC VERON : Monsieur le Président, je reprends ce qui a été dit par le Président SIMON, qui rejoint des questions précédentes sur le court-moyen terme versus le moyen-long terme. Je fais une observation toute simple. Les projets qui vont être ouverts à l'exploitation en 2011, et 2012-2013 dans les proches années, sont à l'étude ou déjà lancés. Ce dont nous parlons ce soir, à savoir Arc Express ou métro du Grand Paris, ce sont des projets qui ne sont pas encore lancés, et sur lesquels les délais d'études et de réalisations me paraissent être tout à fait les mêmes. Je ne vois pas pourquoi un tunnelier avancerait plus vite sous le label Grand Paris ou Arc Express qu'il ne peut le faire de façon classique.
Quand on dit 2017 ou 2018, je n'en sais rien. Mais le terme est en tout cas probablement le même. Nous nous débattons donc d'un calendrier qui me semble déjà totalement occupé par des projets actuels, ou par des projets futurs dont nous débattons. Je rappelle quand même que sur les projets qui font actuellement l'objet d'études ou de lancements, l'État contribue. Personne n'a songé à remettre en cause la participation de l'État au contrat État région. La garantie formelle en a même été apportée par le Président de la République lui-même.
En ce qui concerne maintenant la question économique, nous avons là encore d'opposer les utilités pour les passagers aujourd'hui à la question du développement économique. Là encore, il y a une simple observation de bon sens. Les grands projets urbanistiques de l'histoire n'ont jamais été fondés que sur une dynamique forte de développement économique. C'est par conséquent bien aujourd'hui la question qu'il faut résoudre. Étant donné la masse des investissements auxquels la région parisienne est confrontée, parce qu'il faut traiter un retard et en même temps du futur, cela suppose bien de recréer les termes de croissance qui n'existent pas aujourd'hui.
L'essence même d'un projet comme celui du métro du Grand Paris est donc précisément d’aboutir à une valorisation territoriale, de maximiser l'intensité d'utilisation des atouts que possèdent les territoires, de manière à alimenter cette croissance économique. Il est possible de diverger sur les moyens, mais la nécessité de la croissance ne fait aucun doute. Il est certain que le taux actuel que nous connaissons sur de très longues périodes ne suffit pas en face des besoins qui sont ceux de la région parisienne aujourd'hui.
J'ai entendu en outre une observation à propos de l'accès à des territoires comme Clichy-Montfermeil. Pour les avoir parcourus il y a quelques mois de façon systématique à pied, j'ai quand même été extrêmement frappé que des adolescents de 16 ans que nous rencontrons dans ces communes ne connaissent pas Paris. C'est donc une situation qui est totalement aberrante. Et lorsqu'il est question de marginalisation, je ne crois pas que l'on exagère. Bien entendu, le jour où une station de métro arrivera à Clichy-Montfermeil ou ailleurs… Il y a d'autres territoires dont il faudrait parler. Tout n'est pas résolu, et tout commence. Et c’est bien la raison pour laquelle nous avons toujours dit que le réseau de métro n'était pas simplement une question de transport à résoudre, quelle qu'en soit l'importance, mais devait être inclus dans un ensemble qui est celui du développement économique et social de la région parisienne.
Sophie MOUGARD : je voudrais apporter un éclairage sur la question des gares RER, et plus largement des pôles d'échange, pour indiquer que c'est effectivement un élément important de la qualité des transports. De façon systématique, dans les projets de modernisation des RER, il y a un volet sur la modernisation des gares.
Nous verrons en 2012 des améliorations sur le schéma directeur du RER C et du RER D, le schéma directeur étant pour nous le terme générique pour les projets de modernisation. Il y a systématiquement 70 millions d'euros qui sont confiés au maître d'ouvrage, RFF et SNCF, afin qu'ils modernisent les gares.
Je voudrais également citer quelques pôles d'échange un peu emblématiques. Nous venons de boucler et d'avoir une déclaration d'utilité publique sur le pôle de Châtelet-les-Halles où nous avons, dans le cadre du grand projet d'urbanisme porté par la Ville de Paris, travailler sur la restructuration de cet énorme pôle d'échange de transports, qui permettra d'améliorer considérablement les circulations.
Vous évoquiez enfin tous ces équipements qui permettent d'améliorer les conditions dans lesquelles les voyageurs se déplacent, comme les escalators et les ascenseurs. Pour que nous puissions avoir une véritable amélioration de leur fonctionnement, nous avons inscrit dans le contrat qui lie le STIF avec la RATP, avec la SNCF, des objectifs de disponibilité de ces équipements que nous suivons chaque mois, afin qu'ils puissent être en amélioration et en bon fonctionnement quand les voyageurs ont besoin de les utiliser, et en particulier les PMR.
Jean-François HELAS : un élément de réponse sur une autre question qui était apparue avant, à savoir : connaissez-vous les gens qui utilisent les transports ? Au STIF, nous considérons que c'est notre métier d'essayer de regarder ce qui se passe sur les déplacements, et d'aller voir au plus près des gens. Nous en avons véritablement le souci. En ce qui concerne Arc Express, nous avons rencontré secteur par secteur durant l'année 2009 l'ensemble des élus pour discuter avec eux de l'ensemble des variantes, de l'ensemble des possibilités, et des potentialités sur le territoire. Ces rencontres ont fait l'objet de travaux pour justement détecter les projets qui sont en émergence, portés par les collectivités, les projets qui pourraient également être accélérés si un projet de transport un peu structurant se réalisait dans le secteur. Nous avons donc ce souci d'être au plus près de la connaissance des uns et des autres, et c'est peut-être d'ailleurs pour cela que notre projet vise à desservir en zone dense, là où on a effectivement l'impression qu'il y a le maximum de besoins.
Didier BENSE : sur les premières interventions qui avaient évoqué le fait que nous ne prenons pas assez en compte un certain nombre de projets de court terme, comme la tangentiel Nord qui a été citée, je voudrais dire que ce projet a bien été pris en compte, puisque c'est lui qui permet d'accéder au métro Grand Paris qui est sur le pôle du Bourget. C'est également lui qui irrigue à partir de ce pôle du Bourget le nord de la Seine-Saint-Denis, et donc une partie du Val-d'Oise qui se trouve vers Argenteuil et Sartrouville. Puisque je parle du pôle du Bourget, je crois que c'est justement quelque chose qui image bien l'effet de levier que ce type de projet peut avoir sur le territoire.
Nous avons parlé également de la gare TGV d'Orly. C'est un projet d'interconnexion Sud. Ce projet fera également l'objet d'un débat public qui doit commencer en décembre. Dans notre programme de réunions, nous avons donc effectivement prévu de présenter conjointement ces deux projets d'interconnexion Sud, avec la création d'une gare TGV dans le secteur d'Orly, avec le projet de métro Grand Paris que nous soutenons aujourd'hui.
François LEBLOND : nous aurons une réunion à ce sujet durant le mois de janvier.