Déroulement des réunions

Comptes-rendus et synthèses des réunions publiques

Les comptes-rendus des réunions publiques font état de l’intégralité des propos échangés par l’ensemble des acteurs du débat. Un compte-rendu synthétique des réunions publiques sera, lui aussi, accessible au fur et à mesure du débat.

Compte-rendu intégral de la réunion publique de Toulouse

Ma question est : quand et comment peut-on créer cette organisation ?
M. LE PRESIDENT.- On va soumettre cette question.


(Applaudissements.)


INTERVENANT.- Bonsoir, je suis Michel SANSIOT, militant d'ATAC 65, Hautes Pyrénées.
Tout ce que l'on a entendu ce soir sur les nanotechnologies nous montre qu'il y a vraiment de l'intérêt particulier. Cet intérêt particulier semble être la recherche d'un profit important et rapide, et c'est pourquoi beaucoup d'industriels s'y intéressent…
On a cité aussi dans la soirée assez souvent la société ARKEMA, qui a une usine dans les Hautes-Pyrénées, à Lannemezan…


M. LE PRESIDENT.- On la verra à Bordeaux.


INTERVENANT.- … qui est Iso 14 000.
Lorsqu'on parle de réglementation pour essayer de contrôler un peu les déchets, pourquoi l'Etat n'imposerait-il pas aux industriels qui veulent se mettre à fabriquer des nanotechnologies d'avoir d'abord la classification Iso 14000 ? Au moins on aurait une certaine connaissance de leur procédé du point de vue environnemental.
Ensuite, je suis un militant de l'eau, et il y a quelque chose qui me chagrine beaucoup ce soir. Tout à l'heure, je parlais de l'intérêt particulier que beaucoup d'industriels ont à faire du profit autour de ces nanotechnologies, sans se préoccuper de ce que cela va devenir. Cet intérêt particulier va nuire à un bien commun vital de l'humanité, l'eau ; on va les rejeter dans l'eau sans connaître les conséquences que cela aura pour de nombreuses années.
Je parle d'un exemple connu maintenant, je pense aux herbicides que l'on a autorisé nos agriculteurs à utiliser et il y a quelques années on s'est aperçu que la molécule utilisée est indestructible. Est-ce que ces nanotechnologies on s'apercevra dans quinze ans quelles sont elles aussi indestructibles… En attendant, ce bien vital qu'est l'eau, dont nous avons tous besoin, qui va nous manquer de plus en plus avec les problèmes de réchauffement climatique et autres, on va le détruire et nous en pâtirons tous.
(Applaudissements.)

 

M. LE PRESIDENT.- Est-ce que je me trompe en disant que Pascal GUIRAUD est aussi un spécialiste des nanotechnologies dans l'eau ?
M. GUIRAUD.- Je ne sais pas si c'est le cas, mais ce qui m'a préoccupé depuis quelques années, c'est justement d'essayer de créer des outils pour essayer de faire de la protection de l'eau à la source de la pollution. Est-on capable de développer des techniques pour arrêter les nanoparticules quand elles sont produites dans un effluent pour éviter qu'elles aillent dans les ruisseaux et les rivières ? On travaille là-dessus avec de moyens faibles. On est relativement seuls là-dessus, l'Etat nous aide un peu, la Région Midi-Pyrénées nous aide aussi. Je suis certain que les financements associés à ce type de problèmes sont aucune mesure avec ceux que l'on peut dégager pour créer de nouvelles nanotechnologies.


M. LE PRESIDENT.- Vous allez nous éclairer sur l'écotoxicologie.


INTERVENANT.- M. GAUTIER, je suis écotoxicologue à l'université de Toulouse, et justement nous travaillons sur les nanotubes de carbone dans les milieux aquatiques. Nous avons très peu de connaissances, des travaux ont commencé aux Etats-Unis il y a quelques années où on les produit depuis pas mal de temps, donc la connaissance existe davantage là-bas. En France on a commencé à s'y intéresser   on a été les premiers –, le CIRIMAT de Toulouse et nous-mêmes, le laboratoire ECOLAB. Au fur et à mesure qu'on essaie d'avoir des outils de connaissance, il nous manque des éléments ; la connaissance nous échappe au fur et à mesure que l'on avance dans la détermination. Par exemple, on se heurte très rapidement à la caractérisation physico-chimique. On a beaucoup de mal   contrairement ce qui passe avec les substances chimiques classiques   à les caractériser, tout simplement parce que les outils nous manquent et qu'ils n'existent pas ou qu'ils sont mal adaptés aux études que nous faisons, par exemple pour doser des nanotubes, qui sont du carbone, dans des organismes vivants également constitués essentiellement de carbone et d'eau… On a donc beaucoup de mal à approcher les problèmes.
Je ne vais faire qu'apporter de l'eau au moulin de ce qui nous a été dit tout à l'heure, c'est-à-dire que finalement la pièce maîtresse de la recherche qui est l'outil de connaissance de base pour construire après une politique d'évaluation du danger, elle est aujourd'hui compliquée par rapport à ce qui existe dans REACH actuellement pour les substances chimiques. On ne fait qu'ouvrir des portes successives, celles de la connaissance, Christophe VIEU l'a très bien expliqué tout à l'heure, c'est le principe de base de la connaissance. Pour nous, ce niveau fondamental est loin d'être acquis, on ne connaît absolument pas réellement les comportements de ces substances dans l'environnement, et surtout dans les organismes. Sans parler des problèmes de la chaîne alimentaire, etc., évoqués par José CAMBOU, qui compliquent considérablement.
On a déjà du mal à savoir ce qui se passe réellement avec des substances chimiques classiques, et c'est encore plus compliqué avec les nanocomposés et nanoproduits qu'on va trouver dans l'environnement.
Ceci dit, je voudrais aussi faire un lien avec ce qui a été dit sur la réglementation. C'est vrai que dans REACH par exemple les industriels sont responsabilisés par rapport à leurs produits, mais il ne faut pas croire que les industriels prennent cela à la légère. Nous travaillons par exemple avec des nanoproduits ; on a cité ARKEMA qui travaille avec des nanotubes de carbone, que l'on va trouver dans l'environnement. On travaille avec eux et eux ont besoin d'avoir de l'expertise environnementale, notamment pour avoir les accréditations au niveau européen. Tout cela est couplé. Il ne s'agit pas de dire que d'un côté il y a les bons et de l'autre les mauvais, mais forcément les outils de connaissance de base ; on ne pourra les acquérir qu'ensemble. De ce point de vue, industriels et chercheurs sont obligés d'avancer aujourd'hui, parfois à marche forcée, parfois non parce que le chercheur est encore dans beaucoup de cas assez libre, et pour cela nous avons des outils qui sont malheureusement relativement peu adaptés aujourd'hui.


M. LE PRESIDENT.- Merci.

Madame ?


INTERVENANTE.- J'aurai une remarque concernant les financements. Nanosafe, ce sont des financements publics à destination des industriels. Je me demandais pourquoi les industriels ne finançaient pas eux-mêmes leurs recherches ? Comme on est dans la séquence environnement, je voulais aussi dire qu'on ne devrait pas se préoccuper uniquement du cycle de vie, mais aussi de l'impact écologique complet depuis la production jusqu'au déchet. Une étude récente montre que la production de nanotubes de carbone aurait une empreinte écologique 100 fois supérieure à la production de carbone à une échelle différente. Je voudrais savoir si on a plus d'éléments et peut-être se focaliser là-dessus parce qu'on sait qu'à Grenoble il faut des quantités d'eau fabuleuses pour continuer à fabriquer des souches de micro-électronique. L'empreinte écologique est plus importante encore que le cycle de vie jusqu'à la fin. Il faut prendre en compte l'ensemble de la problématique.


INTERVENANTE.- Pascale CHENEVIER, je suis chercheur au CEA en nanosciences pour l'énergie et l'électronique. Je voudrais essayer d'élargir la question de la protection de l'environnement et prendre le problème globalement et pas seulement sur les nanotechnologies, puisque les nanotechnologies   dans mon cas plutôt l'énergie   permettent de développer de nouveaux matériaux et procédés qui vont remplacer les procédés existants.
Moi je suis chercheur, je suis aussi citoyenne ; moi aussi je suis intéressée par les questions d'écologie, et quand je vais proposer un projet, essayer de travailler un nouveau procédé, je vais prioritairement proposer des choses qui vont être moins polluantes que ce qui était avant. Donc éventuellement la question de l'empreinte écologique ne sera pas seulement celle du cycle de vie du nanoobjet, mais aussi ce qu'on aura supprimé de ce qu'on fait maintenant. J'ai des collègues qui travaillent sur un nouveau procédé permettant d'éviter d'utiliser le Chrome 6 dans la fabrication de produits de la vie courante. Le Chrome 6, tout le monde sait que c'est un élément extrêmement toxique dont les industriels ont du mal à se passer. Dans la protection de l'environnement, il y a à la fois le risque potentiel du nano-objet éventuellement, et des procédés qui vont avec, mais il y a aussi ce qu'on peut remplacer qui est actuellement déjà délétère(?).


INTERVENANTE.- Je suis tout à fait d'accord avec ce qui a été dit précédemment concernant l'empreinte écologique, mais je voudrais signaler que ces études sont extraordinairement chères, au point que les outils disponibles réellement n'existent qu'en très petit nombre au niveau français et qu'on est obligé, pour travailler dans ces conditions, de faire un travail collaboratif   très intéressant par ailleurs   qui ne suffira pas à étudier toutes les nanoparticules dans les décennies à venir. Il y a un ou deux outils disponibles sur la planète pour faire des études, avec des systèmes écologiques reconstitués, extrêmement complexes, prenant en compte tous les impacts potentiels, notamment sur la chaîne alimentaire. Cela coûte énormément d'argent. Malheureusement, en France aujourd'hui, on n'a quasiment pas les moyens de cette recherche.


M. LE PRESIDENT.- En vous entendant parler, Madame, je pensais aux nouvelles générations de photovoltaïques qui ont un bilan intéressant en énergie, pouvant être utilisées à des coûts raisonnables, mais avec le problème que ce sont tout de même des nanotechnologies.
La table ronde sur l'aéronautique ne pourra pas être traitée très sérieusement vu l'heure qui avance, mais Colette LACABANNE pourrait-elle nous dire un mot ? Il y a différents nanomatériaux, et ce n'est pas la même chose en termes de cycle de vie.


Mme LACABANNE(?).- Ce n'est pas la même chose, parce qu'on englobe dans "nanomatériaux" depuis la dizaine de nanomètres, qui va passer les barrières biologiques que l'on connaît, mais des matériaux qui simplement sont submicroniques, qui font des centaines de nanomètres. On les appelle "nanomatériaux" parce qu'ils ont des effets spectaculaires au niveau de leurs propriétés physiques, tels qu'une conductivité électrique ou des effets piézo-électriques, mais dans ce cas on n'a pas du tout le même type de risques.
Il faudra essayer de ne pas faire l'amalgame, car ce serait dommage de se priver de certains nanomatériaux permettant d'alléger des structures et d'avoir des dispositifs plus astucieux.


M. LE PRESIDENT.- On a le sentiment qu'il y a des choses à traiter au cas par cas et que   je reviens sur l'oxyde d'argent et des chaussettes de Mme CAMBOU  , on a l'impression que ce n'est pas tout à fait le même problème que les têtes de lecture de votre ordinateur, qui utilise les mêmes nanotechnologies, mais personne n'a imaginé qu'il va vous cracher cela à la figure, et d'autre part qu'on ne puisse pas mettre en place des filières de recyclage permettant de récupérer cela proprement… Je me trompe ? Il faut essayer de segmenter le problème.


Mme CAMBOU.- Ce que vous dites est tout à fait vrai. Une des grandes difficultés quand je parle de nanotechnotechnologies, d'ailleurs moi je dis "le monde des nanotechnologies" parce qu'on est devant une grande complexité. On parle toujours de nanomatériaux, nanoparticules, mais ce sont des choses différentes avec des effets extraordinairement différents, que soit en termes environnementaux ou sanitaires, c'est sûr. Ils ont pour certains des usages pour une industrie très pointue, où ils ne seront jamais mis en contact direct avec le corps. Je vous ai parlé tout à l'heure de tout un tas de choses en contact avec le corps humain…
Quelque chose a été dit précédemment m'obsède, c'est le problème de la substitution. Je suis extrêmement ouverte depuis très longtemps au principe de la substitution au niveau industriel, on sait très bien qu'il faut substituer les produits cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques, etc.
Néanmoins, reprenons l'exemple intéressant de l'amiante. On a mis quelque 80 ans ou plus à se mettre d'accord sur le fait qu'il fallait arrêter de l'utiliser. On le savait depuis le XIXe siècle… C'est comme d'habitude. On a mis en place de la substitution avec d'autres matériaux qui comportaient des fibres, dont on a commencé d'abord par dire qu'il n'y avait aucun problème. Il a fallu attendre ces toutes dernières années, où grâce à l'Agence française de sécurité sanitaire - environnement - travail, qui est un établissement public complètement indépendant sur sa prise de décision, pour avoir des avis démontrant que les fibres en substitution de l'amiante posent de vrais problèmes aussi.
C'est bien de réfléchir à la substitution, encore faut-il que dans la démarche on ait une véritable comparaison de risques, sans cela on jouera à déplacer des pions sans avoir globalement un avantage positif ni en termes environnementaux ni en termes sanitaires.

 

 INTERVENANTE.- Il y a une idée qui me choque un peu quand on parle de destruction des déchets dus aux nanotechnologies. Je pense que cela implique beaucoup d'énergie pour détruire tous ces déchets. Par exemple pour les nanotubes de carbone, on parle de combustion, avec production de CO2. Madame la représentante du ministère de l'Ecologie est là pour démontrer qu'en France on a envie de protéger l'environnement. Avec ces nanotechnologies, est-on sûr qu'elles sont indispensables pour produire des gaz à effet de serre encore aujourd'hui ?


M. LE PRESIDENT.- Je comprends parfaitement votre question.


M. FLAHAUT.- Les quantités de nanotubes de carbone qu'on va utiliser dans des applications pour obtenir une amélioration des propriétés mécaniques ou électroniques sont de l'ordre de quelques dixièmes de pour cent. Dans le produit fini, la quantité de nanotubes de carbone est donc infime. A la fin, en laboratoire, quand on essaie de les détruire en les brûlant sous air, à 250 ou 300 degrés, il n'y a quasiment plus personne ! Ce ne sont pas des énergies considérables et ce sont des quantités relativement limitées.
Je voudrais revenir sur la question des différentes sortes de nanotechnologies. Dans le cas particulier des nanotubes de carbone, il faut savoir qu'il y a presque autant de types de nanotubes de carbone que de méthodes de fabrication. En fonction des procédés chimiques qui vont leur être appliqués, typiquement les procédés de purification   souvent les nanotubes de carbone ne sont pas commercialisés brut de production   vont modifier très fortement leur interaction avec le vivent en particulier, et donc on ne peut pas répondre actuellement aux questions de toxicité. Les nanotubes de carbone sont-ils toxiques ? On ne le sait pas parce qu'on ne peut pas comparer. On peut comparer différents types d'échantillons de nanotubes de carbone, mais dès qu'on fait le moindre traitement chimique sur les nanotubes on modifie complètement son interaction avec l'environnement et donc il n'y a pas de réponse unique à cette question. Il faudrait tester tous les échantillons de nanotubes de carbone avec tous les traitements chimiques imaginables pour répondre à cette question.


M. LE PRESIDENT.- On a parlé tout à l'heure d'empreinte écologique. C'est un sujet sur lequel j'aimerais entendre Jean-Marc Thomas parce qu'on ne va pas parler d'aéronautique ce soir.
Est-ce que Jean-Marc Thomas est toujours là ce soir ? (Oui)
Est-ce que vous pourriez nous dire au fond si sur les matériaux nanotechnologiques structurés, qui doivent contribuer à résistance égale à alléger les choses, vous fondez des espoirs pour réduire les consommations de kérosène des avions, toutes choses égales par ailleurs ?


M. THOMAS.- Sans avoir le temps de faire l'intervention prévue tout à l'heure, je voudrais rappeler que la filière aéronautique européenne s'est engagée sur de grandes ambitions puisqu'en 2000 une réflexion associant toutes les parties prenantes européennes, y compris la Commission européenne (travaux ACAR*) a débouché sur des engagements très importants pris entre 2000 et 2020. Le besoin sociétal conduit à plus qu'une multiplication par deux du nombre d'avions et proche de trois du nombre de passagers, face à cela de réduire le CO2 par deux, le NOX par cinq, le bruit perçu par deux, etc. Ce sont des engagements qui ont été pris au niveau de l'ensemble des acteurs de l'aéronautique civile européenne.
J'en profite pour dire qu'il est très important que l'Europe s'engage, qu'elle soit devant. Il faut aussi faire de gros efforts pour que les autres ne soient pas loin derrière, sinon cela introduit très rapidement des décalages concurrentiels.
A la question que vous venez d'aborder, il est sûr qu'il faudra faire des progrès sur un certain de domaines, ce sont les matériaux, les carburants, la combustion, l'architecture, les systèmes. Nous sommes en train de travailler sur tous ces fronts.
Le cycle des avions est très long. Il faut d'abord des recherches amont pour montrer des potentialités. Ensuite on commence à cerner les idées qu'on peut introduire dans des architectures d'avion. Ensuite, on fait toute une série de tests qui prennent plusieurs années pour démontrer la validité, l'intégrer dans des démonstrateurs et seulement à partir de là on l'applique sur un avion, très souvent sur des technologies différentes de quinze ans.
Sur le composite, le tout premier Airbus avait 3 % de composites, l'A350 qui sortira dans trois ans en aura à peine 50 %. Il faut donc beaucoup de temps pour progresser.
Les nanotechnologies, on les retrouvera partout. J'ai parlé de matériau, de structure, de systèmes, de combustion, de carburants, on en retrouvera un peu partout, mais dans combien d'années ?
Tout à l'heure un des intervenants disait qu'on est à l'âge de 1960 sur telle ou telle technologie. Sur les nanotechnologies, je ne sais pas si on est en 1960, 1970 ou 1980, mais aujourd'hui on travaille sur des perspectives qui intéresseront des avions au-delà de 2020. On a donc le temps de dérouler ensemble tout cette approche et toutes les préoccupations évoquées.
Il faut concevoir, il faut d'abord chercher, si possible trouver, concevoir, élaborer, et j'insiste beaucoup sur ce mot, car aujourd'hui autant de progrès sont faits sur le produit lui-même que sur les procédés. Si on ne prend pas d'énormes précautions sur les procédés, on va vers des désastres.

 

J'ajouterai la composante de la fin de vie, comme vous l'évoquiez, en regardant tous les aspects. Je voudrais citer au passage qu'Airbus a développé à Tarbes le premier centre mondial de démantèlement environnemental des avions, où, dans le cadre du programme européen Life, on a démontré qu'on récupérait 80 % de la matière (bottle to bottle), et avec au passage des aspects non seulement environnementaux mais aussi économiques puisque la tonne d'aluminium récupérée coûte à peu près moitié moins cher que l'aluminium produit à partir du minerai.
Je ne peux pas laisser passer ce qui a été dit tout à l'heure sur la peinture et les conditions absolument dantesques et minables dans lesquelles Airbus peint ses avions… Je ne peux absolument pas l'accepter.
Nous avons aujourd'hui les procédés les plus avancés en Europe. Nous sommes totalement respectueux de l'ensemble des procédures, avec des salles de peinture à dépression, des équipements complets. Aujourd'hui non seulement les consignes REACH s'appliquent mais les CHSCT ont été évoqués, nous avons des contrôles des inspections du travail, des organismes indépendants comme l'AFSET qui testent et vérifient sans arrêt ces installations.
Enfin, je voudrais dire un tout petit mot sur REACH pour finir. REACH s'applique. Comme cela a été dit, les industriels sont responsables, nous sommes responsables, et il faut que la cascade soit responsable… Quand on arrive à un produit final sur un avion, avec un certain d'intermédiaires, il faut donc assurer toute une traçabilité au niveau de tous ces procédés.
Je crois que la filière européenne s'est mise totalement en marche. Là aussi il serait important que l'ensemble s'applique au niveau mondial et que l'Europe exerce des pressions très fortes dans ce sens. Je voudrais simplement signaler qu'un avion américain   je ne cite pas le constructeur   peut respecter 0 % de REACH et pourtant livrer des compagnies aériennes européennes. Il est donc très important que nous soyons précurseurs. Il est très important que l'Europe montre le chemin. Il est très important aussi que l'Europe fasse aboutir l'ensemble de ses partenaires.
Dernier point, puisque vous étiez partis de cette question, les nanotechnologies, on en espère beaucoup, ce sera prêt en 2020. Aujourd'hui il n'y a pas d'application. On pourrait aller assez vite… Je crois que tout le process décrit ici, on y est particulièrement sensibles. On pourrait avancer très vite dans un certain nombre de domaines, mais ce serait faire fi de ces aspects de maturation, de compréhension, de sécurité.
Au passage, REACH, ce n'est pas simplement l'enregistrement des produits. Depuis maintenant plusieurs années, nous enregistrons les produits et les personnes qui chaque jour les manipulent…
 
Vous voyez que nous allons très loin. Je pense qu'il y a un avenir fantastique des nanotechnologies…, je reviens sur toute la sémantique…, il y a les nanotechnologies, des nanostructurés, des nano-objets, etc. Il y a des projets fantastiques.
Puisque tout à l'heure quelqu'un a posé une question sur l'eau, très récemment, dans le cadre d'un projet de recherche très ambitieux, l'application de nanotubes, ces recherches peuvent permettre d'espérer dans une dizaine d'années de pouvoir augmenter l'efficacité de la désalinisation de l'eau, avec un coefficient qui sera au minimum de 10 par rapport au procédé actuel et certainement pas loin de 100 à l'arrivée. On a donc beaucoup à attendre de ces technologies ; simplement il faut les accompagner d'un certain nombre de choses citées aujourd'hui : en même temps comprendre le produit, comprendre le procédé, comprendre les aspects de sécurité et maîtriser l'ensemble du process.


M. LE PRESIDENT.- Merci, Jean-Marc Thomas.
(Applaudissements.)


Il est maintenant 23 heures 10, donc la table ronde sur la séquence 2 a été escamotée, mais ceux qui y participaient ont pu parler, à l'exception de notre ingénieur général de l'armement, j'en suis désolé. Il y avait de nombreuses questions pour lui.
Nous allons nous séparer dans quelques minutes, mais avant je vous propose une petite récréation nanoscientifique, avec une brouette nano.


M. LE PRESIDENT.- Merci aux participants de cette séquence.
(Applaudissements.)


M. Rapenne (CNRS/CEMES).- Avant de présenter ma brouette nanométrique, je pense qu'il y avait quelques petites choses à dire par rapport à la chimie d'une manière générale, parce qu'on mélange beaucoup de choses. Par exemple, tout ce qui serait naturel serait forcément bon… Il y a plein de molécules toxiques dans la nature ! Tout ce qui serait nano serait forcément mauvais ? Ce n'est pas vrai non plus. Il y a sans doute des choses qui sont très toxiques dans le nano, il faudra tout contrôler, mais au niveau du nano, il y a des gains importants à faire, par exemple en photovoltaïque, en médecine, etc.
On a parlé de manipulation de la matière à l'échelle du nanomètre. Quand on parle de manipulation, ce terme peut être pris de manière péjorative. Pour nous, c'est la première définition du terme, manipuler des molécules, donc on va prendre des molécules et les faire bouger.
Le contrôle nano, à l'aide du microscope, nous permet de voir une seule molécule et de la manipuler. Après, toute notre chimie est assez classique, on fait de la synthèse, à l'arrivée on a une dizaine de milligrammes de cette molécule en laboratoire. En termes de CO2 dégagé, quand on va détruire la molécule après son utilisation, sur environ trois ans de travail de physique, de microscopie effectuée sur les molécules, cela représente 8 mg de CO2. C'est dix mille fois moins que ce que votre voiture consomme quand vous êtes un kilomètre. Quand on fait de la recherche fondamentale, on travaille sur de très petites quantités et je crois que faire un moratoire sur la recherche est totalement inenvisageable. La recherche, c'est ce qui nous permet d'avancer, d'accumuler des connaissances pour savoir si ce qu'on crée au niveau nanotechnologie peut être intéressant pour l'avenir ou pas. Cela me semble aberrant de commercialiser des molécules qui ne soient pas testées. En cela, REACH a ouvert de grandes perspectives pour la chimie.
Je vous présente donc une molécule qu'on considère comme une brouette. On fait du mécano à l'échelle atomique. Sur la modélisation à droite, on voit une molécule à trois pales, qu'on considère comme une roue. Dans la molécule, il n'y a que du carbone et des hydrogènes. Les roues sont indiquées en rouge.
Pour faire cette molécule il y a un an de travail. On construit la molécule comme des Légo, en utilisant tout ce qui s'est fait en chimie depuis deux siècles. La chimie crée son objet, on crée des molécules. On a créé une molécule. À la fin on a 10 mg.
On voulait donc avoir une seule molécule et la manipuler. Je rappelle pour ceux qui ne le savent pas qu'il y a une quarantaine d'années on pensait que ce serait impossible de voir une seule molécule, maintenant avec les microscopes on peut les voir et les manipuler, et en les manipulant savoir ce qui se passe dans la mécanique de la molécule.
La flèche blanche montre le mouvement d'une pointe   à l'échelle nanométrique   qui veut pousser la molécule. D'une image à l'autre, on voit ce qui passe, il ne se passe rien, la molécule ne bouge pas.
(Explication de l'étude)
J'ai été très fâché d'entendre que les chercheurs étaient financés par l'industrie, etc., qu'il y avait une espèce de complot entre l'industrie et les chercheurs… Il y  a de nombreux chercheurs au CNRS qui font de la recherche fondamentale et on n'a que de l'argent national, provenant de l'ANR, du CNRS, de l'Europe, etc. Il y a tout de même énormément de chercheurs qui font des recherches sans être pour autant débiteurs vis-à-vis de l'industrie.
Pour terminer, on ne sait pas à quoi va servir notre travail. On a réussi à montrer qu'avec une pointe à l'échelle nanométrique on pouvait générer une rotation. On peut mesurer le courant électrique qui passe de la pointe à la surface.
Le chercheur qui a découvert les cristaux liquides en 1910 aurait été incapable de vous dire qu'un siècle plus tard il y aurait des écrans à cristaux liquides partout dans vos poches, chez vous dans le salon, etc.
Si vous avez des questions sur la chimie ou les nanosciences de manière générale…


M. LE PRESIDENT.- Merci. C'était très clair et très bien.
(Applaudissements.)


Il me reste à remercier tous ceux qui ont eu le courage de rester jusqu'à bien tard, cela en valait la peine. Merci à tous.


La séance est levée à 23 heures 22.