Mme FAVROT.- J’aimerais repréciser la question en tant qu’agence sanitaire. Je confirme qu’il n’y a aucune réalité commerciale, mais il est très difficile de savoir exactement ce qu’il y a dans le commerce autour des nanotechnologies.
Une fois que l’on a dit cela, on peut ajouter aussi qu’aucun produit alimentaire n’a été évalué en France en revendiquant la taille nano. Trois produits ont été revendiqués au niveau européen : un premier est l’hydrosol d’argent dans des compléments alimentaires. L’AFSSA a refusé le dossier en disant qu’il n’y avait pas assez de données de toxicologie ‑ ce qui est rassurant.
Un deuxième est le lycophène. C’est intéressant car la nature nano du lycophène est discutée et l’AESA (Agence européenne de sécurité des aliments) a considéré que ce n’était pas un nano. Ce qui prouve, encore une fois, la difficulté des définitions.
Un troisième produit, qui s’appelle le nitrite de titane, est utilisé dans des bouteilles en plastique en particulier pour permettre la rigidité et la transparence. Là, l’AESA a autorisé parce qu’il a été montré qu’il n’y avait pas de migration de ce produit jusque dans l’eau de la bouteille.
Il faut savoir qu’il existe des choses sur Internet qui revendiquent le terme nano.
Nous n’avons aucun contrôle là-dessus. Nous ne pouvons pas dire si c’est nano ou pas, mais c’est ce qui explique qu’on voit partout dans les journaux et dans la littérature qu’il existe des nano dans l’alimentation car les gens vont sur Internet et voient le mot. Il faut le dire pour être bien clairs.
Ensuite, il y a une troisième chose qu’il faut dire : depuis plus de 40 ans on utilise du dioxyde de silice comme antiagglomérant. Ce produit a parfaitement été évalué sur des données industrielles, plusieurs fois, par plusieurs agences internationales aux Etats-Unis et en Europe, et aucune toxicité n’a été montrée.
Mais cette silice peut répondre au caractère nano, en particulier parce que l’élément de base est un petit grain nanométrique qui est aggloméré en grains micrométriques. On peut donc se poser la question du caractère nano de cette silice. Plusieurs groupes de travail se penchent à l’heure actuelle autour de ce problème de la silice en Europe, en France et à l’initiative de la France, pour se poser la question de savoir s’il faut faire d’autres tests, qui n’auraient pas été faits sur cette silice, du fait même qu’il y a ces petits grains.
C’était pour faire une transition avec la deuxième partie de la question, pour dire qu’en fait, le problème des nanos est que l’on ne connaît pas leur toxicité, et en particulier par voie orale. Il y a très peu de données dans la littérature sur la toxicité des nanotechnologies par voie orale. C’est la raison pour laquelle l’AFSSA a demandé beaucoup de prudence dans l’utilisation des nanotechnologies dans l’alimentation tant que l’on n’aurait pas de données toxicologiques. C’est pour cela que se développe une recherche active dans ce domaine pour répondre aux questions.
Mme PITTET.- Je voudrais juste préciser une chose à ce sujet. On vient de parler d’études toxicologiques qui sont peut-être encore en nombre insuffisant. La seule précision que je veux apporter à ce stade, c’est que le débat suivant, qui aura lieu à Lyon la semaine prochaine, a notamment pour thème la toxicologie et les applications médicales. Par conséquent, ce thème de la toxicologie et des études toxicologiques reviendra nécessairement la semaine prochaine via les questions du public lors du débat suivant.
J’aimerais tout de même poser une question plus prospective sur l’alimentation. Une question a été posée par une internaute qui dit : « J’ai un bébé. Je voudrais savoir ce que les nano changeront dans son alimentation ? Qu’est-ce qui lui sera proposé et comment choisir ? »
Là, nous sommes plus dans le futur que dans la réalité actuelle. L’ANIA a-t-elle des connaissances sur ce qui se prépare ?
Mme HELMER.- Aujourd’hui, c’est un peu tôt pour répondre. Je n’ai pas d’exemple concret de ce qui peut se me mener au niveau de la recherche. Peut-être pourrez-vous nous en dire plus, Monsieur LEFORT. Je regrette que M. COLONNA de l’INRA ne soit pas là car il aurait eu des éléments intéressants à nous donner.
Aujourd’hui, je sais qu’il y a de la recherche au niveau des instituts scientifiques. Je ne peux pas vraiment donner d’exemple concret, mais demain j’espère que l’on découvrira des applications intéressantes, et ce, grâce à une recherche poussée dans ce domaine.
On peut imaginer des choses comme des éléments dans la lutte contre l’obésité, qui est un peu un sujet emblématique du moment. Peut-être les nanotechnologies pourraient-elles ouvrir des voies dans ce domaine.
Mais c’est purement hypothétique. Je n’ai pas de réponse plus précise à vous donner sur le futur des nanotechnologies dans l’alimentaire.
Mme COHU.- Quand on parle de nano-encapsulation, justement pour les vitamines, la lutte contre l’obésité, puisque vous l’avez évoquée, on en est encore à un stade de la recherche. Pouvez-vous nous dire à quel stade nous en sommes ? Est-ce pour demain, après-demain ou plus loin ?
Mme HELMER.- Je n’ai pas d’échelle de temps non plus puisque, d’une part, je ne suis pas scientifique, je ne suis pas chercheur.
Sur l’encapsulation, on peut déjà dire que l’encapsulation est quelque chose qui existe, qui est à l’échelle micro. La micro-encapsulation existe. C’est pour mettre, dans une sorte de petite bulle protectrice, des vitamines, des nutriments, des minéraux, des ingrédients pour éviter leur oxydation, leur dégradation, pour permettre des réactions spécifiques dans l’aliment. C’est déjà développé.
Sur la nano-encapsulation, demain, ce sera peut-être d’actualité. Aujourd’hui, c’est encore à l’étape de la recherche. Cela permettra peut-être de mieux protéger encore ces nutriments dans les denrées. Je ne peux pas vous en dire plus puisque l’on en est encore vraiment au stade de la recherche.
Mme FAVROT.- J’aimerais compléter un peu. D’abord, pour rappeler à tous que l’on n’a pas forcément besoin de vitamines et de minéraux quand on mange équilibré.
Par conséquent, lutter contre l’obésité c’est avant tout faire du sport et manger de façon équilibrée aussi. Les nanotechnologies ne pourront en aucun cas se substituer à cette alimentation équilibrée ou révolutionner des problèmes de société comme l’obésité.
Les nanotechnologies ont probablement des applications excessivement importantes dans le domaine de l’alimentation et excessivement intéressantes. Je donne juste un exemple à la fois préoccupant et intéressant : c’est le problème de l’eau. On sait qu’il y a des problèmes de raréfaction de l’eau. Il faudra trouver des moyens de réutiliser l’eau. Or il faudra pouvoir la traiter, la filtrer. Les nanotechnologies offrent des applications particulièrement intéressantes dans ce domaine, à condition, encore une fois, que l’on ait bien la preuve de la non-toxicité, que l’on ait bien fait la preuve qu’il n’y a pas de relargage de nanoparticules et que l’on soit capables de les trouver et de les mesurer éventuellement dans un liquide.
Encore une fois, il y a probablement des applications très intéressantes des nanos, mais peut-être pas tout. C’est en tout cas ce que recommande l’AFSSA.
Mme FOUCHER.- Par rapport à ce que j’ai entendu, cela me fait penser à deux éléments. Le premier : dire qu’il n’existe pas de nano dans l’alimentaire, pourquoi pas. Cela étant dit, nous n’avons pas de définition claire des nanoparticules. Est-ce uniquement une question de taille ? Est-ce une autre question ?
Encore une fois, au titre des consommateurs que je ne représente pas, mais nous répertorions les interrogations sur ce sujet-là : c’est la première question.
Et puis, pour aller dans le sens de Mme FAVROT, cela pose la question, pour les consommateurs, de l’utilité des nanotechnologies dans l’alimentation, mais dans les matériaux d’emballage, etc., la balance du risque et l’utilité. On nous présente une utilité, mais quelle est la balance par rapport aux risques ? C’est la question que les consommateurs se posent.
M. BOUHALLAB.- On peut effectivement confirmer que, en tout cas en termes de recherche, ce que vous disiez est vrai : nano dans l’aliment, ce n’est peut-être pas pour demain. Cela reste beaucoup encore au niveau de la recherche.
Si je reviens à ce que j’ai précédemment dit, c’est-à-dire sans parler de nanoparticules manufacturées ajoutées à un aliment où il faudra discuter l’aspect réglementaire et l’aspect toxicité de ces particules : il y a beaucoup de travaux à faire sur cet aspect-là.
Parallèlement, ce qui se développe, c’est ce que j’ai précédemment dit : on peut faire des structures nanométriques sur des molécules d’origine purement naturelle. A titre d’exemple, des travaux partent sur une protéine. On mime ce qui se passe au niveau du tube digestif, c’est-à-dire la digestion par des enzymes de cette protéine. Et dans certaines conditions, peut-être cela existe-t-il déjà naturellement à l’intérieur de l’être humain, on n’en sait rien, mais au niveau recherche, on sait que l’on peut faire ces structures-là, dont on parlait tout à l’heure sur d’autres exemples de nanotubes de carbone : on peut faire l’équivalent, purement avec des protéines. C’est-à-dire que, ce sont des nanotubes, c’est un peu lointain, mais pour lesquels on peut envisager l’application de ces structures pour véhiculer certaines molécules d’intérêt nutritionnel. C’est par exemple pour protéger ces molécules d’intérêt nutritionnel vis-à-vis de l’oxydation, d’une flaveur qui n’est pas désirable au niveau de la bouche par exemple, et de repérer(?) ces molécules au niveau stomacal ou intestinal.
C’est cela l’objet de cette partie de recherche sur les molécules, ce que l’on appelle l’assemblage ou l’auto-assemblage de molécules naturelles. Par des protéines, on fait des structures supramoléculaires. L’exemple d’encapsulation est un bon exemple. Mais aujourd’hui, on est au niveau du micro mètre et peut-être que la recherche permettra, sur ces mêmes molécules, soit sur des lipides, soit sur des protéines, soit sur les produits saccharés, de faire des nanostructures permettant d’encapsuler à l’échelle nanométrique.
Mais cela ne veut pas dire que des études de toxicité bénéfices/risques ne seront pas faites. Il faudra les faire. Mais en tout cas, on limite l’aspect de molécules dites exogènes.
Mme COHU.- Merci. Vous vouliez rebondir, Madame HELMER.
Mme HELMER.- Vous disiez à l’instant qu’il n’y avait pas de définition des nanotechnologies. Aujourd’hui, on ne peut plus dire qu’il n’y a pas de définition. D’une part, de manière générale, une définition est donnée dans le cadre de l’ISO. Elle correspond aux nanotechnologies de manière générale. Vous pourrez peut-être en parler tout à l’heure, Madame.
Sur l’alimentaire, de manière spécifique, une définition très précise des nanomatériaux vient d’être adoptée dans le cadre de la révision du règlement sur les aliments nouveaux. Elle est en cours de révision, elle sera très prochainement adoptée au cours de l’année 2010 et donne une définition très précise de ce qu’est un nanomatériel.
Un nanomatériel est un matériel manufacturé, intentionnellement réduit à cette échelle nanométrique pour des propriétés nouvelles.
Ce cadre est en train de se mettre en place. Un texte sur des additifs précisait déjà que les nanotechnologies étaient couvertes, et que, si un additif déjà autorisé était fabriqué via de nouveaux procédés de fabrication, ou alors si l’on agissait sur sa taille ou sur ses propriétés, il fallait une nouvelle autorisation pour cet additif considéré comme nouveau. Au niveau du cadre réglementaire sur l’alimentaire, de manière générale, on est tout de même un secteur très couvert et très réglementé. C’est l’un des plus couverts au niveau européen. Aujourd’hui, sur les nanotechnologies, on peut vraiment dire que les autorités de contrôle, les instances européennes se sont saisies de cette thématique et ont fait en sorte de mettre en place un cadre réglementaire bien précis avant que cette technique soit concrètement utilisée dans ce domaine.
Mme COHU.- Merci. Si des additifs sont à l’échelle nanométrique, il y a a priori tout un système avant une mise sur le marché.
Mme HELMER.- L’AFSSA pourra compléter, bien sûr.
De manière générale, pour tout additif, avant de pouvoir être autorisé dans l’alimentaire, il faut qu’il ait subi toute une série de tests pour s’assurer de son innocuité. Une fois qu’il a passé toutes ces barrières, il est autorisé dans certains aliments à certaines doses d’utilisation.
Si un additif déjà autorisé ou un nouvel additif se présentait à une taille nanoparticulaire, sous réserve de bien répondre à cette question : si l’on agit sur sa taille pour lui faire présenter des propriétés nouvelles, oui, il faut qu’il soit à nouveau évalué, à nouveau autorisé et que l’AESA, l’instance de sécurité européenne des aliments, se prononce sur son innocuité.
Mme PITTET.- A ce sujet, une question a déjà été posée dans des débats précédents, mais cette fois-ci, on peut la poser avec une réponse directe, je suppose, puisque cela concerne les aliments.
La question est celle qui a été posée par l’un des participants au débat, qui était dans la salle tout à l’heure, mais qui n’a pas pu faire entendre sa question : à quand l’étiquetage sur les aliments ? L’ANIA a-t-elle une position sur le sujet ? Mais la question ne concerne pas nécessairement que l’ANIA.
Mme HELMER.- De manière générale, l’ANIA est en faveur de l’information la plus complète du consommateur. L’ANIA est évidemment en faveur d’une information pertinente et claire. D’ailleurs, on peut le voir. Quand on prend un emballage alimentaire, on voit le nombre de mentions obligatoires qui recouvrent l’emballage. Aujourd’hui, l’information est à la disposition du consommateur.
Aujourd’hui, sur les nanotechnologies, comme il n’y a pas d’utilisation, une information dans ce domaine ne serait pas pertinente.
S’il y a une nécessité demain, nous sommes tout à fait prêts à regarder, au niveau européen, pour mettre en place l’information qui serait pertinente pour le consommateur.
Aujourd’hui, ce n’est pas d’actualité. Demain, cela le sera peut-être et il faudra en discuter dans le cadre de l’Europe.
Mme FOUCHER.- Bien sûr, les consommateurs réclament un maximum d’informations puisque l’un des droits fondamentaux du consommateur est le droit à l’information. En la matière, cela lui permet de choisir : avec ou sans nano s’il le souhaite.
Par conséquent, les consommateurs réclament l’étiquetage et, dans le cadre de sa participation aux travaux du Conseil national de la consommation, l’Institut est allé dans le sens de l’ensemble des associations de consommateurs, à savoir : exiger un étiquetage.
Mme FAVROT.- L’AFSSA est très en faveur d’un étiquetage des produits nano lorsqu’ils seront mis sur le marché.
Pour revenir sur les problèmes de réglementation, je confirme qu’un réel effort a été fait en Europe pour rapidement modifier la réglementation et permettre une évaluation de ces produits nano.
Il ne faut tout de même pas se cacher que certaines petites niches ne sont pas couvertes. Je parle en particulier de celle des compléments alimentaires, qui est l’une des niches dans laquelle on pourrait voir apparaître des nanos.
Il faut aussi rappeler que, et c’est probablement ce sur quoi l’AFSSA attire le plus l’attention, on ne sait toujours pas comment il faut étudier la toxicologie des produits nano, quels tests il faudra utiliser pour dire si un produit nano est toxique ou pas.
Il y a là un vrai travail à faire entre l’académique et l’industrie. Les agences sanitaires sont engagées dans la mise en place de lignes directrices pour tester ce type de produits.
Mme COHU.- Existe-t-il déjà des groupes de réflexion industrie/institutionnel de façon à amorcer une réflexion, tout au moins sur la pertinence de l’étiquetage ?
Mme HELMER.- Aujourd’hui, bien sûr, des groupes de réflexion sont mis en place, plutôt au niveau européen, entre les instances communautaires, les industriels, les consommateurs et toutes les parties prenantes.
Aujourd’hui, la question de l’étiquetage n’est pas forcément sur la table pour le moment puisque, comme Mme FAVROT l’a souligné, on est vraiment dans toute cette réflexion sur le besoin que l’on a vis-à-vis des études sur l’innocuité, sur tout ce besoin d’évaluation et sur tout ce besoin de recherche. C’est ce que demande l’industrie.
J’ai souligné que le cadre réglementaire était là et que si un produit nano devait être utilisé demain, il devrait faire l’objet d’une évaluation et d’une autorisation. Nous n’en sommes pas encore à l’évaluation. Aujourd’hui, il faut vraiment de la recherche pour que cette évaluation soit possible et pour que l’on puisse s’assurer de l’innocuité de ces substances.
Mme FAVROT.- Il faut peut-être ajouter que des groupes de travail commencent à se mettre en place pour travailler sur ces problèmes de toxicité et de tests toxicologiques, que ce soit au niveau de l’OCDE, de l’AESA, de l’AFNOR ou du SEM qui sont des organismes de normalisation. Un travail s’est vraiment mis en place pour que l’on obtienne des données sur ce sujet le plus rapidement possible.
Mme PITTET.- À ce sujet, l’une des personnes qui était dans la salle tout à l’heure a posé une question. Ce n’était pas exactement une question, mais cela suscite une réponse en tout cas. Je ne sais pas qui est susceptible d’y répondre.
La question est formulée de la manière suivante : « Les études montrant l’impact négatif des nanotechnologies doivent être publiées et rendues publiques, en particulier auprès des professionnels de santé et des associations de consommateurs, à défaut : moratoire pour tout ce qui touche à la santé et à l’alimentation. »
La question que l’on peut tirer de ce commentaire est la suivante : y a-t-il effectivement transparence concernant les études qui peuvent être menées concernant l’impact des nanotechnologies ?
Mme FAVROT.- Au moins dans le domaine qui concerne l’AFSSA, qui est celui de l’alimentation, je voudrais rappeler que quand nous rendons des rapports ou que quand nous faisons des évaluations sur des produits, nous faisons ce que l’on appelle une expertise collective.
Nous réunissons une trentaine d’experts, que nous sélectionnons pour leurs compétences dans le domaine, mais nous essayons d’avoir une représentation la plus large possible des différentes tendances de la recherche : des chercheurs qui auraient pu montrer des effets toxiques, des chercheurs qui auraient pu montrer des effets positifs d’un produit quel qu’il soit. Nous essayons d’avoir une expertise la plus large possible.
Je rappelle aussi que nous faisons une bibliographie extensive, à la fois, ce qui est classique, sur des publications scientifiques dans de grands journaux, mais nous allons jusqu’à ce que l’on appelle une littérature grise, c’est-à-dire ce que l’on peut trouver sur Internet, et nous l’analysons. Toutes ces publications sont citées dans nos rapports et sont donc analysées et critiquées.
Je crois que l’on fait en sorte, à l’heure actuelle, de donner aux consommateurs et aux citoyens la possibilité d’avoir accès à l’ensemble de la littérature, qu’elle montre des effets toxiques ou pas, en essayant évidemment, dans nos rapports, de rendre cette littérature compréhensible au maximum.
Mme COHU.- Merci. Je ne sais pas si le ministère de la Santé veut ajouter quelque chose à tout ce qui vient d’être dit.
Mme POCHET.- Je pense qu’ont été soulevées deux grandes situations.
La première est liée au problème des définitions. Il est clair qu’il y a un vrai problème de définition dans la mesure où il y a effectivement eu une définition très large au niveau normalisation, mais qu’il faut absolument définir de manière spécifique les différents nanomatériaux dans les différents types de produits.
C’est ce qui est en train d’être fait au niveau réglementation alimentation.
La deuxième situation est liée aux études toxicologiques. J’insiste sur le fait qu’il y a actuellement un programme de parrainage au niveau de l’OCDE qui consiste en la collecte de données de sécurité sur des nanomatériaux considérés comme représentatifs du marché.
Dedans, il y a effectivement la silice. Et dans la silice, il y a une qualité qui est alimentaire, dont les tailles des agglomérats sont largement supérieures à l’échelle nanométrique, mais dont la taille des particules est à l’échelle nanométrique.
L’idée est de vérifier si ces différents types de nanomatériaux utilisés présentent des caractéristiques différentes et des dangers différents de manière à vérifier que, finalement, toutes les études qui ont été faites jusqu’à présent sont fiables.
Tout le travail de l’OCDE, par ce travail de parrainage, est finalement de valider les lignes directrices de toxicité qui existent déjà pour les substances chimiques classiques, voire de les modifier de manière à les rendre pertinentes et fiables pour les nanomatériaux.
C’est vraiment un grand défi car sinon, on aura du mal à interpréter les résultats en utilisant des lignes directrices classiques si on n’est pas sûrs qu’elles sont bien adaptées aux denrées alimentaires.
Mme COHU.- Merci pour toutes ces précisions. Madame HELMER voulait intervenir.
Mme HELMER.- Comme cela a été souligné, la silice est un cas un peu particulier.
Déjà, on peut peut-être préciser ce qu’est la silice. La silice est un additif utilisé en alimentaire comme antiagglomérant dans certains aliments pour éviter l’agglomération de ces denrées.
Cela se présente sous la forme d’une poudre de taille micro. Ce sont de nombreux grains de taille micrométrique. Si on décompose ces petits grains, on s’aperçoit qu’ils sont effectivement constitués d’autres petits grains qui sont de taille nanométrique.
Sur la question de la silice, j’ai beaucoup échangé avec les fabricants de silice qui ne nient pas du tout cet état de fait. C’est un état de fait. On dit qu’elle est nanostructurée.
Ils sont tout à fait prêts, ils se tiennent à la disposition des instances de contrôle au niveau européen dans le cadre de ces groupes de travail, pour apporter toutes les études qui démontrent, comme cela a été souligné, son innocuité, et ce, depuis de nombreuses années, tant au niveau international qu’au niveau européen.
Des études démontrent également que cette silice reste stable, c’est-à-dire qu’elle reste à cet état micron : elle ne se désagrège pas. On peut par conséquent considérer que ces grains microns restent stables quand ils sont ingérés.
Tout cela, ce sont des questions qui se posent, mais les fournisseurs sont très demandeurs de pouvoir échanger sur cette thématique et de pouvoir apporter tous les éléments nécessaires sur la silice.
M. MORINEAU.- Merci.
Je voudrais rebondir sur l’intervention de Madame, tout à l’heure, qui nous disait qu’il y a une question de définition des nanomatériaux et des nanotechnologies dans le cadre des textes réglementaires, notamment en termes de toxicologie.
Mais je crois que bien en amont de cela, il y a des questions de recherche fondamentale qui concernent la caractérisation même de ces nano-objets, de ces nanomatériaux et de ces nanoparticules, bien avant de penser pouvoir les utiliser ou les intégrer dans l’aliment ou dans d’autres matériaux qui pourraient ensuite être mis sur le marché.
En fait, nous l’avons entendu tout à l’heure, les nanoparticules, il y en a autour de nous depuis des siècles. En fait, nous sommes constitués de nanoparticules.
Pourquoi parle-t-on de nanosciences depuis si peu de temps ? C’est tout simplement parce que cela ne fait que quelques années, en gros depuis le début des années 90, que l’on est capable de manipuler des matériaux à l’échelle du nanomètre et de les caractériser à cette échelle-là. Ce qui fait que l’on est maintenant capables de créer de nouvelles structures, de nouveaux nanomatériaux manufacturés.
À l’heure actuelle, on se rend compte que, à l’échelle nanométrique, ces nouveaux matériaux présentent de nouvelles propriétés physiques, physico-chimiques, et on ne sait pas totalement faire le lien entre ces nouvelles propriétés et les caractéristiques des matériaux que l’on a fabriqués. C’est en tout cas un sujet d’étude. Cela veut par exemple dire que la nature chimique même de l’objet n’est pas du tout un élément suffisant. Il est pertinent, mais il n’est pas du tout suffisant.
On a parlé de silice. La silice, ce n’est que du sable finalement. Si on ne sait pas grand-chose d’un produit chimique, que l’on voit que ce n’est pas dangereux, a priori, tout dépend de sa forme et de sa morphologie. On doit par conséquent à la fois parler des nanoparticules, mais on doit savoir aussi quelle est sa forme, quelle est la nature de sa surface, si elle a tendance à s’agglomérer ou pas. Tout cela modifiera énormément ses propriétés.
C’est tout un champ de recherche aussi sur lequel on avance vraiment dans un domaine qui n’est pas totalement couvert à l’heure actuelle, bien avant de parler d’applications potentielles et de lien avec les textes de réglementation.
Mme PITTET.- J’ai une question provocatrice posée par une internaute de Versailles à propos de l’industrie agroalimentaire.
La question est la suivante : cela pose-t-il un problème à l’industrie agroalimentaire de dire quand les nanotechnologies sont utilisées, car la personne de l’ANIA a dit qu’il n’y en a pas, et d’autres personnes disent que oui. Par exemple, la silice, dont on vient de parler, l’huile, etc.
Qui se trompe ?
Mme HELMER.- Personne ne se trompe.
On a souligné toutes ces questions de définition, de savoir ce qu’est une nanoparticule, un nanomatériau, la nanotechnologie.
Quand je dis qu’il n’y a pas de nanotechnologies, je ne pense pas me tromper. Je m’appuie, comme je vous l’ai dit, sur des enquêtes menées par les autorités de contrôle en France, en Europe, des choses tout de même un peu sérieuses. La personne cite le cas de la silice. Le cas de la silice n’est pas tranché. On ne peut pas vraiment dire qu’il s’agit là de nanotechnologie. La silice n’a pas été réduite à une taille nanométrique pour des propriétés nouvelles. Comme je l’ai dit, la silice est une poudre de taille micron dont on se rend compte, si on la décompose, que ce sont de tout petits grains qui s’agglomèrent ensemble en plus gros grains. On ne peut pas vraiment dire que l’on soit là dans la nanotechnologie.
La personne cite le cas de l’huile. L’huile n’est pas non plus un cas de nanotechnologie. On peut évoquer les gouttelettes. Certaines sont de grosse taille, d’autres de taille plus petite. Quand on agit sur l’huile, c’est une réaction naturelle. Cela n’a rien à voir avec une réaction nanotechnologique ou avec un travail sur la taille de l’huile.
Comme Mme FAVROT l’a dit : personne ne se trompe. Nous sommes tous là pour échanger sur cette thématique. Personne n’est là pour dire des choses fausses.
Mme FAVROT.- Je voudrais ajouter que non seulement personne ne se trompe, mais surtout, que c’est un sujet difficile, que l’on est dans un débat public et que l’on nous demande de renseigner le mieux possible le consommateur ou le citoyen. On essaie donc d’aller jusqu’au bout de l’explication.
Effectivement, si on va faire son marché ou si on va dans une grande surface, on ne va pas trouver de nano aussi facilement que cela parce qu’il n’y en a pas, parce qu’on n’en a pas autorisé. Mais, après, on se doit d’expliquer qu’il y a Internet, que des produits peuvent peut-être arriver des États-Unis ou de Chine. On se doit d’expliquer le problème de la silice, qui est un plus très intéressant pour nous car cela doit nous permettre de faire des progrès aussi dans la définition des lignes directrices en toxicologie. Mais personne ne se trompe.
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