| 
			 
			Ma question est : quand et comment peut-on créer cette organisation ? 
			M. LE PRESIDENT.- On va soumettre cette question. 
			 
			
			 
			(Applaudissements.)
			 
			
			 
			INTERVENANT.- Bonsoir, je suis Michel SANSIOT, militant d'ATAC 65, Hautes Pyrénées.  
			Tout ce que l'on a entendu ce soir sur les nanotechnologies nous montre
			qu'il y a vraiment de l'intérêt particulier. Cet intérêt particulier
			semble être la recherche d'un profit important et rapide, et c'est
			pourquoi beaucoup d'industriels s'y intéressent… 
			On a cité aussi dans la soirée assez souvent la société ARKEMA, qui a une usine dans les Hautes-Pyrénées, à Lannemezan… 
			 
			
			 
			M. LE PRESIDENT.- On la verra à Bordeaux.
			 
			
			 
			INTERVENANT.- … qui est Iso 14 000. 
			Lorsqu'on parle de réglementation pour essayer de contrôler un peu les
			déchets, pourquoi l'Etat n'imposerait-il pas aux industriels qui
			veulent se mettre à fabriquer des nanotechnologies d'avoir d'abord la
			classification Iso 14000 ? Au moins on aurait une certaine connaissance
			de leur procédé du point de vue environnemental. 
			Ensuite, je suis un militant de l'eau, et il y a quelque chose qui me
			chagrine beaucoup ce soir. Tout à l'heure, je parlais de l'intérêt
			particulier que beaucoup d'industriels ont à faire du profit autour de
			ces nanotechnologies, sans se préoccuper de ce que cela va devenir. Cet
			intérêt particulier va nuire à un bien commun vital de l'humanité,
			l'eau ; on va les rejeter dans l'eau sans connaître les conséquences
			que cela aura pour de nombreuses années.  
			Je parle d'un exemple connu maintenant, je pense aux herbicides que
			l'on a autorisé nos agriculteurs à utiliser et il y a quelques années
			on s'est aperçu que la molécule utilisée est indestructible. Est-ce que
			ces nanotechnologies on s'apercevra dans quinze ans quelles sont elles
			aussi indestructibles… En attendant, ce bien vital qu'est l'eau, dont
			nous avons tous besoin, qui va nous manquer de plus en plus avec les
			problèmes de réchauffement climatique et autres, on va le détruire et
			nous en pâtirons tous.  
			(Applaudissements.) 
			 
			
			 
			 
			
			M. LE PRESIDENT.- Est-ce que je me trompe en disant que Pascal GUIRAUD
			est aussi un spécialiste des nanotechnologies dans l'eau ?  
			M. GUIRAUD.- Je ne sais pas si c'est le cas, mais ce qui m'a préoccupé
			depuis quelques années, c'est justement d'essayer de créer des outils
			pour essayer de faire de la protection de l'eau à la source de la
			pollution. Est-on capable de développer des techniques pour arrêter les
			nanoparticules quand elles sont produites dans un effluent pour éviter
			qu'elles aillent dans les ruisseaux et les rivières ? On travaille
			là-dessus avec de moyens faibles. On est relativement seuls là-dessus,
			l'Etat nous aide un peu, la Région Midi-Pyrénées nous aide aussi. Je
			suis certain que les financements associés à ce type de problèmes sont
			aucune mesure avec ceux que l'on peut dégager pour créer de nouvelles
			nanotechnologies.
			 
			
			 
			M. LE PRESIDENT.- Vous allez nous éclairer sur l'écotoxicologie.
			 
			
			 
			INTERVENANT.- M. GAUTIER, je suis écotoxicologue à l'université de
			Toulouse, et justement nous travaillons sur les nanotubes de carbone
			dans les milieux aquatiques. Nous avons très peu de connaissances, des
			travaux ont commencé aux Etats-Unis il y a quelques années où on les
			produit depuis pas mal de temps, donc la connaissance existe davantage
			là-bas. En France on a commencé à s'y intéresser   on a été les
			premiers –, le CIRIMAT de Toulouse et nous-mêmes, le laboratoire
			ECOLAB. Au fur et à mesure qu'on essaie d'avoir des outils de
			connaissance, il nous manque des éléments ; la connaissance nous
			échappe au fur et à mesure que l'on avance dans la détermination. Par
			exemple, on se heurte très rapidement à la caractérisation
			physico-chimique. On a beaucoup de mal   contrairement ce qui passe
			avec les substances chimiques classiques   à les caractériser, tout
			simplement parce que les outils nous manquent et qu'ils n'existent pas
			ou qu'ils sont mal adaptés aux études que nous faisons, par exemple
			pour doser des nanotubes, qui sont du carbone, dans des organismes
			vivants également constitués essentiellement de carbone et d'eau… On a
			donc beaucoup de mal à approcher les problèmes. 
			Je ne vais faire qu'apporter de l'eau au moulin de ce qui nous a été
			dit tout à l'heure, c'est-à-dire que finalement la pièce maîtresse de
			la recherche qui est l'outil de connaissance de base pour construire
			après une politique d'évaluation du danger, elle est aujourd'hui
			compliquée par rapport à ce qui existe dans REACH actuellement pour les
			substances chimiques. On ne fait qu'ouvrir des portes successives,
			celles de la connaissance, Christophe VIEU l'a très bien expliqué tout
			à l'heure, c'est le principe de base de la connaissance. Pour nous, ce
			niveau fondamental est loin d'être acquis, on ne connaît absolument pas
			réellement les comportements de ces substances dans l'environnement, et
			surtout dans les organismes. Sans parler des problèmes de la chaîne
			alimentaire, etc., évoqués par José CAMBOU, qui compliquent
			considérablement.  
			On a déjà du mal à savoir ce qui se passe réellement avec des
			substances chimiques classiques, et c'est encore plus compliqué avec
			les nanocomposés et nanoproduits qu'on va trouver dans l'environnement.
			 
			Ceci dit, je voudrais aussi faire un lien avec ce qui a été dit sur la
			réglementation. C'est vrai que dans REACH par exemple les industriels
			sont responsabilisés par rapport à leurs produits, mais il ne faut pas
			croire que les industriels prennent cela à la légère. Nous travaillons
			par exemple avec des nanoproduits ; on a cité ARKEMA qui travaille avec
			des nanotubes de carbone, que l'on va trouver dans l'environnement. On
			travaille avec eux et eux ont besoin d'avoir de l'expertise
			environnementale, notamment pour avoir les accréditations au niveau
			européen. Tout cela est couplé. Il ne s'agit pas de dire que d'un côté
			il y a les bons et de l'autre les mauvais, mais forcément les outils de
			connaissance de base ; on ne pourra les acquérir qu'ensemble. De ce
			point de vue, industriels et chercheurs sont obligés d'avancer
			aujourd'hui, parfois à marche forcée, parfois non parce que le
			chercheur est encore dans beaucoup de cas assez libre, et pour cela
			nous avons des outils qui sont malheureusement relativement peu adaptés
			aujourd'hui.
			 
			
			 
			M. LE PRESIDENT.- Merci.
			 
			
			Madame ?
			 
			
			 
			INTERVENANTE.- J'aurai une remarque concernant les financements.
			Nanosafe, ce sont des financements publics à destination des
			industriels. Je me demandais pourquoi les industriels ne finançaient
			pas eux-mêmes leurs recherches ? Comme on est dans la séquence
			environnement, je voulais aussi dire qu'on ne devrait pas se préoccuper
			uniquement du cycle de vie, mais aussi de l'impact écologique complet
			depuis la production jusqu'au déchet. Une étude récente montre que la
			production de nanotubes de carbone aurait une empreinte écologique 100
			fois supérieure à la production de carbone à une échelle différente. Je
			voudrais savoir si on a plus d'éléments et peut-être se focaliser
			là-dessus parce qu'on sait qu'à Grenoble il faut des quantités d'eau
			fabuleuses pour continuer à fabriquer des souches de
			micro-électronique. L'empreinte écologique est plus importante encore
			que le cycle de vie jusqu'à la fin. Il faut prendre en compte
			l'ensemble de la problématique.
			 
			
			 
			INTERVENANTE.- Pascale CHENEVIER, je suis chercheur au CEA en
			nanosciences pour l'énergie et l'électronique. Je voudrais essayer
			d'élargir la question de la protection de l'environnement et prendre le
			problème globalement et pas seulement sur les nanotechnologies, puisque
			les nanotechnologies   dans mon cas plutôt l'énergie   permettent de
			développer de nouveaux matériaux et procédés qui vont remplacer les
			procédés existants.  
			Moi je suis chercheur, je suis aussi citoyenne ; moi aussi je suis
			intéressée par les questions d'écologie, et quand je vais proposer un
			projet, essayer de travailler un nouveau procédé, je vais
			prioritairement proposer des choses qui vont être moins polluantes que
			ce qui était avant. Donc éventuellement la question de l'empreinte
			écologique ne sera pas seulement celle du cycle de vie du nanoobjet,
			mais aussi ce qu'on aura supprimé de ce qu'on fait maintenant. J'ai des
			collègues qui travaillent sur un nouveau procédé permettant d'éviter
			d'utiliser le Chrome 6 dans la fabrication de produits de la vie
			courante. Le Chrome 6, tout le monde sait que c'est un élément
			extrêmement toxique dont les industriels ont du mal à se passer. Dans
			la protection de l'environnement, il y a à la fois le risque potentiel
			du nano-objet éventuellement, et des procédés qui vont avec, mais il y
			a aussi ce qu'on peut remplacer qui est actuellement déjà délétère(?).
			 
			
			 
			INTERVENANTE.- Je suis tout à fait d'accord avec ce qui a été dit
			précédemment concernant l'empreinte écologique, mais je voudrais
			signaler que ces études sont extraordinairement chères, au point que
			les outils disponibles réellement n'existent qu'en très petit nombre au
			niveau français et qu'on est obligé, pour travailler dans ces
			conditions, de faire un travail collaboratif   très intéressant par
			ailleurs   qui ne suffira pas à étudier toutes les nanoparticules dans
			les décennies à venir. Il y a un ou deux outils disponibles sur la
			planète pour faire des études, avec des systèmes écologiques
			reconstitués, extrêmement complexes, prenant en compte tous les impacts
			potentiels, notamment sur la chaîne alimentaire. Cela coûte énormément
			d'argent. Malheureusement, en France aujourd'hui, on n'a quasiment pas
			les moyens de cette recherche.
			 
			
			 
			M. LE PRESIDENT.- En vous entendant parler, Madame, je pensais aux
			nouvelles générations de photovoltaïques qui ont un bilan intéressant
			en énergie, pouvant être utilisées à des coûts raisonnables, mais avec
			le problème que ce sont tout de même des nanotechnologies. 
			La table ronde sur l'aéronautique ne pourra pas être traitée très
			sérieusement vu l'heure qui avance, mais Colette LACABANNE
			pourrait-elle nous dire un mot ? Il y a différents nanomatériaux, et ce
			n'est pas la même chose en termes de cycle de vie.
			 
			
			 
			Mme LACABANNE(?).- Ce n'est pas la même chose, parce qu'on englobe dans
			"nanomatériaux" depuis la dizaine de nanomètres, qui va passer les
			barrières biologiques que l'on connaît, mais des matériaux qui
			simplement sont submicroniques, qui font des centaines de nanomètres.
			On les appelle "nanomatériaux" parce qu'ils ont des effets
			spectaculaires au niveau de leurs propriétés physiques, tels qu'une
			conductivité électrique ou des effets piézo-électriques, mais dans ce
			cas on n'a pas du tout le même type de risques.  
			Il faudra essayer de ne pas faire l'amalgame, car ce serait dommage de
			se priver de certains nanomatériaux permettant d'alléger des structures
			et d'avoir des dispositifs plus astucieux.
			 
			
			 
			M. LE PRESIDENT.- On a le sentiment qu'il y a des choses à traiter au
			cas par cas et que   je reviens sur l'oxyde d'argent et des chaussettes
			de Mme CAMBOU  , on a l'impression que ce n'est pas tout à fait le même
			problème que les têtes de lecture de votre ordinateur, qui utilise les
			mêmes nanotechnologies, mais personne n'a imaginé qu'il va vous cracher
			cela à la figure, et d'autre part qu'on ne puisse pas mettre en place
			des filières de recyclage permettant de récupérer cela proprement… Je
			me trompe ? Il faut essayer de segmenter le problème. 
			 
			
			 
			Mme CAMBOU.- Ce que vous dites est tout à fait vrai. Une des grandes
			difficultés quand je parle de nanotechnotechnologies, d'ailleurs moi je
			dis "le monde des nanotechnologies" parce qu'on est devant une grande
			complexité. On parle toujours de nanomatériaux, nanoparticules, mais ce
			sont des choses différentes avec des effets extraordinairement
			différents, que soit en termes environnementaux ou sanitaires, c'est
			sûr. Ils ont pour certains des usages pour une industrie très pointue,
			où ils ne seront jamais mis en contact direct avec le corps. Je vous ai
			parlé tout à l'heure de tout un tas de choses en contact avec le corps
			humain… 
			Quelque chose a été dit précédemment m'obsède, c'est le problème de la
			substitution. Je suis extrêmement ouverte depuis très longtemps au
			principe de la substitution au niveau industriel, on sait très bien
			qu'il faut substituer les produits cancérigènes, mutagènes,
			reprotoxiques, etc. 
			Néanmoins, reprenons l'exemple intéressant de l'amiante. On a mis
			quelque 80 ans ou plus à se mettre d'accord sur le fait qu'il fallait
			arrêter de l'utiliser. On le savait depuis le XIXe siècle… C'est comme
			d'habitude. On a mis en place de la substitution avec d'autres
			matériaux qui comportaient des fibres, dont on a commencé d'abord par
			dire qu'il n'y avait aucun problème. Il a fallu attendre ces toutes
			dernières années, où grâce à l'Agence française de sécurité sanitaire -
			environnement - travail, qui est un établissement public complètement
			indépendant sur sa prise de décision, pour avoir des avis démontrant
			que les fibres en substitution de l'amiante posent de vrais problèmes
			aussi.  
			C'est bien de réfléchir à la substitution, encore faut-il que dans la
			démarche on ait une véritable comparaison de risques, sans cela on
			jouera à déplacer des pions sans avoir globalement un avantage positif
			ni en termes environnementaux ni en termes sanitaires.
			 
			
			 
			 
			
			 INTERVENANTE.- Il y a une idée qui me choque un peu quand on parle de
			destruction des déchets dus aux nanotechnologies. Je pense que cela
			implique beaucoup d'énergie pour détruire tous ces déchets. Par exemple
			pour les nanotubes de carbone, on parle de combustion, avec production
			de CO2. Madame la représentante du ministère de l'Ecologie est là pour
			démontrer qu'en France on a envie de protéger l'environnement. Avec ces
			nanotechnologies, est-on sûr qu'elles sont indispensables pour produire
			des gaz à effet de serre encore aujourd'hui ?
			 
			
			 
			M. LE PRESIDENT.- Je comprends parfaitement votre question.
			 
			
			 
			M. FLAHAUT.- Les quantités de nanotubes de carbone qu'on va utiliser
			dans des applications pour obtenir une amélioration des propriétés
			mécaniques ou électroniques sont de l'ordre de quelques dixièmes de
			pour cent. Dans le produit fini, la quantité de nanotubes de carbone
			est donc infime. A la fin, en laboratoire, quand on essaie de les
			détruire en les brûlant sous air, à 250 ou 300 degrés, il n'y a
			quasiment plus personne ! Ce ne sont pas des énergies considérables et
			ce sont des quantités relativement limitées. 
			Je voudrais revenir sur la question des différentes sortes de
			nanotechnologies. Dans le cas particulier des nanotubes de carbone, il
			faut savoir qu'il y a presque autant de types de nanotubes de carbone
			que de méthodes de fabrication. En fonction des procédés chimiques qui
			vont leur être appliqués, typiquement les procédés de purification  
			souvent les nanotubes de carbone ne sont pas commercialisés brut de
			production   vont modifier très fortement leur interaction avec le
			vivent en particulier, et donc on ne peut pas répondre actuellement aux
			questions de toxicité. Les nanotubes de carbone sont-ils toxiques ? On
			ne le sait pas parce qu'on ne peut pas comparer. On peut comparer
			différents types d'échantillons de nanotubes de carbone, mais dès qu'on
			fait le moindre traitement chimique sur les nanotubes on modifie
			complètement son interaction avec l'environnement et donc il n'y a pas
			de réponse unique à cette question. Il faudrait tester tous les
			échantillons de nanotubes de carbone avec tous les traitements
			chimiques imaginables pour répondre à cette question.
			 
			
			 
			M. LE PRESIDENT.- On a parlé tout à l'heure d'empreinte écologique.
			C'est un sujet sur lequel j'aimerais entendre Jean-Marc Thomas parce
			qu'on ne va pas parler d'aéronautique ce soir.  
			Est-ce que Jean-Marc Thomas est toujours là ce soir ? (Oui) 
			Est-ce que vous pourriez nous dire au fond si sur les matériaux
			nanotechnologiques structurés, qui doivent contribuer à résistance
			égale à alléger les choses, vous fondez des espoirs pour réduire les
			consommations de kérosène des avions, toutes choses égales par ailleurs
			?
			 
			
			 
			M. THOMAS.- Sans avoir le temps de faire l'intervention prévue tout à
			l'heure, je voudrais rappeler que la filière aéronautique européenne
			s'est engagée sur de grandes ambitions puisqu'en 2000 une réflexion
			associant toutes les parties prenantes européennes, y compris la
			Commission européenne (travaux ACAR*) a débouché sur des engagements
			très importants pris entre 2000 et 2020. Le besoin sociétal conduit à
			plus qu'une multiplication par deux du nombre d'avions et proche de
			trois du nombre de passagers, face à cela de réduire le CO2 par deux,
			le NOX par cinq, le bruit perçu par deux, etc. Ce sont des engagements
			qui ont été pris au niveau de l'ensemble des acteurs de l'aéronautique
			civile européenne.  
			J'en profite pour dire qu'il est très important que l'Europe s'engage,
			qu'elle soit devant. Il faut aussi faire de gros efforts pour que les
			autres ne soient pas loin derrière, sinon cela introduit très
			rapidement des décalages concurrentiels.  
			A la question que vous venez d'aborder, il est sûr qu'il faudra faire
			des progrès sur un certain de domaines, ce sont les matériaux, les
			carburants, la combustion, l'architecture, les systèmes. Nous sommes en
			train de travailler sur tous ces fronts.  
			Le cycle des avions est très long. Il faut d'abord des recherches amont
			pour montrer des potentialités. Ensuite on commence à cerner les idées
			qu'on peut introduire dans des architectures d'avion. Ensuite, on fait
			toute une série de tests qui prennent plusieurs années pour démontrer
			la validité, l'intégrer dans des démonstrateurs et seulement à partir
			de là on l'applique sur un avion, très souvent sur des technologies
			différentes de quinze ans. 
			Sur le composite, le tout premier Airbus avait 3 % de composites,
			l'A350 qui sortira dans trois ans en aura à peine 50 %. Il faut donc
			beaucoup de temps pour progresser.  
			Les nanotechnologies, on les retrouvera partout. J'ai parlé de
			matériau, de structure, de systèmes, de combustion, de carburants, on
			en retrouvera un peu partout, mais dans combien d'années ? 
			Tout à l'heure un des intervenants disait qu'on est à l'âge de 1960 sur
			telle ou telle technologie. Sur les nanotechnologies, je ne sais pas si
			on est en 1960, 1970 ou 1980, mais aujourd'hui on travaille sur des
			perspectives qui intéresseront des avions au-delà de 2020. On a donc le
			temps de dérouler ensemble tout cette approche et toutes les
			préoccupations évoquées.  
			Il faut concevoir, il faut d'abord chercher, si possible trouver,
			concevoir, élaborer, et j'insiste beaucoup sur ce mot, car aujourd'hui
			autant de progrès sont faits sur le produit lui-même que sur les
			procédés. Si on ne prend pas d'énormes précautions sur les procédés, on
			va vers des désastres.
			 
			
			 
			 
			
			J'ajouterai la composante de la fin de vie, comme vous l'évoquiez, en
			regardant tous les aspects. Je voudrais citer au passage qu'Airbus a
			développé à Tarbes le premier centre mondial de démantèlement
			environnemental des avions, où, dans le cadre du programme européen
			Life, on a démontré qu'on récupérait 80 % de la matière (bottle to
			bottle), et avec au passage des aspects non seulement environnementaux
			mais aussi économiques puisque la tonne d'aluminium récupérée coûte à
			peu près moitié moins cher que l'aluminium produit à partir du minerai.
			 
			Je ne peux pas laisser passer ce qui a été dit tout à l'heure sur la
			peinture et les conditions absolument dantesques et minables dans
			lesquelles Airbus peint ses avions… Je ne peux absolument pas
			l'accepter. 
			Nous avons aujourd'hui les procédés les plus avancés en Europe. Nous
			sommes totalement respectueux de l'ensemble des procédures, avec des
			salles de peinture à dépression, des équipements complets. Aujourd'hui
			non seulement les consignes REACH s'appliquent mais les CHSCT ont été
			évoqués, nous avons des contrôles des inspections du travail, des
			organismes indépendants comme l'AFSET qui testent et vérifient sans
			arrêt ces installations.  
			Enfin, je voudrais dire un tout petit mot sur REACH pour finir. REACH
			s'applique. Comme cela a été dit, les industriels sont responsables,
			nous sommes responsables, et il faut que la cascade soit responsable…
			Quand on arrive à un produit final sur un avion, avec un certain
			d'intermédiaires, il faut donc assurer toute une traçabilité au niveau
			de tous ces procédés.  
			Je crois que la filière européenne s'est mise totalement en marche. Là
			aussi il serait important que l'ensemble s'applique au niveau mondial
			et que l'Europe exerce des pressions très fortes dans ce sens. Je
			voudrais simplement signaler qu'un avion américain   je ne cite pas le
			constructeur   peut respecter 0 % de REACH et pourtant livrer des
			compagnies aériennes européennes. Il est donc très important que nous
			soyons précurseurs. Il est très important que l'Europe montre le
			chemin. Il est très important aussi que l'Europe fasse aboutir
			l'ensemble de ses partenaires.  
			Dernier point, puisque vous étiez partis de cette question, les
			nanotechnologies, on en espère beaucoup, ce sera prêt en 2020.
			Aujourd'hui il n'y a pas d'application. On pourrait aller assez vite…
			Je crois que tout le process décrit ici, on y est particulièrement
			sensibles. On pourrait avancer très vite dans un certain nombre de
			domaines, mais ce serait faire fi de ces aspects de maturation, de
			compréhension, de sécurité. 
			Au passage, REACH, ce n'est pas simplement l'enregistrement des
			produits. Depuis maintenant plusieurs années, nous enregistrons les
			produits et les personnes qui chaque jour les manipulent…  
			  
			Vous voyez que nous allons très loin. Je pense qu'il y a un avenir
			fantastique des nanotechnologies…, je reviens sur toute la sémantique…,
			il y a les nanotechnologies, des nanostructurés, des nano-objets, etc.
			Il y a des projets fantastiques. 
			Puisque tout à l'heure quelqu'un a posé une question sur l'eau, très
			récemment, dans le cadre d'un projet de recherche très ambitieux,
			l'application de nanotubes, ces recherches peuvent permettre d'espérer
			dans une dizaine d'années de pouvoir augmenter l'efficacité de la
			désalinisation de l'eau, avec un coefficient qui sera au minimum de 10
			par rapport au procédé actuel et certainement pas loin de 100 à
			l'arrivée. On a donc beaucoup à attendre de ces technologies ;
			simplement il faut les accompagner d'un certain nombre de choses citées
			aujourd'hui : en même temps comprendre le produit, comprendre le
			procédé, comprendre les aspects de sécurité et maîtriser l'ensemble du
			process.
			 
			
			 
			M. LE PRESIDENT.- Merci, Jean-Marc Thomas. 
			(Applaudissements.)
			 
			
			 
			Il est maintenant 23 heures 10, donc la table ronde sur la séquence 2 a
			été escamotée, mais ceux qui y participaient ont pu parler, à
			l'exception de notre ingénieur général de l'armement, j'en suis désolé.
			Il y avait de nombreuses questions pour lui.  
			Nous allons nous séparer dans quelques minutes, mais avant je vous
			propose une petite récréation nanoscientifique, avec une brouette nano.
			 
			
			 
			M. LE PRESIDENT.- Merci aux participants de cette séquence. 
			(Applaudissements.)
			 
			
			 
			M. Rapenne (CNRS/CEMES).- Avant de présenter ma brouette nanométrique,
			je pense qu'il y avait quelques petites choses à dire par rapport à la
			chimie d'une manière générale, parce qu'on mélange beaucoup de choses.
			Par exemple, tout ce qui serait naturel serait forcément bon… Il y a
			plein de molécules toxiques dans la nature ! Tout ce qui serait nano
			serait forcément mauvais ? Ce n'est pas vrai non plus. Il y a sans
			doute des choses qui sont très toxiques dans le nano, il faudra tout
			contrôler, mais au niveau du nano, il y a des gains importants à faire,
			par exemple en photovoltaïque, en médecine, etc. 
			On a parlé de manipulation de la matière à l'échelle du nanomètre.
			Quand on parle de manipulation, ce terme peut être pris de manière
			péjorative. Pour nous, c'est la première définition du terme, manipuler
			des molécules, donc on va prendre des molécules et les faire bouger.  
			Le contrôle nano, à l'aide du microscope, nous permet de voir une seule
			molécule et de la manipuler. Après, toute notre chimie est assez
			classique, on fait de la synthèse, à l'arrivée on a une dizaine de
			milligrammes de cette molécule en laboratoire. En termes de CO2 dégagé,
			quand on va détruire la molécule après son utilisation, sur environ
			trois ans de travail de physique, de microscopie effectuée sur les
			molécules, cela représente 8 mg de CO2. C'est dix mille fois moins que
			ce que votre voiture consomme quand vous êtes un kilomètre. Quand on
			fait de la recherche fondamentale, on travaille sur de très petites
			quantités et je crois que faire un moratoire sur la recherche est
			totalement inenvisageable. La recherche, c'est ce qui nous permet
			d'avancer, d'accumuler des connaissances pour savoir si ce qu'on crée
			au niveau nanotechnologie peut être intéressant pour l'avenir ou pas.
			Cela me semble aberrant de commercialiser des molécules qui ne soient
			pas testées. En cela, REACH a ouvert de grandes perspectives pour la
			chimie. 
			Je vous présente donc une molécule qu'on considère comme une brouette.
			On fait du mécano à l'échelle atomique. Sur la modélisation à droite,
			on voit une molécule à trois pales, qu'on considère comme une roue.
			Dans la molécule, il n'y a que du carbone et des hydrogènes. Les roues
			sont indiquées en rouge.  
			Pour faire cette molécule il y a un an de travail. On construit la
			molécule comme des Légo, en utilisant tout ce qui s'est fait en chimie
			depuis deux siècles. La chimie crée son objet, on crée des molécules.
			On a créé une molécule. À la fin on a 10 mg.  
			On voulait donc avoir une seule molécule et la manipuler. Je rappelle
			pour ceux qui ne le savent pas qu'il y a une quarantaine d'années on
			pensait que ce serait impossible de voir une seule molécule, maintenant
			avec les microscopes on peut les voir et les manipuler, et en les
			manipulant savoir ce qui se passe dans la mécanique de la molécule.  
			La flèche blanche montre le mouvement d'une pointe   à l'échelle
			nanométrique   qui veut pousser la molécule. D'une image à l'autre, on
			voit ce qui passe, il ne se passe rien, la molécule ne bouge pas. 
			(Explication de l'étude) 
			J'ai été très fâché d'entendre que les chercheurs étaient financés par
			l'industrie, etc., qu'il y avait une espèce de complot entre
			l'industrie et les chercheurs… Il y  a de nombreux chercheurs au CNRS
			qui font de la recherche fondamentale et on n'a que de l'argent
			national, provenant de l'ANR, du CNRS, de l'Europe, etc. Il y a tout de
			même énormément de chercheurs qui font des recherches sans être pour
			autant débiteurs vis-à-vis de l'industrie.  
			Pour terminer, on ne sait pas à quoi va servir notre travail. On a
			réussi à montrer qu'avec une pointe à l'échelle nanométrique on pouvait
			générer une rotation. On peut mesurer le courant électrique qui passe
			de la pointe à la surface. 
			Le chercheur qui a découvert les cristaux liquides en 1910 aurait été
			incapable de vous dire qu'un siècle plus tard il y aurait des écrans à
			cristaux liquides partout dans vos poches, chez vous dans le salon,
			etc.  
			Si vous avez des questions sur la chimie ou les nanosciences de manière générale…
			 
			
			 
			M. LE PRESIDENT.- Merci. C'était très clair et très bien.  
			(Applaudissements.) 
			 
			
			 
			Il me reste à remercier tous ceux qui ont eu le courage de rester jusqu'à bien tard, cela en valait la peine. Merci à tous. 
			 
			
			 
			La séance est levée à 23 heures 22.
			 
			 |