Comptes-rendus et synthèses des réunions publiques
Les comptes-rendus des réunions publiques font état de l’intégralité des propos échangés par l’ensemble des acteurs du débat. Un compte-rendu synthétique des réunions publiques sera, lui aussi, accessible au fur et à mesure du débat.
En ouverture, les
participants assistent à la projection du film de 5 minutes réalisé par le
Maître d'ouvrage, constitué des 7 ministères qui ont sollicité de la Commission
nationale du Débat public l'organisation de ce débat.
Introduction
Jean
Bergougnoux introduit cette cinquième réunion qui s'inscrit dans une série de
dix-sept, en se présentant comme président de la Commission particulière
chargée d'animer le débat public sur le développement et la régulation des
nanotechnologies.
Comme
ce fut déjà le cas à Strasbourg et à
Toulouse, le président de la CPDP accepte de donner le micro à une militante
anonyme qui se lance dans une longue déclaration non seulement sur l'inutilité
du débat puisque, selon elle, tout est déjà décidé mais aussi sur la dépendance
de la CPDP à l'égard des Pouvoirs Publics qui transforme à ses yeux ce débat en
une « opération de propagande ». Ses propos sont véhémentement soutenus
par une dizaine de personnes réparties dans la salle qui tentent d'empêcher que
le débat s'engage sur le fond. L'irritation à l'égard des perturbateurs, d'un
public qui, quelles que soient ses opinions sur les nanotechnologies, est venu
pour s'informer et discuter, se manifeste de manière de plus en plus vigoureuse
et, finalement le débat s'engage selon le programme prévu en dépit d'un certain
nombre d'interventions intempestives (hors micro).
Jean
Bergougnoux, n'ayant pu dans ce contexte expliquer les principes d'organisation
du débat retenus par la CPDP, a été
amené à rappeler à plusieurs reprises, en réponse à des intervenants, que
compte tenu du champ très étendu à couvrir et pour éviter la répétition à l'identique
de 17 débats très généraux et quelque peu superficiels, la CPDP a choisi de
proposer des thèmes à approfondir pour chaque réunion, étant entendu que toute
liberté est laissée au public pour mettre en débat tel ou tel autre thème plus
général qui le préoccupe.
Première séquence : les nanotechnologies et le
secteur automobile
Panélistes : Francis
Peters (Michelin), Hélène Burler (CEA voitures électriques), Claude
Champredon (France Nature Environnement), Philippe Hubert (INERIS), Jean-Denys
Canal (directeur d'APOJEE) Animateur : Jean
Bergougnoux, président de la CPDP
La
forte présence du secteur automobile dans la région a conduit à proposer pour
la première séquence la thématique des nanotechnologies dans ce domaine
d'activité.
Francis
Peters rappelle que Michelin, tout comme ses grands concurrents, s'est efforcé
au fil des ans de réduire la « résistance au roulement » due aux
pneumatiques génératrice de consommation inutile de carburant, d'accroître la
durée de vie des pneumatiques et, bien sûr d'améliorer sans cesse leur adhérence
garante de la sécurité des utilisateurs. De longue date, l'adjonction de noir
de carbone, plus récemment de silice, ont permis des progrès substantiels. Il
souligne qu'il s'agit là de nanomatériaux, agrégats très stables de
nanoparticules et fortement liés à la
gomme des pneus et, en aucun cas, de nanoparticules libres ou libérables.
D'ailleurs, les particules résultant de l'usure des pneus sur la route ont une
taille moyenne largement micrométrique et non pas nanométrique. Néanmoins, la
croissance très forte attendue du nombre de véhicules, la nécessité de
maîtriser les émissions de CO2, de ménager les ressources
rares, imposent d'aller beaucoup plus loin et les grands constructeurs étudient
activement la possibilité d'améliorer encore la performance de leurs pneus par
le recours à différentes nanoparticules (nanotubes de carbone entre autres).
Francis Peters assure que Michelin ne mettra ce type de solution en pratique
que s'il y a une totale assurance de l'absence de risque pour la santé et
l'environnement.
Philippe
Hubert, de l'INERIS, (Institut National d'Études sur les Risques Industriels),
analyse d'abord les composantes de la pollution atmosphérique. Il souligne que
si les particules ultrafines, voire nanométriques ne représentent en masse
qu'une petite partie de cette pollution, il n'en va pas de même en nombre où
elles peuvent être prépondérantes. Il apparaît d'autre part clairement qu'en
milieu urbain, les particules d'origine anthropique sont largement
prépondérantes par rapport aux particules d'origine naturelle. Selon des études
britanniques, la circulation automobile serait très généralement un facteur
explicatif majoritaire de ces émissions anthropiques, même si d'autres sources
d'émission (chauffage, combustion du bois, usages industriels) ne doivent pas
être négligées. Aujourd'hui, la part de la pollution atmosphérique imputable à
des nanoparticules manufacturées introduites intentionnellement dans le cadre
des applications des nanotechnologies est certainement extrêmement faible. Elle
mérite cependant une attention particulière pour l'avenir car leur toxicité
risque d'être plus élevée que celle des nanoparticules présentes aujourd'hui
dans l'atmosphère. Philippe Hubert présente ensuite une analyse des facteurs
complexes qui interviennent dans la toxicité des particules ultrafines et a
fortiori nanométriques : très petite taille, réactivité très forte
liée à la grande surface d'échange pour une masse donnée, effet "cheval de
Troie" qui favorise le transport d'autres polluants, changement d'échelle,
responsable d'effets divers (franchissements de membranes notamment). Compétant
le propos de Francis Peters, il insiste sur la nécessité de réduire toutes les
pollutions liées à la circulation automobile, C O2, bien sûr, mais
aussi émissions de particules de toute taille qui ont des sorts divers mais
préoccupants dans le système respiratoire
La
manière la plus radicale de réduire les émissions tant de CO2 que de particules
est de substituer partiellement ou totalement à la combustion des carburants
fossiles une énergie « propre », l'électricité. Hélène Burlet fait le point sur les limites
qu'impose aujourd'hui au développement du véhicule électrique l'autonomie
encore trop limitée des batteries. Elle explique que grâce aux
nanotechnologies, il est possible d'accroître considérablement la surface des
électrodes et donc de stocker beaucoup plus d'énergie dans un volume donné.
Elle indique, en outre, qu'au-delà de la performance énergétique, l'équipe du
CEA étudie très activement la manière d'éviter tout risque de
« relargage » de nanoparticules même en situation accidentelle. A une
question posée dans la salle sur le bilan global du véhicule électrique compte
tenu de la production d'électricité, elle indique que dans le cas de la France où
le nucléaire et l'hydraulique non
émetteurs de CO2 prédominent dans la
production d'électricité, ce bilan est très favorable mais que l'on étudie
également la possibilité de charger les batteries par des panneaux
photovoltaïques.
Jean-Denys
Canal, représentant d'une Association fédérant 50 PME-PMI travaillant de
près ou de loin dans l'industrie automobile, constate qu'il y a aujourd'hui peu
d'implication de ces entreprises en matière de nanotechnologies. Il a également
procédé à une investigation rapide chez les grands constructeurs et
équipementiers et a pu constater que s'il y a beaucoup de travaux de recherche
et beaucoup de réflexions sur l'utilisation des nanomatériaux dans
l'automobile, les applications concrètes restent aujourd'hui très limitées, les
peintures résistantes aux rayures en constituant l'exemple emblématique.
Claude
Champredon, au nom de France Nature Environnement, rappelle que c'est l'attitude d'une association
responsable telle que FNE qui a permis d'obtenir dans le cadre du Grenelle de l'environnement,
la promesse du lancement de ce débat public. Il se déclare satisfait que cette
promesse ait été tenue et souligne toute l'importance qu'il attache à la
qualité de ce débat. Il insiste sur la vigilance qui s'impose en présence d'une
technologie émergente et qui constitue à ses yeux une véritable fracture
technologique, dont les implications sont fortes dans tous les secteurs
d'activité, en particulier dans celui de l'automobile. La vigilance doit
s'exercer notamment à travers l'application du principe de précaution,
l'information du grand public et l'élaboration d'une réglementation française
et européenne réellement protectrice.
Le
débat qui s'instaure dans le prolongement de ces interventions porte d'abord
sur les questions de limitation de la pollution automobile. Il est clair que
tous les moyens disponibles doivent être mis en œuvre : limitation de la
circulation des voitures individuelles et des camions par report sur d'autres
modes de transport (transports en commun, fer, fluvial), amélioration de la
performance des pneus, développement de la voiture électrique.... Dans certains
cas, les nanotechnologies peuvent être utiles dès lors que l'on saura en
maîtriser les risques.
Le
débat s'élargit grâce à de nombreuses questions ou interventions émanant
d'étudiants, ingénieurs, chercheurs, responsables dans les ministères,
médecins, responsables d'association de consommateurs, et « simples
citoyens ». Parmi les préoccupations exprimées émergent notamment la
nécessité d'approfondir les études sur la toxicité, d'assurer l'identification
des produits et des risques des produits (Jean Bergougnoux rappelle à cet égard
la réunion d'Orléans ou a été largement évoqué le règlement européen qui va
instaurer une obligation d'étiquetage pour les cosmétiques contenant des
nanoproduits manufacturés), la mise sous contrôle des risques par des instances indépendantes. On
évoque également les applications médicales des nanotechnologies, notamment en
matière de cancérologie. On n'oubliera pas non plus les questions très
importantes soulevées en début de réunion sur les impacts sociétaux et les
problèmes éthiques liés au développement des nanotechnologies.