Il y a toute une gamme de décisions qui ne sont pas prises, qui restent à prendre. Je pense que ce débat peut peser, à condition bien sûr que débat il y ait.
Un INTERVENANT.- Je ne sais pas si la tribune écoute. En fait ils ont le dos tourné…
Je ne comprends pas en fait comment vous osez qualifier ce qui a lieu ici de débat, dans la mesure où un débat n'a pas pour seul objectif l'information du public. Dans toutes les conférences que vous avez faites jusqu'ici, chaque fois vous précisez que c'est de l'information et pas du débat.
Par ailleurs, les décisions sur les nanotechnologies ont effectivement déjà été prises. Il suffit de regarder tous les travaux prévisionnels des entreprises, elles ont mis en avant tous les bénéfices qu'elles pourraient obtenir du développement des nanotechnologies. Ensuite, on avait donné l'exemple du Grenelle de l'environnement, mais le débat n'est pas du tout ouvert dans la mesure où au Grenelle de l’environnement des questions avaient été exclues, comme le nucléaire et un ensemble d'autres questions.
Ce soir, ici, c'est la même chose. Il y a un ensemble de questions que vous avez prévu à l'avance et dont il n'est pas question de discuter. Vous voyez, je parle calmement et j'argumente. A aucun moment je ne vous insulte. Je me contente simplement de rappeler que jusqu'à présent aucune condition d'un débat n'a été respectée. Un débat, ce n'est pas de l'information, c'est à un moment donné on décide de prendre des décisions et on les décide ensemble. Là, nous ne sommes pas du tout dans ce cadre.
Ce jeu là, c'est votre organisation qui jusqu'à présent continue à le faire. Il faut savoir que l’Idéa Lab à Grenoble, laboratoire de communication qui fait partie de Minatec et qui a été fabriqué en 2005, a pour objectif de faire diminuer la résistance du public à l'acceptation des nanotechnologies. C’est écrit noir sur blanc dans son projet directeur. On trouve les mêmes indications dans le rapport du CEA qui a été écrit par ( ?) dans lequel il est indiqué qu’il n’est pas question de toute façon de demander au public son avis, mais de lui faire accepter les nanotechnologies en les mêlant chaque fois à des sujets qui traitent la médecine et l'écologie, sujets que par ailleurs vous annoncez comme très importants et qui seront discutés à Montpellier.
(Clameurs, sifflets)
M. CHAUSSADE.- Je voudrais répondre à la question.
Le premier point concerne l'information. C'est un point important, mais comme je l'ai exposé il n'y a pas que l'information, il y a l'écoute, il y a le débat et les avis des uns et des autres. L'information est importante mais il est faux de dire que c'est uniquement le domaine qui est abordé.
Dans les débats, le public exprime ses avis, pose ses questions.
Je relève aussi que vous considérez que le secteur de la santé n'est pas important. Je suis étonné. Quand on parle de la santé, des questions de soins pour la santé, je trouve que c'est un sujet important. En même temps, il est important de débattre de questions de santé, des nanoparticules et des effets sur la santé. Le sujet de l'environnement est aussi fondamental. Ce soir le sujet de la défense nationale est très important, cela vaut la peine d'en discuter et d'en débattre.
(Clameurs et sifflets)
Est-ce que quelqu'un veut vraiment discuter et débattre ? J'aimerais bien que ceux qui sont venus pour débattre puissent s'exprimer.
Un INTERVENANT.- Je voudrais savoir ce que sont les nanotechnologies.
M. CHAUSSADE.- Je pense que les conditions ne sont pas réunies dans la salle. Il est 20 heures 10, je vous donne rendez-vous à 20 heures 30. Il y aura retransmission sur l'écran du débat et vous pourrez posez les questions que vous souhaitez pendant le débat.
Je laisse la parole à Galienne Cohu pour la reprise du débat via la retransmission sur écran et sur Internet.
Mme COHU.- Nous voulons continuer à débattre avec tous ceux qui ont envie d'une participation positive à ce débat, dans le respect de la parole de chacun. Ce thème est particulièrement intéressant.
(Le débat, interrompu à 20 heures 15, reprend à 20 heures 45 sur le site 2.)
M. CHAUSSADE.- Merci à tous ceux qui ont eu le courage de rester dans la salle du débat public. Bonsoir à ceux des sites Internet qui suivent ce débat. Nous allons le reprendre dans des conditions différentes, qui sont les seules possibles ce soir, puisque des groupes ont empêché que le débat se déroule dans des conditions normales.
Nous avons un certain nombre de sujets. Ici, dans la région PACA, il y a beaucoup d'optique et de photonique, mais toutes les questions du public sont les bienvenues. J'ai reçu déjà des questions par Internet qui concernent les thèmes de santé et d’environnement et nous allons les aborder, mais je voudrais d'abord m'adresser au général Robert Ranquet du ministère de la Défense.
Je voudrais que l'on aborde directement le sujet de l'utilisation des nanotechnologies dans la Défense. J’aimerais que l'on brosse le tableau général. Monsieur Robert Ranquet vous avez dit plusieurs fois au cours des débats que la recherche du ministère de la Défense représentait environ 7 % du budget de la recherche publique. J'aimerais savoir ce qu'il y a derrière ce budget, quels sont les plans pour la France.
M. RANQUET.- Le ministère de la Défense est intéressé par de nombreuses applications potentielles des nanotechnologies, qu'il s'agisse de pouvoir disposer de matériaux plus performants, de matériaux plus résistants, plus légers, résistant davantage à la corrosion, avec des applications qui peuvent aller des aéronefs aux véhicules terrestres blindés, qu'il s'agisse d'obtenir non pas des matériaux plus résistants mais avec des fonctions nouvelles comme des textiles fonctionnalisés, c'est-à-dire qui, grâce à l'apport de nanotechnologies, incorporent des capacités de résistance, de protection, supérieures, qui éventuellement un jour permettront peut-être de faire des diagnostics et des débuts de traitement tout seul, en cas de blessure des combattants.
Nous sommes aussi intéressés par tout ce qui permet de pousser la miniaturisation des systèmes, pour gagner du poids, du volume dans nos équipements, ou pour éventuellement obtenir des fonctions très particulières, comme l'idée un jour de disposer de petits laboratoires chimiques sur des puces à l'échelle micrométrique qui permettent éventuellement de faire des détections et de l'identification d'agents biologiques ou chimiques sur un théâtre d'opération.
Toutes ces techniques et ces technologies auxquelles nous nous intéressons sont fondamentalement duales, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de distinction nette entre les technologies pour la défense et celles pour le domaine civil et commercial normal, que ce soit pour l'aéronautique, pour l’électronique. L'application que je citais de micro système à utilité médicale intéresse tout autant les médecins qui font du secours et de l'intervention en cas de catastrophe naturelle que les militaires.
Dans tous ces domaines, qui sont extrêmement duaux, il n'y a pas de distinction à ce jour entre domaine militaire et civil. La Défense est un acteur mineur. Nous représentons moins de 10 % des dépenses de recherche de technologie publique en France, c'est-à-dire que nous ne sommes pas massivement en train d'investir dans le choix des nanotechnologies mais nous maintenons ce que nous appelons une veille active et nous suivons les développements qui se font dans le domaine civil, dans les laboratoires universitaires, dans l’industrie, de manière à identifier quelles peuvent être un jour les technologies pourraient nous intéresser.
Je termine ce panorama en indiquant que nous nous intéressons aux nanotechnologies, mais tout cela ne veut pas dire qu'il y aura un jour des nanoarmements. Par exemple, nos téléphones portables sont bourrés de nanotechnologies, ils ne sont pas pour autant devenus des nanotéléphones et ils ne servent pas à passer des nanocommunications. Pour les armements, c'est pareil : les nanotechnologies apporteront des potentialités nouvelles en termes de performance, de fiabilité et de durabilité, mais ce n'est pas pour autant que l'on peut envisager de disposer un jour de nanoarmes qui font plutôt partie pour moi de la science fiction.
M. CHAUSSADE.- Lorsque nous étions à Besançon, nous avons beaucoup parlé des drones sous la forme de libellule. Un laboratoire de recherche travaille là-dessus et je pense que c’est en liaison avec la Défense. De quoi s'agit-il ? Quel est l'intérêt et quel est le futur de ce type de drone ?
M. RANQUET.- Les drones n'ont pas de relation directe avec les nanotechnologies. Les drones que l'on emploie actuellement sont de véritables avions par la taille. Les drones tactiques américains sont des avions de la taille de petits avions d'aéroclub, soit d'avions tout à fait respectables (20 mètres d'envergure, voire plus). Cela n'a donc rien à voir avec les nanotechnologies.
En revanche, vous avez raison d'indiquer que si l'on cherche à réaliser des mini drones, de la taille de quelques dizaines de centimètres, voire une dizaine de centimètres et peut-être un jour plus petit, peut-être qu’alors les nanotechnologies peuvent apporter quelque chose mais c'est essentiellement par le biais de la miniaturisation. La nanotechnologie n’est qu’un moyen d'obtenir un degré de miniaturisation suffisant. Mais il faut voir aussi que pour ces mini-drones l’application militaire sera essentiellement une application de surveillance. Dans l’état actuel et prévisible des technologies, on ne peut pas leur faire emporter des charges utiles très importantes ; une fois que l’on a mis dessus une petite caméra et de quoi transmettre les images, on est à peu près arrivé au maximum de ce que peut faire un drone de cette catégorie.
M. CHAUSSADE.- Une question parvenue par Internet concerne les armes NBC. Existe-t-il au monde des applications nano, par exemple des nanoparticules utilisées comme vecteurs de propagation d'agents chimiques ou bactériologiques ? Quels sont les moyens de s’en protéger compte tenu de la taille desdites nanoparticules ?
M. RANQUET.- Une réponse en deux temps. Il n'existe normalement pas de telles armes, car indépendamment du fait qu’elles soient nano ou non, les armes biologiques et chimiques sont interdites par les conventions internationales. En tout cas, la France est signataire de ces conventions et ne développe pas de telles armes.
En revanche, il est certain que la technologie permettra peut-être un jour de réaliser des vecteurs nanométriques pouvant porter des substances chimiques ou biologiques pathogènes par exemple. Il est bon de s'en occuper et de réfléchir à l’avance à ce que pourrait être la parade à ce type d'armement s’il se développait.
M. CHAUSSADE.- Une question parvenue par Internet concerne l'équipement des fantassins. Il y a le projet FELIN que vous connaissez bien, il serait bon de nous en dire quelques mots. Au-delà, une question est posée : « Je suppose que l'armée française, au contraire semble-t-il de l'armée américaine du temps de George Bush, n'envisage pas ou pas encore l'augmentation humaine, au sens de transhumanisme, par les nanotechnologies et d'autres techniques comme moyens de renforcer les performances de ses soldats ».
Sur cette question, quelle est votre réaction ?
M. RANQUET.- Le programme FÉLIN est un programme qui consiste à équiper le fantassin, soldat à pied du futur, pour lui donner davantage d'opérationnalité, d'efficacité, d'endurance, de durabilité, etc. Un certain nombre de dispositifs permettent de mieux le protéger et de le rendre plus efficace. Dans cette optique, un certain nombre de nanotechnologies peuvent être intéressantes. Je peux en citer deux : celle à laquelle je faisais allusion tout à l'heure qui consiste à avoir des tenues réalisées dans des textiles spécialement travaillés avec des nanotechnologies de manière à les rendre plus résistants, éventuellement plus résistants à l'impact des projectiles, résistants et imperméables aux substances chimiques ou biologiques, éventuellement d'autres fonctionnalités en termes de communication, comme incorporer des liaisons, des communications, de l'information dans le vêtement.
Tout autant nous intéresse la capacité d'emporter de l'énergie ou de générer de l'énergie sur l'individu. En effet, tous ces dispositifs nécessitent de l'énergie et là on retombe à nouveau sur les applications possibles des nanotechnologies soit pour la génération de l'énergie - on peut imaginer des micro-piles à combustible ou micro dispositifs de toutes espèces permettant de générer de l'énergie sous une forme de peu de volume et peu de poids - soit pour l'accumulation de l’énergie et son transport par des accumulateurs qui sont développés par ailleurs par exemple pour les voitures électriques ou d’autres applications qui nécessitent d'embarquer une énergie importante.
M. CHAUSSADE.- Je m'adresse à la salle. Galienne, y a-t-il des questions ?
Mme COHU.- Oui, il y a des questions.
Une INTERVENANTE.- Au sujet des travaux dirigés par le CEA de Grenoble sur les interfaces hommes/machines, notamment sur les interfaces cerveau/informatique, y a-t-il des applications prévues pour les soldats, et si oui est-ce que les applications sur les soldats, dans leur corps même, telles que les RFID ou des applications interfaces hommes/machines passent par l'autorisation d'un comité de protection des personnes ?
M. CHAUSSADE.- Nous allons essayer de vous apporter la réponse. Robert Ranquet en a parlé partiellement mais cela vaudrait le coup d’aller un peu plus loin.
M. RANQUET.- À ma connaissance, non il n'y a pas d'application spécifique aux soldats pour ce type de travaux. Cela rejoint la fin de la question que vous posiez précédemment et à laquelle nous n’avions pas tout à fait répondu qui est la possibilité d'utiliser des nanotechnologies pour améliorer les performances de l'individu.
L'amélioration des performances de l'individu, c'est quelque chose qui s'est toujours pratiqué. Les guerriers Incas mâchaient de la coca… Améliorer les capacités de l'individu combattant est quelque chose de légitime et d'utile parce que cela participe à sa protection et à son efficacité.
Les nanotechnologies aujourd'hui n'apportent rien de spécifique là-dessus. Si un jour la médecine trouve des applications de nanotechnologies qui permettent par exemple de renforcer la résistance au sommeil, pourquoi pas, mais on a d’autres moyens de le faire aujourd'hui qui sont d’ailleurs dans le commerce. Il n'y a pas de développement spécifique aux nanotechnologies dans ce domaine.
M. CHAUSSADE.- Derrière cette question, il y a celle du contrôle. Les militaires sont des gens sérieux, mais est-ce que la représentation nationale s'intéresse à tous ces programmes, les regarde de près et éventuellement peut intervenir ? Ce serait bien pour le public de dire comment tous ces programmes militaires se développent, sous quel contrôle. Est-ce totalement dépendant du Parlement ? Quels sont les organismes qui permettent de s’assurer qu’il y a des choses acceptables qui sont développées ?
M. RANQUET.- Comme vous l’avez dit, ce n'est absolument pas indépendant du Parlement. Les développements en matière d’armement en France font partie de la politique de défense, laquelle fait l'objet d'une définition par le gouvernement, le président et les ministres, et est débattue et votée par le parlement. Il n'y a pas de zone de non-droit. Tout cela se fait dans le respect des législations nationales et des traités internationaux, comme ceux sur l'interdiction des armes chimiques et biologiques que nous respectons strictement.
L'inspection et le contrôle se font effectivement soit par la représentation nationale, qui peut parfaitement se faire rendre des comptes sur un certain nombre d'activités, soit par des corps de contrôle particuliers, comme par exemple le corps d'inspection ou le contrôle général des armées qui ont l’autorité publique pour contrôler ce type d'activité.
M. CHAUSSADE.- Je m'adresse à André Soulage, qui représente le pôle PEGASE. Vous nous direz quelques mots du pôle PEGASE.
Vous disiez, monsieur Ranquet, que vos activités en matière de recherche sur les nanotechnologies étaient duales, c'est-à-dire que ce sont à la fois des applications civiles qui aussi intéressent la Défense nationale.
André Soulage, quels sont les types d'activités qui peuvent sûrement intéresser le domaine des civils ? Monsieur Ranquet nous dira quelles sont les applications qui intéressent également la Défense nationale.
M. SOULAGE.- Je représente le pôle PEGASE, pôle de compétitivité aéronautique en région sud-est. Un pôle, c'est une association qui regroupe des industriels, des organismes de recherche, des PME, qui est là pour dynamiser toute l'activité économique sur la filière sur laquelle on travaille qui est l'aéronautique.
En ce qui concerne les nanotechnologies dans l’aéronautique, bien sûr ce sont des matériaux plus résistants demain, mais c’est beaucoup plus que cela. Les nanotechnologies peuvent avoir un intérêt très important dans le stockage d’énergie (énergie électrique embarquée, optimisation de performance des batteries), l’optimisation des piles à combustible. Elles peuvent permettre à une échéance de quelques années d'avoir une aviation propre, une aviation volant avec des moteurs électriques le jour où l’on saura embarquer cette énergie.
Dans le domaine énergétique, on peut espérer avoir une aviation non polluante en partie grâce à l'évolution de ces technologies.
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