Déroulement des réunions

Comptes-rendus et synthèses des réunions publiques

Les comptes-rendus des réunions publiques font état de l’intégralité des propos échangés par l’ensemble des acteurs du débat. Un compte-rendu synthétique des réunions publiques sera, lui aussi, accessible au fur et à mesure du débat.

Compte-rendu intégral de la réunion publique de Toulouse

COMPTE-RENDU INTEGRAL DE LA REUNION PUBLIQUE DE TOULOUSE
 
20 OCTOBRE 2009



Programme

 

Séquence 1 : Nanotechnologies et médecine (recherche, développement, applications  actuelles et à venir).
Animatrice : Isabelle Jarry, membre de la CPDP

Avec la participation de Claudine Picard (Sanofi-Aventis), Pierre Teillac (Laboratoires Pierre Fabre), Rose Frayssinet (Amis de la Terre), Dr Didier Rod (revue Prescrire), Christophe Vieu (CNRS/Laas)

 

 

Nanomachines : présentation de Gwénael Rapenne (CNRS/CEMES)

 

Séquence 2 : Les matériaux nanostructurés. Leurs applications en aéronautique civile et militaire.
Animateur : Jean Bergougnoux, Président de la CPDP

Avec la participation de Emmanuel Flahaut (CNRS/CIRIMAT), Jean-Marc Thomas (Airbus France), Colette Lacabane (CNRS/CIRIMAT), Robert Ranquet (Ministère de la Défense)
 
Séquence 3 : Le cycle de vie des produits des nanotechnologies et la protection de l’environnement.
Animateur : Jean Bergougnoux, Président de la CPDP

Avec la participation de Mme José Cambou (France Nature Environnement), Frédéric Schuster (CEA), Pascal Guiraud (Observatoire des déchets industriels), Catherine Mir (MEEDEM/DGPR)

La séance est ouverte à 19 heures 30.

(Projection d’un film de présentation)

(Lecture de déclarations hostiles au débat)

M. LE PRESIDENT.- Vous avez compris, bien entendu, que ces interventions étaient hors débat, puisque leurs titulaires ne souhaitent pas y participer. J'aurais préféré personnellement qu'ils s'expriment dans le cadre du débat et qu'ils exposent leurs arguments. Car, dans le cadre d'un débat public, ce qui compte, ce sont les arguments et non pas les positions de principe. Donc, nous entrons maintenant dans le débat.
Je me présente, je m'appelle Jean Bergougnoux, je suis chargé de présider la Commission particulière du débat public qui animera ce débat.
Laissez-moi vous dire que c'est un grand plaisir de vous voir si nombreux ce soir ici.
(Des boules d’ammoniac sont déversées dans la salle. Des participants sortent de la salle et une aération est réalisée)
(La séance est reprise à 20 heures.)


M. LE PRESIDENT.- Un commentaire sur ce regrettable incident. Les personnes qui se sont exprimées et que nous avons volontairement laissé s'exprimer affirment que les nanotechnologies et sans doute d'autres percées technologiques préparent une société totalitaire. Je pense que, alors que nous essayons de faire un exercice de démocratie participative, tenter de l'empêcher est précisément un comportement totalitaire qui devrait être condamné. Aux yeux des vrais démocrates, ils se sont totalement déconsidérés ce soir. Je ne peux dire que cela.
(Applaudissements.)


J'avais prévu un exposé introductif que je vais abréger pour rattraper le temps perdu.
J'indiquerai seulement deux choses : la première, c’est que vous avez vu Jean-Louis Borloo s'exprimer à la fin de ce petit film qui, pour ceux qui n'ont pas eu le temps de lire les papiers, leur a donné quelques éclairages pour leur permettre de suivre le débat ; Jean-Louis Borloo a bien précisé que, si les pouvoirs publics avaient souhaité l'organisation de ce débat, ils se trouvaient désormais dans une situation d’écoute.

 

Ce qui me permet sincèrement d'espérer que ce que nous dirons aujourd'hui, dans les autres réunions et sur le site internet contribuera effectivement, comme le ministre s'y est engagé, à éclairer un certain nombre de décisions importantes à prendre.
La deuxième, c'est que les pouvoirs publics ont souhaité suivre le chemin normal d'un débat public, c'est-à-dire s'adresser à la commission nationale des débats publics, autorité indépendante, chargée d'organiser les débats publics en France, qui s'est saisie de l'organisation de ce débat et a créé une commission particulière qu'elle m'a demandé d’animer. J'ai ce soir près de moi, à la table, Galiène COHU, Jean-Pierre CHAUSSADE, dans la salle, Isabelle JARRY, que vous verrez tout à l'heure à la tribune, Patrick LEGRAND, et nous sommes tous animés de la même ambition : en toute indépendance, je crois qu'il faut le souligner, par rapport au maître d'ouvrage. À partir du moment où la commission nationale prend en main un débat, elle devient totalement indépendante de ceux qui l'ont commanditée.
Ces personnes partagent avec moi également un triple souci :

-

 

 

-

 

 

 

 

 

 

 

-

 d'informer un public aussi large que possible de cette problématique complexe, il faut bien le dire, des nanotechnologies,


d'écouter l'expression de ce public sur ce qu’il peut espérer en termes d'amélioration de sa vie quotidienne, de sa santé et de son environnement et bien d'autres choses encore des nanotechnologies, mais aussi des inquiétudes qu'il peut avoir sur les risques pour la santé, les risques pour l’environnement, les risques, peut-être, concernant les libertés individuelles ou certaines transgression qui porteraient atteinte à la nature humaine ou à la société dans laquelle nous vivons,   De tout cela, il va falloir parler, bien entendu en mettant tout sur la table. Il n'y a aucun sujet tabou dans un débat public,


enfin de rendre compte objectivement de tout ce qui s'est dit au cours de ce débat, et notamment des arguments échangés pour que chacun puisse en faire son...

 DANS LA SALLE.- Avec quels pouvoirs ?
M. LE PRESIDENT.- L’État est bien entendu demandeur, mais aussi les chercheurs, mais aussi les entreprises, mais aussi les Associations, mais aussi le public.
Et j'espère sincèrement que ce débat n'est qu'un premier pas, et qu'il y aura derrière d'autres débats, d'autres concertations pour que finalement le poids de la démocratie s'exerce effectivement sur les orientations qui seront prises.
 
Et je peux vous garantir, ayant personnellement présidé plusieurs débats publics sur des sujets moins compliqués et moins vastes, que le poids de l'opinion publique compte énormément et qu'il en sera tenu compte.
Je prends un raccourci maintenant. Toulouse est la deuxième réunion de 17 réunions publiques. Il y a aussi le site Internet (www.debatpublic.nano.com), sur lequel vous trouverez énormément de choses, des documents, de l’information, la possibilité de poser des questions et d'émettre des opinions, etc.
La réunion de ce soir sera structurée en trois séquences : la première séquence traitera des nanotechnologies et de la médecine. Ceci s'impose, compte tenu de l'existence à Toulouse de laboratoires pharmaceutiques très importants.
Nous aurons une petite parenthèse où nous irons plutôt dans la recherche un peu fondamentale sur la manipulation de la matière, et nous évoquerons brièvement des nano-machines.
La séquence numéro deux sera consacrée aux matériaux nanostructurés et leur application en aéronautique civile et militaire   vous voyez l'origine de ce choix. Enfin, dans la troisième séquence, nous parlerons du cycle de vie des nanotechnologies et de la protection de l'environnement.
Une indication pratique pour participer à ce débat : vous pouvez intervenir oralement quand vous voulez. Choisissez quand même le moment où le sujet qui vous préoccupe est en train de se traiter, ce sera plus efficace pour l’organisation de la réunion. Vous pouvez aussi utiliser les petits papiers qui vous ont été remis à l'entrée et poser votre question par écrit. Bien entendu, on répondra aussi aux questions écrites en séance dans toute la mesure du possible. Mais le point important, c'est que cela vous donne la garantie que votre question sera sur le site Internet, et qu’il y sera répondu de façon complète et détaillée   peut-être plus que nous ne pourrons le faire en séance.
J'arrête là. Vous connaissez le mode d'emploi de la soirée. Je passe tout de suite la parole à Isabelle JARRY qui va animer la première séquence.


Mme JARRY.- Bonsoir et merci d'être restés, malgré ces odeurs un peu difficiles pour ceux qui sont enrhumés.
Cette première séquence porte sur les nanotechnologies et la médecine. C'est un sujet très important, qui nous concerne tous.

 

Nous allons essayer de présenter à la fois les espoirs que suscitent ces nouvelles technologies   peuvent-elles aider à nous guérir ?   et les incertitudes qui s'y attachent également   est-ce que ces nouvelles technologies présentent des dangers ? Leurs propriétés spécifiques les rendent-elles particulièrement différentes des autres ?
Pour tenter de nous éclairer, nous avons invité plusieurs personnes qui, par leur activité, connaissent bien le sujet. Elles viennent toutes de Toulouse.
Je vous les présente par ordre dans lequel elles se sont installées. Madame Rose Frayssinet, représente les Amis de la Terre. Elle nous présentera les positions de son association qui se montre attentive et vigilante. Elle connaît bien la question des nano. Les Amis de la Terre ont travaillé depuis de longues années sur la question.
À côté d'elle se trouve Didier Rod, qui est collaborateur à la revue Prescrire, qui s'adresse aux personnels de santé et qui est indépendant des laboratoires pharmaceutiques. Il vient de rédiger pour cette revue une synthèse importante sur les nanotechnologies dans la médecine. Il nous fera part de son expérience. Il a aussi été député européen et, à ce titre, il s'est intéressé aux questions de réglementation. À côté de lui, il y a Dominique Masset, qui représente l’administration, c'est l’AFSSAPS, Association française de sécurité sanitaire des produits de santé. C'est l’AFSSAPS qui s'occupe de tout ce qui est autorisations de mise sur le marché des médicaments. Sa compétence nous sera utile pour comprendre comment tout cela fonctionne.
Madame Claudine Picard, qui est à côté de lui, est directrice scientifique des laboratoires Sanofi Aventis ; elle nous parlera de ses recherches.
À côté d'elle, Pierre Teillac représente les laboratoires Pierre Fabre, dont il est directeur de la recherche et du développement. C’est aussi un praticien. Il a été pendant vingt-cinq ans, je crois, urologue et praticien hospitalier à Paris. Il est donc médecin également.
Christophe Vieu, chercheur au CNRS au laboratoire d'analyses et d'architecture des systèmes, est responsable du pôle nano- et bio-systèmes. Il travaille sur plusieurs projets qui combinent nanotechnologies et biologie. Il nous parlera de ses recherches et des questions qu’elles soulèvent.
Je vous propose de donner la parole à chacun des intervenants trois, quatre ou cinq minutes chacun, pour qu'il nous parle de ce qu'il connaît pour vous donner un petit terreau de connaissance afin que vous puissiez poser à partir de cela toutes les questions.

 

Je voudrais vous dire qu'il ne faut pas hésiter à poser des questions, même si elles paraissent très simples ou très basiques. Ils sont capables d'y répondre. Les discussions que nous avons eues au préalable me font penser qu'aucune de vos questions n'aura l’air déplacée. Il faut profiter du fait que nous sommes ensemble pour essayer de nous informer et de débattre, puisque c'est le but de la réunion de ce soir.
Je vais commencer par M. Didier Rod, qui va nous parler un peu de nanomédecine.


M. ROD.- Bonsoir et merci.
D'abord merci de m'avoir invité à ce débat. Les nanotechnologies m’ont particulièrement intéressé, dans la mesure où il ne s'agit pas d'être avec plusieurs casquettes, mais d’essayer de faire la synthèse de l'ensemble des sujets et de voir ce qui se passe aujourd'hui avec les nanotechnologies.
Les nanotechnologies, c'est d'abord essentiellement et avant tout une série de paradoxes.
D’abord sur le principe de risques, car on sait qu'il y a déjà près d'un millier de produits à base de nanotechnologies et presque trente médicaments à base de nanotechnologies déjà sur le marché. Justement, les questions du médicament sont à mon avis un exemple prégnant de la série de paradoxes que nous rencontrons aujourd'hui avec les nanotechnologies. En effet, quand on descend à l'échelle nanométrique, les particules ont des propriétés extrêmement différentes de celles qu'elles ont à une échelle micrométrique ou à une autre échelle, en termes de résistance, d'action biologique, etc. L’effet dépend à fois de la substance chimique, de la taille nanométrique, mais aussi de la forme. Et la combinaison de ces tailles, forme et molécule chimique donne des aspects tout à fait différents. C'est un paradoxe : les propriétés mêmes qui nous intéressent éventuellement dans les nanotechnologies sont les propriétés qui posent le problème des risques dans les nano.
Quelques exemples.
Une des propriétés des nanotechnologies que l'on va utiliser en médecine est le fait que les nanoparticules peuvent passer les barrières cutanée, intestinale, du cerveau, sanguine et toute une série de barrières, olfactive, etc. et en même temps, comme on se dit que cela va passer la barrière, on va pouvoir emmener des médicaments de l'autre côté de la barrière.
 
Cette propriété fait que les nanoparticules répandues dans l'atmosphère, volontairement ou non, vont bien évidemment pouvoir pénétrer ces barrières et donc entrer par voie olfactive au niveau du cerveau ou du sang et entraîner potentiellement des effets secondaires, comme on peut le voir avec les particules de diesel ou autres.
Autre paradoxe par rapport à la forme. Le carbone est a priori, quand il est utilisé sous forme de particule, est peu toxique. En fonction de sa forme, il change de propriété. Les nanotubes de carbone sont des produits utilisés dans les pneumatiques pour renforcer les pneumatiques, mais en même temps, ce sont des éléments toxiques dans la mesure où ils correspondent en réalité à des actions inflammatoires qui seraient très proches de celles de l'amiante. Pourquoi ? Parce que souvent, au niveau de l'évaluation, on fait une évaluation de type toxicologique et non physique. Il va donc falloir changer aussi nos modes d'évaluation.
Au niveau du devenir, souvent les nanoparticules qu'on appelle primaires, celles que nous testons, quand elles changent de milieu, changent de fonction, de forme. Quel est le risque réel avec les nanoparticules secondaires ? C'est une vraie question. Quand on a utilisé une nanoparticule primaire, qu'on l'a bien analysée, que devient-elle ? Comment se transforme-t-elle dans un milieu différent ? Là encore, il y a nécessité d'une évaluation car on ne connaît pas le risque réel.

 

Enfin, lorsque j'étais député européen, nous avions travaillé sur une loi sur les autorisations médicamenteuses pour faire de nouvelles autorisations de mise sur le marché. En particulier, dans ce cas, on fait toujours une évaluation du bénéfice et du risque. Nous avons introduit, en termes législatifs, que dans le bénéfice/risque, il y avait également ce qu'on pouvait attendre du médicament sur l'environnement. Par exemple, que devient un médicament une fois qu’il est utilisé, qu'il est retransmis dans les toilettes, dans l'eau, etc. ?
On sait bien qu'il existe une série de problèmes car, en aval des hôpitaux, il y a une concentration très forte en hormones, en antibiotiques, etc. Par conséquent, l'utilisation médicamenteuse, y compris chez chacun d'entre nous, peut avoir des conséquences, non seulement sur l’individu, mais également sur l'environnement au sens large. Avec les nanotechnologies, on est dans le même problème. On ne sait pas aujourd'hui ce que vont devenir ces nanotechnologies médicamenteuses, ces nanoparticules, une fois qu'elles seront passées dans le corps humain et ensuite dans les déchets, industriels ou non. Bien évidemment, je ne parle que des médicaments. Mais je crois que ces paradoxes s'appliquent particulièrement à la thérapeutique médicamenteuse en nanoparticules et en nanotechnologies.
 
Tous nos espoirs éventuels dans les nanomédicaments contiennent en eux-mêmes les risques et les effets secondaires des aspects positifs que l'on souhaite. C'est un véritable paradoxe. Il va falloir une évaluation très différente de celle qu'on a actuellement. Il faudra se poser des questions de fond sur la possibilité ou non de produire ces médicaments.
DANS LA SALLE.- Pourquoi en prendre le risque ?


Mme JARRY.- Si vous voulez bien, monsieur, chacun va s’exprimer puis nous poserons les questions de la salle. C'est ce que nous avons convenu. Cela va être assez court. Si chacun s’exprime trois ou quatre minutes, vous aurez la parole très vite. Cette question viendra évidemment dans la salle et on y répondra.


Mme JARRY.- Est-ce que Dominique Massé veut bien nous parler des applications éventuelles en nanomédecine ?


M. MASSET.- Les applications s'organisent actuellement autour de trois axes principaux.
Le premier axe est de mieux voir, de « mieux diagnostiquer ».
En fait, l'échelle nanométrique va permettre d’entrer dans la cellule et donc de pouvoir identifier de nouvelles cibles thérapeutiques pour soigner de nouvelles maladies.
Ce qui est utilisé d'ailleurs dans le cadre de recherche-développement pour trouver de nouveaux médicaments, pour soigner des maladies rares ou des maladies pour lesquelles on ne dispose pas actuellement d'outils médicamenteux. Cela va permettre l’amélioration de la vitesse dans le rendu diagnostic médical de tous les jours, dans le laboratoire d'analyses médicales. On va aller plus vite et avoir beaucoup plus d’informations de ce côté-là. C'est le côté "mieux diagnostiquer".
Une application existe déjà, qui est une petite gélule que l'on avale et qui permet de faire une endoscopie sur l'ensemble de l’intestin pour vérifier qu'il n'y a pas de lésion. Cela transmet l'image à un dispositif extérieur. On met une nanocaméra dedans avec un studio de télévision qui permet d'aller accéder à des zones profondes de l'organisme qui ne sont pas actuellement accessibles par les moyens d’investigation actuels pour trouver une maladie.
Le deuxième axe est de "mieux soigner".

 

C'est ce qui a été évoqué tout à l'heure. Ce sont tous les transporteurs de substances actives qui existent déjà sur le marché comme des anticancéreux, des antiviraux. Cela permet d'accéder à des tissus plus profonds pour aller traiter une tumeur de manière plus profonde, ce qui n'est pas possible pour certaines tumeurs à l’heure actuelle car il faudrait injecter des quantités de substances qui seraient létales pour l'homme. Cela permet ainsi de cibler des sites thérapeutiques profonds, mais aussi de diminuer de ce fait la quantité de principe actif des médicaments utilisés et donc   sans en faire l'apologie car il existe des risques, il ne faut pas se voiler la face   de diminuer ce risque de rejet de substance médicamenteuse, puisqu'on diminue la quantité injectée.
Troisième aspect : "mieux réparer", et non plus améliorer.
C’est-à-dire avoir accès à des implants, des organes, des prothèses qui sont beaucoup plus résistants, surtout dans le domaine du dispositif médical, ou réparer par exemple des lésions cérébrales, une rupture de moelle épinière. Cela implique beaucoup de progrès : faire des interfaces électroniques pour donner la vue à un aveugle ou faire des prothèses auditives.
Tout cela, c'est encore dans le domaine du laboratoire. C'est quelque chose qui risque de voir le jour dans dix à vingt ans : une interface avec le milieu vivant.
Pour répondre rapidement, car je pense que nous allons en débattre largement, bien sûr qu'avec ces nouveaux objets, nous avons affaire à une nouvelle toxicologie par rapport à celle des molécules chimiques. Mais il faut savoir que la toxicologie évolue aussi. On peut parler (vous avez raison, j’ai entendu dans la salle) des maladies auto-immunes.
Il est vrai qu’un des risques, avec ces nano-objets   je ne parle pas de nanotechnologies  , injectés chez l'homme, c’est qu’ils peuvent être en effet et sont souvent des conséquences immunologiques. Mais tout cela dépend bien évidemment de l'objet qui a été fabriqué, de sa nature, de sa conception, de sa composition. Normalement, le système de développement du médicament, qui va vers une autorisation de mise sur le marché du médicament (c’est-à-dire que le produit est autorisé dans le cadre d'une balance bénéfice/risque) est aussi suivi après sa mise sur le marché dans le cadre d’un plan de pharmacovigilance. L'ensemble de ce dispositif permet normalement de minimiser les effets indésirables qui ne peuvent évidemment jamais être nuls.


Mme JARRY.- À vous, Claudine Picard.


Mme PICARD.- Je vais parler très brièvement de l'application et de l'utilisation des nanotechnologies dans mon laboratoire, Sanofi Aventis, car c'est un peu ce qu'a exprimé mon voisin, Dominique Massé.
 
Ce qui nous intéresse dans les nanotechnologies, c'est l'aspect « voir » avec un degré de précision plus important que les outils ne nous permettraient de le faire jusqu'à présent.
Cela a des conséquences très importantes dans l’accélération de la recherche vers la découverte de nouveaux médicaments, dans la mesure où ces outils dont nous disposons nous permettent d'aller plus vite et plus loin, par exemple, dans l'identification de nouvelles cibles physiologiques.
Je voudrais préciser que cette utilisation ne passe pas par des nanoparticules qui sont sous forme d'une émulsion ou que l'on va absorber ou éliminer. L'essentiel de ces outils, ce sont des outils qui sont un peu comme les puces que l'on peut trouver dans un téléphone portable, c'est-à-dire des outils gravés à l'échelle nanométrique. Ce sont des dispositifs qui nous permettent    comme la microscopie à champ de force ou force atomique  , de regarder à l'intérieur de la cellule ou au-delà de celle-ci.
Ce sont essentiellement des projets en partenariat avec des organismes de recherche qui nous permettront d'avoir demain dans nos laboratoires des outils plus performants et d'accélérer la découverte de ces nouveaux médicaments. C'est cet aspect-là, au-delà des nanoparticules, qu'il me paraissait intéressant à souligner : le développement et la mise à disposition d’outils de recherche de cette échelle nanométrique, qui nous permet d'avoir une détection inégalée ou des cycles de production de résultats ou de caractérisation de cibles biologiques qu'il n'était pas possible d'obtenir ou qui ne sont pas encore accessibles aujourd'hui et qui le seront demain avec ce progrès technologique.
Mme JARRY.- Je voudrais vous poser une question. Je crois qu’elle faisait partie de votre intervention, mais vous ne l'avez pas dit : commercialisez-vous déjà des nanomédicaments ?


Mme PICARD.- Non, nous ne commercialisons pas de nanomédicaments et n’en avons pas dans notre portefeuille, en ce qui concerne Sanofi Aventis.


Mme JARRY.- Merci. Pierre Teillac, pouvez-vous nous parler des laboratoires Pierre Fabre et de leur position sur les nanotechnologies ?

 

M. TEILLAC.- J’ai trois messages importants. Le premier est peut-être basique, mais c'est un message de taille. Nous sommes en train d'étudier depuis de longues décennies l’infiniment petit. Nous allons vers le plus petit du plus petit.
Nous en sommes loin avec les nanoparticules ou les nanotechnologies, car il y a beaucoup plus petit que les nanotechnologies.
 
Cela étant, pour donner une échelle, le nanotechnologique, c'est beaucoup plus gros qu'une molécule chimique, mais c'est plus petit qu'une cellule. Il y a une cellule, il y a un noyau dans toutes les cellules de l'organisme, et les nanoparticules peuvent pénétrer à l'intérieur. Si vous avez une molécule chimique de synthèse qui est encore plus petite, vous allez aussi avoir des actions cellulaires. La question d'échelle est importante.  
Quand on parle de nanotechnologies, deux termes sont à retenir : nanoparticules et nanotechnologies. Il s’agit de l'utilisation des nanoparticules, qui sont des particules de petite taille qui existent, et l'utilisation technique de ces particules.
Par ailleurs, vous avez dit que je m'occupais de la recherche & développement (RD). Eh bien, je pense qu'à l'avenir on doit dire RDD. C'est Rechercher,  Développer et délivrer le médicament. L'utilisation des nanotechnologies à l'aide de nanoparticules va nous permettre de délivrer le médicament au bon endroit. C'est ce qu'a fait remarquer M. Massé tout à l'heure quand il a dit que les nanotubes de carbone peuvent d’amener la molécule ou le traitement à l'intérieur de la cellule ou à la cellule correspondante.


DANS LA SALLE.- Comme les OGM !


M. TEILLAC.- Cela n'a rien à voir avec les OGM. Je vous répondrai sur le parallélisme avec les OGM, mais ce n’est pas du tout le même problème. Prenons un exemple sur un traitement qu'hélas beaucoup de personnes connaissent, la chimiothérapie. La chimiothérapie est une substance chimique toxique qui détruit les cellules. Or, pourquoi est-elle efficace dans le cancer ? Parce que le cancer est une cellule qui est immortelle, mais les cellules cancéreuses sont plus fragiles que les cellules normales. Quand on donne de la chimiothérapie de base aux gens, on détruit les cellules cancéreuses, mais aussi les cellules normales. Mais les cellules immortelles que sont les cellules cancéreuses repoussent beaucoup plus lentement que les cellules normales. C'est ce qu'on appelle la rémission. C'est pourquoi il y a  des rechutes après les chimiothérapies. Néanmoins cela a été un progrès. Le second progrès de la chimiothérapie a été la chimiothérapie ciblée ; on essaie de trouver des molécules de chimiothérapie spécifiques d'un cancer plutôt que d'un autre, en fonction de paramètres biologiques ou cellulaires qui vont être étudiés.


DANS LA SALLE.- Cela n'a rien à voir avec les nanotechnologies !


M. TEILLAC.- J’y viens. L'étape suivante est de délivrer ces substances qui sont toxiques uniquement à la cellule tumorale ou uniquement en fonction de certaines caractéristiques de ces cellules. Je suis d'accord avec ma voisine. Il n’y a pas de nanomédicament à l’heure actuelle. On en est au stade de la recherche. C'est un espoir.
Le troisième message que je voudrais délivrer, c'est celui de la comparaison. Les nanotechnologies sont un outil. Avec les outils, on peut faire beaucoup de choses. Pour prendre l'exemple du marteau, il peut y avoir des marteaux avec le bec de canard, les masses, on peut se faire mal au doigt quand on plante un clou et on peut le planter parfaitement, etc. L'utilisation des nanotechnologies   mais là nous aurons besoin des autorités sanitaires, qui vont nous aider à regarder leur toxicité  , si elles sont utilisées de façon ciblée, contrôlée, elles seront à l'évidence une source de progrès.
Une dernière comparaison, c'est celle du laser. Einstein a décrit le premier le photon en 1917. Ensuite, il a fallu attendre soixante ans pour qu'un homme, Theodor Meinen, trouve la première application laser, prix Nobel de physique en 1955. Il a fallu du temps. La première application médicale du laser date de 1975. Il y a encore eu quinze ans d'attente avant une application médicale.
À l'heure actuelle, qui n'a pas entendu parler du traitement possible sur les maladies ophtalmologiques pour avoir des traitements rétiniens avec l'énergie laser ? Qui n’a pas entendu parler d’une résection de la prostate par un rayon laser qui entraîne une coagulation plus rapide ? L'utilisation médicale du laser a pris entre soixante et soixante-quinze ans, donc une bonne quinzaine d'années pour les premières applications et ensuite d'autres années avant la routine.
Dans le domaine médical, nous sommes peut-être aux alentours des années 60 pour les nanotechnologies.


Mme JARRY.- Merci beaucoup.

Monsieur Vieu ?


M. VIEU.- Merci. Bonsoir à tous.
Je vais intervenir avec une position de chercheurs. Je suis chercheur au CNRS, enseignant à l'université de Toulouse. Je forme de futurs ingénieurs vers les nanotechnologies.
Le groupe de recherche que j'anime travaille à l'interface entre nanotechnologies, biologie et santé. Nous sommes donc beaucoup impliqués dans les applications vers le médical.
Au niveau scientifique, mon intervention va être courte car l’essentiel a déjà été dit. Ce que vous devez retenir, c'est que, avec les nanotechnologies, on manipule des molécules qui sont très petites et cela permet par conséquent de voir ce qui, d'habitude, est invisible. Comment cela se conjugue-t-il pour les applications en médecine ?