M. PIRANDA.-Vous avez raison de dire qu’il faut être prudent.
L’intervenante.- Si j’ai raison, Monsieur, vous me faites très peur !
M. PIRANDA.- Non. Vous avez raison de dire qu’il faut être prudent. Je ne veux pas dire que vous avez raison sur l’aboutissement des utilisations de ces nanomatériaux. Déjà, dans la définition d’un produit, quand on fait du développement il y a toujours l’analyse de risque au démarrage d’une action. Cela fait partie du savoir-faire des développeurs de dire : « En faisant une analyse de risque, nous borderons tous les risques. » Ce n’est pas vrai. On peut border sur le risque sur le court terme, ce que l’on peut mesurer, mais il y a des choses que nous mesurerons dans 5 ans, car nous aurons des moyens de mesure beaucoup précis que ceux d’aujourd’hui. Nous découvrirons que nous avons utilisé pendant des années quelque chose qui, somme toute, a fait du bien, mais qui a tout de même des effets secondaires.
Regardez le vieillissement de la population : le progrès a été considérable...
M. CHAUSSADE.- Je suis d’accord, mais ce sont des considérations générales. Je pense que la question de Madame concerne la santé. La question a déjà été posée : n’allons-nous pas un peu vite dans les produits qui sont liés à la grande consommation ? Je pense que votre question est là. Cela a été précisé : dans les laboratoires, des précautions sont prises pour éviter que les personnes soient exposées. Très bien, mais le grand public : tous les laboratoires ont-ils les mêmes normes de précaution ? Je ne sais pas qui peut répondre. Des contrôles sont-ils faits par l’inspection du travail ? Y a-t-il des normes pour travailler sur des nanopoudres ? Comment le contrôle est-il fait pour les travailleurs ?
Pour les produits de grande consommation, comment peut-on s’assurer qu’il n’y a pas de conséquence à la fois sur la santé des gens et sur l’environnement ?
Un intervenant.- Je suis ingénieur de prévention à la direction générale du travail. J’interviens en appui technique à l’inspection du travail.
Je vais répondre sur le champ du travail. Au niveau de la protection des salariés, il existe une réglementation. Nous parlons de nanoparticules, ce sont des agents chimiques. Il existe une réglementation basée sur deux décrets que l’on appelle agents chimiques dangereux et CMR (cancérogènes mutagènes et reprotoxiques) qui sont axés sur la protection du salarié. C’est une obligation réglementaire que l’employeur doit respecter pour protéger ses salariés.
Pour les CMR, travailler dans un premier temps en vase clos, puis mettre en place des moyens de protection collectifs qui sont des systèmes de captage, lorsqu’il y a une exposition par inhalation, complétés par des équipements de protection individuelle qui sont des masques, des gants et des combinaisons.
Il existe bien un cadre réglementaire pour protéger le salarié exposé aux nanoparticules produites délibérément ou issues de produits de dégradation.
Tout cela s’inscrit dans le cadre de l’évaluation des risques professionnels que l’employeur doit faire.
Il y a donc bien un cadre réglementaire pour protéger le salarié.
M. CHAUSSADE.- Ce cadre réglementaire est-il appliqué ou pas ?
L’intervenant.- L’inspection du travail est là pour le faire respecter. Il n’est pas toujours respecté par les entreprises, soit par méconnaissance de la réglementation, soit par des problèmes d’investissement car cela nécessite parfois la mise en place de systèmes de captage coûteux. Différents organismes comme la CRAM peuvent aider au financement pour s’équiper de ce type d’équipement.
Quand on parle d’exposition du salarié, il y a celle du salarié à son poste de travail et les expositions collatérales, soit le salarié à proximité du poste de travail. C’est pourquoi nous nous devons de mettre en place des protections collectives pour protéger l’ensemble des salariés, complétées par des équipements individuels pour les salariés les plus exposés. Sachant que la réglementation dit bien qu’il faut obtenir les taux d’exposition les plus faibles possibles.
Il existe un autre cadre réglementaire : le suivi médical des salariés par le biais du médecin du travail avec la surveillance médicale renforcée avec une visite annuelle.
M. CHAUSSADE.- Je voudrais revenir sur la santé population. C’est quelque chose que nous avons vue dans la réunion publique de Strasbourg. La réglementation européenne, ce sont des produits dangereux, c’est la réglementation REACH. Je ne crois pas me tromper, il y a actuellement un débat sur ces questions pour savoir si les nanotechnologies sont bien traitées par le règlement REACH ou s’il faut l’adapter ou créer un nouveau règlement pour les nanomatériaux.
Si je ne me trompe pas, si j’ai bien entendu et compris, REACH rend l’industriel responsable. Il est responsable de la sûreté de son produit.
Nous avons effectivement entendu des industriels notamment à Orléans dire sur les cosmétiques : « Je suis responsable et je ne mets sur le marché que des produits pour lesquels j’ai fait en recherche toutes les vérifications. » La question qui a été posée et qui se pose au travers de plusieurs débats est qu’il y a de grandes entreprises comme L’Oréal, mais que de petites entreprises n’ont pas forcément les moyens de ces recherches. Comment sont-elles aidées, contrôlées ? Qui peut encadrer les petites entreprises ? On voit bien que les nanotechnologies, les nanomatériaux démarrent avec de petites entreprises. Ces petites entreprises ont-elles les moyens de dire : « Pour ce que vous dites, je suis responsable et je garantis que mon produit n’a pas de conséquence néfaste sur la population » ? Comment cette question est-elle traitée ?
Mme BLANC.- Le règlement REACH est très important pour la connaissance et l’évaluation des substances chimiques présentes sur le marché. Comme M. CHAUSSADE l’a dit, l’innovation de ce règlement est qu’il a renversé la charge de la preuve. Jusqu’à présent, il appartenait aux administrations de prouver qu’il y avait un risque, pour que l’on puisse décider de retirer une substance du marché.
Depuis que le règlement européen REACH est en vigueur pour toutes les substances nouvelles, il appartient à l’industriel de démontrer que sa substance ne présente pas de risque. C’est très important, car les administrations n’avaient pas les moyens suffisants pour évaluer toutes les substances présentes sur le marché. 30 000 substances chimiques seront évaluées dans le cadre de REACH. REACH est un acte fondateur pour la connaissance et l’évaluation de l’impact des substances chimiques en général.
Monsieur a dit que REACH n’était pas adapté aux nanomatériaux. Vous avez tout à fait raison. Le cadre de REACH s’applique à toutes les substances chimiques, y compris à celles sous forme nanométrique. Mais le problème est le seuil puisque cela s’applique à partir d’une tonne par an et l’on soupçonne que beaucoup de nanomatériaux ne sont pas produits ou mis sur le marché à plus de une tonne par an. Ce seuil est adapté aux substances chimiques en général mais, à des choses extrêmement petites comme des nanomatériaux, il est sans doute trop élevé.
La France milite au niveau européen pour que le règlement REACH soit modifié pour prendre en compte les spécificités des nanomatériaux et lever les doutes sur la question de savoir si cela s’applique, si cela ne s’applique pas ou si cela s’applique bien.
Une modification de règlement européen est quelque chose de très long. C’est un processus de codécision avec 27 Etats membres et le Parlement européen. Cela prend deux à trois ans. Nous ne devons pas attendre que le règlement REACH soit modifié pour agir. Un certain nombre de mesures sont donc prises en attendant, pour améliorer les méthodes d’évaluation des risques et pour les harmoniser au niveau communautaire.
Il y a donc deux axes : faire modifier le règlement REACH à moyen terme et, à court terme, renforcer la connaissance par la déclaration obligatoire et l’amélioration des méthodes et des connaissances en matière d’évaluation des risques.
Pour les petites entreprises, l’un des aspects du règlement REACH est le partage des données. REACH crée des forums par substance. Toutes les entreprises d’Europe qui fabriquent ou mettent sur le marché une substance donnée sont obligées de s’échanger des données, des résultats de tests, etc.
À la base, il y avait l’idée de réduire le nombre de tests sur animaux. Il était inutile que 10 entreprises en Europe fassent faire les mêmes tests sur animaux pour la même substance, alors qu’il suffisait qu’une entreprise les fasse et les partage avec les autres entreprises européennes.
À l’origine, le règlement REACH, c’est aussi cette obligation de partage de données entre entreprises. Pour les petites entreprises, il est important d’avoir accès à ces forums où les données des grands groupes sont partagées avec les petites entreprises, sous réserve du secret industriel et commercial ; mais un contrôle est fait pour s’assurer que ce secret n’est pas excessif.
Une intervenante.- Je me pose la question de la traçabilité du produit. Comme tout produit industriel, il devient un déchet un jour. Les employés qui travaillent dans le secteur du déchet sont-ils aussi concernés par la réglementation, c’est-à-dire par la médecine du travail ? Peut-on également être rassuré à ce sujet ?
M. CHAUSSADE.- Dans les laboratoires, que fait-on des déchets ?
M. GAFFET.- Nous n’appelons pas cela des déchets. Dans l’échelle des laboratoires, la plus grande quantité que nous produisons est une centaine de grammes à l’année. Si vous lisez le rapport de l’AFSSET publié en 2008, la quantité manipulée par les laboratoires annuellement est plutôt proche du gramme que du kilo. Pour les objets sur lesquels nous travaillons, vous avez deux solutions : soit ce sont des poudres microniques qu’il suffit de recuire, donc de chauffer, pour faire disparaître la notion de nanostructuration. Cela se fait dans des fours ou dans des torches à plasma. Un certain nombre de laboratoires ont des problèmes spécifiques de particules pour lesquelles il y a une suspicion de toxicité avérée et pour lesquelles il faut faire disparaître la notion de nanostructuration. Nous les mettons dans des torches à plasma et nous faisons des matériaux massifs. Donc la dangerosité nano va disparaître.
Il y a d’autres particules pour lesquelles les problèmes ne se posent pas. Dans le process, la nanostructuration est une étape. Comme je l’ai indiqué, nous les poudrons, puis nous les consolidons ensuite. Ce qui nous intéresse derrière, c’est le matériau massif. Donc on ne travaille plus sur des nanoparticules individuelles mais sur des matériaux massifs. Là, le risque est la dangerosité du matériau que multiplie l’exposition. Quand vous avez un matériau massif dense à 100 %, il n’y a pas d’exposition au matériau, quelle que soit sa dangerosité. Le risque est nul dans ce cas.
M. CHAUSSADE.- Je retiens cette question : la traçabilité des nanomatériaux. Je pense que, dans les laboratoires, vous visez non pas les grammes mais beaucoup plus les produits de grande consommation. Dans le film, on parle de chaussettes avec des nanoargents. Effectivement, la question se pose : qu’est-ce que cela devient ? Pourquoi met-on des produits aussi sophistiqués pour que les chaussettes ne sentent pas ? Une question se pose en termes de santé. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais la question est posée pour ce genre de produit gadget.
Un intervenant.- Bonjour. Je suis un simple citoyen. J’ai une question par rapport au budget. On a parlé de 5 % des dépenses pour les nanoparticules pour la recherche sur la santé. Dans le document que vous fournissez, les dépenses pour l’armement correspondent à 7 % du budget des nanotechnologies en France. On a déjà fait l’erreur par le passé sur d’autres matières de dépenser plus pour l’armement que pour la santé. Est-ce que l’on commettra encore la même erreur ou est-ce que l’on apprendra un peu ?
M. CHAUSSADE.- Merci de votre question. Qui répond sur le budget ?
M. BRUGVIN.- Je voudrais faire une remarque sur le budget. La réponse a précédemment été donnée. On a dit que c’était 5 % sur le budget français. Sur l’étude que j’avais consultée, c’était 0,4 % au niveau mondial. Cela date de 2006 mais l’étude qui a été faite pour la France date évidemment de 2008. Il y a tout de même une différence importante entre les deux.
Je ressors du débat pas vraiment rassuré dans la mesure où, pour l’amiante par exemple, cela a mis plus de 40 ans entre les premières études sérieuses faites par des scientifiques et le moment où cela a été interdit. Même l’OMS a dû attendre 20 ans, car il y avait une pression très forte des multinationales pour dire : « Non, l’OMS, ce n’est pas un problème. »
Ensuite, l’inspection du travail et de la santé n’a pas réellement réussi à protéger les travailleurs. Même si je vois bien qu’il y a des cadres réglementaires contre le cancer, ce sont des éléments nouveaux qu’il faut pouvoir mesurer. Il faut des instruments pour les mesurer et c’est très difficile. J’ai donc des doutes.
J’aimerais bien que l’inspection du travail puisse réellement sécuriser les travailleurs. Même pour les choses basiques, le problème de l’inspection du travail n’est pas qu’elle n’est pas compétente mais il n’y a pas assez de monde compte tenu du nombre de travailleurs qui existent. Ils sont très peu présents dans les entreprises en général.
Enfin pour REACH, vous avez tout de même été précis, mais la charge de la preuve est inversée. Cela dit, si elle était réellement inversée et appliquée, le nombre d’études est pour l’instant très insuffisant, car je n’ai pas beaucoup de résultats là-dessus. Je pense qu’il faudrait que les pouvoirs publics disent : « Nous stoppons, tant que nous n’avons pas d’études sérieuses » et que ce soit appliqué. Or ce n’est pas le cas.
M. CHAUSSADE.- Merci. Je voudrais une précision : quand on parle de pourcentage de budgets de recherche, s’agit-il des budgets de recherche publique ou est-ce que cela intègre les pourcentages de recherche des entreprises privées ?
Mme LARRIEU.- L’estimation à 5 % des budgets, ce sont les budgets publics et ce sont effectivement des estimations récentes, de 2008. Je ne pense pas que ce soit 2009. Ce sont des proportions qui évoluent. Il est évident que les recherches sur les risques associés aux nanos sont des recherches récentes, car il faut mettre au point les protocoles de suivi, il faut caractériser, il y a des questions d’instruments de mesure, etc. Il y a vraiment à faire marcher en même temps les questions de développement de capteurs, d’instruments de mesure et l’acquisition de connaissances pour pouvoir ensuite faire le travail de recherche et d’interprétation des résultats.
Tout cela est en cours et effectivement les résultats ne sont pas complètement ni probants en termes de risques, ni probants en termes d’absence de risques. Des travaux de recherche sont en cours dans tous les pays. Le 5 % est bien sur la recherche publique.
S’agissant des entreprises privées, il est de leur responsabilité d’orienter leurs recherches sur les questions de risques. C’est d’autant plus sous leur responsabilité que, Mme BLANC l’a dit, la réglementation REACH change notablement la question de la responsabilité. Mais sans attendre la réglementation REACH, un certain nombre d’entreprises, notamment les grandes, avaient déjà engagé des volets de leur programme de recherche sur ce sujet. C’est sous leur responsabilité de dire si elles y consacrent 2 %, 3 %, 0,5 %, 15 %, 20 % 15 %. C’est très variable d’après les informations que nous avons, mais nous n’avons pas d’information exhaustive sur le sujet.
M. CHAUSSADE.- Je voudrais une réponse à la question sur le budget recherche pour la défense.
Un intervenant.- Je crois que notre intervenant a donné le bon chiffre car c’est celui du dossier. Je confirme qu’il est de l’ordre de 7 % en France. Dans d’autre pays, cela varie beaucoup. Il est dans les 20 à 30 % aux Etats-Unis.
D’après ce que j’ai compris, la question porte non pas sur le budget de la défense mais sur la comparaison entre la part consacrée aux recherches pour la défense et la part consacrée aux recherches sur les risques. J’avoue que je n’ai pas d’avis sur l’équilibre entre ces deux choses. Cet équilibre est décidé par les lois de finance et est voté par nos parlementaires. Il y a des moyens faciles d’exprimer ce que l’on peut penser de l’équilibre.
M. CHAUSSADE.- Est-ce la réponse que vous attendiez ou souhaitez-vous plus d’informations ?
Un intervenant.- En gros, on considère que l’armement est plus important que la santé. C’est ce que je constate. Cela a déjà été fait par le passé pour d’autres choses. Je ne parle pas de l’amiante, mais d’autres choses. Je pense que l’on tue suffisamment. Il n’y a pas besoin d’en rajouter.
M. CHAUSSADE.- Merci de votre témoignage. Nous avons bien compris le message.
Un intervenant.- Bonjour. J’aimerais parler des différentes approches sur la dangerosité des nanoparticules et de la fabrication de celles-ci. Il serait important de prendre en considération qu’il y a plusieurs aspects de dangerosité. Il y a les nanoparticules elles-mêmes, toutes les nanoparticules pouvant être générées lors de leur fabrication.
L’intervenant de FEMTO-ST a parlé nanotechnologies sous forme de couches. Elles peuvent se dégrader. Lors de la fabrication, des nanoparticules tout à fait dangereuses peuvent être générées. Même si des matériaux contenant des nanoparticules qui ne sont pas supposées se dégrader dans un temps restreint sont créés, la durée de vie du produit risque de générer des nanoparticules dans l’environnement et dans les individus au bout d’un certain temps. Il faut le prendre en considération.
Selon les informations que j’ai trouvées, ces nanoparticules sont répertoriées jusqu’à la taille des 100 nanomètres. Celles qui seraient dans la zone des 100 à 300 nanomètres, qui ont aussi des influences particulières et des propriétés chimiques tout à fait différentes, devraient aussi être prises en compte.
Merci.
M. CHAUSSADE.- Quelqu’un veut-il réagir ? Cela me paraît tout à fait pertinent.
M. de LABACHELERIE.- Les couches nanométriques peuvent effectivement se désagréger, mais elles ne produiront des nanoparticules dangereuses que si elles contiennent déjà des grains de ces nanoparticules. Le plus souvent, nous réalisons des couches continues qui ont une certaine cohésion. Il n’y a pas de grain à l’intérieur. Quand elles se désagrégeront, il n’y a aucune raison que cela forme des nanoparticules.
Vous avez raison. C’est un vrai souci. On peut se demander si la fabrication de nanostructures génère systématiquement des nanoparticules. La plupart des technologies que nous utilisons enlèvent la matière qui part directement sous forme gazeuse. Il n’y a donc plus de particules. Ce sont des gaz, car une réaction chimique fait que cela donne des gaz.
Cela concerne un certain nombre de technologies, mais il y en a évidemment d’autres sur lesquelles il peut y avoir des soucis. Peut-être pouvez-vous donner une précision sur ce sujet ?
M. GAFFET.- Par rapport à la question de 100 nanomètres limite absolue, il y a une norme ISO. Peut-être y aura-t-il une question sur la définition de la terminologie, lors de la deuxième table ronde.
Quand nous travaillons sur la toxicité des particules, nous ne nous arrêtons pas bêtement à 100 nanomètres. Nous considérons la dimension comme étant un paramètre de la toxicité, de l’écotoxicité. Dans les études qui sont correctement menées et pour ceux qui ont les moyens de déterminer cette dimension, l’importance de la dimension nanométrique est regardée. Il est évident qu’à partir d’une certaine dimension le comportement de la particule est identique et l’on s’arrête à cette dimension. La définition des nanoparticules dans le domaine des matériaux correspond à un changement de propriétés physiques ou chimiques, et on y intègre la réactivité par rapport à l’environnement ou au milieu vivant.
S’il y a un changement de propriétés, la toxicité peut varier en fonction de la dimension ; il sera intégré dans la réflexion nanoparticules. Nous ne nous arrêtons pas à une dimension absolue de 100 nanomètres.
M TIBORT.- Je représente Jean-François ROBERT, le président du conseil économique et social qui m’a demandé de l’excuser. Je suis Gérard TIBORT, je suis membre du conseil économique et social.
Le conseil économique et social a produit un cahier d’acteurs qui avait l’inconvénient d’être la dernière pile en entrant mais qui aura l’avantage d’être la première en sortant. Je vous incite à le prendre.
Pourquoi le conseil économique et social s’est-il intéressé aux microtechniques ? Depuis 2001, il a travaillé sur les microtechniques, notamment en termes de devenir socio-économique de la région à la suite de l’horlogerie. Dans le cadre de cette recherche, quand il y a eu l’avis d’appel pour les pôles de compétitivité, les industriels que nous avions accompagnés ont créé un pôle de compétitivité des microtechniques, lequel a mis à l’intérieur même de sa structure une commission au dialogue social. Elle réunit à la fois les cinq organisations dites représentatives des salariés et les organisations syndicales d’employeurs. Elle est sous la présidence du président du conseil économique et social, comme M. PIRANDA préside celle sur le biomédical au sein du même pôle.
Je m’engage à rapporter auprès de la commission de dialogue social ces débats et à en faire l’une de nos feuilles de route. Nous sommes là à un moment et à un endroit où il n’y a pas tant de murs que cela. Nous devons mettre en commun à la fois un recensement des nanotechnologies mises en œuvre dans les différentes entreprises du pôle et faire un travail sur la santé des salariés exposés.
M. CHAUSSADE.- Merci. Je dois dire que le conseil économique et social nous a bien accueillis, quand nous sommes venus faire un repérage et il nous a permis de travailler dans de bonnes conditions. Je vous en remercie.
Dans les conseils économiques et sociaux il y a effectivement un bon travail de partage entre différentes entités sur certaines questions. Je vous remercie d’avoir fait un cahier d’acteurs. Vous pourrez le prendre en sortant, en même temps que les autres cahiers d’acteurs car c’est tout aussi important.
Vous avez parlé de pôle de compétitivité, ce qui est une belle transition avec la deuxième séquence.
Il y a une dernière question.
M. TAG.- Je suis Aster TAG. C’est un nom alsacien mais je suis Français depuis plusieurs générations.
J’ai écouté beaucoup de gens ici qui s’inquiètent de la nocivité des produits inventés ou créés. Je ne suis pas touché, car je vais avoir 90 ans. Donc, même en étant optimiste, je n’en souffrirai pas. Je n’ai pas d’Alzheimer. Cela viendra, mais je ne l’ai pas encore.
J’entends tous les gens qui veulent nous protéger et faire des recherches.
Sur la pollution atmosphérique, cela fait 90 ans que nous polluons. Sur les déchets atomiques, nous ne savons pas quoi en faire. Nous n’avons pas fait d’études, nous ne savons pas où les mettre mais nous avons besoin de l’atome pour avoir de la chaleur. Sur l’amiante, nous avons mis 50 ans à nier l’évidence. Les juges ont mis 10 à 15 ans de plus. La semaine dernière, Grande Rue à Besançon, un bâtiment a été désamianté et l’appartement d’un médecin a été pollué. Il a porté plainte et a obtenu satisfaction au tribunal administratif.
Les ouvriers de l’entreprise sont protégés, mais pas l’environnement. Les Français en particulier ne respectent ni les feux, ni la vitesse. Cela leur est complètement égal. Je parle comme j’ai l’habitude de parler car, hormis d’avoir été dans le pétrole pour ne pas dire chez Total, je connais beaucoup de choses et j’ai vu beaucoup de pollution. La pollution nous est égale. Nous avons des hommes politiques qui ne sont pas à la hauteur. Ils ont fait des études, l’ENA, mais en dehors de prendre leur salaire, ils sont là pendant quatre ans et se moquent du tiers comme du quart.
Avant de mettre les nanotechnologies, des études doivent être faites pour ne pas laisser les industriels s’accaparer d’un produit.
Imaginez que les Chinois l’auront demain : ils enverront toutes leurs cochonneries sur les marchés européens. Que fait l’Europe ? Rien du tout. Nos pays sont en décrépitude et nous ne voulons pas l’admettre car l’Europe est incapable de gérer tout cela.
Vous savez, je n’ai pas peur de mourir, car quand on arrive à mon âge on sait bien que l’on meure très prochainement. J’ai des petits-enfants, des arrières petits-enfants et je voudrais bien qu’ils vivent correctement. J’ai réussi à échapper à toutes les pollutions que nous avons depuis de nombreuses années. Il n’y a sans doute pas beaucoup de personnes qui ont 90 ans ici, mais j’ai encore toute ma tête. J’espère que vous ne me déterminerez pas, Madame la docteure, comme étant un Alzheimer avancé.
(Applaudissements.)
M. CHAUSSADE.- Merci de votre témoignage. Nous vous souhaitons une longue vie.
Une intervenante.- Bonsoir. Pour rejoindre ce qu’a dit ce Monsieur de 90 ans, M. PIRADA a précédemment dit qu’il désirait avoir l’avis de philosophes et que les philosophes auraient été les bienvenus dans la conversation.
Nous parlons ce soir de technologie, mais à quoi sert-il d’aller très loin dans la recherche, dans la technologie, si la société a peur de tout ? Si l’être humain a peur de tout ? De boire, de manger, d’utiliser son portable ? Nous fabriquons une société où tout le monde a peur de tout. C’est regrettable, car il faut effectivement du progrès, mais il y a des limites. Nous voulons le bonheur de chacun mais les philosophes devraient se poser la question : quel monde fabriquons-nous aujourd’hui ?
J’ai entendu deux jeunes personnes. Ce sont elles qui disent qu’elles ont peur. Nous, les anciens, c’est vrai que notre vie est faite. Nous avons passé les étapes. Nous avons eu 20 ans, 30, 40. On a 90 ans. Si le danger est devant, les jeunes doivent prendre la parole et il faut absolument les écouter comme le représentant d’ATTAC, car eux-mêmes sont en mesure de dire : « Attention, vous, les anciens vous allez trop loin. Vous êtes chercheurs et vous allez de plus en plus loin car cela fait partie de votre métier, mais nous sommes jeunes et nous vous disons attention danger. »
M. CHAUSSADE.- Merci de votre témoignage.
M. BAUD.- Je suis Patrice BAUD. Je suis également médecin et je dois dire que je ne repartirai pas avec un autre sentiment que celui de l’inquiétude très maîtrisée. Je suis venu dans un état d’esprit d’ouverture et je dois dire que, là, je repars maintenant plus inquiet qu’avant. En effet, j’entends des choses qui m’effarent un peu. On a parlé de santé et elle a systématiquement été ramenée à la médecine du travail.
Je suis content d’entendre qu’il y a des masques capables d’arrêter les nanoparticules. Mais 10 puissance moins 9, je ne sais pas ce que c’est et j’ai du mal à comprendre comment on peut protéger les gens à ce niveau-là.
Des particules qui se transforment en gaz, cela s’appelle-t-il de la vaporisation de particules ou est-ce une autre substance ? J’ai également du mal. Vous avez utilisé ce terme-là. Cela se transforme en gaz. Le gaz reste dans l’air, dans l’atmosphère et dans notre environnement.
Pour conclure sur cette inquiétude qui me heurte, quels moyens médicaux a-t-on actuellement pour savoir si on est effectivement atteint, touché ou si on risque de l’être par ces nanoparticules ? Je connais un peu les moyens technologiques et je n’ai jamais entendu dire qu’il y avait un nouveau moyen pour déceler ce genre de choses. En outre, nous n’avons pas été formés pour cela.
100 substances, 100 produits sont sur le marché en France ? Nous n’avons pas besoin d’un décret. Il suffit que ces 100 produits soient identifiés, qu’on le dise à tout le monde et que chacun prenne sa responsabilité, qu’il choisisse de le prendre ou pas. Peut-être serons-nous d’une façon beaucoup plus claire et plus nette dans un débat différent que celui que nous avons eu avec l’obscurantisme que cela a amené avec les OGM.
(Applaudissements.)
M. CHAUSSADE.- Merci. Je tiens à préciser que le but du débat n’est pas de rassurer les gens, mais bien de mettre à plat les choses.
Une intervenante.- On s’égarait !
(Rires.)
M. CHAUSSADE.- Notre mission est de mettre à plat et que des questions soient posées. Il y a des réponses partielles ou totales, mais nous devons être dans une expertise. Il faut que tout le monde puisse s’exprimer et exprimer ses inquiétudes.
Mon rôle n’est pas du tout de rassurer. Il est au contraire de poser les questions pour amener les responsables, le gouvernement, les autorités, les entreprises à prendre en compte toutes vos attentes, toutes vos questions. Nous sommes bien dans l’objet même du débat.
M. TAG.- J’ajoute quelque chose à ce que j’ai précédemment dit. Des carburants ont été utilisés en France pendant 50 ans. Pour augmenter l’indice d’octane d’un carburant, les atomes d’hydrogène explosant dans la chambre de combustion, que faisions-nous ? Du tétraéthylène de plomb y était mis. Des milliers de tonnes de plomb ont été déversés. Nous le faisons encore en Afrique car des fois que nous ne gagnons pas assez d’argent, c’est-à-dire les pétroliers, nous mettons encore du plomb dans l’essence pour l’Afrique. Mais cela n’a pas d’importance, car elle est grande. Et puis les Noirs, qu’est-ce que cela peut faire ? Il y en a tellement !
La honte est que des milliers de tonnes de tétraéthylène plomb ont été déversées dans la nature, dans les rivières. Le Rhône est complètement pollué aujourd’hui. Aucun poisson ne peut se manger, tout cela par manque de précaution pour faire de l’argent. C’est lamentable. Aujourd’hui, on va laisser les industriels s’emparer d’un moyen de gagner de l’argent avec un nouveau produit et il n’est pas contrôlé, il fait ce qu’il veut.
C’est toujours l’ère du capitalisme. Il craquera dans les années à venir. Personne ne veut le croire, mais cela arrivera. Croyez-moi. Merci de m’avoir écouté.
M. CHAUSSADE.- Le but est bien de tout mettre à plat et que les décisions qui seront prises tiennent comptes de toutes vos questions et de tout ce qui est dit par les uns et les autres.
Un intervenant.- J’aimerais ma réponse. Quels moyens technologiques actuels avons-nous pour arriver à déceler si un être humain est atteint de nanoparticules au niveau de sa santé ? J’aimerais que l’on me réponde sur les filtres aussi, car les filtres à nanoparticules, cela dépasse mon intellect !
Mme FONTAINE.- Sur les filtres, je ne peux pas vous répondre.
Y a-t-il en revanche des moyens de détecter des nanoparticules dans l’organisme humain, je ne sais pas et je ne crois pas que quelqu’un le sache. Je sais en revanche que des systèmes de vigilance peuvent être mis en place. Vous direz que je reparle de la médecine du travail, mais nous avons demandé à l’Institut de recherche en santé publique de monter une cohorte de travailleurs dont on sait qu’ils sont susceptibles d’être exposés. Normalement, des précautions sont prises et ils ne devraient pas l’être. Nous allons essayer de suivre cette cohorte qui travaille avec des nanoparticules pour voir si nous voyons apparaître des choses, avec la difficulté que nous avons soulignée : nous ne connaissons pas tous les dangers liés aux nanoparticules. Nous ferons des examens différents pour éventuellement garder des échantillons différents liquides, mais il n’y a pas de choses identifiées à suivre spécifiquement pour le moment.
L’intervenant.- Des personnes portent des prothèses en nanoparticules.
Mme FONTAINE.- Elles ne sont pas en nanoparticules, mais dans la composition desquelles entrent des nanoparticules, oui.
L’intervenant.- Ont-elles un suivi ?
Mme FONTAINE.- Normalement, une traçabilité des matériels est faite et il y a les systèmes de vigilance. Pour le moment, nous n’avons que cela. Si jamais nous voyons apparaître des choses particulières chez des gens qui ont un type de prothèse particulière, nous mettrons peut-être des choses en évidence, mais pour le moment nous ne savons pas ce qu’il faut chercher. La surveillance est générale via les dispositifs de vigilance. Je ne peux pas mieux vous dire.
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