La miniaturisation du dispositif de contrôle peut dans certains cas porter atteinte aux libertés. La miniaturisation du bracelet électronique, qui permet de contrôler les déplacements d’un condamné après une décision de justice, poserait un problème de contrôle de la part des autorités publiques. C’est au législateur de poser les bornes de ce qui est autorisé en matière de libertés individuelles.
Interrogé sur la responsabilité de la police ou de la justice dans la poursuite d'individus ou d'organismes développant des recherches sur des armes biologiques sur le territoire français, il rappelle que la justice applique la loi de la République, expression des citoyens. Bien entendu, la loi doit s'adapter aux évolutions de la science.
Plusieurs questions portent alors sur l'insuffisance de formations universitaires aux nanotechnologies, dans la perspective de la création de 100 000 emplois. Pour les chercheurs, la formation spécifique aux nanosciences est naissante. Elle est complexe à mettre en place, faisant appel à des champs différents. En revanche, il existe des masters recherche en physique, chimie, biologie, photonique, microélectronique, etc. Il n'y a pas encore de formation dans le domaine de l'écotoxicité des matériaux nano, mais les besoins seront probablement importants dans les prochaines années.
Le public interroge également sur les possibilités d'accès des PME aux nanotechnologies qui ont besoin, comme les grandes entreprises, d'être plus performantes pour relancer la croissance. André Soulage souligne le rôle des pôles de compétitivité pour favoriser les échanges entre la recherche et les PME, dans le cadre de projets collaboratifs.
Une personne dans la salle dénonce le danger de l'argument de la démocratie améliorée avancé par la CNDP. Le débat public, selon lui, est du domaine de la farce. Galiène Cohu puis Jean-Pierre Chaussade, membres de la CPDP, objectent qu'avec la loi de démocratie de proximité, tous les projets soumis jusqu'ici au débat public ont progressé grâce aux questions, propositions et avis. Les nanotechnologies, depuis le lancement de la Commission, ont fait l'objet de nombreuses publications d’articles et d’échanges sur Internet qui ont permis à un public beaucoup plus large de s'approprier un sujet qu'il ne connaissait pas.
Michèle Rousseau insiste sur l'importance de ce débat qui pèsera sur les décisions que prendra le gouvernement dans l'orientation des travaux de recherches aidés, l'importance des contrôles et des réglementations. Dans le domaine de la protection de l'environnement, la participation du public aux prises de décisions est inscrite dans la convention d'Aarhus, reprise dans les directives européennes et inscrite dans la Constitution avec l'introduction de l'article 7 de la Charte de l'environnement.
Robert Ranquet renchérit sur l'importance du contrôle démocratique : l'exercice de démocratie mondiale a, par exemple, permis l'interdiction d'utilisation d'armes biologiques et chimiques.
Enfin, les chercheurs, qui se sentent très isolés, sont très demandeurs d'une appropriation des questions scientifiques par les citoyens.
Parmi les inquiétudes exprimées reviennent souvent la peur du caractère invisible des nano, instrument de pouvoirs occultes et de contrôle des individus, ainsi que le manque d'informations et d'affichage sur des produits déjà sur le marché. Peut-on obtenir la liste des produits mis sur le marché ? Quels sont les pouvoirs d'analyse et de contrôle ? Comment garantir qu'un pays comme la Chine n'exporte pas déjà des objets contenant des nanomatériaux ? Enfin, pour répondre à une demande d'autorisation de mise sur le marché, l'autorité fondera-t-elle sa réponse sur les essais du fabricant ou sur une expertise indépendante ?
En ce qui concerne la crainte d'une absence de transparence sur les produits mis sur le marché, Catherine Mir, du ministère du Développement durable, rappelle que, dans l'espace communautaire, les produits circulent librement s'ils répondent aux normes et règles d'étiquetage de la Communauté européenne. Le règlement Reach, relativement contraignant, n'existe que depuis deux ans : il impose aux industriels d'enregistrer les produits chimiques et d'en évaluer les effets sur la santé et l'environnement. Il devra faire l'objet d'amendements pour prendre en compte les nanomatériaux. Il prévoit également la possibilité d'interdire des substances considérées comme dangereuses, hormis des cas spécifiques où elles sont irremplaçables. Encore faut-il avoir des éléments de connaissance prouvant leur dangerosité. Une autre possibilité serait de restreindre certains usages, qui pourraient présenter un danger, comme l'introduction des nano dans les jouets.
Pour assurer une traçabilité, le Grenelle de l'environnement a prévu un dispositif où le fabricant, l'importateur ou la personne mettant sur le marché des nanomatériaux doit déclarer le type, les quantités et l'usage. Ces informations seront mises à la disposition du public de façon générale.
Michèle Rousseau signale qu'il existe en Finlande une agence européenne qui assure un contrôle de deuxième niveau des produits en attente d'autorisation de mise sur le marché. Mireille Fontaine ajoute que, dans le domaine de la cosmétique, l'Europe vient d'adopter un règlement stipulant l'obligation prochaine de mentionner la présence de substances nano sur les emballages. Aucun texte n'impose à ce jour la publication d’une liste de produits contenant des nanoparticules. Il est possible cependant de trouver sur Internet des listes déclaratives mais non exhaustives ou comprenant des produits sans nanoparticules. Le site le plus complet est le Project and Emerging Technologies.
A une question du public évoquant la possibilité d’importation massive de jouets contenant des nano puces provenant de Chine pour nous surveiller, Laurent Roux, du pôle OPTITEC, estime cette hypothèse improbable : la communication des puces devrait se faire à des longueurs d'onde particulières pour qu’elles puissent être lues à partir d'un satellite, ce qui suppose une antenne. En outre, l'émission nécessiterait une importante quantité d'énergie avec un stockage qui serait très visible.
Autre sujet d'inquiétude exposé par plusieurs questions : la toxicité des nano sur la santé et l'environnement. Jean-Yves Bottero, qui s'intéresse particulièrement aux interfaces entre les nanomatériaux, l'eau et le vivant, assure que les tonnages de produits vendus dans le commerce sont extrêmement faibles. Sur un peu plus de 1 000 produits actuellement sur le marché, la moitié portent sur des vêtements et des cosmétiques. Le titane contenu dans les crèmes solaires représente, à l'échelle mondiale, 10 000 tonnes, il est prévu d'aller jusqu'à 1 million de tonnes.
Par ailleurs, l'écotoxicité qui ressort d'un produit n'est pas seulement celle de la particule mais aussi celle de l'enrobage. Marc Sentis ajoute que les programmes de recherche, de plus en plus transdisciplinaires, commencent à intégrer la participation d'équipes étudiant d'abord la toxicité des produits. C'est un véritable changement de culture.
Une représentante de l'AFNOR informe d'un travail de normalisation européenne et internationale commencé il y a deux ans pour définir, construire des méthodes de caractérisation et établir un programme sur la santé et la sécurité lié aux nano. Il en ressort que les Asiatiques ont surtout une approche commerciale, alors que les Européens, notamment les Français, préconisent un management et une évaluation des risques avant la mise sur le marché de nanomatériaux.
Une suggestion est faite dans le public d'une restriction de l'application des nanomatériaux, comme c'est le cas pour l'amiante, à des usages très spécifiques.
Jean-Yves Bottero précise que dès les années 90 aux États-Unis et plus tardivement en Europe, on s'est d'abord intéressé aux risques pour l'homme et notamment les travailleurs et on a développé des équipements de protection individuelle.
Le public s'enquiert de l'affectation du budget recherche nano : la défense perçoit moins de 10 % de l'ensemble, la santé et l'environnement de l'ordre de 5 %. Les chiffres de l'ANR sont un bon indice de l’importance des nano dans la recherche nationale. Sur les 850 M€ de ses dépenses annuelles, les nano en représentent 120. Son bilan détaillant ces dépenses par grand domaine est d’ailleurs consultable sur son site.
Beaucoup de questions portent sur l'instauration de règles éthiques afin d'éviter des débordements des recherches. Hugues Giovannini assure que les chercheurs sont conscients des risques et s'imposent des normes. Cela a notamment été le cas lorsqu'ils ont travaillé sur la modification de propriétés optiques de billes, le risque étant grand d'inhaler des billes de trop petite taille.
Robert Ranquet ajoute que le travail ne porte jamais sur les nano en tant que tels mais sur leur utilisation dans des domaines déjà fortement encadrés. C'est le cas du travail sur le vivant qui, en France, est régi par des lois très strictes. La question est de savoir si les nano présentent un caractère si spécifique qu’il justifierait la création d'une réglementation ou à défaut de règles éthiques particulières. Mireille Fontaine renvoie à la notion bien connue de bénéfices/risques, en particulier dans le domaine du médicament. Hors du domaine de la santé, il faut s'interroger sur l'utilité ou la futilité des applications.
Sur cette réflexion, Geneviève Cohu et Jean-Pierre Chaussade remercient respectivement les participants qui sont restés pour poser leurs questions et les intervenants, ainsi que la Ville de Marseille qui leur a offert la grande salle du Pharo.
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