Mme COHU.- Merci. Nous allons aborder cette deuxième séquence.
Concernant la compétitivité, M. TIBORT l’a précédemment souligné,
Besançon est un pôle de compétitivité. M. PIRANDA en a également parlé
à propos de l’innovation et de son importance.
Pour entamer directement cette deuxième séquence, nous avons ici
quelques directeurs d’entreprises innovantes. Je demande à M. MINOTTI,
directeur de SILMACH, comment est intervenue la création de son
entreprise, comment cela a pu se passer, quels ont été les freins, les
obstacles et les opportunités d’être dans cette région pour que nous
puissions concrètement faire un premier tour de question.
M. MINOTTI.- Je représente une petite entreprise locale qui a été créée
il y a maintenant six ans à l’initiative d’un certain nombre de
chercheurs du CNRS et de l’université de Franche-Comté. Notre
entreprise est née d’une genèse assez longue d’une bonne quinzaine
d’années. Elle est née du fait également de la disparition progressive
de l’industrie horlogère.
Il est logique que les scientifiques de la région et les politiques
également fassent naître des industries de substitution à des
industries qui disparaissent. C’est la réalité des cycles économiques
qui veut cela. La création de l’entreprise est le résultat d’un long
processus de maturation de technologies en laboratoire qui ont permis
de transposer les technologies historiques, datant de plusieurs
centaines d’années dans le cas de l’horlogerie, sur des technologies
plus récentes nées aux Etats-Unis dans les années 70 essentiellement.
Ce que nous réalisons aujourd’hui, ce ne sont ni plus ni moins que des
pièces micromécaniques, voire nanomécaniques parfois, qui utilisent
dans le processus de structuration de la matière des technologies
dérivées de la microélectronique tout simplement.
Les nanomachines développées par SILMACH sont quelque part des circuits
intégrés ayant la capacité de mouvoir la matière à l’échelle du
micromètre ou du nanomètre. Le savoir-faire de l’entreprise réside dans
la conception de processus de transduction d’énergie permettant de
contrôler les déplacements de matière à l’échelle du micromètre ou du
nanomètre.
Mme COHU.- Vous avez parlé de l’importance de politiques qui ont permis
la naissance d’entreprises qui soient compétitives si on peut dire. Je
ne sais pas si Monsieur TIBORT veut répondre.
M. TIBORT.- Lorsque est arrivée la fin de toute l’horlogerie, le
savoir-faire dans le micro, le micron a été utilisé à ce moment-là et a
fait l’objet de réorientations vers d’autres choses, dont beaucoup le
biomédical. Les gens qui sont autour de la table en ont beaucoup plus
bénéficié que ce que moi j’en ai vu. Mais une vraie politique s’est
mise en place à partir de ce moment. Il y avait des représentants du
Conseil régional. Ils devraient être mieux placés que moi pour répondre.
Mme COHU.- Je voudrais un autre témoignage. Nous avons une autre
entreprise, l’entreprise LOVALIT, qui est encore une start-up ou une
PME, monsieur VERINE ?
M. VERINE.- Nous sommes plutôt une TPE qu’une PME, puisque nous ne
sommes que 5 personnes. Nous existons depuis 2005. Un transfert de
technologies de l’université nous a permis de réaliser des instruments
et des composants pour des instruments permettant de voir la matière à
l’échelle nanométrique. Nous n’étions pas dans la région à l’origine.
Nous avons été attirés par la région qui avait un certain nombre
d’atouts, en particulier une centrale technologique, des endroits qui
nous ont permis de fabriquer plus facilement les composants qui nous
intéressent.
Très schématiquement, nous utilisons la lumière pour regarder la
matière à l’échelle nanométrique ou submicronisme. C’est un moyen de
mieux connaître les nanoparticules, de voir ce qu’il y a à l’intérieur,
de quoi elles sont composées et de les analyser.
Mme COHU.- Vous êtes donc sur le marché de l’instrumentation ?
M. VERINE.- Oui. Nous commercialisons des instruments et nous
fabriquons plus particulièrement une partie de l’instrument qui permet
de voir à l’échelle submicronique.
Mme COHU.- En matière de compétitivité et de marché de
l’instrumentation, comment situez-vous cela au niveau Franche-Comté,
national, vos concurrents internationaux ?
M. VERINE.- Il y a effectivement quelques fabricants européens. Les
plus gros, ce sont plutôt des instruments soit américains soit
asiatiques. C’était d’ailleurs une surprise. Nous, nous n’avons rien
fait spécialement pour, mais d’emblée 50 % de ce que nous faisons est
exporté et la plus grande partie vers l’Asie.
Mme COHU.- En matière de création, comment votre arrivée ici s’est-elle passée ?
M. VERINE.- Ici, l’avantage est qu’il y a un environnement
technologique très important avec FEMTO-ST et tous les laboratoires
environnants. Nous sommes actifs dans plusieurs projets de recherche
qui incluent encore des gens de FEMTO-ST et des projets européens qui
incluent d’autres acteurs au niveau européen.
Mme COHU.- Au niveau des laboratoires, nous avons M. Daniel COURJON du
CNRS. Quelle est votre liaison, votre partenariat avec toutes ces
entreprises ?
M. COURJON.- Tout d’abord, ces deux entreprises montrent un aspect dont
nous n’avons pas parlé aujourd’hui. Sur les nanotechnologies, nous
avons beaucoup parlé des poudres, des nanoparticules et des risques que
nous prenons. Mais là, ce sont deux autres aspects.
Il y a, d’une part, l’aspect microsystème, nanosystème. Je rappelle
qu’un système est un ensemble de fonctions élémentaires. Une bicyclette
est un système, une montre est un mini-système ; et un micro-système
est de l’ordre de quelques microns.
Pour faire ces systèmes, nous sommes obligés de faire appel à des
nanotechnologies, des nano outils capables de graver avec une finesse
énorme. Cela appartient aussi à la nanotechnologie. Il n’y a pas
seulement les poudres. Le cas de SILMACH est emblématique. Il est né
dans les années 90, 95 quand vous travailliez à l’institut des
microtechniques.
M. MINOTTI.- La véritable origine des dispositifs développés
aujourd’hui, c’est 1989, naissance du premier moteur compatible avec
les circuits intégrés, c’est-à-dire graver à partir de technologies
microélectroniques à Berkeley aux Etats-Unis.
En Franche-Comté, Jean-Jacques GALEPIN, qui était à la pointe de ces
technologies et un décideur scientifique au niveau local puis national,
a très rapidement misé sur cette apparition, sur cette fracture
technologique pour que la Franche-Comté se mobilise parmi les premières
dans le monde dans ce type de dispositif. Il a mis les moyens en créant
notamment un laboratoire mixte CNRS-université de Tokyo, dans lequel
nous nous sommes expatriés pendant plusieurs années.
J’étais chercheur au CNRS à l’époque et je me souviens avoir expatrié
une dizaine de post-doctorants qui se sont formés aux nanotechnologies
et qui ont ensuite intégré des starts-ups françaises dans le domaine.
M. VERINE.- La leçon de la crise horlogère est qu’il a été considéré
que l’absence d’innovation avait amené à cet échec. C’est pourquoi dans
les années 80 a été créé ce centre, l’Institut microtechnique, où une
stratégie de microtechnologie puis de nanotechnologies s’est développée.
Cette nanotechnologie est évidemment moins intrusive que celle des
poudres. Mais cette technologie coûte très cher, car elle fait appel à
des machines outils qui coûtent une fortune.
Concernant l’aspect de LOVALIT, c’est le même scénario. On retrouve non
pas les machines-outils qui fabriquent ces micro-objets, mais des
systèmes de caractérisation. C’est un véritable marché. Les
nanotechnologies ne sont pas seulement des poudres. Nous recevons tous
les systèmes de nanocaractérisation dont les microscopes sur lesquels
LOVALIT travaille. Ces sauts technologiques dont M. MINOTTI a parlé,
c’est-à-dire la capacité de rester dans notre domaine de compétence de
l’horlogerie et de fabriquer des systèmes qui sont faits par des
technologies qui n’ont rien à voir.
C’est de la nanotechnologie qui a comme gros inconvénient le coût des
machines. Nous avons essayé de résoudre partiellement ce problème en
Franche-Comté, en bénéficiant d’une centrale de technologie de très
haut niveau. Elle est installée à FEMTO-ST. M. DE LA BACHELERIE en est
responsable. Elle permet de mettre des équipements extrêmement coûteux
à la disposition de la Franche-Comté, mais aussi du reste de la France.
Mme COHU.- Merci. Nous avons aussi à notre table France Nature
Environnement, M. Jacques TERRAZ, qui peut intervenir à tout moment
s’il a des questions à poser et qui a quelques vues à exprimer sur le
sujet.
M. TERRAZ.- Je suis ici représentant de France Nature Environnement
pour la Franche-Comté. Quelques mots pour ceux qui ne nous connaissent
pas. C’est une fédération absolument indépendante de tout mouvement
politique, religieux ou philosophique et qui regroupe en France 3 500
associations.
De ce fait, nous sommes en quelque sorte à l’interface entre le public, les chercheurs et les industriels.
Nous pensons, et peut-être si j’enfonce encore un peu le clou, que le débat vient un peu tard.
La France a mis sur le marché un certain nombre de produits que nous ne
connaissons pas et dont nous ne connaissons pas encore totalement
l’action. Ce n’est pas en attendant que l’épidémie se déclare, comme
pour l’amiante, que nous réagirons. Nous aurions dû réagir en amont. Je
pense que c’est une question d’éthique, de morale, vis-à-vis des
citoyens.
Nos craintes sont les suivantes. Nous voudrions que toutes les
nanoparticules mises sur le marché soit connues, identifiées. Nos
connaissances sont pour le moment très incomplètes, ainsi que leurs
effets.
Nous voudrions aussi que, dans la mesure de leurs connaissances et de
leurs possibilités, les chercheurs nous communiquent un certain nombre
de renseignements. Je sais que le dévoilement du secret est difficile,
car c’est antinomique avec la compétitivité.
Autre demande de France Nature Environnement et autre crainte : il
faudrait que les consommateurs soient bien informés que ce produit
contient ou non des microparticules ou des nanoparticules.
On le fait bien avec les colorants. Quand vous achetez une confiture,
des bonbons, on vous affiche les colorants, les conservateurs etc.
Pourquoi pas les nanoparticules ? C’est important. La question des
ouvriers protégés a déjà été évoquée et je n’y reviendrai pas.
Un autre point que France Nature Environnement voudrait est que l’on
inclue dans le coût du produit le coût santé et le coût environnemental.
Quant à l’écotoxicité, on n’en a pas encore parlé. On a surtout parlé
de l’humain, ce qui est normal, mais je dirai avec l’aide d’un exemple
que les nanoparticules pollueront notre environnement. Il y a par
exemple des nanoparticules dans tous les cosmétiques. Je crois savoir
que ce sont des nanoparticules à base d’argent. Il n’y a pas que
l’argent mais il y en a au moins. Après avoir pris un bain de soleil et
vous être enduit de crème solaire, vous prenez une douche, vous vous
baignez et ces nanoparticules sont libérées dans la nature. Il y a
vraiment un problème.
Dans nos carburants de voiture, il y a aussi des nanoparticules :
celles-ci ne partent pas dans l’eau mais dans l’air. Les cellules
végétales, tout comme les cellules animales ou humaines, seront
soumises à l’action de ces nanoparticules qui, tout le monde le sait,
sont capables de pénétrer la membrane cellulaire. Là où le vice est
encore plus important, c’est qu’elles sont capables d’entraîner dans le
cytoplasme des éléments qui eux ne pouvaient auparavant pas rentrer à
l’intérieur de la cellule. C’est très important.
Les nanoparticules sont de véritables petites bombes à retardement.
Nous craignons que certaines nanoparticules provoquent des cancers.
Tout le monde le sait. Il y a ici des représentants du monde médical,
les cancers mettent plusieurs années à se dévoiler.
(Applaudissements.)
J’ai vu sur vos affiches : « Je m’informe, je m’exprime. » Je pose
simplement une question : « Le gouvernement nous écoutera-t-il ? Nous
répondra-t-il ? »
Mme COHU.- Oui. Vous serez écoutés et nous vous répondrons. Si les
personnes ad hoc ne peuvent pas vous répondre ce soir, vous recevrez la
réponse plus approfondie ultérieurement de la part d’experts du maître
d’ouvrage.
M. MINOTTI, puisque M. TERRAZ a souligné le problème de la
compétitivité et de la protection intellectuelle et industrielle,
pensez-vous qu’il y a antinomie avec une information de l’ensemble des
consommateurs ?
M. MINOTTI.- Avant de répondre à cette question, je voudrais rebondir
sur ce qui vient d’être dit. Nous sommes quelque part effectivement
concernés au premier chef par les nanotechnologies, mais pour autant
notre activité ne génère pas de nanoparticules dans l’environnement.
C’est tout à fait clair. Si je peux rassurer le public, j’imagine
qu’aujourd’hui vous êtes tous porteurs de téléphone portable ou
d’ordinateur personnel. Les micros processeurs dans vos ordinateurs ne
sont ni plus ni moins les mêmes dispositifs que ceux que nous mettons
aujourd’hui sur le marché. Les seules nuances entre les micros
processeurs et les micro-, nanomachines développées par notre
entreprise sont liées à la capacité de nos systèmes de bouger, de
réaliser des fonctions mécaniques, optiques et d’échanger de l’énergie
de manière interactive avec le monde extérieur.
Pour nous, un moteur n’est ni plus ni moins qu’un microprocesseur qui a la capacité de se déplacer à une certaine échelle.
Si vous devez avoir peur des produits développés par SILMACH, alors
j’ai un conseil à vous donner : enterrez le plus rapidement possible
votre ordinateur portable ou personnel, car il est constitué de
dispositifs qui sont de pures répliques de ceux que nous mettons
nous-mêmes sur le marché.
Je voulais simplement rassurer la salle en disant que, dans le secteur
des nanotechnologies, il y a des domaines qui ne sont pas générateurs
de nanoparticules et qui ne sont pas toxiques.
Il peut évidemment y avoir des problèmes d’éthique par rapport à
certaines applications de produits développés dans le secteur des
nanotechnologies, mais toutes les nanotechnologies ne sont pas
systématiquement toxiques, au sens d’une émission de nanoparticules
dans l’environnement.
C’est important, car mon problème majeur consiste à créer de l’emploi.
Il faut aussi quand même que notre région puisse reconstituer un tissu
industriel pour l’avenir. Ne serait-ce que vis-à-vis de nos enfants.
J’ai des enfants et je ne souhaite pas qu’ils soient dans l’obligation
absolue de s’expatrier un jour en Asie pour trouver un emploi.
Si nous pouvons faire en sorte, avec quelques industriels capables, de
faire émerger de nouvelles technologies dans les régions voire même en
Europe, ne nous privons pas de le faire. Nous sommes malheureusement
dans une compétitivité mondiale et, si nous pouvons le faire sans
générer de particules toxiques, pourquoi s’en priver ?
Je vais rapidement revenir sur la question des brevets.
Les nanotechnologies sont effectivement génératrices de propriété
intellectuelle. Pour situer notre position sur le domaine, nous
possédons une dizaine de familles de brevets. Quand je parle de famille
de brevets, c’est un brevet initialement français qui est ensuite
étendu au niveau mondial. Ce qui signifie que nous disposons dans
l’entreprise d’une centaine de brevets nationaux après extension.
On peut très bien faire naître des technologies de rupture et divulguer
de l’information sous la forme de brevet. Au sein des entreprises comme
les nôtres, nous évitons les publications scientifiques qui divulguent
de l’information au monde extérieur à titre gratuit. Nous passons par
le brevet pour nous assurer de la propriété intellectuelle des
technologies qui naissent dans notre entreprise.
La véritable difficulté est dans le coût de la propriété intellectuelle
puisqu’un brevet mondial représente un coût d’environ 150 000 euros sur
sa durée de vie. Pour de petites entreprises comme la nôtre, cela
représente un coût significatif par rapport aux ressources de
l’entreprise.
Mme COHU.- Merci. Monsieur NANOMI, rejoignez-vous cette position ?
M. NANOMI.- Nous exploitons un brevet qui appartient à l’université
sous une licence. Toute la société intellectuelle que nous avons
générée depuis, c’est plutôt des secrets de fabrication que nous
maintenons en interne, justement à cause du coût de dépôt des brevets.
Mme COHU.- Vous ne déposez donc pas de brevet ?
M. NANOMI.- Nous ne sommes pas assez riches pour l’instant.
Mme COHU.- Y a-t-il des questions dans la salle ?
Un intervenant.- Je voudrais intervenir sur la comparaison entre
l’informatique actuelle et une informatique basée sur les
nanotechnologies. Nous savons que l’informatique présente dans les
ordinateurs, dans les téléphones portables cause beaucoup de soucis au
niveau du recyclage à la fin de vie de l’instrument. Nous pouvons de la
même manière imaginer les risques encourus lors de la fin de vie de
techniques basées sur les nanotechnologies dans le futur.
M. COURJON.- L’avantage de ces produits nouveaux est qu’ils sont
beaucoup plus petits que les puces mises en place il y a une quinzaine
d’années. Cela signifie que nous consommons déjà beaucoup moins de
matériaux précieux comme l’or et d’autres substances et les matériaux
de base qui composent ces puces sont en très petits volumes. Et nous ne
sommes pas du tout dans la dimension nanométrique. Ces puces mesurent
plusieurs centaines de nanomètres. Nous ne sommes donc pas dans la
dimension de la nanoparticule.
En fait, ces technologies permettent de limiter considérablement la
consommation de matières premières. En ce sens, c’est plus un avantage
qu’un inconvénient, par rapport aux puces énormes qui existaient dans
les années 90.
Une intervenante.- Je rebondis sur la question qui a été posée et à laquelle vous n’avez pas répondu.
Ce n’est pas parce qu’elles sont petites qu’elles n’auront pas une fin
de vie un jour. Comment cette fin de vie se passera-t-elle ? Y
aura-t-il la même précaution au niveau de la fabrication qu’avec la
défabrication ? Personne n’a répondu à cette question.
M. COURJON.- L’industrie de recyclage se met en place. Entre recycler
une pièce de deux centimètres de côté ou une pièce d’un demi-centimètre
de côté, il n’y a technologiquement pas de différence. Ce n’est pas un
problème actuel.
Le problème n’est pas là, mais plutôt dans le fait que nos ordinateurs
partent dans des pays étrangers où ils sont recyclés par des gens qui
n’ont pas les moyens de se protéger. C’est là qu’est le scandale actuel.
Une intervenante.- Je suis tout à fait d’accord, d’où la traçabilité.
M. MINOTTI.- Je vais ajouter un élément concernant les dispositifs que
nous mettons sur le marché. Il s’agit de puces en silicium. Je rappelle
que nous avons du silicium sous nos pieds. Cela représente l’écorce
terrestre. Les deux tiers de l’écorce terrestre, qui fait quelques
dizaines de kilomètres de profondeur sous nos pieds, représentent pour
l’essentiel les composants de base de silicium. Nous en avons
absolument partout autour de nous à l’état pas naturel, mais
pratiquement.
Le rejet de puces en silicium pur ne pose a priori pas un problème
drastique. Ce qui pose un problème drastique à mon sens, c’est plus les
rejets de batteries, de piles en tout genre qui pose des difficultés de
recyclage du produit.
Je tiens à préciser que les nanotechnologies nous donnent précisément
l’opportunité de mettre sur le marché des produits que je qualifierai
de verts au sens écologique du terme, puisque les capteurs que nous
sommes capables de mettre sur le marché grâce à la mercurisation sont
des capteurs sans batterie, sans pile et sans électronique embarquée.
Grâce à la mercurisation, nous avons la capacité de réaliser de
nouvelles familles de capteurs qui permettront de traiter de manière
drastique le problème de la gestion de l’énergie sous la forme de
micro-sources.
Nous savons que la gestion des piles est devenue un enjeu majeur dans
la mesure où nous vivons dans un environnement où nous avons toujours
plus de produits nomades autour de nous. Les nanotechnologies
permettent précisément d’espérer traiter au moins à la marge ce type de
problème.
En résumé, les puces en silicium ne posent pas de problème particulier
en termes de stockage et de résidus, puisque nous en sommes déjà
environnés depuis notre naissance. Ce qui pose un vrai problème est
plus le stockage de sources d’énergie. Là, les nanotechnologies peuvent
amener des solutions véritablement vertes sur le sujet.
L intervenante.- Je réinterviens car je ne suis tout de même pas venue
pour rien ce soir, pour apprendre que les nanotechnologies sont des
produits verts ! Il fallait vraiment que je me déplace pour entendre
cela ! Je transmettrai ! J’avoue que vous exagérez un peu quand même.
De plus, si je veux revenir au début de votre exposé et bien avant,
c’est pareil. Il y a un langage qui devrait être has been en 2009 : «
Je crée de l’emploi, donc j’ai le droit de polluer. » Il va falloir
revenir là-dessus. Il y a eu le Grenelle depuis. Je vous conseille
fortement de vous y intéresser, car cela n’a plus de sens en 2009.
Mme COHU.- M. FROELICHER, président du salon MICRONORA, quand vous
faites votre salon, prenez-vous en compte l’ensemble du secteur des
nanotechnologies ? Vous occupez-vous aussi de traitement des déchets ?
M. FROELICHER.- Nous essayons de promouvoir les nanotechnologies car
elles ont à nos yeux un potentiel extraordinaire, surtout dans la micro
mécanique. Dans d’autres métiers dans le transfert de technologies,
pour continuer ce que dit M. MINOTTI, nous essayons justement
d’améliorer la compétitivité et de créer des emplois en amenant les
nouvelles technologies. Les nano peuvent être une carte intéressante à
jouer.
Il y a deux exemples dont un a été cité par M. GAFFET et que j’aime
beaucoup, celui de l’usinage. Savez-vous que tous les outils de coupe
sont recouverts de matériaux durs pour usiner les matériaux ? Une thèse
a été faite il y a environ deux ans à l’INSA. Elle a montré que si les
carbures étaient sous forme de particules d’une dimension d’environ 35
nanomètres, leur durée de vie était extraordinaire, bien amplifiée par
rapport à la phase normale. C’est une carte extraordinaire à jouer pour
nos métiers.
L’usinage par d’autres moyens, par des lasers, on peut en faire des dimensions nanométriques. C’est aussi important.
On critique beaucoup les nanotechnologies, et mon voisin a un peu
raison ; mais elles ont tout de même des potentialités extraordinaires.
Savez-vous qu’un nanotube de carbone est 100 fois plus résistant et six
fois plus léger que l’acier ? Imaginez la potentialité que l’on a avec
un tel outil.
M. GAFFET a également parlé du cuivre. Un nanograin de cuivre est
meilleur conducteur thermique que le massif. Il est meilleur conducteur
d’électricité. L’intérêt pour la microélectronique dont M. GAFFET a
parlé est extraordinaire : vitesse de communication, vitesse de
transfert des électrons. Mécaniquement, c’est trois fois plus résistant
que le massif. Il faut regarder toutes ces potentialités qu’il faut
savoir mettre en œuvre.
MICRONORA essaie de trouver des sociétés qui le mettront en œuvre. Les
protections, il faut en prendre. C’est un peu aux industriels. Quand on
fait de l’usinage, il peut y avoir des poussières nanométriques. Nous
l’avons fait avec notre laser. Il faut mettre des aspirateurs et des
filtres pour récupérer les particules. Cela a précédemment été évoqué.
On ne peut pas travailler les nanoparticules sans certaines
précautions. Sinon, elles ont une potentialité que nous devons
développer dans notre métier.
Un intervenant.- J’aimerais dire que, sans s’opposer au potentiel
immense qui peut exister avec les nanoparticules, il faut garder
conscience qu’il s’agit de matières tout à fait nouvelles. On ne peut
pas faire l’amalgame entre le silicium contenu dans l’écorce terrestre
et les nanoparticules des machines fabriquées à partir de silicium car,
à une certaine échelle, elles peuvent avoir des propriétés totalement
différentes de celles qu’elles ont à une autre échelle. Cette approche
est essentielle dans la compréhension des influences des nanoparticules.
Par rapport à ce qui a été dit juste avant, il ne faut pas faire d’a
priori sur l’influence ou la non-influence, ni sur les méthodes de
précaution, sur comment on peut justifier qu’une méthode de précaution
est valable si on ne peut pas détecter correctement la présence et
l’influence des nanoparticules.
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