Déroulement des réunions

Comptes-rendus et synthèses des réunions publiques

Les comptes-rendus des réunions publiques font état de l’intégralité des propos échangés par l’ensemble des acteurs du débat. Un compte-rendu synthétique des réunions publiques sera, lui aussi, accessible au fur et à mesure du débat.

Compte-rendu de la réunion publique de Bordeaux

 

Voici un autre élément de réponse. Le médecin du travail nous a dit qu'il n'y a pas de risques que des nanoparticules enrobées soient dangereuses. C'est faux. Est-ce que l'amiante n'était pas enrobée dans du ciment ? Des années après, des travailleurs sont touchés.
Lorsque je vois ces deux éléments de réponse ou ces arguments apportés par le représentant du patronat, je dis que l'on a toutes les raisons de s'inquiéter. Je dis aux travailleurs et aux syndicats présents ici qu'ils ont toutes les raisons non seulement de demander des comptes aux représentants du patronat, mais aussi de demander une expertise contradictoire à l'Etat. Les propos du patronat ne sont pas crédibles.
J'ai vécu auprès de camarades… On nous a dit pendant des années que l'amiante n'était pas dangereuse et vingt ans après les faits, certains sont à l'hôpital en train de crever.
(Applaudissements.)

M. DOMINGUE. - Je suis Jean-Paul DOMINGUE (?), pour la CGT au niveau départemental. Tout ce que l'on entend ne fait que confirmer notre inquiétude par rapport à ce que vient de dire M. LEVY, selon lequel apparemment cela ne serait pas dangereux. Quand on a vu ce qui s'est passé avec l'amiante et, plus récemment, avec les fibres céramiques réfractaires, cela s'est terminé par la mort des salariés exposés. Nous sommes donc inquiets.
J'ai entendu «réglementation» et «Code du Travail»… Aujourd'hui, des textes existent, mais sont-ils bien adaptés à ce dont nous parlons ? La plupart des entreprises qui travaillent actuellement dans le domaine des nanotechnologies sont des PME ou des TPE. Quand on parle de CHSCT, on parle d'un minimum de 50 salariés. Est-ce que le législateur ne devrait pas peut-être revoir ces données ? Il me semble qu'il est important de tenir compte de tout cela.
Dans l'entreprise, s'il y a des CHSCT, ils n'ont pas droit à l'information, à la consultation qu'ils devraient avoir. J'ai entendu parler de FDS (Fiche de Données de Sécurité). Il y a déjà des FDS pour les produits d'entretien… On a déjà du mal à les obtenir et lorsqu'on y arrive, on a du mal à ce que le médecin du travail les possède, puisse les lire et les analyser… Quand on est dans le risque invisible, c'est encore plus difficile que dans le risque visible.
Pour nous, la CGT, il faudrait donner de véritables moyens et le contre-pouvoir du côté des salariés. Cela passe par les instances représentatives du personnel qui devraient avoir de vrais moyens d'évaluer les risques, comme tout le monde.

M. LABRE. - (?) Je suis consultant RH. Je voudrais que les représentants du patronat présents ce soir et les industriels me disent comment ils vont aborder la responsabilité sociale et environnementale ou sociétale (la RSE) et la future norme non contraignante ISO 26 000 qui est en préparation au niveau international, sur l'information des parties prenantes, tant au niveau des voisins, que de celui du cycle de vie du produit, des travailleurs… Comment vont-ils aborder cet aspect ? Je vous engage à réfléchir autour de la responsabilité sociale, sociétale, sociale et environnementale ou sociétale et environnementale… Là, cela touchera toutes les entreprises, il n'y aura pas d'effet de seuil.
J'aimerais bien avoir une réponse : tout à l'heure, je n'ai pas eu réponse à la deuxième partie de ma question, par rapport aux laboratoires et à la recherche, lieux confinés, sur l'élimination des déchets. On a longtemps su tous les risques de santé qu'il y a eu parmi les chercheurs et du personnel accompagnant, du personnel de la logistique (du nettoyage, etc.). Reprenons déjà les éléments autour de la radioactivité, autour des fibres de céramique… Je n'ai pas eu de réponse tout à l'heure !

Mme JARRY. - Nous pourrons voir cela dans la deuxième séquence, puisqu'il y aura justement des chercheurs.

M. BLOCH. - Effectivement, Monsieur, tout à l'heure je n'ai pas répondu à votre question parce que je n'en ai pas eu le temps, mais je vais réparer cet oubli tout de suite.
Cette question des déchets est une question que nous avons regardée avec beaucoup d'attention. Je peux vous dire très simplement comment nous faisons chez nous : tous les produits et substances qui ont pu être nano ou être en contact avec elles sont traités à part. Ils sont recueillis avec des récipients spéciaux identifiés comme tels et évacués comme des produits chimiques dangereux. Ils sont ensuite renvoyés chez notre éliminateur de produits chimiques dangereux.

Dans la salle. - Et alors ?

M. BLOCH. - Vous avez raison de poser la question. Nous sommes allés voir notre éliminateur de produits dangereux et nous avons regardé avec lui quelle était la filière d'élimination qu'il mettait en place. Nous avons ensuite examiné si cette filière était susceptible, sur nos déchets nanos, de faire disparaître la spécificité nano de nos produits : c'était le cas pour la majorité de nos produits, sauf un ou deux, pour lesquels nous avons une filière spécifique.
Je prendrai un exemple très simple. Vous prenez des nanotubes de carbone, vous les recueillez d'une façon spécifique et vous les faites évacuer comme produits chimiques dangereux. Ils vont être incinérés à 1 200 ou 1 300 degrés. Or, tout le monde sait qu'un nanotube de carbone brûle aux alentours de 500 degrés. Nous nous sommes donc assurés en aval, au niveau de l'éliminateur, que la filière de déchets faisait disparaître le risque nanospécifique.

M. LABRE. - Vous avez donc une bonne pratique. A généraliser !

M. BLOCH. - Nous allons effectivement essayer…

M. MARIADE. - Je m'inquiète aussi. Je ne suis plus travailleur, mais à la retraite.
Une fois que l'on a fabriqué des nanoparticules, c'est bien, mais on va les emmener ensuite chez quelqu'un d'autre. Concernant les personnes qui se trouvent près des routes, des moyens de transport, si un jour un accident se produit, quelle précaution a-t-on prise pour ces riverains ? Leur environnement sera encore pollué.
Quand on entendait ici notre secrétaire d'Etat qui parlait du Grenelle de l'Environnement et qui voulait que l'on traite les microparticules, les 2 500 nanomètres, par exemple, que fait-on pour cela ? Le PNSE (le Plan national Santé-Environnement) aussi s'intéresse à ces problèmes. Voici ce que stipule la Charte européenne de l'Environnement et de la Santé : «Chaque individu a droit à un environnement compatible avec le niveau de santé et de bien-être le plus élevé possible, à l'information sur l'état de l'environnement et sur les programmes, décisions et activités susceptibles d'agir sur l'environnement et sur la santé, et à participer au processus de prise de décisions».
Le débat public s'inscrit dans une prise de décision, certes, mais concernant l'environnement et l'accompagnement, le fait de savoir que des camions transportent des nanoparticules… Certaines d'entre elles, par exemple, sont mélangées avec des HAP… Le Predit, notamment, ainsi que des études ont montré que cela menait vers le cancer.
Avec des nanoparticules mélangées à ces benzènes, est-ce que l'on ne risque pas de voir évoluer chez les riverains des grandes routes des risques de cancer ? Maintenant, Messieurs les spécialistes, c'est à vous de me répondre.
J'ai malheureusement aussi été sous les bombes atomiques et, à l'époque, les précautions… Heureusement, je travaillais un peu loin, je n'ai pas été directement sous les rayonnements. J'étais près des laboratoires aussi, parce que de par mon métier (j'étais frigoriste) j'intervenais sur les climatisations : j'espère que j'ai encore quelques années à vivre, car là aussi, on ne parlait pas trop des précautions à l'époque…

M. BERGOUGNOUX. - Merci.

M. ALAIN. - Je suis Didier ALAIN, de la CFDT Aquitaine. Ce débat a des aspects un peu surréalistes. Je ne reviendrai pas sur les propos de mon collègue de la CGT sur le fait que, dans les entreprises, les CHSCT ne sont vraiment pas informés et qu'en termes de moyen, on est totalement limité. J'interviendrai sur les aspects régionaux.
Il est presque curieux, voire scandaleux, que l'on choisisse l'Aquitaine pour parler de l'aspect santé des travailleurs avec les nanoparticules, alors que l'on sait que la Commission régionale des Risques professionnels ne s'est pas réunie depuis deux ans.
 
Cela pose déjà deux problèmes :
➢    la reconnaissance des partenaires sociaux pour intervenir sur ce domaine en matière de santé au travail hors de l'entreprise, au niveau régional,
➢    l'aspect des réglementations, puisque ceux qui sont chargés de respecter la réglementation s'assoient ainsi dessus.
Je voudrais parler des aspects de vigilance. Nous avons un système où il n'y a strictement aucune vigilance ou bien, à certains niveaux, elle est embryonnaire.
Nous avons entendu l'exemple donné par cette personne qui est intervenue avant moi sur l'amiante. Aujourd'hui encore, il n'y a pratiquement pas de déclaration de maladies professionnelles liées à l'amiante proportionnellement au nombre de cas. Il n'y en a pas non plus concernant les maladies à caractère professionnel. J'en parle en connaissance de cause, puisqu'en tant qu'infirmier, j'ai vu un certain nombre de personnes mourir de mésenthéliomes, de bronchopathies liées à l'amiante et aucun n'a été - sauf exception - déclaré en tant que maladie professionnelle ou en tant que maladie à caractère professionnel.
Ce problème est posé en termes de structuration de cette vigilance, puisqu'au niveau des fonctions publiques, territoriales, hospitalières ou d'Etat, elle est nulle. Au niveau des salariés du régime général ou du régime agricole, elle est pour le moins embryonnaire.
Autre exemple : concernant l'amiante, on savait depuis cent ans que c'était dangereux, mais on a mis un certain nombre d'années à l'interdire…
Prenons un produit qui n'était a priori pas dangereux et qui était considéré comme fantastique : le latex. Les premiers gants en latex ont été inventés en 1889. En 1973, on a commencé à découvrir des problèmes d'allergie et tout notre système de vigilance en France est passé complètement à côté. Il a fallu avoir des informations venant de Finlande ou des Etats-Unis pour mettre en place un processus.
Que l'on fasse des recherches sur les risques professionnels provoqués par les nanoparticules, soit, mais à côté nous n'avons aucun moyen de savoir à quel moment il pourrait y avoir un problème. Nous n'avons mis en place aucun système de vigilance particulièrement efficace.
C'est la raison pour laquelle ce débat, sur certains aspects, me paraît totalement surréaliste, compte tenu de l'état actuel de notre système de vigilance et de réactivité.
(Applaudissements.)

M. BLANC. - Je suis Alain BLANC. J'ai participé à l'élaboration du Plan départemental des ordures ménagères, sur lequel nous assurons un suivi. J'ai également participé à l'élaboration du Plan de Réduction et d'Elimination des Déchets Dangereux en Aquitaine.
Dans ces deux plans, je regrette qu'il n'y ait rien, absolument rien de prévu au niveau des nanoparticules. Quand j'entends dire que l'on incinère, peut-être, mais on sait que l'incinération ne détruit que partiellement ; il y a toujours des imbrûlés.
Au niveau de l'industrie et de la personne qui s'exprimait tout à l'heure en disant que ces déchets étaient bien traités, j'aimerais bien que la collectivité puisse dire si, effectivement, ce monsieur traite correctement ou pas ce type de déchets. Il le dit : je veux bien le croire, mais j'aimerais qu'à un moment il y ait un contrôle.
Or, ce contrôle ne peut pas se faire, en particulier au niveau du PREDAT (?), puisque je n'ai jamais vu ces industries présentes. Dans le cadre de l'élaboration, les industriels sont présents. Or, je n'ai jamais vu un industriel venir aux réunions et dire : «Nous faisons des nanotechnologies, nous produisons des nanomatériaux et voici ce que nous proposons pour leur retraitement».
Pour terminer, concernant l'exemple des chaussettes ou des produits d'usage courant qui vont terminer dans notre poubelle, que va-t-on en faire ? Qui peut dire ce qu'ils vont devenir ? Personne ! Même si l'on arrive à les définir avec une réglementation comme déchets dangereux de ménage, dans la mesure où rien n'est prévu pour leur retraitement, aucune solution n'est proposée. Si l'on n'a pas de solution pour le retraitement, on ne fabrique pas.
(Applaudissements.)

Mme LARRIEU. - Un certain nombre d'interventions ont évoqué la question de l'information des acteurs. Evidemment, pour assurer la traçabilité, il faut d'abord qu'il y ait une information.
Sur ce sujet, cela a évidemment été débattu par les groupes de travail du Grenelle de l'Environnement, puis par le Comité opérationnel. Un texte de loi a été voté cet été ; un autre est en cours de débat à l'Assemblée. Il ne répond pas à toutes les questions, notamment à celle qui vient d'être évoquée concernant les chaussettes et la filière de retraitement pour ces déchets. En revanche, il répond à certains autres points évoqués.
Je passe la parole à M. BAILLY de la DGPR (Direction Générale de la Prévention des Risques). Il va vous dire exactement ce qu'il y a en termes d'information et d'obligation de déclaration dans les textes qui viennent d'être votés et qui sont en cours d'examen à l'Assemblée.
 
M. BAILLY. - Merci. Bonsoir à toutes et à tous. Voici ce que dit le Grenelle de l'Environnement. L'article 42 de la loi Grenelle 1, qui pose les principes généraux, prévoit le principe pour les fabricants, les importateurs et les utilisateurs de nanomatériaux d'une déclaration obligatoire aux autorités. Bien sûr, le citoyen lambda aura connaissance de ces usages et c'est extrêmement intéressant pour définir ensuite une politique de gestion des risques.
Concrètement, concernant la loi Grenelle 2, cela se transcrit au travers de l'article 73 qui a été débattu au sein du Sénat. Il est probable également que les parlementaires au sein de l'Assemblée Nationale puissent amender le projet. Toujours est-il que les principes généraux sont posés. Il faut absolument souligner qu'il n'y a pas d'effet de seuil : à partir du premier gramme, il y aura obligation de déclarer les quantités mises sur le marché, fabriquées et importées. C'est très important pour aller de l'avant.
Concernant les Fiches de Données de Sécurité, il faut bien comprendre qu'elles existent depuis longtemps. Elles ont vocation à se perfectionner avec le temps et je pense que le règlement REACH va donner des éléments de réponse. Patrick LEVY a souligné ce point extrêmement important qu'est la transmission de l'information au sein de la chaîne d'approvisionnement.
Autrement dit, un client, un utilisateur d'une substance devra faire remonter l'usage qu'il en fait et celui qui la fabrique ou l'importe devra définir des mesures de gestion du risque pertinentes pour avoir un risque acceptable.

La Fiche de Données de Sécurité est un élément essentiel de la transmission du savoir pour que les travailleurs, les opérateurs puissent avoir les éléments d'information pertinents pour mettre en œuvre les mesures de gestion du risque.
Par rapport aux FDS, prochainement - nous l'espérons en tout cas - au niveau communautaire (je pense que les autorités françaises iront dans ce sens) sera indiquée dans les Fiches de Données de Sécurité la taille des substances mises sur le marché.
Il devrait y avoir un vote en «comitologie». Il s'agit d'un vote entre les Etats membres pour faire évoluer une annexe du règlement (à savoir l'annexe 2). Cela devrait être voté la semaine prochaine.
Nous espérons de tout cœur pouvoir évoluer dans le perfectionnement de ces Fiches de Données de Sécurité.
En matière d'étiquetage (d'ailleurs, la loi Grenelle 2, au niveau de son article 73, ne prévoir rien sur le sujet, c'est une déclaration auprès des autorités publiques), il faut souligner ce qui se fait au niveau européen, notamment dans le domaine des cosmétiques. Je pense que vous en avez discuté à Orléans.
M. BERGOUGNOUX. - Oui. Nous en avons discuté aussi à Strasbourg.

M. BAILLY. - Il s'agit donc d'un sujet rémanent et il est extrêmement important. On s'aperçoit que les réglementations sectorielles imposent de plus en plus un étiquetage pour que le consommateur puisse savoir si son produit contient des nanomatériaux.
C'est le cas en cosmétique. En matière de biocides (puisque dans ce domaine, on peut imaginer que des nanomatériaux à base d'argent puissent être incorporés dans des chaussettes, par exemple, à des fins désinfectantes), un projet de règlement qui révise une directive un peu ancienne prévoit un étiquetage des articles contenant des biocides.
On voit bien que l'on va de manière assez convergente, en tout cas au niveau du corpus réglementaire européen, vers une obligation d'étiquetage à moyen terme.

M. BERGOUGNOUX. - Je vous remercie.

M. ROSSIGNOL. - Bonsoir. Je suis Clément ROSSIGNOL. Je vous remercie de me donner la parole. Je suis chercheur en nanotechnologies ; par ailleurs, je suis élu écologiste à la communauté urbaine de Bordeaux et à la ville de Bègles.
Je voulais remercier M. MONTELEON d'avoir ouvert le débat. La protection des travailleurs ne concerne pas seulement ceux qui fabriquent les nanoparticules mais l'ensemble de la chaîne. Une des problématiques principales est le retraitement et là nous sommes vraiment dans le flou artistique.
Au niveau de la réglementation REACH, elle ne s'applique pas pour l'instant aux nanoparticules, puisqu'elle concerne des produits chimiques ; or, les nanoparticules ont une réactivité physique. C'est un effet de forme, de taille, comme l'a très bien expliqué M. BROCHARD. Pour l'instant, il y a là un vide juridique. D'ailleurs, il y a un effet de seuil : pour que la réglementation REACH s'applique, il faut produire une certaine quantité de produits (plusieurs tonnes, me semble-t-il).

M. BERNARD. - Une tonne.

M. ROSSIGNOL. - Il y a plusieurs niveaux d'application de la procédure REACH. Concernant les nanoparticules, une tonne, cela commence à en faire beaucoup…
S'agissant de la compétitivité des entreprises, on nous explique que si l'on n'y va pas, on «rate le train», que l'on sera à la traîne et que c'est donc la fin de l'économie française. C'est exactement le même débat que nous avons eu, et que nous avons encore, sur les OGM.
Nous voyons qu'au niveau européen, une majorité de citoyens disent non aux OGM. Pour l'instant, concernant l'économie européenne, même si elle n'est pas très bien en point puisque c'est le fait de l'économie mondiale, ce n'est pas pour cela qu'il y a un vide au niveau économique européen.
On peut donc avoir le même débat au niveau des nanoparticules, puisque, ce soir, il s'agit plutôt de «Nanoparticules et nano-objets et protection des travailleurs» et non «Nanotechnologies», parce que l'on passe complètement sous silence la miniaturisation des puces RFID, des caméras, la convergence NBIC… Vraiment, concernant le sujet, on prend une petite partie qui est très intéressante… Par exemple, le croisement entre nanotechnologies et biotechnologies, où un employeur pourra avoir le patrimoine génétique d'un postulant très rapidement, pour quelques dollars… Cela pose des questions de société très fortes. Ce soir, le sujet est donc plutôt : «Nano-objets et protection des travailleurs…»

M. BERGOUGNOUX. - Tout à fait…

M. ROSSIGNOL. - Enfin, j'aimerais poser une question à M. BERNARD d'Arkema. Nous avons entendu une explication complète sur la production des nanotubes de carbone. Combien de produits en France contiennent ces nanotubes de carbone et sous quelle forme ? Peut-on les acheter ? Sont-ils des produits de consommation grand public ? C'est finalement un peu cela la question. Que deviennent-ils ? Comment sont-ils recyclés ? Combien de tonnes de nanotubes de carbone par an ARKEMA et les autres sociétés produisent-elles et dans quelles conditions ? Dans la conception des produits contenant des nanotubes de carbone, y a-t-il une obligation de retraitement ? Je vous remercie.
Dans la salle. - Ce n'est pas le sujet de ce soir, mais j'ai envie de poser la question : et si l'on s'en passait, tout simplement ?
J'ai travaillé dans l'agriculture et dans l'hydraulique pendant quarante ans. Concernant les OGM, je pense que je ne serai pas mort quand on n'en parlera plus et je parle sérieusement.
A mon avis, concernant ces modes qui s'emparent de la technologie, (je ne parlerai pas des ordinateurs qui fonctionnent à la milliseconde pour gagner un euro sur des milliards qui partiront en fumée à la bulle suivante…), on peut très bien se poser la question, ce n'est pas complètement idiot. Au lieu de céder à une pression extraordinaire du marché au prétexte que, sinon, on perdrait la course contre je ne sais quelle petite boîte bloquée aux Etats-Unis ou au Japon, on pourrait très bien s'en passer.
Ce qui me frappe, c'est que l'on remet la solution entre les mains des consommateurs : c'est la pire des situations. Mettez-vous à la place d'un travailleur ou d'un agriculteur sénégalais qui va devoir sa survie dans cent ans à la prescience de quelques bobos réunis dans cette salle, parce qu'ils auront refusé d'acheter des nanoparticules. C'est le summum de l'absurdité. Si l'on veut vraiment une santé publique, elle est pour tout le monde et sans avoir un choix de consommateurs.
(Applaudissements.)

M. BERGOUGNOUX. - Je vous remercie.

M. BARBEDIENNE. - Je m'appelle Philippe BARBEDIENNE. Je suis citoyen et aussi membre de la SEPANSO, une association qui regroupe un certain nombre de protecteurs de l'environnement.
D'abord, je partage un peu l'avis de Simon CHARBONNEAU : un débat public qui traite d'une décision une fois que le coup est parti peut donner l'impression de ne pas servir à grand-chose.
J'ai tout de même un côté optimiste et je me dis que cela aura servi à quelque chose : un certain nombre de personnes dans cette salle sauront maintenant de quoi elles risquent de mourir plus tard. Cela a donc une certaine utilité.
Concernant les nanoparticules, je suis stupéfait. Je rejoins certaines interventions précédentes : j'entends dire que c'est indispensable, qu'il y en a partout. D'un côté, on me dit que c'est très surveillé, que de toute façon on va gérer nos déchets et les brûler, que le carbone disparaîtra, etc. De l'autre côté, on nous dit qu'il y en aura dans les objets de tous les jours, les téléphones portables, les vêtements, les chaussettes.
Très honnêtement, je m'en fiche complètement qu'il y ait cela dans ces produits, au contraire. Cela me gêne énormément de savoir que des travailleurs risquent de perdre leur santé pour produire des éléments de ma consommation qui me sont totalement inutiles. En tant que citoyen, cela ne m'apporte rien, que des soucis et de l'angoisse pour plus tard.
(Applaudissements.)

M. WITSCHGER. – Je suis Olivier WITSCHGER : je travaille à l'INRS et mon domaine de spécialité est la mesure des expositions.
Je voudrais rapidement vous dire deux mots sur l'INRS, parce que je ne suis pas sûr que tout le monde connaisse cet institut. Je donnerai également quelques éléments relatifs à l'exposition professionnelle. Nous avons beaucoup parlé de toxicité, mais l'on n'a pas dit grand-chose sur l'exposition.
L'INRS est l'institut référent en France en termes de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. Notre statut est une association loi 1901, sans but lucratif. Nous sommes gérés par un Conseil d'Administration constitué à parité par un collège représentant les employeurs et les employés. Notre budget provient quasiment exclusivement d'un fonds national de prévoyance géré par la Caisse nationale d'Assurance Maladie Travailleurs salariés.
Il est important de le préciser, car ce mode de financement nous conduit à ce que, finalement, nos recherches aient une indépendance. Cela signifie que les résultats de nos recherches sont rendus publics par différentes voies : la communication scientifique, différentes documentations, etc.
Une spécificité de cet institut dans lequel je travaille est la connaissance du monde du travail. Nous sommes ici sur une problématique de risques chimiques et l'historique que nous avons, en termes de caractérisation du risque dans le domaine de la prévention du risque chimique, est un atout très important.
(Projection)

Enfin, pour aborder cette question, il faut avoir des compétences très variées. Nous avons parlé de médecine : il faut des biologistes, des physiciens et des chimistes. Cela pose même des questions aux sociologues du travail. On est capable et l'on met en œuvre toutes ces compétences dans le cadre d'un programme pluridisciplinaire et transversal, avec trois objectifs très clairs :
➢    évaluer les effets sur la santé,
➢    évaluer les expositions professionnelles, car c'est l'autre élément dans la composante du risque,
➢    la prévention des risques.
Pour vous rassurer, je dirai que, fort heureusement, on connaît les moyens de protéger les travailleurs. Je ne sais pas si les personnes dans la salle se posent la question de l'efficacité du filtre ou du masque respiratoire, mais cela fonctionne pour les nanoparticules. Se pose bien entendu la question d'utiliser les bons moyens au bon endroit. C'est le côté rassurant.
Concernant l'exposition professionnelle, il faut considérer beaucoup d'éléments. La question des scénarios d'exposition a été un peu abordée.
Concernant les nanoparticules, on a indiqué la taille de 100 nanomètres, mais ce qui pose problème, ce sont toutes les particules susceptibles d'être inhalées. En termes de diamètre, cela va bien au-delà des 100 nanomètres.

Ensuite, on a parlé de manipulations des nanoparticules (sous-entendu sous forme de poudre), mais lorsqu'elles sont, par exemple, dans des suspensions liquides, on peut très bien se retrouver avec des situations où l'on va émettre des nanoparticules dans l'air.
Se pose également la question de manière très sérieuse du relargage de nanoparticules lorsqu'elles sont incluses dans des matrices, par exemple. On a parlé de l'abrasion, etc. Cela concerne tout le cycle de vie des nanomatériaux.

Comment se caractérise l'exposition professionnelle ? Un certain nombre d'éléments sont actuellement très peu discutés. Quels sont les critères de mesure ? En fait, on travaille de manière très proche avec les gens de la toxicologie. Les toxicologues nous disent que la taille est importante, la forme également, etc. Cela remet très profondément en cause la manière dont on évalue l'exposition professionnelle.
Quels sont les instruments ? Quelles sont les méthodes ? Il y a des instruments, qui sont coûteux et complexes à mettre en œuvre et il y a vraiment besoin de développement de méthodes.
Quelle stratégie ? Il s'agit de voir comment utiliser ces instruments. Des travaux sont également en cours sur ce sujet. Il faut aussi parler de la notion de valeur limite. A partir du moment où l'on fait une mesure, il va falloir se comparer à une valeur. En France, nous ne sommes pas très avancés sur ce point.

Je donnerai un exemple concernant le dioxyde de titane. Actuellement, en France, la valeur limite d'exposition est de 10 milligrammes par mètre cube. En novembre 2005, il y cinq ans, un institut homologue aux Etats-Unis a produit un document sur une analyse de dioxyde de titane, recommandant une valeur 100 fois plus faible que la valeur limite en France. Il y a là matière à réflexion…
La connaissance de l'exposition professionnelle passe obligatoirement par des études de terrain. Nous les menons également et nous ne sommes pas les seuls en France. Nous les menons en partenariat avec les entreprises et les laboratoires de recherche, car il faut bien qu'ils nous ouvrent les portes. Cela se passe bien avec certaines entreprises et moins bien avec d'autres. Ces données sont très importantes, puisque cela va permettre à l'avenir de réaliser des études en épidémiologie.
Enfin, tout cela doit se faire dans un cadre européen, voire international.

Je terminerai par un élément de réponse à la première question qui avait été posée, sur la part du risque dans les études et recherches. Grosso modo, l'échelle est que l'on est deux ordres de grandeur, en termes de budget par rapport aux investissements sur les développements des nanotechnologies sur les études risques. Sur la partie exposition, on est encore deux ordres de grandeur au-dessus.
Si l'on compte le nombre de publications, ce n'est pas 100 sur les trois derniers mois, mais 10 sur les deux dernières années.

M. BERGOUGNOUX. - Merci. Je ne sais pas si vous êtes capable de répondre en deux minutes aux questions de M. ROSSIGNOL. Cela me paraît difficile, mais brièvement…

M. BERNARD. - Je répondrai au moins à une question, puisque nous avons donné cette réponse ce matin à la Direction générale de la Santé et de la Consommation à Bruxelles, où se tient un grand colloque sur deux jours «NanoSafety for Success Dialogue». Toutes les nanoparticules sont passées en revue et font l'objet de colloques pendant ces deux jours.