M. Patrick LEGRAND.- Bien, Mesdames et Messieurs, je pense que nous
sommes suffisamment nombreux pour entamer notre exercice d’intelligence
collective et de démocratie technique.
Je vois des sourcils qui se froncent, de temps en temps il faut avoir
des ambitions ! Je m’appelle Patrick Legrand, je suis l’un des membres
de la Commission particulière du débat public sur les nanotechnologies,
leur régulation et leur prospective. Je suis aussi vice-président de la
Commission nationale du débat public. J’ai une certaine expérience des
débats et vais animer notre soirée.
Ce soir, c’est un peu particulier. Nous sommes en retard, ce qui n’est
pas exactement dans mes habitudes. Nous avons, un peu au dernier
moment, décidé de réorganiser notre dispositif afin que nous soyons
tous ensemble pour discuter. Nos expériences, voire les événements que
nous avons vécus ensemble, nous avaient amenés à imaginer des
dispositifs disjoints.
Le débat public est une nouveauté dans nos procédures. C’est issu d’un
certain nombre d’insatisfactions du fait que les enquêtes publiques,
par exemple, arrivent trop tard. C’est également une procédure qui
intervient dans le prolongement de réflexions menées sur le
renouvellement de nos dispositifs nationaux et internationaux de
gouvernance, dans la perspective de quelques grandes conventions comme
la convention d’Aarhus pour l’association des populations à
l’information et à la décision sur l’environnement, mais aussi dans la
perspective de toutes les réflexions de gouvernance qui ont eu lieu à
Rio de Janeiro en 1992 ou depuis.
Le débat public est une procédure strictement française, initiée par la
loi dite Barnier de février 1995 et renforcée en 2002. Cela a
d’ailleurs créé la loi de démocratie de proximité qui a renforcé le
débat public et créé comme autorité administrative la Commission
nationale du débat public.
Il faut se souvenir que le débat public est une procédure qui
intervient largement en amont. Elle touche pour l’instant
essentiellement les grands projets d’aménagement (TGV, autoroutes,
terminaux méthaniers et autres). Elle touche également, à la demande du
Ministre chargé de l’Environnement, les grands programmes des
politiques et programmes ; c’est pourquoi d’ailleurs nous sommes réunis
ce soir sur les nanotechnologies.
C’est une procédure qui essaie d’associer le public à la formation et à
la construction des décisions publiques et, depuis 2002, privées,
touchant à des projets d’intérêt national, projets qui peuvent avoir
des conséquences massives ou importantes en matière environnementale,
en matière sociale et en matière économique. À retenir, l’amont et les
grands projets ont des enjeux politiques majeurs.
Le débat public est une procédure un peu particulière selon laquelle
des gens comme moi et quelques autres qui sont dans la salle, puisque
nous sommes quatre représentants de la Commission particulière, jouent
le rôle d’intermédiaires, d’organisateurs du débat, d’avocats entre les
questionneurs et les questionnés, sans avoir à émettre un avis. C’est
un rôle de porte-parole de tous les arguments ou de tous les avis qui
se sont dits pendant le débat. C’est une pratique parfois difficile.
Le débat public a une caractéristique : il dure en général quatre mois,
il est constitué d’une ossature de réunions publiques comme celle que
nous tenons ce soir et qui aboutit de notre part à un compte-rendu de
tout ce que nous aurons entendu, tout ce que vous direz et que nous
aurons apporté ainsi qu’à un engagement du maître d’ouvrage ou du
poseur de la question initiale, engagement qu’il a en général,
lorsqu’il s’agit d’un « projet béton bitume », trois mois pour produire.
Quand il s’agit d’une politique, le délai est plus raisonnable. Celui
d’une réflexion et de la conclusion d’une politique se situe entre
trois et huit mois. Il faut éviter qu’on oublie que le débat public a
eu lieu.
C’est un contrat social, un engagement qui dit, premièrement, ce que le
maître d’ouvrage de la question a entendu pendant le débat, ce qu’il
compte retenir, les conditions auxquelles il les retiendra ou les
mettra en œuvre et ce qu’il ne met pas en œuvre et pourquoi.
C’est un engagement assez fort, puissant et intense. Je vous assure
que, sur certains équipements, c’est extrêmement puissant. En effet,
cela peut de temps en temps amener des phénomènes de contrôle social
d’engagements pris publiquement.
C’est une chose tout à fait importante. Il est évident d’ailleurs que
la loi Grenelle 1 a déjà renforcé le débat public. La loi Grenelle 2 le
renforcera et généralisera ce type de pratiques.
Ce soir, nous faisons une expérience comprenant deux volets. Le premier
est un volet que nous avons, de notre propre chef à la Commission
particulière, un peu laissé de côté. Il était d’essayer de monter des
dispositifs qui, par leur éloignement, garantissaient la sécurité de
chacun des éléments.
Nous avons un deuxième volet que vous verrez, entendrez ou surprendrez
sur Internet dans les jours qui viennent. Nous avons comme objectif
d’intégrer les réunions publiques, qui sont des moments où l’on se
rencontre physiquement, selon lesquelles le débat se fait en public et
avec le public, sur cette triade ou ce jeu ternaire, dans le dispositif
d’Internet qui, lui, est souvent beaucoup plus froid et virtuel. Nous y
avons ajouté une expérience avec un téléphone. Nous verrons si cela
fonctionne. Nous essayons d’étendre les moyens à notre disposition.
Les questions que nous allons nous poser ce soir tous ensemble
rebondiront sur les premières interventions de ceux que nous allons
appeler, faute de mieux, des experts. Les experts sont toujours des «
sachants ». Or, nous sommes tous des ignorants, c’est donc parfois
désagréable.
Je préfère de ce fait les appeler des « chauffe-neurones », présents
pour nous donner quelques idées nous permettant de démarrer. Ici, les
compétences ne sont pas nécessairement requises pour parler. Les
questions, même illégitimes, sont toutes légitimes et les avis, dès
lors qu’ils sont argumentés, même un peu complexes, sont autorisés.
Ce soir, nous allons nous poser trois ou quatre questions sur ces
fameuses nanotechnologies. Une question est toujours fondamentale,
c’est celle de l’opportunité : oui ou non, est-ce vraiment nécessaire,
utile, à quoi cela peut servir aujourd’hui, demain ou après-demain ?
C’est une question que la loi nous impose de nous poser sans arrêt,
bien qu’elle puisse être, par certains côtés, déjà tranchée. Elle le
fut peut-être assez profondément hier matin.
Nous allons également parler de ce qui se fait en général et de ce qui
se fait en particulier ici, chez vous, en Lorraine, à partir
d’interventions de scientifiques et de spécialistes. Autant parler de
ce que l’on connaît de par la proximité.
Nous parlerons -cela commence à devenir vraiment l’enjeu du sujet- de
ce qui peut se faire, de ce qui se fera ou de ce qui ne se fera pas
avec des technologies de type nanotechnologies ou nanostructures, de la
façon dont il faut concevoir ou réfléchir ces enjeux.
Nous aborderons enfin -je dis enfin pour faciliter mon exposé, vous
avez le droit de parler de tout, même de n’importe quoi, c’est à nous
de faire le tri- les modalités de régulation. Il y a derrière cela un
enjeu assez massif, il s’agit du retour, de l’articulation ou de
l’intégration de la science des technologies dans la société.
C’est relativement ambitieux. Ne vous inquiétez pas, nous avançons sur
ces questions, les choses se font progressivement et cela fonctionne.
Évidemment, certains d’entre vous n’hésiteront pas à poser des
questions quant aux annonces du Président de la République d’hier matin
par exemple. Il ne faut pas y échapper.
Je vais maintenant demander à nos « chauffe-neurones », à nos experts
de monter sur l’estrade. Je vais demander à Mme Rousseau de
m’accompagner, puisqu’elle représente le Ministère chargé de
l’Environnement, le Ministère de M. Borloo qui a posé la question.
(Les experts s’installent sur l’estrade, face au public.)
J’ai demandé à tout le monde de faire très court. C’est toujours
difficile. Nous allons leur demander deux choses, d’une part en
quelques minutes, au début, de vous donner quelques éléments pour
lancer la réflexion et, d’autre part, de se préparer à répondre à vos
questions.
Nous allons faire cela tranche par tranche. Je leur demanderai, lors de
leur première intervention, de se présenter rapidement. Je vais donc
demander à Joël Jacquet, à Abdallah Ougazzaden ainsi qu’à Sophie Deleys
d’intervenir. Nous aurons ensuite une première série de questions avant
que d’autres intervenants ne prennent la parole.
Monsieur Jacquet, je vous donne la parole. Dites-nous ce que vous
pensez du schéma de réflexion et d’analyse que nous nous sommes fixé
pour ce soir.
M. Joël JACQUET.- Le planning me semble ambitieux ! Bonsoir à tous, je
suis Joël Jacquet, professeur à SUPELEC. Je suis à la fois enseignant
et chercheur, je suis également Directeur adjoint en charge de la
recherche et des relations industrielles sur le campus de Metz.
On travaille au niveau de nos laboratoires sur les nanotechnologies, je
suis ici en tant que chercheur, en tant que scientifique. On travaille
sur ces nanotechnologies à la fois au niveau conception, au niveau
réalisation et au niveau mesure, et ce en étroite collaboration avec
les laboratoires de l’Université de Metz et les écoles Georgia Tech,
ENSAM, etc.
Je pense qu’Abdallah Ougazzaden sera davantage en mesure d’entrer dans
les détails technologiques afin de vous décrire ce que nous faisons. Je
voulais, d’un point de vue scientifique, lancer une idée qui peut
lancer éventuellement une piste de réflexion.
On parle des nanotechnologies ; c’est un mot qui est apparu dans les
années quatre-vingt-dix, pour des raisons différentes. Une origine de
l’apparition de ce mot date de 1980, l’invention du microscope à effet
tunnel. Je ne vais pas vous embêter sur la science de ce microscope qui
a donné lieu en 1986 au Prix Nobel obtenu par des chercheurs d’IBM
Zürich en Suisse.
Je lance cette piste de réflexion parce que cette invention était enfin
le moyen de mesurer des choses à l’échelle nanométrique. Cela ne veut
pas dire qu’avant, elles n’existaient pas, : la nature est remplie de
nano-objets, avant que l’on essaie de les réaliser nous-mêmes. Cette
invention a permis de les mesurer.
Avec cette piste, on arrive à identifier, à manipuler des nano-objets,
à voir comment ils se comportent. Depuis longtemps, on faisait sans le
savoir des nano-objets, des nanoparticules, etc., qui existaient sous
forme d’invention de l’homme ou générées par la nature. Le fait de
pouvoir les mesurer a été un pas très important dans le développement
de cette mode au départ.
Je voulais lancer cette piste. Cette invention est une chance. Je ne
lance pas le débat tout de suite, pour ou contre ces nano-objets. Le
fait de pouvoir les mesurer est simplement une chance.
M. Patrick LEGRAND.- Merci. Monsieur Ougazzaden ?
M. Abdallah OUGAZZADEN.- Je me présente, je suis Abdallah Ougazzaden,
Professeur et chercheur à Georgia Tech et Directeur de l’Unité mixte
internationale, un laboratoire international mixte entre Georgia Tech
et le CNRS.
Dans le domaine de la nanotechnologie, nous travaillons en particulier
sur l’interaction de la lumière avec la matière à l’échelle
nanométrique.
Il se trouve que la matière à l’échelle nanométrique a des propriétés
optiques, électriques, mécaniques et autres qui sont complètement
différentes de la matière dans des structures massives. Si l’on prend
l’exemple d’une couche ou d’un matériau transparent à la lumière, qui
la laisse passer, si on le prend et qu’on le restructure à l’échelle
nanométrique, avec certaines règles, ce matériau peut être
réfléchissant, il peut transmettre certaines couleurs et pas d’autres,
il peut guider la lumière, il peut focaliser la lumière ou bien la
concentrer.
À partir de cette interaction entre lumière et nano-objets, on peut en
quelque sorte manipuler et contrôler la lumière. On utilise ces
propriétés pour développer de nouvelles fonctionnalités dans le domaine
de l’énergie (les cellules solaires), dans l’éclairage (les diodes
électroluminescentes), dans le domaine de l’environnement (les capteurs
de pollution et de gaz), dans le domaine biomédical pour tout ce qui
est analyse et diagnostic, ce qu’on appelle les laboratoires sur puce,
dans le domaine de la sécurité et de la transmission de l’information.
Par exemple, pour crypter l’information, on peut utiliser des effets
quantiques et donc utiliser des nanostructures pour envoyer un photon
unique et utiliser les propriétés des photons pour masquer
l’information.
On peut travailler sur un spectre très large. Maintenant, il faut des
outils pour développer ce type d’applications. Nous avons des
équipements pour l’élaboration de ces nanostructures. Nous avons
également des équipements de caractérisation. Mon collègue Joël Jacquet
a parlé du microscope à force atomique. Nous en avons un ici dans notre
laboratoire.
En effet, pour voir ces nano-objets, il faut des équipements vraiment
spécifiques. Il faut aussi faire plusieurs expérimentations. Nous avons
développé des outils de simulation et de modélisation, qui sont encore
différents des outils de simulation à l’échelle macroscopique. Pour des
propriétés physiques à l’échelle nanométrique, il faut avoir des
simulations à l’échelle atomistique puis partir à l’échelle plus
grande. Il y a une transition d’échelle et des complications.
Tous ces outils de modélisation, de caractérisation et d’élaboration
doivent être ensemble pour arriver à certaines applications. Au niveau
des équipes, ce sont des projets pluridisciplinaires, il faut donc des
équipes mixtes qui ont des expertises dans les domaines de la physique,
de la chimie, de l’électronique ou encore de l’optique et qui
travaillent ensemble.
On participe à des projets à l’échelle nationale, des projets ANR
(Agence nationale de la recherche), ainsi qu’à des projets européens.
Nous sommes avec la région Lorraine sur un projet appelé Nano 4M qui
vise à trouver des approches pour transférer la nanotechnologie des
laboratoires vers l’industrie. Il y a cinq régions européennes et sept
centres technologiques européens. Nous sommes également dans des
projets au niveau international.
Les objets qu’on utilise ne sont pas des nanoparticules isolées, mais
de la structuration de la matière à l’échelle nanométrique, en
utilisant son interaction avec la lumière.
M. Patrick LEGRAND.- Je vous remercie. Madame Deleys, parlez-nous des industriels du secteur.
Mme Sophie DELEYS.- Je suis chef de projet au pôle de compétitivité
MATERALIA. Je vais commencer par préciser ce qu’est un pôle de
compétitivité ; ce n’est pas forcément évident. Nous sommes un
organisme de soutien missionné par l’État pour favoriser les projets
d’innovation sur un territoire donné. En l’occurrence, pour nous, ce
sont les régions Lorraine et Champagne-Ardenne.
Notre thématique est celle des matériaux. Notre travail quotidien est
de mettre en relation des laboratoires et des industriels, de faire en
sorte que les avancées technologiques qui sortent des laboratoires
régionaux puissent trouver leur place auprès de nos industries, en
favorisant l’innovation et ce qui en découle, ce que l’on espère, de
leur emploi.
Pour ce qui est du pôle, la thématique est celle des matériaux
puisqu’on est une région historiquement marquée par la métallurgie. Les
nanomatériaux font partie intégrante des thèmes du pôle
puisqu’aujourd’hui c’est un constat de la recherche dans nos
laboratoires. C’est devenu incontournable par rapport au nombre de
chercheurs impliqués dans les projets sur les nanomatériaux.
Pour ce qui est des matériaux et des nanotechnologies, nous sommes
relativement d’accord sur le vocabulaire à employer. Il existe
différents états du nanomatériau : l’état atomique et l’état des
poudres nanométriques, selon lesquelles effectivement on manipule un
objet nouveau. Il y a également l’intégration des nanotechnologies dans
des matrices, des objets. Le nanomatériau va alors plutôt servir de
renfort permettant d’accéder à de nouvelles propriétés sans qu’il soit
forcément manipulé en tant que nanomatériau, il va être intégré dans un
objet plus massique.
Nous étions assez d’accord au pôle pour dire que ce serait intéressant
de remettre un peu les choses en place. Il y a la manipulation des
poudres nanométriques ainsi que des procédés qui permettent d’obtenir
des revêtements de taille nanométrique. Des particules peuvent être
faites par voie liquide, qui ne sont pas du tout sous forme volatile
comme peuvent l’être les nanopoudres. Nous avons par conséquent
différentes échelles de manipulation du nanomatériau qui nécessitent
d’avoir une approche peut-être un peu différente.
C’est la même chose dans les domaines d’application. En effet, dans
l’aéronautique par exemple, on va utiliser du renfort dans les
matériaux à base de nanocomposites par exemple. On imagine bien un
objet, une pièce avec dans sa structure des particules nanométriques.
En face de vous, vous avez une pièce massique, solide et avec un
contact très limité au quotidien. Évidemment, il ne faut pas avoir la
même approche ou peut-être pas le même état d’esprit mais, en tout cas,
avoir une plus grande vigilance lorsqu’on va toucher à des domaines
tels que la cosmétique ou l’agroalimentaire où l’on parle d’ingestion
et de contact avec la peau. Les discussions doivent alors s’ouvrir
quant à savoir comment aborder ces nouvelles matières, tout en gardant
en tête ces échelles de contact en fonction des applications.
C’est l’observation que l’on fait au sein du pôle, il s’agit de pouvoir
expliquer les différents étages d’utilisation qui se font dans les
laboratoires à court, à moyen, à très long terme, voire jamais dans
l’industrie, mais de pouvoir faire la différence entre ces différentes
applications.
M. Patrick LEGRAND.- Merci. Nous allons passer progressivement de
l’objet qui a permis l’observation à la conception à un certain nombre
d’outils et de méthodes, ensuite on a commencé à structurer un objet
qui dépasse sa physique.
Monsieur Burg, peut-être pourriez-vous compléter et finir ce premier galop d’essai ?
M. Philippe BURG.- Merci de me donner la parole. Bonsoir à tous. Je
m’appelle Philippe Burg, je suis Professeur de chimie, spécialisé dans
les matériaux carbonés. Je suis également vice-président Recherche de
l’université Paul Verlaine de Metz. Je viens à ce titre également.
On parle de nanotechnologies, de dimension de milliardièmes de mètre.
On est à l’échelle atomique. C’est un enjeu évidemment scientifique en
termes de recherche fondamentale puisque, comme l’ont dit mes
prédécesseurs, on a des propriétés à ce niveau qui sont complètement
différentes de ce que l’on côtoie au niveau macroscopique.
Le champ d’application est encore très large puisque les
nanotechnologies sont une discipline récente. Il y a tout l’aspect
transfert de technologies et relations avec les industriels qui existe
et qui évidemment se développe encore.
L’université - je parle de l’université au sens large, c’est néanmoins
vrai plus particulièrement pour l’université de Metz et c’est vrai
régionalement puisque nous avons la chance d’être dans un site
comprenant quatre universités, tendant vers une seule et même
université - permet de travailler dans un système pluridisciplinaire.
Au sujet des nanotechnologies -c’est pourquoi à mon sens vous êtes
présents ce soir-, le rôle de l’université est de répondre à des enjeux
sociétaux et de s’intégrer de plus en plus dans les problématiques
liées à notre société.
Je dis cela évidemment parce qu’on va parler de sciences,
d’applications, on peut aller très loin dans la description des
nanomatériaux et des nanotechnologies. L’université à également un rôle
fort à jouer. C’est celui, outre le cœur de métier évidemment que sont
la chimie et la physique des matériaux, de toutes les activités de
recherche connexes.
Dans une réponse à un enjeu sociétal tel que les nanotechnologies, il y
a les sciences dures (la chimie, la physique, etc.), mais aussi
l’impact environnemental que peuvent avoir ces nanotechnologies. On
peut répondre à ce type de questions au travers de laboratoires
spécialisés dans l’écotoxicologie et dans l’environnement.
En termes d’enjeux sociétaux, c’est aussi l’impact sur la population
dans le sens de comment peuvent percevoir les personnes et de comment
répondre à certaines craintes qui sont tout à fait légitimes parce
qu’on se pose de nombreuses questions ; c’est alors le cas des sciences
humaines et sociales.
Nous avons la chance d’avoir sur notre université différentes
disciplines que sont la sociologie, la psychologie, etc. Elles ont
également leur mot à dire dans le développement de nouvelles
technologies pour répondre justement à ces enjeux sociétaux.
Ce matin, sur France Inter, lors d’une interview, la Ministre Valérie
Pécresse a très bien dit une chose, que nous partageons complètement :
c’est l’université qui doit répondre à ces enjeux, l’université telle
qu’on doit la voir dans le futur, une approche des projets
pluridisciplinaires.
On peut avoir un cœur de métier avec des sciences dures, mais tous les
aspects qui rejaillissent sur la société doivent être envisagés. Cela
peut être un outil rassurant pour le développement de tels projets.
Souvent, de tels projets vont très vite. L’aspect recherche est très
motivant, l’aspect transfert de technologies l’est également. Il ne
faut pas oublier qu’on est une société de technologie. Pour la plupart
d’entre nous, nous avons un téléphone portable ou un ordinateur
portable.
Leurs performances sont liées justement à des aspects
nanotechnologiques. Le fait que nous ayons cette discussion ce soir
permet aussi de vous inclure dans le schéma de la recherche. Il serait
hors de question, dans cette société technique, que subsiste un point
d’interrogation au-dessus de la tête de chacun, se demandant ce qu’est
la recherche, ce que sont les nanotechnologies et ce que l’on peut
faire.
Nous sommes là pour répondre à ce type de questions ce soir.
M. Patrick LEGRAND.- Ces quatre points de vue progressifs ont sans
doute amené un certain nombre d’interrogations. On va, pour une
première étape, vous passer le micro. La première question est toujours
la plus difficile. Je vous garantis que toutes les questions sont
justifiées et légitimes, il faut les poser telles que vous avez envie
de les poser.
Mesdames, Messieurs, à vous. Progressivement, le dialogue va se
construire entre le public et les intervenants. Évidemment, dans le
débat public, aucune parole n’est plus légitime qu’une autre.
M. Daniel BÉGUIN.- Je m’aperçois qu’il y a relativement peu d’élus dans
la salle. Je suis vice-président du Conseil régional de Lorraine et
adjoint au Maire d’un petit chef-lieu de canton situé dans le sud
mosellan.
Je n’ai pas pu participer au début du débat mais je m’en étais déjà
entretenu avec Patrick Legrand qui était venu me voir au Conseil
régional, qui a un petit rôle, bien que, au regard des différentes
interventions, je sens que notre participation en termes de financement
est importante.
Nul n’ignore que, comme toutes sciences ou toutes technologies, elle
n’est ni bonne ni mauvaise. Les nanotechnologies en général sont ce que
les hommes en font et comment ils les utilisent. Chacun sait que
lorsqu’on réussit à faire progresser plus particulièrement le domaine
de la recherche et de la médecine, et à introduire au bon moment et au
bon endroit par des microcapsules le bon médicament, bien dosé, c’est
un progrès incontestable.
On est également en droit de vous interroger lorsque les technologies
de l’information les plus fines risquent de faire des intrusions
caractérisées dans la vie privée. On est à cheval entre les deux.
Je vais vous poser aux uns et aux autres la question que j’avais posée
à Patrick Legrand : en tant que responsable politique et intervenant
dans le champ des financements de recherche mais aussi de la recherche
et du développement, vous semble-t-il opportun qu’une grande
institution, telle que le Conseil régional, avant d’attribuer les
subventions, quelle que soit la qualité du monde universitaire, puisse
se doter d’un Conseil d’éthique partagé pour partie de scientifiques
des sciences dures et des sciences molles mais aussi d’un panel de
citoyens avertis ?
Je suis étonnamment frappé de voir que, sur un certain nombre de
dossiers qui passent au Conseil régional -pas des petits, le dernier
étant le gros dossier concernant les plantes à traire, dont
l’investissement du Conseil régional représentait 3,8 millions
d’euros-, aucun élu dans l’hémicycle ne s’est véritablement posé la
question de ce que c’était et de ce que cela représentait ni de
l’utilité réelle et précise de l’affectation de ces fonds, bien que ce
soit effectivement entre le monde des universitaires et celui des
entreprises.
Est-il opportun, intéressant ou intelligent qu’une grande collectivité
comme le Conseil régional puisse se doter d’un Conseil d’éthique qui
puisse formuler son avis pour nous aider à la décision ?
M. Patrick LEGRAND.- Je vous remercie. Je suis certain que cela vous inspire.
M. Philippe BURG.- Je salue tout d’abord notre partenaire qui, comme
beaucoup de collectivités locales, est à notre côté dans le
développement des recherches et dans le soutien de notre recherche. Je
remercie donc tout particulièrement la région, puisque vous venez
d’intervenir sur ce sujet.
Il est clair que nous avons à nous connaître davantage. Je ne sais pas
s’il faut l’appeler Comité d’éthique parce que je pense que cela
dépasse ce cadre. Avoir une vision des priorités et des inquiétudes est
une chose. Outre le financement et de voir passer des projets, il est
clair que, si j’anticipe sur d’autres actions, avoir une concertation
ainsi que des rapprochements entre le Conseil régional et les
partenaires académiques -on peut étendre ce discours aux autres
collectivités locales-, c’est mieux se connaître, mieux anticiper et
mieux préparer les dossiers. C’est se poser les questions de fond que
vous posez.
Je répète que j’ignore si cela passe par un Comité d’éthique, s’il faut
l’appeler ainsi ; c’est davantage un Comité de réflexion au sujet de ce
qu’il y a lieu de faire, de réguler et de financer, d’avoir vraiment un
rapprochement et une réflexion commune sur ces sujets.
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