Déroulement des réunions

Comptes-rendus et synthèses des réunions publiques

Les comptes-rendus des réunions publiques font état de l’intégralité des propos échangés par l’ensemble des acteurs du débat. Un compte-rendu synthétique des réunions publiques sera, lui aussi, accessible au fur et à mesure du débat.

Compte-rendu intégral de la réunion publique de Strasbourg

Ce que je voudrais dire, et ce sera ma conclusion de cette séquence. Il me semble que la recherche, et spécialement la recherche européenne, n'a jamais été aussi importante.
Deuxièmement,  dans la recherche, beaucoup de choses sont importantes, mais la chose qui est réellement cruciale, c'est la relation que la recherche entretient maintenant avec la société. Il faut faire extrêmement attention à cette relation, à cette interface.
Je crois que nous sommes en train de vivre un changement profond. Avant, on demandait à la société d'accepter les résultats scientifiques et la technologie qui en découlait. Actuellement, je crois qu'il faut aller davantage vers un partenariat entre la science, la recherche et la société.
La société civile doit réellement se saisir de la science, elle doit s'approprier la science, et il doit y avoir ce que certains appellent une « transculturation » entre le monde scientifique et la société elle-même, non pas l’écrasement de l’un par l’autre, mais réellement un enrichissement. Cela veut dire que les citoyens et les organisations de la société civile doivent apprendre la science, doivent l'utiliser pour leurs propres fins, et les scientifiques par ailleurs doivent réaliser qu'ils sont dans un monde où il existe des gens autour qui ne sont pas forcément des chercheurs, qui pensent différemment,  qui ont des valeurs différentes et qu’il faut tenir compte de ces valeurs.

Ce sont des éléments importants. Si l’on regarde ce qui s’est passé d'un point de vue historique, l'industrie s’est appropriée la science, elle l’utilise, elle développe et applique des connaissances. Je crois qu’il faudrait que la société civile fasse un peu la même chose.

Quelqu'un a parlé tout à l'heure d'endormir les citoyens. Je crois que c'est complètement le contraire qu'il faut faire, il faut les réveiller. J’aurais bien aimé avoir une salle comble ce soir et que nous puissions avoir ce type de débat extrêmement vivant, car, sans ce type de débat, nous allons probablement vers de gros problèmes. Je crois réellement que la condition nécessaire d’un progrès qui soit partagé par tous passe par ce type de partenariat entre la science et la société.

M. CHAUSSADE. - J'ai une dernière intervention de Dominique Olivier, puis nous passerons à la séquence suivante.

M. OLIVIER. - J'interviens au nom de la CFDT qui a déposé un cahier d’acteur dans ce débat public.
Je signale que la Confédération européenne des syndicats a apporté une contribution et déposera aussi un cahier d’acteur puisque le mouvement syndical, au plan français, européen et mondial, se préoccupe de ces questions.
Je voudrais dire que nous intervenons au nom de nos adhérents, des salariés, mais qui sont très variés.
 
Nous avons des chercheurs dans les nanotechnologies, mais nous avons des ouvriers de production dans la cosmétique ou le pneumatique, donc une grande variété d'intervenants sur le sujet, victimes potentielles ou chercheurs.
 
Nous souhaitons répondre à une question du type de celle qui apparaît maintenant dans le débat et qui n’était peut-être posée au départ, celle de l’utilité ou non de la recherche dans les nanotechnologies.
Je voudrais vous faire part du passage concernant cette question dans notre cahier.

« La CFDT soutient clairement et fortement l'investissement dans une recherche visant autant l’action que la régulation et autant l'innovation que la prévention des risques et la prudence. »

Nous sommes favorables, et la première des priorités c'est de construire l'expertise publique, expertise qui est aujourd’hui plutôt chez les industriels, et nous pensons que laisser le champ du développement des nanotechnologies à l’industrie seule et confiner la recherche publique à un rôle de commentateur ou de lanceur d’alertes sur ce que les autres font serait une erreur. Ce serait reproduire la situation développée autour des OGM, source du retard peut-être irrattrapable que nous connaissons.

La communauté scientifique publique doit pouvoir conjuguer des recherches pour l’innovation, donc pour l'action, comprendre les propriétés de ces nouveaux produits et aussi la mise à disposition de la société d'une information accessible, notamment sur les aspects de sécurité pour la santé humaine et environnementale. Les experts publics, après déclaration d'intérêts et dans le respect du secret industriel   comme il a été expliqué  , peuvent assumer ce rôle avec la confiance de tous.
Le deuxième volet que j'ai mentionné pour le développement de la recherche, c'est de se donner les moyens de développer la prévention, la prudence et la précaution si nécessaire. Pour cela, nous proposons que l'on développe une synergie transdisciplinaire ou interdisciplinaire pour développer une nanotechnologie en capacité de faire face aux défis qui sont devant nous.

Nous mettons donc  en débat, nous proposons, que le champ des nanosciences ne soit pas limité à la taille des particules   c’est l’aspect physique  , mais que l'on prenne en compte les synergies avec les différentes disciplines de la chimie, de la biologie, qui interagissent avec la taille des particules.
Ce schéma devrait permettre de développer une nanotechnologie à même de garantir prévention, prudence et précaution. Quelques illustrations ont été données. Je ne développe donc pas plus.
  Sur les aspects éthiques   et je termine rapidement  , nous distinguons deux niveaux, l'éthique des prescripteurs   donc des décideurs qui commandent des travaux et des recherches   et l’éthique individuelle évoquée par le responsable du CNRS.

Sur le premier domaine, nous pensons que la responsabilité sociale, environnementale et sociétale des entreprises doit être la réponse mise en œuvre pour l'éthique des dirigeants et des prescripteurs. Bien sûr, c'est peut-être pour le moment un vœu pieux, ce n'est pas généralisé, mais nous interpellons là les décideurs en question : sont-ils d'accord pour développer la responsabilité sociale et environnementale dans leurs domaines de choix stratégiques.
Sur l'aspect individuel, nous n'avons pas à ajouter au code d'éthique et au comité d'éthique mis en œuvre dans le CNRS, et nous pensons qu'il y a lieu de multiplier ces pratiques, tant dans la partie publique, que dans la partie privée.
 
Entre les deux, entre les dirigeants et le chercheur isolé, il y a tout le débat sociétal, la gouvernance sociétale. Comme cela a été évoqué, je ne le développerai donc pas, mais notre choix est celui de la gouvernance inclusive des activités à risques. C’est-à-dire qu’il faut que, dans les processus, le public, la population soient associés aux enjeux des recherches en cours, posent des questions, acculent les chercheurs ou les dirigeants à fournir des explications et si des explications satisfaisantes ne sont pas fournies, peut-être arrêtera-t-on un certain nombre de travaux, comme il a été dit au sujet du domaine du vivant.  

M. CHAUSSADE. - Merci beaucoup.

M. MIELCAREK. - Romain Mielcarek, je suis étudiant en journalisme au CUEJ et je tiens un blog qui s’appelle actudefense.com.  Je voudrais aborder les applications faites et envisagées pour la défense nationale.
Je vois que beaucoup d'usages sont déjà faits en termes de composants électroniques et de revêtements, principalement dans l'aéronautique. Je vois qu’il y a pas mal de projets intéressants, notamment au niveau de la protection des hommes. Je vois au niveau des armures sur les personnels et je pense qu’il y a aussi des choses à avoir au niveau des véhicules. Je vois également qu'on envisage des systèmes de détection d’engins explosifs improvisés. Et au niveau de tout ce qui est soins apportés aux humains, je vois qu'on parle de premiers soins à distance, et que pas mal de choses se feraient à distance.
La question que je me pose, c’est celle de savoir comment tout cela fonctionne, et surtout à quel horizon on envisage de voir ces choses là apparaître.

M. CHAUSSADE. - Je ne sais pas si quelqu'un va pouvoir répondre…
 
M. PLANA. - Je peux donner quelques éléments en ce qui concerne les nanotechnologies au niveau de l’Agence nationale de la recherche, où il existe un partenariat avec la direction générale de l'armement, qui considère un certain nombre de technologies duales qui sont développées pour des applications liées à la défense, que ce soient pour des fantassins ou des drones.
Nous sommes dans des sujets de recherche et avec des technologies duales.
Je voudrais juste faire un commentaire sur le fait que nous ne sommes pas tous membres du comité d’éthique du CNRS. Moi, on m'a demandé de venir en tant que responsable institutionnel pour donner des informations dans le cadre du lancement d’un débat qui ne va pas se terminer ce soir. C'est une série de quatre mois. Nous ne pouvons pas aborder tous les sujets de façon "débridée" ce soir. Il y a eu beaucoup d'informations. Peut-être n’étions-nous pas pertinents dans nos informations, peut-être aussi les informations étaient-elles données de façon trop brutale. Une phase de digestion sera peut-être à apporter et des questions viendront peut-être plus tard sur le débat, mais il me semble qu’il était important de donner des informations sur ce que sont l'ensemble des nanotechnologies, quelle est la stratégie nationale de la France, que fait-on en Europe et au niveau français, a-t-on pris en compte les aspects de dimension sociétale, la dimension du rapport risques/bénéfices ? C’est bien qu'il y ait un comité d'éthique au CNRS qui réfléchit à ces données. Pour moi, cela fait partie des données qui vont alimenter le débat. Nous ne pourrons pas aborder tous les sujets ce soir.
 

M. GUEDNER. - J'ai posé une question par écrit. Je suis un peu, comme une autre personne, déçu de cette soirée. On a beaucoup parlé de stratégie, de nanotechnologies et nous avons vu passer beaucoup de budgets en million d'euros. Mais il me semble qu’on a un peu oublié le commun des mortels et qu’on n'a pas précisé quels sont les risques et les différents types de risques liés aux nanotechnologies. Dans ce domaine, il faut préciser pas mal la terminologie, car on parle de  nanoparticules, de nanotechnologie et de nanoscience, et ce n'est pas tout à fait la même chose. Des nanoparticules disséminées dans l'air, cela peut être dangereux. Des nanoparticules, je ne sais pas, au niveau médical, ce que cela peut donner. Les nanoparticules dans les matériaux, cela me semble différent.


On a parlé d'une distance de 20 nanomètres entre une tête de lecture et un support d'informations en informatique. Je ne vois pas où peut être le risque, alors que par contre, dans les cosmétiques   et je rejoins quelqu'un d’autre  , on nous utilise comme cobaye sans nous demander notre avis. On ne sait pas ce que cela peut donner dans l'organisme à long terme si l’on utilise ce type de produits.

Je regrette un peu qu'on ait parlé beaucoup de stratégie. Ce n'est pas un reproche aux intervenants, mais il manque à mon avis une personne candide sur le plateau pour poser des questions de base, qui, je pense, intéressent le public.

 

M. CHAUSSADE. - C'est une bonne transition avec la séquence suivante où l’on va parler plus concrètement.
 
 Mme BASSET.- L'étudiant du CUEJ a posé des questions extrêmement précises auxquelles nous attendons des réponses détaillées, et M. Bergougnoux a proposé de donner les réponses sur le web si personne ici n'était capable de répondre. Alors nous attendons avec beaucoup d'attention et beaucoup d'intérêt ces réponses sur le web.

M. CHAUSSADE. - Cela fait partie du débat. Toutes les questions qui sont posées par écrit et qu'on ne peut pas traiter   car nous ne pouvons pas trouver tous les spécialistes systématiquement  , auront leur réponse, à la fois individuellement et sur internet. Merci.
Merci, messieurs.

M. LE PRESIDENT. - Merci. Je pense qu'avec la troisième séquence, nous allons sans doute entrer dans des questions beaucoup plus concrètes du genre risques, étiquetage, etc. Mais peut-être une transition. Quelqu'un a exprimé tout à l'heure le souhait qu'une sorte de partenariat s'établisse entre les citoyens et la recherche.
J'ai ici une question toute simple. C’est M. Jean-Marc Reitenbach qui dit : « Le mot nano me dépasse complètement. Vue la taille, comment manipuler le milliardième d'un cheveu ? J'aimerais voir cela dans un microscope. Faites donc une journée portes ouvertes pour me montrer concrètement les nano ».
Pourquoi pas ? Je vois que Marc Drillon n’est pas contre. S'il n'y avait qu'une seule retombée de ce débat ce soir, une journée portes ouvertes amenant les citoyens à voir les outils de la recherche et peut-être des nano, ce serait magnifique.

J'appelle les personnes qui vont servir de panel pour la séquence trois :

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Marc Lipinski, vice-président du conseil régional Ile-de-France,
Sandrine Bélier, député européen,
Reine-Claude Mader, présidente de la Confédération du logement et du cadre de vie   nous sommes sur le cadre de vie
Philippe Martin, que nous connaissons déjà, de la SANCO,
Jocelyne Boudot, du ministère de la Santé
et enfin Gérard Mantel, directeur de l’AFNOR Normalisation

 

J'ai ici un certain nombre de questions qui servent très logiquement à l'introduction de la première partie de notre troisième séquence.
M. Troy Davis nous dit : « Est-ce que les dangers potentiels des nanotechnologies n'appellent pas, de par leur nature, à une gouvernance mondiale ? »
 
Et deuxième question : « Cette gouvernance mondiale sera-t-elle effectivement démocratique ? »
J'ai également une intervention de M. Christian Ledunois, qui nous recommande très vivement de ne pas laisser la gouvernance aux lobbies industriels et militaires et qui pose des questions, sur lesquelles nous reviendrons longuement, de l'information des consommateurs.


Ce que je voudrais traiter en premier, c'est la question du contrôle démocratique en matière de développement des nanotechnologies. De ce point de vue, un certain nombre d'expériences sont intéressantes. Il n’y a certainement pas que ce débat public, et j'aimerais que Marc Lipinski nous fasse part de son expérience lorsqu'il a créé une conférence de citoyens sur les nanotechnologies et qu'il nous dise en particulier ce que ces personnes ont pensé de l'Europe, ce qui n'est pas inintéressant, et nos Européens vont peut-être découvrir des choses.

 

M. LIPINSKI. - Bonsoir. Je suis, comme beaucoup d'intervenants récemment, un peu énervé car je pense comme tout le monde ici que le débat public est extrêmement important, mais ce à quoi nous avons assisté jusqu'à présent est plutôt une série d'exposés d'experts avec des personnes qui attendent de pouvoir débattre, et je pense que ces choses-là sont un peu mal posées.

 Je dis cela en tant que vice-président du conseil régional Île-de-France en charge de la recherche, et j'espère qu'il restera quelques personnes quand nous aurions fini cette séquence qui commence bien tard.


Nous nous sommes posé la question de savoir ce qu'il fallait faire autour des nanotechnologies il y a trois ans et demi et, pour essayer d'avoir des éléments de réponse à cela, nous avons organisé ce qu'on appelle une "conférence de citoyens" qui s'est passée entre octobre 2006 et janvier 2007.

 


Ces citoyens étaient des Franciliens divers qui ne connaissaient rien aux nanotechnologies. Donc, pour débattre et émettre des propositions et des avis pertinents, nous les avons mis en situation de se former et de s'informer, non pas en passant une soirée comme cela, mais en passant trois week-ends à raison d'un week-end par mois à interroger des experts de toute sorte, des physiciens, des chimistes, des philosophes, des juristes et, petit à petit, en lisant entre les séances de formation, ils se sont mis en capacité de vraiment débattre.


Pour débattre, il faut être informé. C'est la première chose. Ils ont donc fini par organiser eux-mêmes une conférence publique où ils étaient sur scène, eux les citoyens, et ils avaient en face d'eux des personnes qu'ils auditionnaient et à qui ils posaient des questions car ils étaient en capacité de le faire. Un film documentaire de 52 minutes et des documents ont été réalisés sur cette expérience. Vous pouvez les demander à la sortie, c’est gratuit, nous vous les enverrons.
 

À la fin du processus, ils ont émis des recommandations, qui sont les suivantes   je vais assez vite :

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que chaque industriel soit moralement responsable des risques écologiques et sanitaires,
que soient élaborés un protocole de manipulation de produits et une charte de transparence destinées aux industriels,
que le principe de précaution, qui est inscrit dans la Constitution française, soit respecté,
qu'un étiquetage précis et clair soit apposé sur les produits issus des nanotechnologies,
qu’une communication très large sur les nanotechnologies soit faite dans un langage accessible à tous,
que des moyens supplémentaires soient alloués au Comité national informatique et des libertés   la CNIL  , qui n'en n'a pas assez,
que soit mises en place à l'échelle de l’Union européenne   et je réponds en partie à la question   des actions de sensibilisation sur le respect des libertés individuelles,
qu'un partenariat fort soit noué avec les grandes associations de consommateurs,
qu'on renforce la recherche   c'est très important   aussi et son orientation vers de "réels objectifs scientifiques", à savoir comment se conduisent ces nanoparticules de façon chimique, etc.   c'est très différent des particules plus grandes,
enfin qu'une instance indépendante soit créée   probablement au niveau européen car il n’existe pas d’instance mondiale pour le faire   afin de veiller au respect de l'éthique, de donner un avis sur la poursuite des recherches, de vérifier la bonne utilisation des fonds publics, de faire une nomenclature des produits dangereux, etc., c’est-à-dire un ensemble de réponses à quelques questions éparses qui ont été posées jusqu'à présent.

 

Au niveau régional, nous avons pu faire un certain nombre de choses, mais pas tout, évidemment. Et, pour tout ce qui s'adressait à un niveau national ou européen, j’ai transmis les recommandations des citoyens, j'ai écrit aux ministères, aux industries, à la recherche, aux députés qui s'occupent de cela au niveau national, au niveau européen. Je dois dire que je n’ai reçu aucune réponse au niveau national en France.
Au niveau de la Commission européenne et du Parlement européen, j'ai eu des réponses polies, intéressées, qui se sont traduites par quelques petites actions au niveau européen dont on a déjà parlé.
 
Mais le temps à passé, trois ans, trois ans et demi, les dizaines de millions d'euros continuent de se déverser sur l'avancée des nanotechnologies et, d'un point de vue concret, on ne voit pas grand-chose venir.

 

La question que je pose aujourd'hui, c'est de savoir s’il y a des perspectives nouvelles.

Je pense que c’est de cela qu'il faut débattre : quelles sont les perspectives nouvelles autour des nanotechnologies ? Est-ce que, dans la loi de Grenelle 2 qui a commencé à être débattue au Parlement français, il y aura des choses spécifiques pour les nanotechnologies ? Est-ce que, au niveau européen, il y a des choses qui se préparent ? Peut-on imaginer un observatoire ? Peut-on faire évoluer la réglementation REACH dont vous savez qu’elle s’adresse uniquement à des substances chimiques qui sont fabriquées à plus d’une tonne par an ? Évidemment, les nanoparticules ne sont pour l'essentiel pas fabriquées comme cela.


Il existe un site Internet que vous pouvez noter pendant que c'est affiché où tout cela est retranscrit dans le détail, et le film 52 minutes que je vous recommande vraiment. Cela parle des nanotechnologies et de ce que sont les nanoobjets de façon très imagée, avec des bandes dessinées et des choses très pédagogiques. Cela montre comment des citoyens peuvent se saisir de sujets complexes, à condition d'être mis dans une bonne situation.


M. LE PRESIDENT. - Merci beaucoup.
La question qu'on peut poser immédiatement est la suivante : ce très beau cahier des charges prend-il quelque consistance au niveau européen ?


Mme BELIER. - J'aimerais faire trois remarques préliminaires.


Il est scientifiquement prouvé qu'au-delà de deux heures l’attention baisse et que la concentration devient de plus en plus difficile. C'est d'autant plus difficile pour nous pour cette dernière table ronde. Je voudrais féliciter les personnes qui sont encore là pour leur perspicacité et leur motivation. Nous avons un panel de citoyens particulièrement motivés. Merci. Il nous reste "un paquet" d'efforts à faire en termes d'animation du débat public en France, en termes d'attractivité. J'étais très en attente de voir cette salle pleine, de la même manière que lors du débat des OGM en 1998. J'y étais. Il y avait des gens debout. N'y a-t-il pas eu suffisamment de communication ? Le sujet n'est-il pas attractif ?


M. LE PRESIDENT. - Beaucoup de personnes disent que ce débat est trop tardif. Ce que vous tendez à démontrer, c’est qu’il est peut-être prématuré, c’est-à-dire que le sujet n'est pas encore suffisamment brûlant pour qu'il se passe quelque chose.


Mme BELIER. - Peut-être. Nous aurons réussi à faire en sorte que les gens restent.

D ernier élément sur ce sujet, c'est peut-être idiot de le dire, mais tout n'est pas blanc et noir. J'ai eu aussi ce sentiment. Le fait qu'on nous présente le sujet au départ d'un point de vue très technique et scientifique avait un véritable intérêt, car nous découvrons des choses dont nous sommes ignorants. Je fais partie de ces personnes ignorantes sur les nanotechnologies. Mon approche n'est pas scientifique, mais plutôt en termes de ressenti, en termes de questionnements et en termes de risques.


Nous avons eu un regard et une présentation des nanotechnologies dans tout ce qu'elles présentaient de véritablement innovant, jusqu'à, en effet, l'intervention de Jacques Bordé, qui a fait une très bonne transition avec ce que nous allons évoquer maintenant, c’est-à-dire la question de l'éthique et le fait que les nanotechnologies   non pas tant la recherche, dont on a beaucoup parlé, mais leur application   est un véritable débat de société dont il faut nous saisir.
Dans le domaine européen, j’ai cinq diapositives.


En matière de gouvernance je ne suis pas trop subtile, car je suis juriste et j'aime les réglementations. Elles présentent un certain nombre d'avantages. Pourquoi se poser la question d'une régulation européenne des nanotechnologies ? J'ai plutôt tendance à prendre le côté obscur de la question et je crois qu'il est de la responsabilité de l'Union européenne d'assurer la protection des citoyens, des consommateurs, des travailleurs contre certaines applications des particules issues de la nanotechnologie qui pourraient se révéler redoutables, car elles soulèvent des questions en termes de santé publique, d’environnement et de libertés individuelles et collectives.


Je ne veux affoler personne, mais parmi ce que j'ai pu lire   quelle en est la véracité ?  , dans le domaine de la santé, on nous a parlé des nanotubes de carbone, et j’ai lu que cela faisait partie des nanomatériaux qui posaient des risques similaires à l'amiante, en termes de santé publique, et que certaines particules avaient la capacité de s’accumuler dans des organes comme le foie, les reins, le cerveau. Je me pose des questions.


Dans le domaine de l'environnement, quelques rares analyses démontrent que certains nanomatériaux ont des impacts sur l’air, sur les sols, sur les eaux, sur la faune et sur la flore. On a constaté des impacts sur les crustacés, sur un certain nombre de poissons bioaccumulateurs : l'altération du développement embryonnaire chez le poisson-zèbre, l’altération des capacités respiratoires chez la truite arc-en-ciel ou encore des phénomènes de mortalité chez les amphibiens. Donc, je m'interroge.
Dès lors, à ce titre et au nom du principe de précaution, je pense qu'une réglementation mettant en application ce principe, une certaine régulation européenne s'avère nécessaire. L'état des lieux aujourd’hui est qu’il n'y a pas de législation européenne fixant un cadre juridique clair pour toutes les étapes du cycle de vie des produits issus des nanotechnologies, de la fabrication à la récupération.  
 
La Commission a arrêté plusieurs communications, mais c'est surtout le Parlement européen qui, en tant que colégislateur, a soutenu et soutient encore l’introduction de dispositions législatives spécifiques sur les nanotechnologies dans plusieurs directives. Toutes ces initiatives n'ont pas été le fait de la Commission.


À titre d'exemple, le rôle-clé du Parlement a été, d’une part, dès 2006, de demander une enquête sur les effets des nanoparticules difficilement solubles et dégradables préalablement à leur production et à leur mise sur le marché.


Ensuite, une résolution a été adoptée le 24 avril 2009 par le Parlement sur les aspects réglementaires des nanomatériaux, qui a été adressée à la Commission européenne.


Cette résolution appelle la Commission à adopter une position en accord avec le principe de précaution. Le Parlement reconnaît que les nanomatériaux pourraient représenter un risque majeur et pourraient favoriser une toxicité accrue. Il constate aussi de sérieuses questions d’éthique, de sûreté, de sécurité et de respect des droits fondamentaux posés par ces nouvelles technologies.


Il s'inquiète de l’absence d’informations et de méthodes d'évaluation des risques. Il insiste sur l'exigence d’information à apporter au consommateur et la résolution appelle à une révision de toute la législation dans les deux ans à venir afin d'appliquer le principe : pas de données, pas de marché, pour les demandes d'autorisation des produits utilisant des nanomatériaux.


Cette résolution adopte un certain nombre de recommandations concrètes pour la révision de la législation européenne sur les produits chimiques, les déchets, l’eau, l’air et la protection des travailleurs. C'est la dernière avancée de la part du Parlement européen.
Il y a un certain nombre de textes. Nous avons un texte, dans lequel des amendements ont été adoptés, c'est la directive sur les cosmétiques de mars 2009, donc assez récente. On revient toujours à cette idée d’évaluation, d’information et d’étiquetage. Un certain nombre d'amendements sont en cours d’élaboration au sein de la commission environnement du Parlement européen.

Trois projets de directives ont été adoptés : l’un sur les nouveaux aliments qui est déjà passé en première lecture au Parlement et les deux autres sur les biocides et la révision des équipements électroniques.

Enfin, le Parlement, jusqu'à présent pas vraiment soutenu par la Commission européenne, portait une révision de la directive REACH pour y introduire les nanotechnologies. Là encore, j'ai de bonnes nouvelles, puisque le 9 octobre, c’est-à-dire la semaine dernière, la Commission a organisé une conférence sur les nanomatériaux sur le marché, ce que les régulateurs doivent savoir. L’une de ses conclusions, pas tout à fait officielle, mais tout de même, a été de reconnaître devant un certain nombre d’États et d’intervenants qu'il fallait une révision en profondeur de la directive REACH. Cela avance donc.
 

Les chantiers que nous portons au sein du Parlement européen qui nous paraissent importants pour une bonne gouvernance européenne sont les suivants :  

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des mesures législatives et contraignantes pour assurer que le développement des nouvelles technologies se fasse dans le respect du principe de précaution,
la protection de la santé, de l’environnement et de la sécurité des citoyens européens   cela passe notamment par une demande forte, en particulier du groupe des Verts européens mais soutenue par d'autres groupes politiques, de la création d'un observatoire européen sur les avancées technologiques qui serait placé auprès du Parlement européen,
une évacuation fiable des risques sanitaires et environnementaux, c'est-à-dire que, quand les produits issus des nanotechnologies sont mis sur le marché, ils aient fait l'objet d'une étude de risques fiable à 100 % et portant sur tous les risques potentiels,
cette évaluation des risques doit être impérativement mise en œuvre à toutes les étapes du cycle de vie des produits issus des nanotechnologies : fabrication, usage, transport, élimination, récupération, valorisation,
quant à la méthodologie, il s'agira de l'appliquer et qu'elle soit spécifique à la nanotechnologie,
et une réglementation protectrice qui passe notamment par le fait de permettre d'identifier tous les producteurs et importateurs qui manipulent des nanomatériaux, identifier les catégories de populations concernées, consommateurs, travailleurs,  etc. et introduire une obligation de recensement des filières d’élimination et de recyclage. 

 

Si je devais résumer les choses, mon sentiment est que c’est un débat qui a lieu depuis longtemps, qui a été mis en œuvre depuis une dizaine d'années, mais, dans le domaine des nanotechnologies, tout reste encore à faire.
(Applaudissements.)


M. LE PRESIDENT. - Merci. Nous allons demander à Philippe Martin ce qu'il pense de cette intervention.


M. MARTIN. - J’ai des transparents, mais je vais peut-être essayer de parler à partir des notes, prises durant votre intervention.
Cela dit, il faut être clair, la question d'une réglementation au niveau européen est indépendante de la question des nanotechnologies. C’est lié au développement de l'Europe, mais nous pourrons en parler après.
Finalement, il serait utile que j'aie mon transparent pour organiser ce que je vais dire, mais cela reprend les points qui ont évoqués.
D'abord, avec les nanomatériaux, on se trouve en présence de choses nouvelles. En gros, je partage votre analyse des risques. C’est nouveau. Il faut le traiter comme tel et donc faire les études spécifiques à la forme du nanomatériau.


En termes de réglementation, je suis malgré tout obligé de mettre en évidence que tous les domaines, que ce soit dans la législation chimique, la législation alimentaire, les cosmétiques, sont réglementés. Il existe une réglementation. La question qui se pose, c’est, d'une part, de savoir si elle est complète, adaptée ? Faut-il la réviser ? Est-ce que les lignes directrices qui permettent aux industriels de s’assurer qu’ils sont conformes à la réglementation et aux autorités publiques sont suffisantes ? Sont-elles complètes ? Doivent-elles être révisées ? Il est clair qu’il y a un travail à faire. Tout le monde s'accorde là-dessus.
Pour l'instant, en l'absence de possibilité de dégager des principes généraux, on est obligé de travailler au cas par cas, donc de faire à chaque fois le travail à fond.


Il faut savoir que des révisions ont déjà eu lieu, ce sont celles qui ont été mentionnées. En cours, il y a une révision de la directive sur les nouveaux aliments, qui vise explicitement les nanotechnologies. Une révision de la législation sur les additifs alimentaires a eu lieu qui inclut les nanomatériaux.
Maintenant, le sujet est abordé et il a en particulier été abordé officiellement lors de la réunion du 9 octobre, donc vendredi dernier, sur les aspects de la législation chimique de REACH qui doivent être réexaminés. Ce qui est important, c'est la question du rapport d’initiative du Parlement. Le Parlement européen s'est saisi de la question nano et a envoyé des critiques…


M. LE PRESIDENT. - C'est le moins qu'on puisse dire.


M. MARTIN. - En l'occurrence, des réponses qui me semblent constructives ont été apportées. D'une part, la législation va être examinée et, si nécessaire, révisée d'ici 2011.
La question des définitions a été notée et sera abordée. Un inventaire des types et usages des nanotechnologies est prévu.
La question de l'étiquetage est aussi abordée.
L'augmentation du financement de la recherche, en particulier dans le domaine de la sécurité, a été confirmée.

 

Reste la question d'un observatoire des nanotechnologies. Aujourd'hui, il existe déjà un observatoire des nanotechnologies, financé dans le cadre du septième programme cadre. Sur le principe, la Commission va examiner la pérennisation de ce projet en cours.
Je ne dis pas que cela répond dans le détail à toutes les questions. Mais cela veut dire que ces questions sont prises au sérieux et que des éléments de réponse concrète sont considérés.
Même s'il y a le signal que je dois m'arrêter, je ne vais pas le faire car les questions d’éthique sont importantes. C'est un sujet qui est déjà abordé par le groupe européen d'éthique. Il existe déjà une instance   pour répondre à la question de M. Lipinski  . Et, au niveau international, au sein de l'UNESCO, des travaux ont été complétés et continuent au sein d'une commission présidée par M. Alain POMPIDOU.
Maintenant, si je n'ai pas répondu à certains points spécifiques, c’est parce que j'ai pris des mauvaises notes.


M. LE PRESIDENT. - J'ai quand même le sentiment que votre échange reste abstrait. J'aimerais qu'on parle de choses beaucoup plus concrètes.


Mme MADER. - Je suis presque un Candide ici, car je suis responsable d’une association de consommateurs où l’on travaille sur les problèmes des nanotechnologies pour voir de quelle manière le consommateur peut être informé. Nous travaillons donc à partir de réactions de citoyens de base qui nous posent des questions.


Et nous sommes bien ennuyés. Après avoir entendu tous les spécialistes qui ont parlé, je n'ai peut-être jamais eu autant conscience des raisons de la méfiance des consommateurs. Quand on voit que l'on travaille à un niveau tellement important et tellement avancé sur les nanotechnologies et qu'en fait on n'en n'a pas parlé, ou ce qui a été diffusé auprès du grand public est tellement opaque qu’il ne peut véritablement pas s'y retrouver. Il ne faut pas s'étonner qu'il y ait ce sentiment de méfiance, et il ne faut pas s'étonner que des réactions du type de celles des OGM puissent se développer.


Je crois que, là, nous avons un problème et le fait d'avoir entendu dans ce débat les différentes personnes est vraiment très frappant. En fait, les consommateurs ne nous parlent des nano que depuis très peu de temps parce qu’auparavant ce n'était pas parvenu jusqu'à eux. Le citoyen lambda n'entend pas parler des nanotechnologies tous les matins. De temps en temps, il lit des prises de position de partis politiques ou de militants écologistes, par exemple, et quelquefois il s'en préoccupe. Néanmoins, il n'est pas facile d’avoir accès à l’information.


Il y a certes quelquefois des réactions de la part de la population qualifiées d'intégristes, mais en fait les gens sont méfiants et se demandent ce qu'il en sera pour leur santé dans l'immédiat et dans les mois à venir. C'est du concret, et c'est quelque chose de vrai.