Quand les consommateurs viennent nous voir, ils veulent savoir quelles
sont les procédures de mise sur le marché de tel ou tel produit qui
contient des nanotechnologies. Ils nous demandent ce que c’est que les
nano. Ils n’en savent rien. Je crois que nous sommes tous dans le même
cas.
Surtout, ils veulent savoir où ils se trouvent, s'il y en a dans leur
alimentation, par exemple. C'est un sujet très important. Ils ont
appris qu'il y en avait dans les cosmétiques. Lorsqu'on leur parle des
avantages des nano dans le domaine médical, ils voient immédiatement
l'intérêt que cela peut avoir mais ils se demandent aussi ce qui se
passera dans un deuxième temps. Les gens veulent savoir si l’on
maîtrise la technique.
Les gens veulent connaître les procédures de mise sur le marché des
nanotechnologies et des produits qui contiennent des nanotechnologies.
C'est quelque chose d'extrêmement important.
Ils demandent que l'on fasse une évaluation du coût risques/avantages.
C'est quelque chose de très important, il me semble. Ils veulent
pouvoir choisir en l’état actuel. C'est encore plus important que le
jour où, peut-être, leurs connaissances seront plus développées
qu'elles ne le sont à l'heure actuelle. Ils demandent que les produits
soient étiquetés, comme ils le demandent pour les OGM.
Certains trouvent que les étiquetages ne sont pas une réponse
satisfaisante, mais il n’empêche que c’est une réponse de choix.
D’ailleurs, certains professionnels ont accepté cette idée d'étiqueter,
mais le moins qu’on puisse dire est qu’une grande partie d'entre eux ne
sont pas pressés d'étiqueter sur les produits qu’ils contiennent des
nano car ils ont peur du risque économique. Si le risque économique est
à prendre en considération, le risque de santé me semble être pris en
priorité.
M. LE PRESIDENT. - Je vais vous poser une question toute bête. J'ai
plusieurs interventions demandant pourquoi les produits ne sont pas
étiquetés lorsqu’ils contiennent des nano. Moi, je vois sur un tube de
crème scolaire « Contient du TiO2 [nano] », qu'est-ce que j'en fais ?
Mme MADER. - La question que vous me posez est toujours posée aux
personnes qui travaillent sur l’étiquetage. À partir de quand
l'étiquetage est-il audible pour les personnes qui le regardent ?
D’abord, il faut étiqueter ; ensuite, il faut trouver un étiquetage
compréhensible. D’autre part, on a mis pour d’autres étiquetages des
signes, qu’on appelle des signes de qualité ou pas de qualité
d’ailleurs tout du moins, une sorte de logo qui dira que ce produit
contient des nano. À partir de ce moment-là, les gens choisiront : ils
achèteront ou ils n’achèteront pas.
On ne va pas faire de chaque Français ou chaque Européen un spécialiste
de tous les produits chimiques que l'on peut trouver. Vous avez
actuellement sur le marché des produits cosmétiques qui, même si
certains en contiennent, ne contiennent pas toujours des nano.
À partir de là, lorsque vous regardez la liste des produits chimiques
qui sont dedans, vous ne savez pas ce que cela veut dire, mais, au
moins ils ont l’obligation de le dire. C'est aussi courir le risque
qu'une personne qui sera qualifiée pourra le lire et dire ce qu'il y a
dedans.
C'est aussi un moyen de mettre en place la traçabilité des produits. On
ne peut pas répondre négativement à l'étiquetage, même s’il peut
paraître peu lisible.
M. LE PRESIDENT. - Mais vous savez qu'il existe un fameux additif qui
porte le numéro E je ne sais combien, qui est en fait de la silice
nanométrique.
Mme MADER. - Oui, mais personne ne le sait.
M. LE PRESIDENT. - Mais c'est bien étiqueté.
Mme MADER. - Pourquoi les professionnels, qui par ailleurs savent très
bien communiquer pour quantité de choses, n'ont pas communiqué sur la
signification de ce E quelque chose. Ce n'est pas par hasard.
M. LE PRESIDENT.- Cela fait quarante ans qu’il y en a.
Mme MADER. - Pour la liste de tout ce qu'il peut y voir dans
l'alimentation, avec le temps on a fini par le connaître et on est
capable, dans les associations, de le publier à qui le veut.
En ce qui concerne les sigles plus récemment apparus, il y a moins de
connaissances. L'étiquetage n'est pas « la » solution. Les procédures
qui amènent à l'étiquetage et qui le précèdent sont plus intéressantes,
mais néanmoins c’est une solution. Et d’ailleurs les professionnels le
savent.
M. LE PRESIDENT. - J'avais une question à poser à l’ AFNOR, et à
travers l’AFNOR, à l’ISO. Pour réglementer, il faut savoir de quoi on
parle. A-t-on aujourd'hui une définition claire des nanomatériaux et
nanoparticules, etc., qui soit opératoire ?
M. MANTEL - C'est une bonne question effectivement, à ceci près que, quand on parle de l’AFNOR, on parle de l’ISO.
L’AFNOR n'est pas un centre technique en soi, ni un expert, c’est un
rassemblement d’experts. C’est une espèce de parlement technique qui
rassemble les gens qui ont envie de faire avancer la connaissance des
choses et qui pensent que ce qu’ils ont proposé est opératoire.
Ce parlement technique fonctionne au niveau français, l’AFNOR étant membre de l’ISO, et il peut apporter des réponses.
Malheureusement (c'est un peu difficile à dire), comme ce sont de
solutions opératoires, on a aujourd’hui un début de définition, on sait
que cela tourne autour d’objets qui ont moins de 100 nanomètres, mais
on ne peut pas avoir des choses simples du type de valeurs d’exposition
qui permettent de dire que, au-dessus de tant, cela pose un problème,
et en dessous, cela n’en pose pas.
Le problème des nano, c’est qu’en dessous de certaines tailles, il se
passe des choses très différentes de ce qui se passe d'habitude. Les
quantités et les concentrations sont très variables suivant les
milieux.
Il y a un début de normalisation ISO là-dessus. Le travail continue.
Cela ne fait pas trente ans. Au passage, on a parlé tout à l’heure de
la Chine en matière de brevets. Les Chinois sont les premiers à avoir
proposé des normes à leur niveau et au niveau international. Il doit
donc y avoir un intérêt dans ce pays pour les nanotechnologies, pour ou
contre.
On a un début. Ce n’est pas une solution toute faite.
Je dois dire que les gens qui se rassemblent dans cette sorte de
commission technique, au niveau français ou international qui est
démocratique pour ce qui est de l'instance technique et comprend aussi
bien des producteurs, des consommateurs, des utilisateurs, des
syndicats de salariés, des préventeurs, des consultants , essaient de
sortir des connaissances existantes et de chercher ce qui peut servir
réellement.
Par exemple, la commission française est en train de s'appuyer sur un
avis de l’AFFSET, qui a travaillé depuis plusieurs années de façon
intensive et a produit un rapport et donné un avis. Elle est donc en
train de prendre cette somme de connaissances sur ce que l’on peut
faire en matière de maîtrise des risques professionnels pour le porter
au niveau ISO sous la forme de ce que l'on appelle des « bandes de
danger ». Il s’agit de définir un bouquet de critères qui permettrait
de dire que, si l’on est en dessous de telle taille, si l’on est dans
tel environnement (par exemple si l’on est dans les cosmétiques), ce ne
sera pas la même chose que dans tel autre (par exemple dans les VTT).
Si l’on est dans tel type de process, on est peut-être dans telle
classe, dans telle bande de danger. Si l’on a de plus des connaissances
qui permettent de dire que ce danger est maîtrisé, on sera à un certain
niveau. Si en revanche les connaissances sont encore insuffisantes, la
recommandation serait de classer cette situation dans le niveau
supérieur.
Voilà le genre d’approche que l'ISO tente aujourd'hui, sur la base des
contributions notamment françaises, puisque c'est la commission de
normalisation française qui a fait cette proposition et qui va être
chargée de la développer.
M. PRESIDENT.- Madame Bélier, j'ai tout de même lu la recommandation du
Parlement européen qui recommande de tout mettre à plat et de commencer
par définir proprement. Gérard Mantel ne me paraît pas tout à fait prêt
à définir proprement tout ce qui peut servir de base à la
réglementation.
Mme BELIER. - D'une part définir très clairement et d’autre part avoir
des inventaires. Mais la Commission européenne pourrait nous en parler,
puisque c’était l’objectif de la réunion du 9 octobre. Les Etats-Unis
ont essayé de partir sur la base de l’inventaire volontaire. C'est un
échec. Au Royaume-Uni, c’est le cas aussi. Pour autant, on ne se décide
toujours pas, à l'échelle européenne, à lancer un inventaire des
nanotechnologies qui soit une obligation pour l'ensemble des
utilisateurs et des productions.
Expliquez-nous.
M. LE PRESIDENT.- Alors, la Commission ?
M. MARTIN. - La réunion n’a eu lieu que le 9, c’est-à-dire il n’y a pas une semaine.
Mais il est vrai que les conclusions de cette réunion sont
effectivement un constat d'échec. Des suites vont être données, mais
quand, dans quel contexte ? Je ne pense pas être en mesure de vous
donner des précisions car je ne suis pas en charge de REACH. Mais il
est clair que des suites vont être données. C’est une conférence qui a
eu lieu sous présidence suédoise.
M. LE PRESIDENT. – J’aimerais qu’on entende la fédération des entreprises de la beauté.
Mme BELIER. – J’aimerais ajouter une information. Les Etats-Unis se
sont engagés à lancer un inventaire des nanotechnologies sur une base
obligatoire qui serait lancé en 2010, le plus exhaustif possible, à
l’horizon de 2011 et 2012. C'est un peu dommage, vues les
recommandations du Parlement européen, que l'Union européenne soit
obligée de se caler, une fois que la liste et l’inventaire seront faits
par les Etats-Unis. Le Japon est aussi assez volontaire dans ce
domaine. Cela veut dire que cela va nous reporter à l'horizon 2012. Je
pense que nous ne sommes pas suffisamment volontaristes dans le
domaine. C'est un sentiment.
Niels TRIEDE. - J'ai une question qui concerne les normes.
C'est le même problème. Les nanotechnologies sont simplement une
accélération et une potentialisation de la chimie. Or, les industriels
avaient beau jeu jusqu'à présent car il y avait d'un côté le risque
pour les travailleurs et d'autre part le risque pour les consommateurs.
Pour cela on avait édicté des normes. On divise donc pour régner.
En fait, c'est facile de dire qu'un produit n'est pas dangereux pour
l'homme, à partir du moment où, premièrement, on joue sur la durée :
c’est au bout de la répétition sur une certaine durée d’une toute
petite dose, etc. Deuxièmement, il y a une interaction entre tous les
produits chimiques qui sont en circulation, car on mange de tout.
L'homme est un omnivore et, dans chaque produit, on en ajoute un autre
qui est encore différent.
Le plus grand problème de la personne qui analyse l’eau à Strasbourg,
par exemple, c'est que tous ces produits qui entrent dans l'eau potable
interagissent entre eux et que l’on ne sait pas ce qu’est le produit
final.
D'autre part, au niveau de la science et des appareils qui mesurent, on
est seulement capable de fabriquer des appareils de mesure lorsqu'on
attend le produit que l'on veut mesurer. C’est alors facile, pour
mesurer le travail sur du zinc : on va faire un appareil qui mesure le
zinc. Alors que les produits qui sortent, qui sont dans la nature, on
ne sait pas ce qu’ils sont. Donc, quel type d'appareils faire pour les
mesurer ? Pour les nano, on arrivera à faire des normes, et je suis
évidemment pour des normes a minima.
Je voudrais d’ailleurs faire une parenthèse : après tout ce que l'on
sait sur les OGM, il n'y a toujours pas d'étiquetage de la viande qui
est produite, alors que 99 % de la viande que nous mangeons, c'est le
soja que nous importons d’Amérique, d’Argentine ou du Brésil, qui sont
des produits OGM. Or cela n'est pas marqué et les gens ne le savent
pas. Je referme cette parenthèse.
Attention aux normes, c'est un ensemble de choses. C'est un problème de
civilisation de voir si nous sommes d'accord avec tous ces effets que
la science nous révèle. On dit dix ans, bien, et après je sais que…
C’est un choix, j’ai le droit de me suicider. C’est le droit du
citoyen.
M. LE PRESIDENT. - On va prendre les questions dans l'ordre.
Mme DUX. - Bonsoir. Je représente la Fédération professionnelle de
l’industrie cosmétique. Je vais vous parler d'abord de ce fameux
dioxyde de titane nano qu’on évoque depuis bientôt deux heures. C'est
un filtre solaire qui a la particularité, par rapport à la forme non
nano, d'être plus efficace comme filtre et de ne pas être blanc. Quand
vous mettez des produits solaires qui contiennent du dioxyde de titane
nano, le produit sur la peau est incolore au lieu d'être un épais
produit blanchâtre comme autrefois.
Il a une autre particularité : dès qu'il est fabriqué sous forme
nanométrique de ces particules toutes petites, ces particules
s’agglomèrent entre elles et redeviennent micro tout en gardant leurs
caractéristiques nano. Elles ne passent pas la barrière cutanée et ne
pénètrent donc pas dans l'organisme, ce qui tombe bien puisque ce qu'on
leur demande, c'est de filtrer les rayons du soleil à la surface de la
peau.
Comme on vous l’a dit, il va y avoir un nouveau règlement avec des
dispositions spécifiques sur les nanomatériaux qui sont de deux sortes
: d’une part une disposition d’étiquetage et d’autre part une
disposition d'évaluation de la sécurité.
L'étiquetage va se passer sous la forme suivante : il va y avoir le nom
de l’ingrédient suivi du mot [nano] entre crochets pour tous les
ingrédients sous forme nanométrique.
L'industrie cosmétique française et européenne est très satisfaite de
cette solution, qui assure l'information du consommateur et qui
représente un autre avantage, c’est que l’on va utiliser le même terme
dans les vingt-trois langues de l'Union. Je vous rappelle que nous
formons en effet un grand ensemble qui parle vingt-trois langues
différentes.
La deuxième disposition, c'est celle qui concerne l’évaluation de la
sécurité de ces ingrédients. Les industriels qui voudront utiliser un
ingrédient sous forme nanométrique devront en informer au préalable la
Commission européenne. La Commission européenne pourra alors saisir un
des comités scientifiques d’experts qui sont à côté de la Commission
pour lui demander son avis sur la sécurité.
Cette saisine est facultative, pour une raison très simple. Le nombre
des ingrédients cosmétiques sous forme nanométrique est actuellement
limité et la plupart sont ou des filtres solaires, ou des colorants qui
relèvent d'une procédure d’évaluation différente : une procédure
d’autorisation de mise sur le marché. Par conséquent, la plupart des
ingrédients sous forme nanotechnologie vont être progressivement
inscrits en tant que tels sur des listes, ce qui est le cas de ce
fameux dioxyde de titane.
Par ailleurs, en ce qui concerne l'impact sur l'environnement,
l'industrie cosmétique travaille sur cet impact en ce moment. En effet,
on connaît mal cet impact, principalement parce qu’on manque de modèle
pour le mesurer. Nous travaillons donc dessus.
C’est un produit extrêmement stable, qui ne se dégrade pas.
M. LE PRESIDENT. - Nous pourrons peut-être discuter de cette intervention tout à l'heure.
Mme BOUDOT. - Je voudrais revenir sur le sujet de l'enregistrement. On
a évoqué l'initiative américaine, mais il faut aussi évoquer
l’initiative française, avec les dispositions qui sont maintenant dans
le projet de loi Grenelle 2 et qui prévoient un enregistrement de
toutes les substances nanométriques mises sur le marché, utilisées ou
produites en France. C'est un point important.
Cette loi prévoit aussi que cet enregistrement serve à l'information du
public. Les dispositions concrètes de mise en œuvre ne sont pas
complètement fixées, mais elles le seront rapidement, puisque nous
avons six mois après la sortie de la loi pour faire le décret, en
principe. Il y a de plus une forte attente. Je pense donc que toutes
ces dispositions seront mises en œuvre assez rapidement.
Je voudrais revenir sur deux points qui ont été évoqués. Au niveau du
débat public, M. Lipinski a évoqué ce qui s'était passé à Paris. Je
voudrais aussi préciser qu’à l'initiative du ministère de la santé et
des autres ministères, qui travaillent aujourd'hui en concertation
étroite sur le sujet des nanomatériaux, on a monté un « nanoforum »,
porté par le Conservatoire national des arts et métiers.
Ce nanoforum marche depuis deux ans et fait l'objet d'un cahier
d'acteurs. Il semble intéressant de regarder quels sont les
enseignements qu'on a tirés de nos forums si l’on doit maintenant
mettre en place une gouvernance un peu plus organisée.
Je voudrais également faire part d'une initiative que nous sommes en
train de développer avec l’AFNOR, une réflexion en cours sur le
développement nanoresponsable. Ce serait éventuellement une norme, qui
permettrait, pour un industriel, de montrer aux gens qui utilisent son
produit qu'il a travaillé de façon nanoresponsable. Cela s’appuie sur
un certain nombre d’outils qui existent qu’il faudra adapter à la
problématique spécifique des nano.
Pour faire ce travail, des ONG et toutes les parties prenantes sont associées au groupe de travail.
M. LE PRESIDENT. - Nous allons donner la parole à Philippe Martin.
J’avais une question à lui poser suite à cette intervention. S'il
arrivait que la loi Grenelle 2 ne soit pas compatible avec la libre
circulation des biens en Europe, que ferait-on ?
M. MARTIN. - Pour répondre à votre question directement, l'initiative
française, la décision française ou le vote français ferait monter
cette question au niveau européen. À ce moment-là, la question ne
pourrait pas être évitée. Soit il y a litige pour non-conformité avec
la libre circulation des biens dans le marché intérieur européen, soit
on révise la législation européenne et alors cela devient la norme dans
tous les autres États de l'Union européenne. C’est l'analyse théorique
que je fais.
M. LE PRESIDENT. - Dans quels délais ?
M. MARTIN. - Ce n'est pas très rapide. Ce n'est pas dans le mois, c'est sûr.
J'aimerais rebondir sur quelques points.
Le premier point, pour répondre à la personne qui a posé une question
sur les mélanges de produits chimiques, je ne vous cache pas que, déjà
depuis 2004, c'est une question qui nous préoccupe beaucoup, non pas
nécessairement en lien avec les nano, mais, évidemment, avec les nano,
on doit encore plus se la poser. Et notre comité, le SCENIHR Comité
scientifique sur les risques émergents et nouvellement identifiés , a
ce thème à son programme de travail. Si vous m'envoyez un courrier
électronique, je vous tiendrai au courant des travaux du comité.
Deuxième point, je répète ce que j'ai dit à propos de la réponse donnée
par la Commission européenne au rapport du Parlement. Des suites vont
être données à une demande d'inventaire sur les types et les
utilisations des nano. Quelle réponse exactement, cela reste à
élaborer. Cela a été noté et cela va être acté.
Ensuite, la question de l’échec des mesures volontaires d'inventaire a été entendue lors de la réunion de la semaine dernière.
Il est clair que cette question a été abordée et discutée. Maintenant, elle va être traitée.
Je ferai juste une remarque. La législation des risques chimiques,
REACH, n'est pas conçue pour faire des inventaires. Cela dit, c'est un
détail technique, mais il faudra le résoudre, et l'inventaire, s’il
voit le jour, sera au service de REACH. Mais c’est une mesure distincte
de la vocation première de la législation chimique.
Je pense qu’il est important et je fais référence aux remarques
faites par le représentant de l’AFNOR de sérier les problèmes. C'est
une des activités dans lesquelles nous sommes engagés. Nous avons
engagé nos comités scientifiques pour le faire : voir quels sont les
nanomatériaux qui posent problème, quels types de problèmes. S'ils n'en
posent pas parce que ils sont solubles ou biodégradables par exemple,
c'est une préoccupation moindre. Ou alors on se retrouve dans des
schémas classiques, et ce n'est plus spécifique aux nano mais un cadre
plus habituel. La question de sérier les problèmes est essentielle.
Développer les tests est aussi essentiel. À ce titre, une action
conjointe est coordonnée par la France financée en partie par le
programme de santé publique de la DG SANCO , qui rassemble 18 États
membres européens. C'est donc vraiment la création d’une masse critique
et d'une prise de conscience par la coopération scientifique des
problèmes, avec des résultats très concrets à la clé, c'est-à-dire des
tests qui permettent de faire du streaming, ou de l'évaluation rapide,
en particulier par des méthodes n'utilisant pas les animaux.
M. LE PRESIDENT. - Merci. Il y a une intervention je crois ?
M. LABDAI. - C'est très difficile de prendre la parole pendant un débat
public. Comme les personnes précédentes, j'ai les mêmes questions quant
aux risques des nanotechnologies.
J'ai trouvé sur le site de Futur sciences qu’un des objectifs les plus
importants est de développer des nanomachines pour contrôler des
nanomolécules ou atomes. C'est peut-être quelque chose qui pourrait
agir en interaction avec le cerveau humain, sans compter les armes de
défense pour le camouflage blindé, etc. ou les effets sur le corps.
J'ai une question un peu plus importante, je suis presque sûr qu'il y
aura des effets néfastes. Mais une fois ces effets considérés,
pourra-t-on interagir pour les arrêter ou faire quelque chose ? Y
aura-t-il une loi qui pourra nous aider pour l’interdire ?
Mme BELIER. - J'aimerais bien qu'on regarde l'expérience qui est la
nôtre aujourd'hui par rapport à la gestion des risques et qu’on
n’attende pas que cela pose des problèmes pour prendre des mesures.
Je n'ai peut-être pas bien compris la question. Est-ce qu’au moment où
l'on se rendra compte que cela pose un problème, on aura la capacité
d'arrêter le processus ou d’adopter des textes pour revenir en arrière
? N’a-t-on pas la possibilité d’anticiper, de faire des évaluations,
d'anticiper des risques ?
Il existe des risques scientifiques, mais il y a aussi les risques
sociaux. On aurait pu commencer ce débat sur les nanotechnologies de
cette manière plutôt que de s’interroger sur ce qu’étaient les nano, et
se poser les enjeux de sociétés que cela présente en termes de progrès.
Le sujet a été posé entre progrès et éthique. Les avancées
technologiques sont-elles un progrès ? Toute avancée technologique
doit-elle être mise en application ? A quel moment choisit-on de mettre
en application une avancée technologique ou non, par rapport à la
société et au développement que l'on souhaite d'une manière plus
globale ?
À quel moment intervient-on et à quel moment réglemente-t-on ? Qui est
compétent pour cela ? C'est aussi, et surtout, une réponse politique de
la vision de la société que l’on a envie de permettre ou de ne pas
permettre.
M. LABDAI. – Quant à cette réglementation, on pourrait prendre comme
exemple l’oxyde de titane, qui a une réglementation mais qui a aussi
malheureusement des effets néfastes sur notre corps. Même avec cette
réglementation, si nous ne sommes pas d'accord, comment pourrons-nous
réagir ?
Mme BELIER. - C'est compliqué. On sait que les interactions existent et
le risque zéro n'existe pas. Je pense qu'on peut sortir de ce type
d'effets et des mauvaises surprises que l’on peut rencontrer en prenant
le temps des évaluations, grâce à la recherche scientifique, avant
d’entrer dans l'application et la commercialisation. Le souci, c'est
que ça va très vite et qu’aujourd'hui ce n'est pas le cas.
J'ai posé une question à l’Agence française de la sécurité alimentaire
la semaine dernière, où l’on auditionnait la directrice en Commission
environnement. J'ai posé des questions simples et elle m'a répondu, de
façon honnête : « Comment réagit-on ? » Les questions se poseront de la
même manière dans le domaine des nanotechnologies. Je lui ai demandé si
elle donnerait un avis favorable à la commercialisation sans énoncer
le fait qu'il pourrait y avoir des impacts sur l'environnement connus
si l’on est en capacité d'évaluer aujourd'hui les effets à moyen et à
long terme des OGM sur la santé et si cela ne supposait pas d'appliquer
le principe de précaution, à savoir ne pas autoriser les produits. Il
m’a été répondu que la science d'aujourd’hui n'est pas la science de
demain, qu'on avance pas à pas, qu'il n'est pas possible, sur des
produits comme les OGM, dont l’application date seulement de dix ans,
d’évaluer tous les effets.
Dans dix ans et en fonction des effets produits, on aura plus de recul,
donc une meilleure capacité d'évaluation. Mais par rapport aux effets
négatifs que l'on constatera peut-être et le fait de savoir si l’on
pourra revenir en arrière, je pense qu'il sera trop tard. On entre dans
les débats du principe de précaution.
M. LABDAI. - Quand il s'agit du principe de précaution je suis tout à
fait d’accord. Il y a des risques. Est-ce qu’en évaluant ces
nanotechnologies il pourrait y avoir des risques ? On prend pour excuse
qu’on évalue les risques, mais il y a quand même des risques.
M. LIPINSKI. - Selon les situations, on doit avoir des attitudes
différentes. On ne doit pas produire une situation dans laquelle on ne
sait qu’on ne pourra pas revenir en arrière. C’est vrai en matière de
la biodiversité qui se réduit ou de dissémination de nanoparticules
éventuelles dans l'environnement. Si on a un problème de santé avec de
la dissémination de nanoparticules qu’on n'aura pas su anticiper et
contrôler, on ne reviendra pas en arrière. La question de la
réversibilité est à mon avis un critère qu’il faut vraiment prendre en
considération pour savoir quelle attitude adopter par rapport à telle
ou telle avancée technologique qui résulte des avancées des
connaissances.
M. LE PRESIDENT.- J'ai dans la salle depuis un moment Mme Aïda Pons qui
va présenter la position de la Confédération européenne des syndicats.
(Mme PONCE donne lecture d’une déclaration de la Confédération européenne des syndicats - voir cahier d’acteurs.)
M. LE PRESIDENT.- La salle est-elle épuisée ou essayons-nous de parler de REACH ?
M. CZAREK. - Je suis en charge de la prévention dans une industrie du
secteur de l'automobile, en tant que préventeur des risques. Le Code du
travail nous demande de tout mettre en œuvre pour assurer la santé et
la sécurité des travailleurs, avec une obligation de résultat et de
moyens, mais surtout de résultat.
Aujourd'hui, en particulier au vu des connaissances, je me pose la
question suivante : devons-nous, en tant que préventeurs et en respect
des principes de précaution, refuser tout simplement les process
utilisant des nanomatériaux ? Le Code du travail est clair, il nous dit
de mettre tout en œuvre pour protéger les salariés avec une obligation
de résultat.
M. LE PRESIDENT. - Qui se risque à un commentaire là-dessus ?
Mme BELIER. - Quelle belle initiative citoyenne !
M. LE PRESIDENT. - Il y a un problème qu'on ne peut traiter à la
légère, celui de la responsabilité. Il va falloir en parler. On ne peut
pas parler de principe de précaution sans parler de responsabilités
Vous posez une excellente question : est-ce que les risques liés aux
nanotechnologies, qui sont mal identifiées, sont assurables ?
Mme BOUDOT. - Avec les OGM, les risques ne sont pas assurables et c’est
une des raisons qui font peur aux citoyens. À partir du moment où ils
savent qu’un risque n'est pas assurable, c’est pour eux un jugement
très clair : c’est un produit potentiellement dangereux et, dès lors,
ils considèrent qu'il ne devrait pas être sur le marché ni être
manipulé si c'est dans le cadre d'une entreprise. Il ne faut pas
l'oublier.
(Applaudissements.)
INTERVENANT. - Je voudrais faire une remarque. Je parle en tant que
chercheur dans les nanotechnologies. Jacques Bordé a plutôt raison : «
nano », cela veut dire qu’on va dans le petit et c'est une évolution
normale des sciences, et si l’on veut progresser technologiquement, on
en a besoin.
Le problème majeur des nanotechnologies est symbolisé par la personne
qui a pris la parole tout à l'heure, c'est un peu l'ignorance. Et les
gens qui ont peur, qui ignorent, rejettent ce qu'ils ne comprennent
pas. Cela crée des problèmes.
C'est une nouvelle technologie. Comme toute nouvelle technologie, il
peut y avoir des problèmes. Mais la législation va finir par suivre et
progresser en même temps que la science pour combler les quelques
problèmes qui peuvent exister.
Après, comme Sandrine Bélier le faisait remarquer, s'il n'y a pas plus
de monde ce soir, c'est peut-être parce que les gens ne sont pas si
bêtes et ont compris que les nanotechnologies n’étaient pas si
dangereuses que cela et sont une progression normale.
M. LE PRESIDENT. - C'est peut-être une interprétation.
INTERVENANT. - Regardez le film qui est encore sur internet qui a été
mis mardi. Regardez-le et vous trouverez peut-être une réponse, car on
a pensé la même chose avec le nucléaire et les déchets radioactifs.
C'est très bien de chercher. Regardez, si vous voulez continuer sur ce
chemin.
Mme LAMY. - En matière de protection des travailleurs, la question ne
se pose pas vraiment de savoir si on arrête de les utiliser ou de les
fabriquer. La question qui se pose réellement, c’est celle de savoir
quelles mesures de prévention on met en place. La réglementation en
matière de risques chimiques existe, et la question que l'on peut se
poser est celle de savoir si elle est adaptée aux nanomatériaux.
La difficulté que l'on a, c'est l’évaluation des risques. À partir du
moment où l’on manque de connaissances, on peut être effectivement être
en difficulté. Dans cette hypothèse ce que l'on peut faire, c'est
mettre en place des mesures de prévention plus strictes, notamment en
travaillant en vase clos quand cela est possible et en employant des
mesures de prévention, tant techniques qu'organisationnelles, y compris
les équipements de protection individuelle les plus adaptés.
INTERVENANT. - Il y avait quatorze équipes internationales il y a une
quinzaine d'années. C'est un Français qui animait cette recherche. Il y
a eu un congrès en Suède où l’on allait faire le point sur ces travaux.
Ce chercheur a été démissionné. Aujourd'hui se pose ce problème. Cela
montre la difficulté de légiférer.
M. PELIN. - Je suis directeur général de l’Union des industries
chimiques. Je vais m’exprimer au nom des industries chimiques, cela
fera la transition avec l'intervention précédente, notamment sur le
règlement REACH.
L'industrie chimique occupe une place importante en France comme en
Europe. Nous sommes la deuxième industrie au monde après l’industrie
asiatique et l'une des voies de salut de ce secteur, c'est le
développement dans les nano, car nous n'avons pas les avantages, en
termes de matières premières, du Moyen-Orient, ni la croissance des
marchés, qui se développent en Chine.
Il y a donc deux voies de développement : la chimie verte, qui vise à
remplacer le pétrole par des matières premières renouvelables, et les
nano.
Je voudrais revenir sur la problématique REACH, qui a été largement
évoquée. Le règlement REACH s'applique d'emblée à tous les
États-membres de l’Union européenne. Il est en vigueur depuis décembre
2008, et cela fait environ un an que l'on a un peu de retour. Nous
considérons que l'ensemble réglementaire qui s'applique aux substances
chimiques est un sujet qui a été largement évoqué. Il est assez
complet, que ce soit en matière de santé et de sécurité au travail.
En matière de produits, REACH n’en est qu’un règlement parmi d’autres.
Il en existe un autre qui s'appelle le règlement sur la classification
et l'étiquetage CLP GHS au niveau international. Des travaux sont en
cours, pilotés par une agence européenne qui les a mis en œuvre et qui
vise à adapter progressivement le règlement REACH aux substances à
l’état nano. Ce règlement est complexe dans sa mise en œuvre.
Il est évident qu’aujourd’hui on est inquiet, au bout d'un an, du
retard pris par l'ensemble des industriels, et pas seulement les
industriels de la chimie, car il concerne tout le monde. Nous sommes
donc d’accord pour l'adaptation du règlement REACH aux nano, mais de
façon mesurée et applicable. On peut certes être dans l'incantation,
mais il faut aussi rester réaliste.
(Applaudissements.)
M. GOEPFERT.- Je présentais tout à l'heure SAPHIR. Sur l'aspect
sécurité, il faut traiter la problématique de la production des
nanoparticules, l'aspect intégration dans les produits, le recyclage,
etc. Concernant la production des particules, beaucoup d’études et de
recherches sont faites sur le développement d’équipements permettant
d'isoler les opérateurs, et je rejoins le ministère du Travail sur le
fait que, tant que les risques ne sont pas avérés, il faut
effectivement isoler les opérateurs de ces nanoparticules.
L’effort est donc mis sur ces projets européens et sur d’autres
financés par l’ANR en France, avec des partenaires dont la vocation est
de traiter la sécurité des risques en milieu industriel, de développer
les équipements qui permettent d'éviter les manipulations diverses dans
la production des nanoparticules et de les intégrer en un seul process
sans intervention de l'opérateur. Ce sont des recherches pratiques qui
se font aujourd’hui.
J'entendais tout à l’heure qu’une personne appréciait le fait que les
chercheurs s'occupent des nanoparticules, mais moins que les
industriels le fassent. Il est au contraire intéressant que les
industriels et les laboratoires montent des projets ensemble. Cela
permet d'échanger sur ces problématiques et de développer des
dispositifs là où il faut, de manière à gérer ces risques.
Mme BELIER. - Cela devient problématique quand, dans certains domaines,
on dépasse le seuil de 80 à 90 % de financements privés pour la
recherche.
M. LE PRESIDENT. - L'heure est venue d'arrêter. Je pense intéressant de
vous livrer ce petit document qui émane d'une société norvégienne qui
fait de la poudre de nano et qui rédige très sérieusement sa fiche de
données de sécurité ainsi : « Identification des dangers. Le produit a
peu de chance d'être nocif, si utilisé et conditionné comme prescrit.
Néanmoins et d'une façon générale, l’inhalation à dose excessive de
particule inférieure à 100 nanomètres peut être à l'origine d'un risque
pour la santé, mais les valeurs limites d’exposition professionnelle
n'ont pas été définies pour les nanoparticules ». Ceci mérite à mon
avis d'être médité.
Il me reste à remercier les valeureuses personnes qui ont résisté
jusqu'ici. Je vous dirai que, personnellement, je tirerai des
enseignements pour la suite du débat public, de la manière dont cela
s’est déroulé ici. Le sujet était particulièrement difficile. Ce qui
était difficile, ce n’étaient pas les nanoparticules, mais
l'articulation entre l'Europe et les problématiques nationales.
Merci encore.
La séance est levée à 23 h 40.
Index
Nous vous signalons que nous n'avons pu vérifier l'orthographe des noms suivants :
Christian BECKER page 15
M. LABDAI page 62
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