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QUESTION 1513 -
Posée par Thierry DE LAROCHELAMBERT, (BELFORT), le 28/01/2014

Questions posée dans le cahier d'acteurs n°118 de M. Thierry De Larochelambert :

La montée en puissance des énergies renouvelables et des politiques de sobriété-efficacité ne remet-elle pas d'ores et déjà en cause toutes les hypothèses sur lesquelles le projet Cigéo a été basé et présenté comme inéluctable?

Le graphite irradié (FA-VL) des anciens réacteurs UNGG est hautement contaminé par des éléments aussi nocifs que le chlore 36, le tritium 3H, le carbone 14, le nickel 63, le cobalt 60, le technetium 99, l'iode 129, le plutonium 239 et 240, l'américium 241, etc. et les procédés envisagés (chauffage à haute température, filtration ou lessivage à l'eau, etc) sont loin d'être au point (von Lensa et al., 2012). Le graphite ne devrait-il pas être exclu?

Pourquoi ce projet a-t-il été dimensionné à une échelle industrielle sans qu'aucune expérimentation en conditions réelles n'ait au préalable été réalisée sur plusieurs décennies comme pour n'importe quel projet industriel pour étudier sa faisabilité, sa réalisabilité et la tenue à long terme des colis nucléaires enfouis en galerie profonde, contrairement au projet de stockage géologique suédois (tests de corrosion et de retrait en cours sur 20 ans en vraie grandeur ; essais opérationnels avec 200 à 400 fûts, suivis par une évaluation sur plusieurs années (Rosborg et al., 2008)?

Le projet, apparamment structuré et défini, reste pourtant très flou en terme d'évolution, d'emprise au sol, de permis de construire, etc. N'est-ce pas un blanc-seing?

Le choix de l'argilite n'est pas le choix géologiquement le plus cohérent : déformation, plasticité, faillage, infiltrations, gestion des eaux souterraines menancent l'intégrité et l'étanchéité des structures béton et des fûts entreposés ; c'est un choix par défaut après les oppositions rencontrées sur les sites granitiques. Les vieux gisements granitiques des socles hercyniens me semblent à cet égard beaucoup plus fiables à très long terme. Ne faut-il pas reprendre cette option?

Réponse du 13/02/2014,

Réponse apportée par l’Andra, maître d’ouvrage :


La montée en puissance des énergies renouvelables et des politiques de sobriété-efficacité ne remet-elle pas d'ores et déjà en cause toutes les hypothèses sur lesquelles le projet Cigéo a été basé et présenté comme inéluctable?

Cigéo est conçu pour prendre en charge les déchets les plus radioactifs produits par les installations nucléaires passées et actuelles. Le stockage est en premier lieu destiné aux déchets de haute activité et de moyenne activité à vie longue déjà produits depuis plus de 50 ans ainsi qu’aux déchets qui seront inévitablement produits quels que soient les choix énergétiques futurs.

Concernant les déchets qui seront produits dans les années à venir par les installations actuelles, différents scénarios ont été étudiés afin d’anticiper les conséquences sur la nature et les volumes de déchets qui seraient à stocker (d’une part poursuite de la production électronucléaire avec recyclage complet des combustibles usés*, avec une durée de fonctionnement des réacteurs de 40, 50, 60 ans, d’autre part arrêt de la production de l’industrie électronucléaire et stockage direct des combustibles usés). Ces scénario sont présentés dans le chapitre 1 du Dossier du maître d’ouvrage : http://www.debatpublic-cigeo.org/docs/dmo/chapitres/DMO-Andra-chapitre-1.pdf. A la demande du Ministère en charge de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, l’Andra, EDF et Areva ont étudié l’impact des différents scénarios établis dans le cadre du débat national sur la transition énergétique sur la production de déchets radioactifs et sur le projet Cigéo : http://www.debatpublic-cigeo.org/docs/rapport-etude/20130705-courrier-ministere-ecologie.pdf   

Cigéo est ainsi conçu pour être flexible afin de pouvoir s’adapter à d’éventuels changements de la politique énergétique. L’inventaire détaillé des déchets radioactifs pris en compte dans les études de conception de Cigéo est disponible sur le site du débat public (http://www.debatpublic-cigeo.org/docs/rapport-etude/dechets-pris-en-compte-dans-etudes-conception-cigeo.pdf). La nature et les quantités de déchets autorisés pour un stockage dans Cigéo seront fixées par le décret d’autorisation de création du Centre. Toute évolution notable de cet inventaire devra faire l’objet d’un nouveau processus d’autorisation, comprenant notamment une enquête publique et un nouveau décret d’autorisation.

* Les déchets produits par un éventuel futur parc de réacteurs ne sont pas pris en compte.

Le graphite irradié (FA-VL) des anciens réacteurs UNGG est hautement contaminé par des éléments aussi nocifs que le chlore 36, le tritium 3H, le carbone 14, le nickel 63, le cobalt 60, le technetium 99, l'iode 129, le plutonium 239 et 240, l'américium 241, etc. et les procédés envisagés (chauffage à haute température, filtration ou lessivage à l'eau, etc) sont loin d'être au point (von Lensa et al., 2012). Le graphite ne devrait-il pas être exclu?

Le projet de stockage profond Cigéo est conçu pour mettre en sécurité définitive les déchets dont le niveau de radioactivité et la durée de vie ne permettent pas de les stocker, de manière sûre à long terme, en surface ou à faible profondeur. Des volumes supplémentaires de déchets sont ainsi prévus par précaution en réserve dans Cigéo, correspondant en particulier aux déchets qui, le cas échéant, ne pourraient pas être stockés dans le stockage à faible profondeur aujourd’hui à l’étude par l’Andra pour le stockage de déchets de faible activité à vie longue (réserve d’environ 20 % du volume de déchets de moyenne activité à vie longue à stocker). L’inventaire des déchets de graphite et les scénarios de gestion à l’étude pour ces déchets sont donnés au chapitre 4.2.1 du document Les déchets pris en compte dans les études de conception de Cigéo.

Pourquoi ce projet a-t-il été dimensionné à une échelle industrielle sans qu'aucune expérimentation en conditions réelles n'ait au préalable été réalisée sur plusieurs décennies comme pour n'importe quel projet industriel pour étudier sa faisabilité, sa réalisabilité et la tenue à long terme des colis nucléaires enfouis en galerie profonde, contrairement au projet de stockage géologique suédois (tests de corrosion et de retrait en cours sur 20 ans en vraie grandeur ; essais opérationnels avec 200 à 400 fûts, suivis par une évaluation sur plusieurs années (Rosborg et al., 2008)?

Creusé directement à environ 500 m de profondeur dans la formation argileuse, le Laboratoire souterrain permet de caractériser in situ les propriétés thermo-hydromécaniques et chimiques de l’argile, de déterminer les interactions entre le milieu géologique et les matériaux qui seront introduits lors du stockage (tests de corrosion en particulier), de mettre au point des méthodes de construction des ouvrages et de suivre leur comportement sur la durée, ou encore de tester des méthodes d’observation et de surveillance. Des essais de retrait de colis en vraie grandeur ont également été réalisés sur des maquettes en surface. Le Laboratoire n’est pas une installation nucléaire et il n’est pas possible d’y introduire un colis de déchets radioactifs. Les essais en conditions réelles devront être réalisés dans Cigéo. Cette démarche est similaire à celle mise en œuvre en Suède, où la demande d’autorisation de création du stockage est en cours d’instruction.

Si Cigéo est autorisé, le démarrage de l’exploitation se fera de manière progressive. Des premiers colis de déchets radioactifs pourraient être pris en charge à l’horizon 2025. Le stockage des déchets de moyenne activité à vie longue (MA-VL) débuterait en 2025 et se poursuivrait pendant plusieurs dizaines d’années. Pour les déchets les plus radioactifs, l’Andra propose de réaliser une zone pilote au démarrage du stockage pour stocker une petite quantité de déchets de haute activité (HA). Cette zone serait ainsi observée pendant une cinquantaine d’années et permettrait d’avoir un retour d’expérience important avant de commencer la phase de stockage des déchets HA à l’horizon 2075.

Le projet, apparamment structuré et défini, reste pourtant très flou en terme d'évolution, d'emprise au sol, de permis de construire, etc. N'est-ce pas un blanc-seing?

L’implantation des installations de Cigéo et sa construction progressive sont présentées aux chapitres 3 (http://www.debatpublic-cigeo.org/docs/dmo/chapitres/DMO-Andra-chapitre-3.pdf) et 4 (http://www.debatpublic-cigeo.org/docs/dmo/chapitres/DMO-Andra-chapitre-4.pdf)  du dossier du maître d’ouvrage.


Le choix de l'argilite n'est pas le choix géologiquement le plus cohérent : déformation, plasticité, faillage, infiltrations, gestion des eaux souterraines menancent l'intégrité et l'étanchéité des structures béton et des fûts entreposés ; c'est un choix par défaut après les oppositions rencontrées sur les sites granitiques. Les vieux gisements granitiques des socles hercyniens me semblent à cet égard beaucoup plus fiables à très long terme. Ne faut-il pas reprendre cette option?

Selon les pays et leur géologie, plusieurs types de roches sont étudiés pour l’implantation de stockages profond. Dans tous les cas, la conception du stockage soit être adaptée aux caractéristiques de la roche hôte et du site d’implantation.

Le granite est une roche avec une résistance mécanique importante, ce qui facilite le creusement des ouvrages souterrains. Cette roche peut néanmoins présenter des fractures par lesquelles l’eau peut circuler. Les concepts de stockage dans le granite étudiés en Suède et en Finlande prévoient des conteneurs de stockage en cuivre protégés par de l’argile gonflante placée entre ces conteneurs et le granite pour assurer le confinement à long terme de la radioactivité.  L’Andra a poursuivi ses recherches sur le milieu granitique jusqu’en 2005, en s’appuyant notamment sur les travaux menés dans les laboratoires souterrains d’autres pays. Ces recherches ont conduit l’Andra à conclure qu’un stockage dans les massifs granitiques ne présenterait pas de caractère rédhibitoire mais que la principale incertitude porte sur l’existence de sites en France avec un granite ne présentant pas une trop forte densité de fractures.

L’argile est très peu perméable et possède la propriété de pouvoir fixer un grand nombre d’éléments chimiques grâce à sa microstructure en feuillets. La roche étudiée par l’Andra au moyen du Laboratoire souterrain de Meuse/Haute-Marne possède des propriétés favorables pour confiner la radioactivité à très long terme : l’eau n’y circule pas, la couche est homogène et son épaisseur est importante (plus de 130 mètres). Aucune faille affectant cette couche n’a été mise en évidence sur la zone étudiée. Contrairement au granite, les galeries souterraines doivent être soutenues avec un revêtement en béton ou en acier. Plusieurs pays étudient également l’option d’un stockage dans l’argile (Belgique, Japon, Suisse).

 

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