Déroulement des réunions

Comptes-rendus et synthèses des réunions publiques

Les comptes-rendus des réunions publiques font état de l’intégralité des propos échangés par l’ensemble des acteurs du débat. Un compte-rendu synthétique des réunions publiques sera, lui aussi, accessible au fur et à mesure du débat.

Note de synthèse de la réunion publique de Bordeaux

 

Note de synthèse
du débat public Nanotechnologies de Bordeaux

le 3 novembre 2009

Prologue

 

En ouverture, les participants assistent à la projection du film de 5 minutes réalisé par le Maître d’ouvrage, constitué des sept ministères qui ont sollicité la Commission nationale du Débat public pour l’organisation de ce débat.


Introduction

 

Jean Bergougnoux introduit cette quatrième réunion publique qui s’inscrit dans une série de dix-sept. Il souligne le rôle que va jouer dans ce débat le site Internet, aujourd’hui en plein essor avec  28 000 visites et 144 000 pages consultées. Ce site  constitue un précieux outil d’information et de dialogue et doit  permettre  au public de suivre le déroulement de ce débat national  dans sa continuité et d’y participer bien au-delà des événements ponctuels que sont les réunions publiques.
Il précise que la Commission nationale du débat public est une autorité indépendante. Pour répondre à la demande des ministères concernés par le développement des nanotechnologies, la CNDP a décidé de créer  une Commission particulière (CPDP) qui organise et anime, en toute indépendance,  ce débat sur leurs enjeux et leur régulation.
A la fin du débat, la CPDP rendra  un rapport faisant état objectivement des arguments et des prises de position exprimés au cours du débat. Ce rapport sera public. Il devra, conformément à la demande  du Maître d’ouvrage commanditaire du débat, éclairer les décisions de son ressort. Mais il devrait aussi être utile à tous ceux qui ont des responsabilités en matière de nanotechnologies : chercheurs, entreprises, corps médical, associations, citoyens. 

 

Première séquence : Nanotechnologies et protection des travailleurs


Panélistes : Simon Charbonneau (FNE, juriste), Daniel Bernard (ARKEMA), Patrick Brochard (Université Bordeaux II), Serge Lopez (Directeur régional du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle), Pierre-Yves Montéléon (CFTC)


Animateur : Jean Bergougnoux, président de la CPDP

La présence locale d’un site important de production de NTC (nanotubes de carbone) a conduit la CPDP à proposer cette thématique à Bordeaux. Les différents intervenants sont réunis pour apporter des points de vue divers et contrastés, et tenter de cerner les différentes questions qui s’attachent à la protection des travailleurs impliqués dans la chaîne de fabrication de produits relevant des nanotechnologies.

Simon Charbonneau, au nom de France Nature Environnement, pose en préambule la question de la pertinence du débat, et de la contradiction qu’il y a à s’interroger sur les nanotechnologies alors qu’il existe déjà des applications commercialisées. Il souligne la distorsion entre la volonté de développer à marche forcée ces technologies et la lenteur du processus d’évaluation des risques (disproportion entre les financements consacrés au développement des nanotechnologies et ceux alloués à l’évaluation des risques).

Cette intervention suscite de nombreux commentaires sur l’utilité et l’organisation du débat. Jean Bergougnoux rappelle que pour couvrir le champ très vaste de la problématique des nanotechnologies, la CPDP a été amenée à proposer pour chaque réunion publique un ou deux thèmes à approfondir, le plus souvent en relation avec les activités régionales. Mais ces thèmes peuvent être élargis, évoluer, être renvoyés à d’autres réunions, en fonction des attentes du public. De cette organisation, résulte que pour avoir une vision complète du débat et de sa dynamique, il ne faut pas se contenter de participer à une réunion publique mais il faut suivre son évolution grâce aux moyens mis à disposition par la CPDP, tels que le site Internet ou la Lettre du débat.

Daniel Bernard,  représentant d’ARKEMA, explique ce que sont les nanotubes de carbone (NTC) et décrit leur procédé de fabrication. Il expose également les propriétés intéressantes de ces  nano matériaux et explique dans quelles applications (énergies durables, batteries, TIC, santé) ils peuvent intervenir.
En réponse à une question du public, le directeur technique d’ARKEMA, responsable du développement de la nouvelle unité de production de NTC, précise depuis la salle que 50% du financement en matière de recherche porte sur les études en toxicologie.

Patrick Brochard, directeur du laboratoire santé, travail, environnement à l’Université de Bordeaux 2, aborde les questions de toxicité. La dangerosité potentielle des nanoparticules, et des NTC en particulier, est due à : - leur très petite taille et leur capacité à traverser les barrières cellulaires ; - leur surface (plus les particules sont petites et plus la surface de contact augmente), qui accroît leur activité et influe sur la relation dose/effet ; - leur forme, en particulier lorsqu’il s’agit de fibres, car les particules allongées ont des effets spécifiques sur les tissus ; - et enfin leur capacité de bio-persistance (tendance à s’accumuler dans les cellules et à y exercer une action dans le temps).

Il fait état de différentes études conduites sur l’animal, et qui mettent en évidence des réponses de défense de type inflammatoire. Il ne cache pas que l’on manque de données sur l’homme, autant parce que peu d’études sont menées que parce que l’on n’a pas encore assez d’éléments pour mettre en évidence et prédire d’éventuels  effets pathogènes durables.

Serge Lopez, directeur régional du travail, présente les exigences qui lui semblent indispensables : améliorer la connaissance sur les risques, et donc développer la part des investissements en recherche toxicologique, favoriser les interactions entre les chercheurs et les entreprises dans ce domaine. Concernant l’application du principe de précaution dans l’entreprise, il rappelle quelques notions générales sur la responsabilité de l’employeur, l’obligation d’évaluation et de mesure du risque, ainsi que l’obligation d’information des travailleurs et des représentants du personnel. Toutes ces mesures s’appliquent aux nanotechnologies, pour lesquelles il recommande la plus stricte observance des règles existantes.

Ces questions sont reprises par Pierre-Yves Montéléon, de la CFTC, qui retrace les différentes étapes de la production et de la mise en œuvre des NTC et plus généralement des nanomatériaux. Si l’on peut protéger les opérateurs de tout contact avec les particules dans la phase de production, qu’en est-il lorsque l’on doit réparer les machines ou les entretenir ? S’agissant des produits de transformation, les entreprises qui interviennent au cours des transformations successives seront-elles correctement informées ? On va travailler des matériaux, les usiner, les percer ou les couper. Puis le consommateur va les rejeter dans une chaîne de traitement des déchets. La protection des travailleurs est donc un ensemble qui ne s’arrête pas à la fabrication et à la recherche, mais qui va bien au-delà et implique déjà de très nombreux travailleurs qui savent ou ignorent qu’ils sont exposés.

Ces interventions suscitent de nombreuses questions du public, ainsi que des commentaires de personnes présentes, qui s’expriment depuis la salle : ces personnes appartiennent à divers syndicats, fédérations, agences sanitaires, unions syndicales ou industrielles, instituts de recherche sur les risques ; ils sont médecins du travail, élus locaux, militants associatifs, étudiants, chercheurs, simples citoyens. L’expression d’une inquiétude quant aux dangers liés à ces nouvelles technologies est très perceptible dans les diverses interrogations de la salle, du moins s’exprime-t-elle avec force.
Catherine Larrieu, du ministère du développement durable, représentant le Maître d’ouvrage, prend également la parole pour affirmer l’intention de son ministère de mettre l’accent sur la recherche en matière de risques.

Deuxième séquence : Des nanosciences aux nanotechnologies

Panélistes : Philippe Poulin (centre de recherche Paul Pascal), Cécile Zakri (centre de recherche Paul Pascal), Étienne Duguet (CNRS/CMCB),  David Jacob (Cordouan Technologies)


Animateur : Isabelle Jarry, membre de la CPDP

Cette séquence a pour but de présenter quelques travaux de recherche fondamentale en nanosciences et d’expliciter le passage de la recherche aux applications que peuvent développer des entreprises situées à l’articulation entre la recherche et l’industrie.

 

Les chercheurs présentent leurs travaux (ils travaillent essentiellement sur les NTC), mais font état également de leur mission générale, consistant à élargir la connaissance, à faire part de leurs découvertes par le biais de publications scientifiques et à transmettre leur expérience à travers l’enseignement supérieur. Le discours des chercheurs porte sur leurs recherches (étude des nouvelles propriétés des matériaux à la taille nanométrique, caractérisation des nanoparticules, aussi bien physique que chimique, développement de modèles destinées à des applications médicales ou énergétiques). Mais il fait état également de leur responsabilité, de leur ancrage dans la société, au titre de citoyens, et des questions qu’ils se posent tout au long des développements de leurs travaux. Ils insistent sur le fait que les recherches sont conduites par des équipes : en leur sein, la pluralité des points de vue et la complémentarité des perceptions garantit une meilleure appréhension des sujets de recherche.
 
Dans leurs réponses aux questions du public, Cécile Zakri, Philippe Poulin et Etienne Duguet sont unanimes pour souligner qu’ils se posent également des questions, qu’ils sont sensibles aux préoccupations sur les risques des nanoparticules, qu’ils cherchent précisément à mieux définir leurs propriétés, et à développer les connaissances fondamentales sur le sujet. Ils sont convaincus de l’intérêt des applications à venir, en matière de santé, d’énergies renouvelables, d’environnement. Ils précisent la manière dont eux-mêmes se protègent lors des manipulations de nanoparticules et affirment être d’autant plus rigoureux dans leurs protocoles qu’on ignore encore le degré de toxicité des nanoparticules.

David Jacob présente son entreprise (11 personnes) et parle des outils qu’elle met au point et commercialise, destinés à caractériser et à mesurer les nanoparticules. Ces outils, utilisés par des laboratoires ou des industries, ont pour vocation d’améliorer la caractérisation des nanoparticules présentes dans différents milieux (en particulier dans l’eau). Cordouan Technologies s’inscrit également, par le biais d’un groupe de travail réunissant plusieurs industriels, dans une démarche qui vise à établir des normes (AFNOR) au niveau national et international.

Le débat se poursuit avec de nombreuses questions de la salle, portant essentiellement sur les risques (le thème principal de la réunion induit beaucoup de questions sur la protection des travailleurs, mais aussi celle des consommateurs). Les uns et les autres répondent, ou font part de leurs convictions, très variables selon les positions de ceux qui s’expriment. Au fil des échanges, les interrogations se nuancent, en particulier au fur et à mesure que la complexité du sujet se dévoile et que les points de vue des uns et des autres (porteurs d’espoirs, ou lanceurs d’alerte) sont énoncés, nourrissant le débat. Ainsi certaines personnes s’étant déclarées favorables à un large moratoire en début de réunion, conviennent qu’il est important de poursuivre les recherches en cours.
 
On remarque que la sensibilité du public est plus forte lorsqu’il est question de produits de consommation courante dont l’utilité n’est pas absolument avérée (chaussettes au nano-argent bactéricide, par ex.). La plupart conviennent cependant que la recherche sur des applications d’intérêt médical ou énergétique doit être poursuivie, à condition que tous les risques soient identifiés.
Isabelle Jarry rappelle enfin que toutes les questions écrites recevront une réponse personnalisée, qui sera par ailleurs mise en ligne.

Jean Bergougnoux conclut la réunion en remerciant tous les participants. Il les  invite à prolonger cette réunion en posant des questions et en déposant  des contributions sur le site Internet du débat. Il insiste enfin sur le fait que le débat public n’est pas un sondage d’opinion, mais l’occasion d’une confrontation d’arguments, dont le rapport final fera état.
 

Le débat continue. Prochaine réunion à Clermont-Ferrand le 10 novembre.


La réunion se termine à 23h45.


230 personnes et 25 questions écrites.