M. CHAUSSADE.- Bonsoir à tous. Je suis Jean-Pierre CHAUSSADE, membre de
la commission particulière du débat public. Je vais animer ce soir
cette réunion, accompagné de Galiène COHU qui va me rejoindre et qui
animera la deuxième séance de cette soirée de ce débat public sur les
nanotechnologies.
Je vous remercie beaucoup de ce que l’on vous a imposé pour venir ici
ce soir. Vous vous êtes facilement prêtés à cette signature, cette
adhésion. Nous tenons absolument à ce que chacun puisse s’exprimer
librement et respecte la liberté de parole. Pour nous, c’est la
condition d’un vrai débat et de pouvoir faire en sorte que chacun soit
libre d’intervenir.
Ce débat a été décidé par la Commission nationale du débat public, qui
est l’autorité administrative indépendante chargée par la loi de 1995
et surtout par celle de 2002 d’organiser les débats publics.
Les débats publics sont demandés par des maîtres d’ouvrage, souvent
pour une autoroute, un projet ferroviaire, l’extension d’un port, d’un
aéroport etc., et de façon exceptionnelle il s’agit de politique
générale. Il y a eu un débat national sur la gestion des déchets
nucléaires.
Sous le pilotage du ministère du Développement durable, sept ministères
ont demandé à la CNDP l’organisation de ce débat pour éclairer leurs
choix futurs en termes de développement et de régulation des
nanotechnologies.
Ceci était un engagement du Grenelle de l’environnement. Dès lors que
la CNDP a été saisie de cette demande, elle a nommé une commission
particulière qui a été constituée à cette fin, qui est seule
responsable de l’organisation et de l’animation du débat, et ce, en
toute indépendance par rapport à tous les acteurs et en particulier aux
ministères qui ont demandé ce débat. Nous sommes saisis de ce débat et
nous sommes responsables de l’animation de ce débat.
Comme tout débat public, la commission particulière de ce débat public
a pour principal objectif d’informer un public aussi large que
possible, non seulement de l’aspect technique du débat, mais aussi de
manière équitable, des différentes opinions qui s’expriment et se
manifestent sur ce sujet.
J’insiste sur cet aspect d’information qui est fondamental. Souvent,
quand on parle de nanotechnologies, le public a plutôt un retrait. Il
considère que c’est une affaire de spécialistes. Notre ambition est de
faire en sorte que le grand public se sente concerné, car cela
concerne, déjà à travers un certain nombre d’applications, sa vie et
cela concernera de plus en plus notre société. Il est donc très
important que le grand public s’approprie ce sujet des nanotechnologies.
La deuxième mission est d’écouter tout ce que le public souhaite dire,
toutes ses attentes, ses questions, ses préoccupations, ses craintes,
ses oppositions et ses propositions. Nous écoutons tout. Nous n’avons
pas à défendre telle ou telle position. Nous sommes là pour les écouter
toutes.
Le troisième point est de rendre compte des arguments échangés au cours
du débat pour que chacun, et l’État bien sûr, mais aussi les
chercheurs, le corps médical, les entreprises, les associations,
l’ensemble des citoyens puissent en tirer les enseignements utiles dans
le cadre de chacune des responsabilités.
Un principe fondamental nous guide dans ce débat. Nous parlerons de
tout ce dont le public souhaite parler. Notre champ est très large. Le
public, et non pas les spécialistes, est au centre de cette réunion.
Comment le débat se passera-t-il ? Notre commission réunit sept
personnes. Ce sont des généralistes. Nous ne sommes absolument pas des
spécialistes des nanotechnologies. Il y a 8 mois, je n’y connaissais
rien. Nous sommes aidés par un secrétariat général qui organise
matériellement l’organisation du débat avec l’aide d’une agence.
Le débat a été décidé par la Commission du débat public en mars 2009.
Son lancement officiel a été fait le 23 septembre lors d’une conférence
de presse. Il y a six semaines, nous étions à Strasbourg pour la
première des 17 réunions publiques. Nous irons dans chaque région pour
que le débat public soit présent dans toute la France. La dernière se
tiendra à Paris fin février 2010.
Le compte-rendu de ce débat sera rendu public, selon la loi, au maximum
deux mois après la fin du débat. Dans ce compte-rendu, nous rendrons
compte de tout ce qui aura été dit non seulement au cours des réunions
mais également de tout ce qui se dit, s’écrit, sur le site Internet du
débat public.
Après avoir rendu ce compte-rendu, le maître d’ouvrage, soit les sept
ministères, se sont engagés dans un délai de trois mois, c’est-à-dire
avant l’été 2010, à décider de la suite qu’ils donneront à ce débat.
Nous sommes à la septième réunion publique ce soir à Besançon. Nous
sommes allés à Strasbourg, Toulouse, Orléans Bordeaux Clermont-Ferrand
et Lille. Toutes ces réunions ont compté quasiment 2 000 participants.
Nous avons entendu plusieurs positions par rapport au sujet des
nanotechnologies. Certains vont jusqu’à demander un moratoire sur les
nanotechnologies et sur la recherche, mais d’autres demandent des
recherches de toxicologie préalablement au développement de nouveaux
produits. Plusieurs avis se retrouvent sur la nécessité d’une
réglementation plus spécifique aux nanotechnologies.
Du côté des entreprises, la position est variable selon leur taille et
leur domaine d’activité. Les grandes entreprises disposent de centres
de recherche et considèrent qu’elles apportent les preuves d’innocuité
de leurs produits et qu’elles ne mettent sur le marché que des produits
sûrs. Le public, de son côté, exprime des préoccupations par rapport à
la question de santé et d’environnement et voudrait au minimum un
étiquetage des produits contenant des nanoparticules. Certains
réclament qu’une haute autorité, soit existante soit à créer, assure le
contrôle de toxicité des nouveaux produits et délivre des autorisations
de mise sur le marché.
Surtout, ce qui est commun à plusieurs réunions, il apparaît une
demande d’évaluation produit par produit, évaluation entre les risques,
d’une part, et l’utilité sociale du produit, d’autre part. Certains
demandent que des produits de type gadget pour grand public ne soient
pas actuellement dans une phase d’incertitude et que ces produits «
gadgets » ne soient pas autorisés.
J’ai précédemment parlé des réunions publiques et je vais parler du
site Internet. Ce site Internet est très utilisé et l’est de plus en
plus, lors des débats. C’est un complément indispensable pour atteindre
un public encore plus large que celui qui participe aux réunions
publiques.
Je vais vous donner quelques chiffres. Nous avons eu 48 000 visites sur
le site Internet à ce jour. Cela fait un peu plus d’un mois que le site
est véritablement actif. Il y a plus de 240 000 pages consultées. Cela
signifie que les gens s’arrêtent sur le site et qu’ils ne "zappent" pas
rapidement.
C’est une possibilité que vous avez, 108 avis ont été déposés. Comme
vous l’avez vu à l’entrée ainsi que sur le site Internet, il y a 42
cahiers d’acteurs publiés. Je voudrais insister sur cet aspect, car
c’est la preuve que beaucoup souhaitent donner leur avis sur ce sujet
très important, notamment les associations, les agences pour la santé,
des organismes, des entreprises etc. Vous avez à travers ces 42 cahiers
d’acteurs beaucoup d’avis différents, complémentaires qu’il est
important d’intégrer et, en tout cas, que nous intégrerons dans notre
compte-rendu au même titre que les contributions écrites.
Les questions du public sont un autre aspect important. Nous en avons
recensé 344. Toutes les questions auront leur réponse. Nous, commission
particulière du débat public, nous en sommes les garants. Ces questions
sont principalement orientées vers le gouvernement qui répond à ces
questions. Nous vérifions que le contenu de la réponse est bien complet
par rapport à la question. Nous sommes véritablement garants. Nous
verrons que vous pouvez poser ces questions par oral, mais surtout je
vous invite à les mettre également par écrit, de sorte qu’en plus de la
synthèse de ce débat, en plus de tout ce que nous dirons, de
l’intégralité du débat, les questions soient bien ordonnancées sujet
par sujet.
Pour vous informer, le dossier du débat est à l’entrée. Ce dossier a
été préparé par les ministères. Ce n’est pas le dossier de la
commission particulière. C’est sous la responsabilité des ministères.
Il y a également, toujours sous leur responsabilité, une synthèse de ce
dossier plus facilement lisible.
Pour éclairer le public, il y a également une synthèse du document du
nano forum du CNAM qui réunit experts et entre associations, mais il
nous semble que cette synthèse est importante pour comprendre les
éléments du débat. Vous pouvez également vous orienter sur le nano
forum du CNAM pour avoir plus de précisions. Nous publions aussi
périodiquement une lettre d’information sur le débat. Tous ces
documents sont à votre disposition, soit ici, soit sur le site Internet
de la commission. Vous avez les 42 cahiers d’acteurs. Pour intervenir
pendant les réunions, vous pouvez demander à prendre la parole et
également écrire vos questions.
Les réunions publiques se déroulent dans toute la France. Une synthèse
est publiée deux jours environ après chaque réunion. Vous pouvez suivre
tout ce qui se passe, car nous avons à chaque fois un sujet spécifique
et tout cela permet de compléter votre information sur l’ensemble du
sujet.
Vous pouvez télécharger tous ces documents. Nous avons également pour
chaque soirée le verbatim, c’est-à-dire le mot-à-mot de toutes les
interventions.
Nous avons prévu d’aborder deux thématiques ce soir, mais elles ne sont
pas exclusives. C’est vous qui nous orientez sur les sujets que vous
souhaitez traiter à travers vos questions.
Nous verrons d’abord en quoi ce sujet concerne votre région. Un certain
nombre d’acteurs et certains membres d’associations réagiront. La
deuxième séquence aura trait aux nanotechnologies et à la
compétitivité. Dans la région, un certain nombre de toutes petites
entreprises commencent à démarrer sur le sujet. Il est intéressant de
les écouter pour voir comment elles développent leurs activités et
quels sont les freins à ce développement. Ce sera la deuxième partie.
Pour participer, vous pouvez poser vos questions après les différentes
premières interventions. Des représentants des différents ministères
sont à votre disposition pour répondre à vos questions concernant la
santé, la recherche, les questions d’étiquetage, la défense des
consommateurs, etc. Un certain nombre de gens à votre disposition. Un
certain nombre d’intervenants présenteront leurs activités mais ils
sont aussi à votre disposition pour répondre à vos questions et
éclairer ou réagir par rapport à telle ou telle intervention.
Il y a un point important : celui du droit à l’image. Les personnes ne
souhaitant pas figurer sur des photos ou films sur le débat doivent se
manifester auprès des hôtesses.
J’en ai terminé avec cette introduction. Je vais maintenant demander
qu’un film vous soit projeté. Ce n’est pas celui de la commission
particulière du débat public, mais celui présenté par les ministères
qui présentent pourquoi ces ministères ont demandé ce débat public.
Merci.
(Projection d’une vidéo)
M. CHAUSSADE.- Voilà le film présenté par les ministères. Catherine
LARRIEU, qui représente le ministère de l’environnement du
développement durable, va donner quelques commentaires sur la
motivation des sept ministères par rapport à ce débat.
Mme LARRIEU.- Merci. Jean-Pierre CHAUSSADE m’a présentée.
Vous avez vu ce film où nous avons essayé de dresser un panorama rapide
que vous trouverez beaucoup plus détaillé dans le dossier du débat qui
a été mis à votre disposition. Je voudrais vous apporter quelques
éléments sur la raison de ce débat.
C’est un engagement du Grenelle de l’environnement. Cela signifie qu’en
demandant à la commission du débat d’organiser ce débat, l’Etat s’est
fait le porteur d’une volonté partagée, cosignée par l’ensemble des
parties prenantes du Grenelle qui sont des acteurs très variés. Ce sont
les pouvoirs publics, soit l’Etat et les représentants des
collectivités à différents niveaux (régions, villes, départements,
etc.) Ce sont également les représentants des employeurs. La plupart
des grands représentants des employeurs (le MEDEF, la CGPME) se sont
associés à la demande que ce débat soit tenu. Ce sont les représentants
des syndicats. Les cinq grandes centrales syndicales françaises se sont
engagées pour demander ce débat car, comme nous l’avons vu, les
travailleurs sont déjà pleinement concernés dans quelques entreprises,
ainsi que chez les fournisseurs, les clients qui manipuleront des
technologies ou des produits. Ce sont bien sûr des représentants
d’associations environnementales et enfin des représentants de
consommateurs et de familles.
L’Etat a pris l’engagement d’organiser ce débat en réponse à cette
demande d’élargir le débat au-delà des cercles scientifiques. Il y
avait déjà eu depuis quelques années un soutien des pouvoirs publics à
un débat entre experts publics et privés. En 2007, un colloque s’est
tenu à la Cité des Sciences avec un certain nombre d’interlocuteurs
scientifiques publics, privés et associatifs. Il y a également eu
depuis 2007 le soutien du ministère de la Santé au nano forum du CNAM
que Jean-Pierre Chaussade a évoqué et qui constitue un lieu de débat,
de confrontation d’informations sur les nanotechnologies et les
nanoproduits. Il a paru important aux partenaires du Grenelle de
l’environnement d’élargir ce débat, puisque les conséquences, les
impacts, les enjeux, les questions de compétitivité, de risques,
d’évolutions sociétales associés aux nanotechnologies ne concernent pas
que les experts, mais bien tous les Français.
Voilà la genèse de ce débat. Qu’est-ce que l’Etat veut en faire ? C’est
un débat atypique. Jean-Pierre Chaussade l’a dit. Souvent, la forme du
débat public est utilisée pour des projets déjà bouclés ou quasiment
bouclés qu’il convient ensuite de porter à la connaissance du public
pour avoir sa réaction. Il s’agit de projets d’infrastructure ou de
grand équipement.
Nous ne sommes pas du tout dans ce cas de figure. L’Etat ne fait pas
débattre sur un projet de réglementation notamment qui serait déjà
ficelé, mais sur des orientations. Ces orientations sont des réflexions
sur la gouvernance, sur la manière de gérer la complexité des enjeux et
des conséquences de ces développements. Cela nous place dans une
position d’écoute et non de défense d’un projet tout ficelé.
Les décisions ne sont pas prises. Nous sommes dans quelque chose
d’assez nouveau, de débattre avec le plus grand nombre d’acteurs
possible avant de prendre des décisions. Quelques décisions ont été
prises. J’y reviendrai dans le courant du débat, s’il y a des questions
sur les questions de déclaration liées aux nanoparticules notamment,
mais l’ensemble des décisions ne sont pas prises.
M. CHAUSSADE.- Merci. Je demande aux membres de la première séquence de
rejoindre leur place. Nous allons passer au concret, mais s’il y a une
ou deux questions concernant le débat, son organisation, s’il y a un
peu plus de compréhension là-dessus. Si quelqu’un veut intervenir, il
est le bienvenu.
Une intervenante.- Selon quels critères a-t-on le droit d’entrer dans
la salle ? J’ai des amis qui sont restés dehors. Ils n’avaient rien de
spécial dans leur sac, seulement le délit d’être jeune ou je ne sais
pas. Je voudrais que l’on me réponde. Sinon, je ne vois pas pourquoi je
resterai ici. Vraiment.
M. CHAUSSADE.- C’est ce que j’ai précédemment expliqué : nous sommes
dans un cadre Vigipirate. C’est sous la responsabilité des autorités de
Besançon. Ce que nous demandons, c’est dans un deuxième temps de
remplir le questionnaire pour une adhésion.
(Intervention hors micro.)
Une intervenante.- Si nous ne pouvons pas passer la porte extérieure,
nous n’aurons pas de questionnaire contrairement à une personne qui
n’est pas identifiée comme contestataire.
M. CHAUSSADE.- Y a-t-il une explication ?
M. VEDRINE.- Il y a effectivement Vigipirate, mais c’est une réunion...
Une intervenante (hors micro).
M. VEDRINE.- Je ne les connais pas, mais je vais vous expliquer la
raison de la situation que j’ai vue autant que vous avez pu la voir ou
que quelqu’un vous l’a dite. Nous faisons ces réunions depuis quelques
fois. Nous en sommes à la septième. Il y a aujourd’hui de la part des
personnes ou des autorités qui suivent nos débats, parce qu’ils sont
importants, une vigilance sur l’ensemble des personnes. C’est tout.
Au-delà de la notion de Vigipirate, nous écoutons les autorités
publiques. Cela ne va pas plus loin.
Un intervenant.- Ces personnes peuvent-elles venir ou sont-elles définitivement en dehors du débat ?
M.VEDRINE.- Il faut que je voie si les autorités avec qui j’ai discuté
sont encore là. Si vous le permettez, pour montrer qu’il y a un aspect
positif, je vais voir si je peux trouver les personnes qui ont pris la
décision et négocier avec elles pour que ces personnes puissent rentrer.
M. CHAUSSADE.- Nous faisons le maximum pour qu’elles puissent rentrer.
Bruno Védrine va les rencontrer et voir ce qui est possible.
Je suis vraiment désolé de ce genre de choses car l’esprit est bien que
tout le monde puisse s’exprimer, s’écouter et s’informer et que nous
ayons un vrai débat dans la sérénité.
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Je voudrais que l’on ouvre cette première séquence. Elle concerne les
nanosciences et nanotechnologies en région Franche-Comté. Il y a un
certain nombre d’intervenants.
N’hésitez pas. Par rapport aux intervenants, je ne souhaite pas qu’il y
ait une série d’exposés. Je souhaite que vous interveniez et que vous
réagissiez au fur et à mesure. Nous gérerons au mieux pour que vous
ayez les réponses à vos questions.
Je passe la parole à Eric GAFFET. Quand nous sommes venus ici il y a
trois semaines pour repérer les activités dans la région, beaucoup de
gens nous ont demandé si Eric GAFFET était sur la première table. C’est
lui. C’est l’incontournable. Il sait tout et connaît tout. Nous l’avons
donc invité. Merci, Eric GAFFET, de donner un peu l’aspect pédagogique,
car c’est encore un peu mystérieux tout ce qui est nano,
nanotechnologies, nanoproduits, etc. Merci de nous éclairer.
M. GAFFET.- Cela s’appelle mettre la pression sur l’intervenant !
Je vais essayer de relever le défi. Je suis chercheur au CNRS et je
travaille sur les nanomatériaux depuis ma thèse au début des années 80.
Cela fait plus de 25 ans que je travaille dans le domaine des
nanomatériaux.
Concrètement, on parle souvent de révolution nanomatériaux. Je précise
que, pour la science des matériaux, l’aspect nanomatériaux en tant que
tel est un paramètre supplémentaire pour à la fois modifier les
propriétés chimiques ou physiques, par exemple, et atteindre ou
optimiser les performances d’un matériau en termes d’application et de
produit.
C’est ce qui est symbolisé par cette pyramide. Il y a les moyens
d’élaboration que l’on appelle les procédés qui permettront d’obtenir
le matériau. Parmi les paramètres que l’on utilisait jusqu’au début des
années 70, on se fondait sur la modification de la cristallographie,
soit la structure chimique de la matière. On pouvait également
travailler sur les éléments d’addition, soit sur les aciers des bases
aluminium pour améliorer les performances. C’est ainsi que l’on a
permis d’alléger les carrosseries des voitures. La nanostructuration ou
la dimension nanométrique est intervenue comme paramètre
complémentaire. Dans les années 80, nous avons compris que cela avait
un rôle très important en termes de modification de propriétés
physiques et chimiques.
Pour obtenir les nanomatériaux en termes de procédés, les trois grandes
familles sont indiquées en jaune. Vous voyez les méthodes mécaniques,
physiques et chimiques. Il y a deux grandes voies de synthèse des
nanomatériaux, des nanoparticules au sens large ou des nanodispositifs
plus tard. Il y a la voie descendante pour travailler la matière et
réduire la dimension de l’objet, ou alors la voie ascendante par
laquelle nous travaillerons les atomes. Dans une première entité, les
différents procédés essaieront d’élaborer les atomes et de les agréger
les uns aux autres pour faire des particules et atteindre des
dimensions nanométriques.
Sur les deux photos que vous voyez ici, il y a des nanoparticules de
diamant. Elles mesurent 3,4 nanomètres. Sur la photo de droite, vous
voyez une observation microscopique électronique en transmission. On a
agrandi la matière. C’est une énorme loupe avec un agrandissement de
300 000. Les points blancs ou noirs sont des atomes. A l’échelle des
laboratoires, on est capable d’imager les atomes et d’observer la
matière.
Je travaille moi-même dans le domaine des méthodes mécaniques, ce que
l’on appelle la mécanosynthèse. Cela consiste à prendre des matériaux,
à les casser à haute énergie et à restructurer la matière à l’échelle
nanométrique par une succession de fractures et de soudures. Pour cela,
nous utilisons des broyeurs (inaudible) et nous obtenons des poudres.
Ensuite, soit nous conservons ces poudres microniques de l’échelle du
millième de millimètre à l’intérieur desquelles il y a une
nanostructuration, car cela peut-être intéressant de travailler sur des
nanoparticules pour certaines applications ; ou alors nous consolidons
ces particules pour faire des matériaux massifs. Nous avons utilisé un
procédé spécifique pour lequel nous avons un brevet avec un laboratoire
américain que j’évoquerai ultérieurement, et nous consolidons la
matière pour faire des pièces massives.
L’une des propriétés que j’illustre ici, par exemple, c’est un
sillicium de (inaudible) métallique, c’est pour des applications à très
haute température. Ce matériau est intéressant à haute température mais
il présente simplement un problème rédhibitoire pour son application
actuellement : c’est qu’entre 300 et 500 degrés, s’il est mis dans une
atmosphère humide, il se transformera en poudre. Il ne peut donc pas
être utilisé sous forme micronique ou millimétrique. En revanche, si
vous avez un matériau nanostructuré (comme le petit cube que vous voyez
en bas à droite à l’échelle du laboratoire, mais il fait tout de même 1
centimètre cube ; on peut faire aussi 10 centimètres cube), le même
matériau à l’échelle nanométrique évitera cette corrosion
catastrophique et ce matériau résiste très bien à la corrosion à 300 ou
400 degrés.
Sur la diapositive suivante, vous voyez la modification des propriétés
mécaniques. Ici, en général, un matériau dur sera assez fragile. Sur
l’axe vertical, les matériaux sont très résistants. En revanche, l’axe
horizontal est l’allongement. Un matériau dur a une faible possibilité
d’allongement. En revanche, un matériau que l’on peut allonger a une
faible dureté. Quand on travaille sur les nanomatériaux, on peut
améliorer les deux propriétés : à la fois l’allongement et la dureté.
Sur la diapositive en haut qui est une multicouche cuivre-chrome, cela
permet d’avoir des outils de coupe pour des machines à très haute
vitesse.
Cette application est utilisée en France et a été développée avec une
société sous-traitante de Renault, avec le CEA par exemple. Vous avez
aussi la possibilité de déformer des matériaux normalement fragiles.
Vous avez ici une céramique. C’est du verre. Si vous essayez de plier
le verre avec cette enclume, il cassera. En revanche, à l’échelle
nanométrique, il sera possible de le déformer complètement.
L’autre application : le petit morceau de cuivre en bas, vous avez en
gros un échantillon qui peut faire un centimètre. Si vous le passez
dans un laminoire, il vous sera possible de l’allonger de 5 000 pour
cent.
Si je vous fais subir la même transformation, vous deviendrez aussi grand que la tour Eiffel.
En termes d’application du matériau, il est possible d’avoir un
matériau beaucoup plus léger que l’on pourra mettre en forme très
facilement et qui aura de bonnes propriétés.
Sur la diapositive suivante, dans le domaine de transfert des
technologies et de valorisation de nos travaux, nous avons un certain
nombre de transferts avec des entreprises leaders au niveau mondial,
ainsi qu’un brevet avec un laboratoire américain en Californie portant
sur la densification de nanomatériaux denses. C’était le premier brevet
s’appuyant sur cette technologie développée par les Japonais 20 ans
auparavant.
Le dernier transparent illustre la maîtrise des risques. Quand on est
dans le domaine des nanomatériaux ou des nanoparticules en laboratoire,
elle est prise en compte. Dès 2005-2006, dans mon laboratoire, nous
avons fait faire des mesures de contrôle avec des équipes spécialisées
de l’INRS (Institut national de la recherche sur la sécurité.) Nous
avons mis un protocole opératoire dans le laboratoire permettant
d’éviter l’exposition. C’est simple à faire pour notre situation.
Toutes les opérations de transfert et de manipulation des poudres se
font en boîtes à gants étanches qui permettent d’avoir un confinement
étanche par rapport à l’atmosphère et qui n’exposent pas les
opérateurs, que ce soit les permanents ou les étudiants.
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