Déroulement des réunions

Comptes-rendus et synthèses des réunions publiques

Les comptes-rendus des réunions publiques font état de l’intégralité des propos échangés par l’ensemble des acteurs du débat. Un compte-rendu synthétique des réunions publiques sera, lui aussi, accessible au fur et à mesure du débat.

Compte-rendu intégral de la réunion publique d'Orsay

Naturellement, les nanotechnologies apporteront des services inestimables pour un tas d’applications. Je pense notamment à la médecine où on nous promet des avancées absolument considérables. En même temps, il faut aussi accepter de s’interroger sur l’interdiction éventuelle de certains usages.
Je vais en profiter pour rebondir sur ce qui a précédemment été dit sur la crème solaire et sur le risque par rapport au cancer de la peau. Il y a parfois, aussi, des solutions alternatives.

Personnellement, j’évite de sortir mes enfants, qui ont 7 et 3 ans, aux heures chaudes et je leur mets des tee-shirts et des casquettes. Vous allez me dire que c’est une réponse facile, mais il faut s’interroger aussi sur toutes les possibilités. Je leur mets aussi de la crème solaire de temps en temps quand ils sortent aux heures chaudes.
Ceci dit, ce qui nous intéresse, quand on revient aux applications des nanotechnologies dans le contexte informatique, c’est une interrogation sur une interdiction éventuelle de certains usages, notamment s’agissant des implants, des objets communicants qui seraient implantés à l’intérieur du corps humain. Cela nécessite évidemment que l’on développe un cadre législatif adapté. Cela voudra donc dire que le Parlement devra se saisir de la question.

Pour continuer sur mon propos et finalement développer sur les interrogations importantes que la CNIL a, quand elle sera confrontée à cette nouvelle technologie qui est ubiquitaire, dispersée, il y a devant nous un certain nombre de défis.

Le premier, et cela rejoint la question de l’information que l’on posait tout à l’heure, est : comment être informé de l’existence d’objets et des effets d’une technologie qui est invisible et dispersée ? En informatique, cela va être un enjeu considérable.
Le deuxième enjeu est : comment va-t-on permettre aux personnes d’accéder à leurs données et d’en contrôler l’usage ? Si ces données sont réparties partout dans l’environnement. Comment va-t-on s’assurer du respect du droit à l’oubli ? Comment va-t-on garantir la sécurité des applications des nanotechnologies ? Là, je parle de la sécurité informatique, donc de la sécurité des échanges entre les objets. Tout à l’heure, on parlait plus de la sécurité sanitaire.
Enfin, cela rejoint ce que je disais tout à l’heure sur la traçabilité des personnes : est-on certain, finalement, que ces développements des nanotechnologies ne se feront pas au prix d’une hyper traçabilité des personnes qui remettra en question leur liberté d’aller et de venir ?
Dès lors, finalement, il y a plusieurs points très importants que l’on souhaiterait intégrer en amont.
Le premier est d’une part que le débat sur les nanotechnologies doive s’étendre. Il ne doit pas uniquement rester dans le périmètre de la Commission nationale du débat public. Le Parlement doit également se saisir de la question. Je pense qu’il y a là quelque chose à faire au niveau des décideurs.

Le deuxième point est qu’il faut aussi s’interroger sur les règles de protection des personnes qu’il faut intégrer en amont, dès la conception des nanotechnologies. À ce sujet, les principes d’innocuité, de proportionnalité, de sécurité, d’information et de maîtrise, par les personnes, des données qui les concernent, sont autant de garanties qu’il convient d’intégrer très en amont, au moment où l’on conçoit la technologie et les applications de ces nanotechnologies.
 
M. BERGOUGNOUX.- Merci. Il y a tout de même une question. Vous avez souligné les risques pour maîtriser, qui sont les libertés de l’invisibilité. C’est effectivement ce qui terrorise le public.
 
Louis LAURENT, par exemple, jusqu’où peut-on miniaturiser ces fameuses puces RFID ?
M. Louis LAURENT.- On peut toujours, en théorie, miniaturiser. Mais à partir d’une certaine taille, la portée devient très faible.
 
M. BERGOUGNOUX.- Oui, il faut qu’elles aient une antenne, quand même.
 
M. LAURENT.- Déjà, oui. Il faut que l’antenne, en théorie, ait au moins une taille correspondant à la longueur d’onde. Quand ce sont des petits objets, ils sont très inefficaces pour l’émission. Quand on parle de robots, de puces qui peuvent observer les gens, cela veut dire qu’elles émettent, qu’elles ont une source d’énergie, alors c’est un peu plus qu’une RFID classique.
Quand on divise la taille d’un objet par mille, on divise par un milliard la source d’énergie. C’est un effet de volume, si vous voulez. Et on divise par un milliard de milliards de fois la portée que peut avoir cet émetteur.
Donc, vous arrivez peut-être à des puces espionnes très efficaces, mais qui auront sans doute une portée qui fera quelques millièmes de millimètre.
Ce que je vois plutôt, c’est que les nanotechnologies permettent de faire des transistors plus petits, donc de faire des appareils qui sont, non pas invisibles, mais millimétriques ou centimétriques, capables de faire des calculs, de se localiser, de communiquer.

Ce n’est donc pas l’objet qui est invisible en lui-même ; dans la menace, j’en parlais à Monsieur LE GRAND. C’est le fait que finalement, pour une taille centimétrique cela permet de l’implanter dans beaucoup de systèmes, que ce soit un téléphone portable, une automobile ou une bicyclette, etc. qui pourra être localisé, communiquant.
Ce sont ces petits appareils centimétriques, dont on oubliera même l’existence, qui feront que se posent les questions de traçabilité. C’est déjà le cas, comme vous le savez, avec les téléphones portables par exemple. Non seulement se pose la question d’être tracé ou pas, mais peu de personnes, dont je fais partie, d’ailleurs, sont vraiment au courant de ce qui se passe avec les données les concernant véhiculées par leur téléphone, par exemple.

M. BERGOUGNOUX.- Vous êtes armé sur le problème ?
 
M. LE GRAND.- Je vais rebondir sur la question des puces RFID. Evidemment, il y a les problèmes physiques qui ont précédemment été évoqués, mais il faut aussi voir que l’on peut mettre ces puces en réseau.
Avant d’être à la CNIL, je travaillais dans un laboratoire qui faisait de l’informatique et réseaux et beaucoup de gens travaillent aujourd’hui sur les réseaux de capteurs, c’est-à-dire la capacité de mettre en relation différents objets qui n’ont pas forcément une portée de communication très grande, mais qui vont être capables de se relayer l’information. C’est la première chose.

Puis on voit déjà arriver différents types d’usage de ces objets. J’ai visité certains laboratoires qui travaillent sur les nanotechnologies, qui produisent des objets qui ressemblent à des objets naturels et qui en fait sont des objets intelligents qui peuvent communiquer. C’est une première chose.
Puis il y a d’autres objets qui, par les applications que l’on fait aujourd’hui des nanotechnologies, arrivent finalement, pour ces puces dont on parlait tout à l’heure, qui pour émettre loin ont besoin d’une source d’énergie. En fait, par les applications des nanotechnologies, on donne à ces puces la capacité de récupérer l’énergie qui se trouve dans leur environnement.

Alors, certainement pas pendant des durées considérables, certainement pas sur portées considérables, mais tout cela combiné et tout cela en prenant en compte les avancées que l’on fait petit à petit, je vous rappelle qu’il y a quelques années, la microélectronique n’était pas ce qu’elle est aujourd’hui, la taille des objets n’était pas ce qu’elle est aujourd’hui et donc on peut légitimement s’interroger sur les possibilités supplémentaires qui seront offertes par ces objets.
Après, je suis d’accord : peut-être que le terme invisibilité n’est pas le plus approprié, mais si j’avais des objets centimétriques ici capables de communiquer dans cette salle, s’ils étaient au fond de la salle, je ne suis pas sûr que je serai capable de les voir à l’œil nu.

Donc c’est plus le fait que l’on va se retrouver dans un environnement ambiant avec une intelligence capable de mesurer notre présence en permanence et capable de garder des traces de notre passage.
À la CNIL, c’est ce qui nous intéresse : c’est la problématique de la traçabilité.
 
M. BERGOUGNOUX.- D’accord. Vous avez la problématique. Je ne dis pas que vous êtes anxiogène, mais enfin, vous brandissez des menaces. Prenez-vous des dispositions ? Préparez-vous à répondre ?
 
M. LE GRAND.- Par rapport à toutes ces problématiques-là, il faut bien voir que cette nouvelle informatique redistribue complètement les cartes parce que pendant longtemps, finalement, on a pensé que les traitements de données étaient centralisés.
Avec ces nouvelles applications, avec ces objets communicants, l’intelligence, le stockage va être complètement dispersé.

Cela va donc poser de nombreux enjeux en termes de surveillance, en termes de contrôle, par les individus, des données qui se retrouvent dans ces nouvelles architectures informatiques. C’est certain.
Et avoir la réponse aujourd’hui sur la chaîne, je ne suis pas sûr d’être capable de vous la donner.
En revanche, il est clair qu’à la CNIL on s’intéresse tout de même beaucoup au développement de ces nouvelles technologies.

Nous avons été impliqués dans le développement des puces RFID. Une recommandation européenne, par exemple, sur les RFID a été adoptée cette année. Elle est en train d’être mise en œuvre par la Commission européenne.
Nous avons été impliqués, j’ai personnellement été dans le groupe d’experts qui a aidé la commission à l’élaboration de cette recommandation sur les RFID.
Nous participons aussi à un certain nombre de projets de recherche où l’on travaille avec des industriels pour être capables de percevoir en amont quels seront les nouveaux risques en matière de protection des données.

Notre problématique, à la CNIL, est de leur faire part, en amont, des risques que l’on perçoit pour qu’ils soient capables de les intégrer dans le développement de leurs technologies pour que l’on ne se retrouve pas sur le marché avec de nouvelles applications qui n’ont pas pris en compte les aspects éthiques, les aspects de protection des personnes.
On n’a certainement pas les moyens de tout faire correctement. La CNIL est déjà débordée. Elle a une augmentation régulière de ses moyens. Des postes nous ont été alloués cette année, mais il est clair que ces nouveaux développements sont des enjeux considérables pour nous pour les années à venir.
 
M. BERGOUGNOUX.- Merci. Y a-t-il sur ce sujet des…