DANS LA SALLE.- Avec quels pouvoirs ?
M. LE PRESIDENT.- L’État est bien entendu demandeur, mais aussi les
chercheurs, mais aussi les entreprises, mais aussi les Associations,
mais aussi le public.
Et j'espère sincèrement que ce débat n'est qu'un premier pas, et qu'il
y aura derrière d'autres débats, d'autres concertations pour que
finalement le poids de la démocratie s'exerce effectivement sur les
orientations qui seront prises.
Et je peux vous garantir, ayant personnellement présidé plusieurs
débats publics sur des sujets moins compliqués et moins vastes, que le
poids de l'opinion publique compte énormément et qu'il en sera tenu
compte.
Je prends un raccourci maintenant. Toulouse est la deuxième réunion de
17 réunions publiques. Il y a aussi le site Internet
(www.debatpublic.nano.com), sur lequel vous trouverez énormément de
choses, des documents, de l’information, la possibilité de poser des
questions et d'émettre des opinions, etc.
La réunion de ce soir sera structurée en trois séquences : la première
séquence traitera des nanotechnologies et de la médecine. Ceci
s'impose, compte tenu de l'existence à Toulouse de laboratoires
pharmaceutiques très importants.
Nous aurons une petite parenthèse où nous irons plutôt dans la
recherche un peu fondamentale sur la manipulation de la matière, et
nous évoquerons brièvement des nano-machines.
La séquence numéro deux sera consacrée aux matériaux nanostructurés et
leur application en aéronautique civile et militaire vous voyez
l'origine de ce choix. Enfin, dans la troisième séquence, nous
parlerons du cycle de vie des nanotechnologies et de la protection de
l'environnement.
Une indication pratique pour participer à ce débat : vous pouvez
intervenir oralement quand vous voulez. Choisissez quand même le moment
où le sujet qui vous préoccupe est en train de se traiter, ce sera plus
efficace pour l’organisation de la réunion. Vous pouvez aussi utiliser
les petits papiers qui vous ont été remis à l'entrée et poser votre
question par écrit. Bien entendu, on répondra aussi aux questions
écrites en séance dans toute la mesure du possible. Mais le point
important, c'est que cela vous donne la garantie que votre question
sera sur le site Internet, et qu’il y sera répondu de façon complète et
détaillée peut-être plus que nous ne pourrons le faire en séance.
J'arrête là. Vous connaissez le mode d'emploi de la soirée. Je passe
tout de suite la parole à Isabelle JARRY qui va animer la première
séquence.
Mme JARRY.- Bonsoir et merci d'être restés, malgré ces odeurs un peu difficiles pour ceux qui sont enrhumés.
Cette première séquence porte sur les nanotechnologies et la médecine. C'est un sujet très important, qui nous concerne tous.
Nous allons essayer de présenter à la fois les espoirs que suscitent
ces nouvelles technologies peuvent-elles aider à nous guérir ? et
les incertitudes qui s'y attachent également est-ce que ces nouvelles
technologies présentent des dangers ? Leurs propriétés spécifiques les
rendent-elles particulièrement différentes des autres ?
Pour tenter de nous éclairer, nous avons invité plusieurs personnes
qui, par leur activité, connaissent bien le sujet. Elles viennent
toutes de Toulouse.
Je vous les présente par ordre dans lequel elles se sont installées.
Madame Rose Frayssinet, représente les Amis de la Terre. Elle nous
présentera les positions de son association qui se montre attentive et
vigilante. Elle connaît bien la question des nano. Les Amis de la Terre
ont travaillé depuis de longues années sur la question.
À côté d'elle se trouve Didier Rod, qui est collaborateur à la revue
Prescrire, qui s'adresse aux personnels de santé et qui est indépendant
des laboratoires pharmaceutiques. Il vient de rédiger pour cette revue
une synthèse importante sur les nanotechnologies dans la médecine. Il
nous fera part de son expérience. Il a aussi été député européen et, à
ce titre, il s'est intéressé aux questions de réglementation. À côté de
lui, il y a Dominique Masset, qui représente l’administration, c'est
l’AFSSAPS, Association française de sécurité sanitaire des produits de
santé. C'est l’AFSSAPS qui s'occupe de tout ce qui est autorisations de
mise sur le marché des médicaments. Sa compétence nous sera utile pour
comprendre comment tout cela fonctionne.
Madame Claudine Picard, qui est à côté de lui, est directrice
scientifique des laboratoires Sanofi Aventis ; elle nous parlera de ses
recherches.
À côté d'elle, Pierre Teillac représente les laboratoires Pierre Fabre,
dont il est directeur de la recherche et du développement. C’est aussi
un praticien. Il a été pendant vingt-cinq ans, je crois, urologue et
praticien hospitalier à Paris. Il est donc médecin également.
Christophe Vieu, chercheur au CNRS au laboratoire d'analyses et
d'architecture des systèmes, est responsable du pôle nano- et
bio-systèmes. Il travaille sur plusieurs projets qui combinent
nanotechnologies et biologie. Il nous parlera de ses recherches et des
questions qu’elles soulèvent.
Je vous propose de donner la parole à chacun des intervenants trois,
quatre ou cinq minutes chacun, pour qu'il nous parle de ce qu'il
connaît pour vous donner un petit terreau de connaissance afin que vous
puissiez poser à partir de cela toutes les questions.
Je voudrais vous dire qu'il ne faut pas hésiter à poser des questions,
même si elles paraissent très simples ou très basiques. Ils sont
capables d'y répondre. Les discussions que nous avons eues au préalable
me font penser qu'aucune de vos questions n'aura l’air déplacée. Il
faut profiter du fait que nous sommes ensemble pour essayer de nous
informer et de débattre, puisque c'est le but de la réunion de ce soir.
Je vais commencer par M. Didier Rod, qui va nous parler un peu de nanomédecine.
M. ROD.- Bonsoir et merci.
D'abord merci de m'avoir invité à ce débat. Les nanotechnologies m’ont
particulièrement intéressé, dans la mesure où il ne s'agit pas d'être
avec plusieurs casquettes, mais d’essayer de faire la synthèse de
l'ensemble des sujets et de voir ce qui se passe aujourd'hui avec les
nanotechnologies.
Les nanotechnologies, c'est d'abord essentiellement et avant tout une série de paradoxes.
D’abord sur le principe de risques, car on sait qu'il y a déjà près
d'un millier de produits à base de nanotechnologies et presque trente
médicaments à base de nanotechnologies déjà sur le marché. Justement,
les questions du médicament sont à mon avis un exemple prégnant de la
série de paradoxes que nous rencontrons aujourd'hui avec les
nanotechnologies. En effet, quand on descend à l'échelle nanométrique,
les particules ont des propriétés extrêmement différentes de celles
qu'elles ont à une échelle micrométrique ou à une autre échelle, en
termes de résistance, d'action biologique, etc. L’effet dépend à fois
de la substance chimique, de la taille nanométrique, mais aussi de la
forme. Et la combinaison de ces tailles, forme et molécule chimique
donne des aspects tout à fait différents. C'est un paradoxe : les
propriétés mêmes qui nous intéressent éventuellement dans les
nanotechnologies sont les propriétés qui posent le problème des risques
dans les nano.
Quelques exemples.
Une des propriétés des nanotechnologies que l'on va utiliser en
médecine est le fait que les nanoparticules peuvent passer les
barrières cutanée, intestinale, du cerveau, sanguine et toute une série
de barrières, olfactive, etc. et en même temps, comme on se dit que
cela va passer la barrière, on va pouvoir emmener des médicaments de
l'autre côté de la barrière.
Cette propriété fait que les nanoparticules répandues dans
l'atmosphère, volontairement ou non, vont bien évidemment pouvoir
pénétrer ces barrières et donc entrer par voie olfactive au niveau du
cerveau ou du sang et entraîner potentiellement des effets secondaires,
comme on peut le voir avec les particules de diesel ou autres.
Autre paradoxe par rapport à la forme. Le carbone est a priori, quand
il est utilisé sous forme de particule, est peu toxique. En fonction de
sa forme, il change de propriété. Les nanotubes de carbone sont des
produits utilisés dans les pneumatiques pour renforcer les
pneumatiques, mais en même temps, ce sont des éléments toxiques dans la
mesure où ils correspondent en réalité à des actions inflammatoires qui
seraient très proches de celles de l'amiante. Pourquoi ? Parce que
souvent, au niveau de l'évaluation, on fait une évaluation de type
toxicologique et non physique. Il va donc falloir changer aussi nos
modes d'évaluation.
Au niveau du devenir, souvent les nanoparticules qu'on appelle
primaires, celles que nous testons, quand elles changent de milieu,
changent de fonction, de forme. Quel est le risque réel avec les
nanoparticules secondaires ? C'est une vraie question. Quand on a
utilisé une nanoparticule primaire, qu'on l'a bien analysée, que
devient-elle ? Comment se transforme-t-elle dans un milieu différent ?
Là encore, il y a nécessité d'une évaluation car on ne connaît pas le
risque réel.
Enfin, lorsque j'étais député européen, nous avions travaillé sur une
loi sur les autorisations médicamenteuses pour faire de nouvelles
autorisations de mise sur le marché. En particulier, dans ce cas, on
fait toujours une évaluation du bénéfice et du risque. Nous avons
introduit, en termes législatifs, que dans le bénéfice/risque, il y
avait également ce qu'on pouvait attendre du médicament sur
l'environnement. Par exemple, que devient un médicament une fois qu’il
est utilisé, qu'il est retransmis dans les toilettes, dans l'eau, etc.
?
On sait bien qu'il existe une série de problèmes car, en aval des
hôpitaux, il y a une concentration très forte en hormones, en
antibiotiques, etc. Par conséquent, l'utilisation médicamenteuse, y
compris chez chacun d'entre nous, peut avoir des conséquences, non
seulement sur l’individu, mais également sur l'environnement au sens
large. Avec les nanotechnologies, on est dans le même problème. On ne
sait pas aujourd'hui ce que vont devenir ces nanotechnologies
médicamenteuses, ces nanoparticules, une fois qu'elles seront passées
dans le corps humain et ensuite dans les déchets, industriels ou non.
Bien évidemment, je ne parle que des médicaments. Mais je crois que ces
paradoxes s'appliquent particulièrement à la thérapeutique
médicamenteuse en nanoparticules et en nanotechnologies.
Tous nos espoirs éventuels dans les nanomédicaments contiennent en
eux-mêmes les risques et les effets secondaires des aspects positifs
que l'on souhaite. C'est un véritable paradoxe. Il va falloir une
évaluation très différente de celle qu'on a actuellement. Il faudra se
poser des questions de fond sur la possibilité ou non de produire ces
médicaments.
DANS LA SALLE.- Pourquoi en prendre le risque ?
Mme JARRY.- Si vous voulez bien, monsieur, chacun va s’exprimer puis
nous poserons les questions de la salle. C'est ce que nous avons
convenu. Cela va être assez court. Si chacun s’exprime trois ou quatre
minutes, vous aurez la parole très vite. Cette question viendra
évidemment dans la salle et on y répondra.
Mme JARRY.- Est-ce que Dominique Massé veut bien nous parler des applications éventuelles en nanomédecine ?
M. MASSET.- Les applications s'organisent actuellement autour de trois axes principaux.
Le premier axe est de mieux voir, de « mieux diagnostiquer ».
En fait, l'échelle nanométrique va permettre d’entrer dans la cellule
et donc de pouvoir identifier de nouvelles cibles thérapeutiques pour
soigner de nouvelles maladies.
Ce qui est utilisé d'ailleurs dans le cadre de recherche-développement
pour trouver de nouveaux médicaments, pour soigner des maladies rares
ou des maladies pour lesquelles on ne dispose pas actuellement d'outils
médicamenteux. Cela va permettre l’amélioration de la vitesse dans le
rendu diagnostic médical de tous les jours, dans le laboratoire
d'analyses médicales. On va aller plus vite et avoir beaucoup plus
d’informations de ce côté-là. C'est le côté "mieux diagnostiquer".
Une application existe déjà, qui est une petite gélule que l'on avale
et qui permet de faire une endoscopie sur l'ensemble de l’intestin pour
vérifier qu'il n'y a pas de lésion. Cela transmet l'image à un
dispositif extérieur. On met une nanocaméra dedans avec un studio de
télévision qui permet d'aller accéder à des zones profondes de
l'organisme qui ne sont pas actuellement accessibles par les moyens
d’investigation actuels pour trouver une maladie.
Le deuxième axe est de "mieux soigner".
C'est ce qui a été évoqué tout à l'heure. Ce sont tous les
transporteurs de substances actives qui existent déjà sur le marché
comme des anticancéreux, des antiviraux. Cela permet d'accéder à des
tissus plus profonds pour aller traiter une tumeur de manière plus
profonde, ce qui n'est pas possible pour certaines tumeurs à l’heure
actuelle car il faudrait injecter des quantités de substances qui
seraient létales pour l'homme. Cela permet ainsi de cibler des sites
thérapeutiques profonds, mais aussi de diminuer de ce fait la quantité
de principe actif des médicaments utilisés et donc sans en faire
l'apologie car il existe des risques, il ne faut pas se voiler la
face de diminuer ce risque de rejet de substance médicamenteuse,
puisqu'on diminue la quantité injectée.
Troisième aspect : "mieux réparer", et non plus améliorer.
C’est-à-dire avoir accès à des implants, des organes, des prothèses qui
sont beaucoup plus résistants, surtout dans le domaine du dispositif
médical, ou réparer par exemple des lésions cérébrales, une rupture de
moelle épinière. Cela implique beaucoup de progrès : faire des
interfaces électroniques pour donner la vue à un aveugle ou faire des
prothèses auditives.
Tout cela, c'est encore dans le domaine du laboratoire. C'est quelque
chose qui risque de voir le jour dans dix à vingt ans : une interface
avec le milieu vivant.
Pour répondre rapidement, car je pense que nous allons en débattre
largement, bien sûr qu'avec ces nouveaux objets, nous avons affaire à
une nouvelle toxicologie par rapport à celle des molécules chimiques.
Mais il faut savoir que la toxicologie évolue aussi. On peut parler
(vous avez raison, j’ai entendu dans la salle) des maladies
auto-immunes.
Il est vrai qu’un des risques, avec ces nano-objets je ne parle pas
de nanotechnologies , injectés chez l'homme, c’est qu’ils peuvent être
en effet et sont souvent des conséquences immunologiques. Mais tout
cela dépend bien évidemment de l'objet qui a été fabriqué, de sa
nature, de sa conception, de sa composition. Normalement, le système de
développement du médicament, qui va vers une autorisation de mise sur
le marché du médicament (c’est-à-dire que le produit est autorisé dans
le cadre d'une balance bénéfice/risque) est aussi suivi après sa mise
sur le marché dans le cadre d’un plan de pharmacovigilance. L'ensemble
de ce dispositif permet normalement de minimiser les effets
indésirables qui ne peuvent évidemment jamais être nuls.
Mme JARRY.- À vous, Claudine Picard.
Mme PICARD.- Je vais parler très brièvement de l'application et de
l'utilisation des nanotechnologies dans mon laboratoire, Sanofi
Aventis, car c'est un peu ce qu'a exprimé mon voisin, Dominique Massé.
Ce qui nous intéresse dans les nanotechnologies, c'est l'aspect « voir
» avec un degré de précision plus important que les outils ne nous
permettraient de le faire jusqu'à présent.
Cela a des conséquences très importantes dans l’accélération de la
recherche vers la découverte de nouveaux médicaments, dans la mesure où
ces outils dont nous disposons nous permettent d'aller plus vite et
plus loin, par exemple, dans l'identification de nouvelles cibles
physiologiques.
Je voudrais préciser que cette utilisation ne passe pas par des
nanoparticules qui sont sous forme d'une émulsion ou que l'on va
absorber ou éliminer. L'essentiel de ces outils, ce sont des outils qui
sont un peu comme les puces que l'on peut trouver dans un téléphone
portable, c'est-à-dire des outils gravés à l'échelle nanométrique. Ce
sont des dispositifs qui nous permettent comme la microscopie à
champ de force ou force atomique , de regarder à l'intérieur de la
cellule ou au-delà de celle-ci.
Ce sont essentiellement des projets en partenariat avec des organismes
de recherche qui nous permettront d'avoir demain dans nos laboratoires
des outils plus performants et d'accélérer la découverte de ces
nouveaux médicaments. C'est cet aspect-là, au-delà des nanoparticules,
qu'il me paraissait intéressant à souligner : le développement et la
mise à disposition d’outils de recherche de cette échelle nanométrique,
qui nous permet d'avoir une détection inégalée ou des cycles de
production de résultats ou de caractérisation de cibles biologiques
qu'il n'était pas possible d'obtenir ou qui ne sont pas encore
accessibles aujourd'hui et qui le seront demain avec ce progrès
technologique.
Mme JARRY.- Je voudrais vous poser une question. Je crois qu’elle
faisait partie de votre intervention, mais vous ne l'avez pas dit :
commercialisez-vous déjà des nanomédicaments ?
Mme PICARD.- Non, nous ne commercialisons pas de nanomédicaments et
n’en avons pas dans notre portefeuille, en ce qui concerne Sanofi
Aventis.
Mme JARRY.- Merci. Pierre Teillac, pouvez-vous nous parler des
laboratoires Pierre Fabre et de leur position sur les nanotechnologies
?
M. TEILLAC.- J’ai trois messages importants. Le premier est peut-être
basique, mais c'est un message de taille. Nous sommes en train
d'étudier depuis de longues décennies l’infiniment petit. Nous allons
vers le plus petit du plus petit.
Nous en sommes loin avec les nanoparticules ou les nanotechnologies, car il y a beaucoup plus petit que les nanotechnologies.
Cela étant, pour donner une échelle, le nanotechnologique, c'est
beaucoup plus gros qu'une molécule chimique, mais c'est plus petit
qu'une cellule. Il y a une cellule, il y a un noyau dans toutes les
cellules de l'organisme, et les nanoparticules peuvent pénétrer à
l'intérieur. Si vous avez une molécule chimique de synthèse qui est
encore plus petite, vous allez aussi avoir des actions cellulaires. La
question d'échelle est importante.
Quand on parle de nanotechnologies, deux termes sont à retenir :
nanoparticules et nanotechnologies. Il s’agit de l'utilisation des
nanoparticules, qui sont des particules de petite taille qui existent,
et l'utilisation technique de ces particules.
Par ailleurs, vous avez dit que je m'occupais de la recherche &
développement (RD). Eh bien, je pense qu'à l'avenir on doit dire RDD.
C'est Rechercher, Développer et délivrer le médicament. L'utilisation
des nanotechnologies à l'aide de nanoparticules va nous permettre de
délivrer le médicament au bon endroit. C'est ce qu'a fait remarquer M.
Massé tout à l'heure quand il a dit que les nanotubes de carbone
peuvent d’amener la molécule ou le traitement à l'intérieur de la
cellule ou à la cellule correspondante.
DANS LA SALLE.- Comme les OGM !
M. TEILLAC.- Cela n'a rien à voir avec les OGM. Je vous répondrai sur
le parallélisme avec les OGM, mais ce n’est pas du tout le même
problème. Prenons un exemple sur un traitement qu'hélas beaucoup de
personnes connaissent, la chimiothérapie. La chimiothérapie est une
substance chimique toxique qui détruit les cellules. Or, pourquoi
est-elle efficace dans le cancer ? Parce que le cancer est une cellule
qui est immortelle, mais les cellules cancéreuses sont plus fragiles
que les cellules normales. Quand on donne de la chimiothérapie de base
aux gens, on détruit les cellules cancéreuses, mais aussi les cellules
normales. Mais les cellules immortelles que sont les cellules
cancéreuses repoussent beaucoup plus lentement que les cellules
normales. C'est ce qu'on appelle la rémission. C'est pourquoi il y a
des rechutes après les chimiothérapies. Néanmoins cela a été un
progrès. Le second progrès de la chimiothérapie a été la chimiothérapie
ciblée ; on essaie de trouver des molécules de chimiothérapie
spécifiques d'un cancer plutôt que d'un autre, en fonction de
paramètres biologiques ou cellulaires qui vont être étudiés.
DANS LA SALLE.- Cela n'a rien à voir avec les nanotechnologies !
M. TEILLAC.- J’y viens. L'étape suivante est de délivrer ces substances
qui sont toxiques uniquement à la cellule tumorale ou uniquement en
fonction de certaines caractéristiques de ces cellules. Je suis
d'accord avec ma voisine. Il n’y a pas de nanomédicament à l’heure
actuelle. On en est au stade de la recherche. C'est un espoir.
Le troisième message que je voudrais délivrer, c'est celui de la
comparaison. Les nanotechnologies sont un outil. Avec les outils, on
peut faire beaucoup de choses. Pour prendre l'exemple du marteau, il
peut y avoir des marteaux avec le bec de canard, les masses, on peut se
faire mal au doigt quand on plante un clou et on peut le planter
parfaitement, etc. L'utilisation des nanotechnologies mais là nous
aurons besoin des autorités sanitaires, qui vont nous aider à regarder
leur toxicité , si elles sont utilisées de façon ciblée, contrôlée,
elles seront à l'évidence une source de progrès.
Une dernière comparaison, c'est celle du laser. Einstein a décrit le
premier le photon en 1917. Ensuite, il a fallu attendre soixante ans
pour qu'un homme, Theodor Meinen, trouve la première application laser,
prix Nobel de physique en 1955. Il a fallu du temps. La première
application médicale du laser date de 1975. Il y a encore eu quinze ans
d'attente avant une application médicale.
À l'heure actuelle, qui n'a pas entendu parler du traitement possible
sur les maladies ophtalmologiques pour avoir des traitements rétiniens
avec l'énergie laser ? Qui n’a pas entendu parler d’une résection de la
prostate par un rayon laser qui entraîne une coagulation plus rapide ?
L'utilisation médicale du laser a pris entre soixante et
soixante-quinze ans, donc une bonne quinzaine d'années pour les
premières applications et ensuite d'autres années avant la routine.
Dans le domaine médical, nous sommes peut-être aux alentours des années 60 pour les nanotechnologies.
Mme JARRY.- Merci beaucoup.
Monsieur Vieu ?
M. VIEU.- Merci. Bonsoir à tous.
Je vais intervenir avec une position de chercheurs. Je suis chercheur
au CNRS, enseignant à l'université de Toulouse. Je forme de futurs
ingénieurs vers les nanotechnologies.
Le groupe de recherche que j'anime travaille à l'interface entre
nanotechnologies, biologie et santé. Nous sommes donc beaucoup
impliqués dans les applications vers le médical.
Au niveau scientifique, mon intervention va être courte car l’essentiel
a déjà été dit. Ce que vous devez retenir, c'est que, avec les
nanotechnologies, on manipule des molécules qui sont très petites et
cela permet par conséquent de voir ce qui, d'habitude, est invisible.
Comment cela se conjugue-t-il pour les applications en médecine ?
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