Face à cette formidable marche en avant de la science, plutôt que
d'être pris de vertige, il faudra lucidité garder. C'est donc un membre
du comité d’éthique du CNRS, physicien et chercheur, qui nous aidera à
porter un regard éthique sur la science et la technologie. Nous
clôturons cette rencontre par un débat avec le public.
Vous pourrez retrouver avec plaisir à ce colloque certains intervenants
présents ici ce soir. Je vous souhaite une très belle soirée, riche,
tant par la présentation des chercheurs industriels, spécialistes et
élus présents ici, que par votre participation à ce débat collégial,
gage de démocratie.
(Applaudissements.)
M. LE PRESIDENT. – Merci, madame. Nous souhaitons pleine réussite à
votre colloque. Si vous faites une note de synthèse, cela nous plairait
beaucoup que vous la versiez au débat.
Il nous reste à vous remercier, madame et messieurs, pour ces exposés
tout à fait passionnants et le panorama que vous avez su brosser en peu
de temps.
M. TROY DAVIS. – Bonjour. J'ai une question pour le dernier intervenant
qui m'a vraiment impressionné. C’est la première fois que j’entends
toutes ces applications d'une entreprise installée en Alsace. Je
voulais savoir en général quel est le marché, quels sont les
concurrents de cette entreprise en France, en Europe et dans le monde.
Y a-t-il beaucoup d'entreprises de ce type ? Quelle est la taille du
marché ? Cela semble assez extraordinaire. J'ai l'impression qu'on n'en
entend pas assez parler. Quel est votre niveau en termes de pointe du
marché ? Des entreprises sont-elles plus avancées que vous ? Etes-vous
à la pointe au plan mondial ou pas ?
M. ZAHOUILY.- C'est une très bonne question. Tout d'abord, quand j'ai
quitté le CNRS pour créer cette société, il n’en existait aucune en
Europe. Je croise encore les doigts : il n'y a pas encore en Europe une
telle entreprise privée.
Il existe de très grands groupes, tels que BASF ou DUPONT, qui
intègrent ces technologies. Le seul souci est que l’on sort des
sentiers battus, avec des cahiers de charge très poussés. Je ne vous
cache pas que nous travaillons avec de très grandes marques de luxe à
Paris et Genève. Ces gens viennent chercher des choses pointues, pas
spécialement du nano, mais je pense que le marché est tellement
colossal et immense qu’il y a de la place pour pas mal de monde dans ce
domaine.
M. LE PRESIDENT. – Très bien. Merci. Autre question à cette première séquence ?
M. Roland HATZENBERGER (Alternative Santé L’impatient) -. Je voudrais
m'adresser au dernier intervenant qui a parlé de l'application à la
santé, notamment de l’insuline qui traverse différentes barrières
biologique.
La question que je me pose est : cette insuline, certainement
bienfaisante à l'endroit où elle est nécessaire, ne peut-elle pas avoir
d’effet ailleurs dans l'organisme où elle n'est pas attendue ? Quelles
sont les précautions ?
M. LE PRESIDENT. – Savez-vous la piloter en quelque sorte ?
M. ZAHOUILY.- Concernant justement cette insuline orale, Photon &
Polymers fait partie d’un consortium de deux laboratoires : un
strasbourgeois (le Centre du diabète) et un très grand groupe (PFIZER).
Concernant votre question, cette insuline orale, on s’est rendu compte
que lorsque vous preniez de l'insuline, quand elle passe dans la partie
gastrique, elle est quasiment éliminée, elle n'a plus aucune réactivité
ou activité par rapport au diabète.
Cette insuline était encapsulée et a fait l’objet d’un dépôt de brevet
par une équipe de l’ICS, ici à Strasbourg. En fin de compte, il faut
que cette nano-capsule ne dépasse pas 200 nanomètres pour qu’elle
puisse passer dans la partie intestinale. Finalement, on a fait une
grosse enveloppe qui fait l'épaisseur d'un petit grain, développé par
le très grand groupe Pfizer, Capsujet* et la société colmarienne. Ce
petit grain de riz contient des nano capsules d’insuline.
Pour répondre à votre question, tout est précaution. On en est encore
au stade des essais sur des souris, etc., mais cela avance très
rapidement. Les premiers essais montrent que l’insuline telle quelle
était conçue, avec sa double enveloppe - d’abord le passage à l’étape
gastrique et ensuite l’étape intestinale - multipliait par trois ou
quatre la délivrance de l’insuline.
On attend avec une très grande impatience la partie des essais sur le porc qui vont débuter normalement prochainement.
M. LE PRESIDENT. – Merci. D'autres questions ?
Un INTERVENANT. – On parle beaucoup des pays émergents. J’aurais voulu
savoir si de nombreux brevets étaient déposés par la Chine dans ce
domaine ?
M. LE PRESIDENT. – Quelqu'un a-t-il des indications à donner sur les
nanotechnologies en Chine et les brevets éventuels ? Peut-être à la
table ronde suivante. On va en parler dans quelques minutes. On a noté
votre question et on essaiera d'y apporter des éléments de réponse.
Autre question ? Non.
La parole est à Philippe Martin qui va nous présenter brièvement les
grandes orientations européennes en matière de nanotechnologies.
Diaporama.
M. MARTIN. - Bonsoir. Pour moi, c'est un très grand honneur d’avoir été
invité et de participer à ce premier débat public. Tout d'abord,
puisqu'on parle de transparence dans le débat, il est essentiel que
vous sachiez d'où je viens. Dans mon quotidien, je m'occupe du comité
scientifique sur les risques émergents et nouvellement identifiés, qui
examine des risques émergents potentiels, pas seulement les nano, mais
aussi les ondes électromagnétique, les produits que l'on met dans les
plastiques pour les rendre plus souples, la résistance aux
antibiotiques, la résurgence de maladies telle que la malaria avec le
changement climatique, etc.
Lors de leurs réunions, des experts indépendants de mon comité font une
déclaration d'intérêt. J'ai deux intérêts principaux qui sont
pertinents pour ce soir et qui sont donc mes biais : économiste et
physicien de l'environnement de formation et de pratique. Je suis aussi
européen. C'est un biais clair : je crois au projet européen de paix
civile et à son exportation. Je crois aussi que l'Union européenne fait
la force des états-membres de l’Europe. L'autre aspect est que je
m'occupe de risques ; ce qui peut constituer un facteur qui biaise mes
propos.
Revue rapide des axes : le premier message important est que l'Europe a
défini une politique « intégrée et responsable » des nanotechnologies.
» C'est cela l'objectif. L'intervention qui a été le prélude de cette
soirée touche à une question de fond : le choix. Aujourd'hui, avec ce
débat et dans d'autres enceintes, la question du choix doit être posée
et on doit y répondre.
Deuxième point : la Commission européenne et les Etats-membres de
l’Union européenne, dont la France, sont en train d'implémenter cette
approche sur « intégrée et responsable ».
Troisième point, qui rejoint mon propos sur « l'Union européenne fait
la force » : à l’âge de la mondialisation, il est essentiel d'avoir une
position européenne pour avoir son mot à dire et établir des standards
de sécurité au niveau international.
Les étapes :
La question des nano n'est pas nouvelle pour beaucoup de gens. En fait,
déjà en 2004, l'Europe, sur proposition de la Commission européenne,
qui a ensuite été discutée et ratifiée, tant par le Parlement européen
- donc vos élus - que par le Conseil européen – les membres des
gouvernements européens, que vous avez aussi élus – a élaboré une
stratégie. Celle-ci a fait l'objet d'une consultation avec des réponses
lourdes, réfléchies, documentées, d'associations qui se sont concertées
pour apporter leurs vues, leurs critiques, leurs suggestions sur cette
stratégie.
En 2005, il y a eu élaboration d'un plan d'action et, en 2008, la
Commission européenne a publié une revue réglementaire. Ce sera le
sujet de la troisième table ronde.
Enfin, je rappelle que 2008 est aussi l'année de la publication, par la
Commission européenne, d'un code de conduite pour la Recherche &
Développement, qui a aussi été accueilli et soutenu par le parlement et
le conseil européen. Elle sera discutée certainement lors de la
deuxième table ronde.
Enfin, en 2008, le Parlement européen a interpellé la Commission
européenne, en produisant un rapport d'initiative. En gros, ils ont
pointé un certain nombre de points qui leur semblaient très importants
et l’ont interrogée : « Que faites vous ? » ou « Ceci devrait être fait
différemment, mieux », etc.
Le plan d'action comprend un certain nombre de volets dont la recherche
et le soutien au financement d'applications telles que celles qui ont
été décrites. Par exemple, la médecine régénérative, le diagnostic
médical, les médicaments ciblés, les applications aux maladies
neuro-dégénératives telles que Alzheimer ou parkinson ; dans les
domaines de l'environnement, de l'énergie, des matériaux, etc.
Il ne faut pas oublier que ce financement de la recherche touche aussi
- c'est crucial – la recherche sur les risques et la sécurité. Jusqu'à
présent dans le cadre du programme en cours sur la recherche
communautaire, ont été dépensés de 2004 jusqu'à 2008, 500 M€, soit le
double de ce qui est dépensé aux Etats-Unis.
Les infrastructures.
Il est très important de financer les moyens de la recherche et de l'innovation.
Les ressources humaines : il faut former des gens qui puissent être des
chercheurs, des toxicologues qui vont évaluer ces innovations.
Evidemment, il y a un soutien à l'innovation.
La dimension sociétale, la gouvernance est un aspect crucial.
Enfin, la protection des travailleurs, qui sont en première ligne, du
public, c'est-à-dire nous, et de l'environnement, fait l'objet du
chapitre 6 qui est peut-être le plus détaillé.
Enfin, dernier élément du plan d'action : la coopération internationale
puisqu’il est très important que l'Europe ait une position forte au
niveau international.
(Applaudissements.)
M. CHAUSSADE. – J’appelle pour la deuxième séquence Philippe GALIAY, de
la direction générale de la recherche de la Commission européenne,
Raphaël PRENAT, du ministère de la recherche en France ; Robert PLANA,
à l'Agence nationale pour la recherche (ANR) ; François TARDIF, du CEA,
leader d'un programme européen Nanosafe 2 ; Jacques GRASSI, de l’INSERM
; et Jacques BORDE du comité d'éthique du CNRS.
On a une table ronde très complète pour traiter ce sujet qui touche à
la recherche en Europe et en France. Avant d'aborder directement le
sujet, merci à la salle de rédiger ses questions écrites.
Voici une première question posée : quels sont les pays les plus en
pointe dans le domaine de la recherche et à partir des brevets déposés
? Qui a une vision globale de la recherche dans le monde ? Qui veut
répondre ?
M. GALIAY. - Je peux donner quelques indications : parmi les pays les
plus en pointe, si on considère les nanotechnologies au niveau des pays
eux-mêmes, c'est probablement nos concurrents directs, Etats-Unis ou
Japon. Cela dit, lorsque l'on considère l'Europe dans sa globalité,
l'Europe est numéro 1 aujourd’hui en matière de recherche.
M. CHAUSSADE. - Les Etats-Unis ? Le Japon ? La Chine ?
M. GALIAY. -On a parlé de la Chine tout à l'heure ; on pourra en parler
un peu plus à la troisième séquence. La Chine investit énormément sur
les nanotechnologies et dépose un nombre considérable de brevets et
produit énormément de publication.
M. CHAUSSADE. -Sur cette question, le maître d’ouvrage répondra
directement à cette question en donnant des chiffres plus précis que la
réponse, de façon à ce que la question soit complètement traitée ; elle
figurera aussi sur le site internet.
Philippe Galiay, j'aimerais que vous nous fassiez un schéma de la
gouvernance européenne. Vous êtes très marqué par le code de conduite
et je crois que vous avez beaucoup participé à son élaboration.
J'aimerais bien que vous fassiez cette présentation. Merci.
Diaporama.
M. GALIAY. - Je vous remercie. Brièvement, je présenterai quatre vues et quatre messages.
Le premier message concerne la gouvernance européenne. C’est le sujet
de ce soir, mais en fait, on n'a pas vraiment défini ce que c'était. Je
voudrais me référer à une définition qui avait été donné en 2001
lorsqu'il y avait eu le grand débat au niveau européen sur la
gouvernance européenne. On peut trouver cette définition dans le Livre
blanc : « La notion de gouvernance désigne les règles, les processus et
les comportements qui influent sur l'exercice des pouvoirs au niveau
européen, particulièrement du point de vue de l'ouverture, de la
participation de la responsabilité, de l'efficacité et de la cohérence.
»
Lorsque l'on parle de la gouvernance en Europe, on ne parle pas
simplement des lois, des règles, des règlements et directives, etc.,
mais on parle aussi de choses plus utiles, par exemple, les
comportements. Dans tout ce que l'on fait, par exemple cette réunion de
ce soir, a une importance pour la gouvernance européenne. Même
l'annonce faite en début de soirée par quelqu’un qui n’était pas
forcément invité, fait aussi partie de ce grand système de la
gouvernance européenne.
D'un point de vue de la recherche, Philippe Martin a donné quelques
chiffres. Chaque année, ce sont près de 550 M€ sont donnés au niveau
communautaire pour la recherche, dont quelque 5 % sont consacrés à
l’analyse et à l'évaluation du risque des nanotechnologies.
Au plan communautaire, on ne se contente pas de donner cet argent pour
abonder des projets de recherche ; on réfléchit aussi au système de
gouvernance spécifiquement sur les nanotechnologies.
Si l’on regarde d'un point de vue sociétal les grandes questions qui se posent, les quatre questions affichées sont :
- le nanomonde. On en parle dans un des livres cités ici. Ce nanomonde
est-il sûr ? Est-il éthique ? Les droits fondamentaux y sont-ils
garantis ? Ces principales interrogations s’adressent au présent mais
concernent aussi l’avenir. En sera-t-il de même dans le futur ou
va-t-on sur un chemin qui peut être potentiellement dangereux ?
Au plan communautaire, on a donc résolu de faire un certain nombre de
choses sur la question des risques, la réglementation, les directives,
etc. mais on a été dans ce qu'on appelle la soft law ; c'est-à-dire
quelque chose de non contraignant, qui a pris la forme d'une
recommandation de la Commission aux Etats-membres pour un code de
conduite.
En deux diapositives, je vous décris ce code de conduite. Vous
trouverez à l'entrée un certain nombre de publications, dont la
recommandation sur le code de conduite.
Celui-ci est structuré de façon extrêmement simple : fondé sur un
certain nombre de principes de bonne gouvernance, il suggère un certain
nombre d'actions qui pourraient être suivies par les Etats-membres,
mais aussi par tous ceux qui sont intéressés par les nanotechnologies.
Parmi ces principes, certains sont très connus et classiques comme
l'excellence pour la recherche, l'innovation, d'autres le sont moins,
comme la précaution, la responsabilité, la durabilité ; d’autres
encore, nouveaux, comme la signification ou l'inclusivité. Dans
l’inclusivité, c'est-à-dire dans les processus de recherches, de
génération de connaissance, on fait intervenir des gens qui ne sont pas
forcément des chercheurs.
Les actions à entreprendre suggérées aux Etats-membres : deux grands
chapitres thématiques concernant d’abord une bonne gouvernance de la
recherche, et ensuite, les opérations sur le respect de la précaution.
Ensuite, c'est plus technique.
Je constate que je n'ai plus de temps maintenant. On pourra revenir sur
certains de ses aspects lors des questions. Vous pourrez en retrouver
le contenu dans la publication exposée à l’entrée. Je vous remercie.
M. CHAUSSADE. – Merci, Philippe GALIAY, d'avoir bien respecté le temps ; c'est important.
Je passe la parole à Raphaël Prenat, du ministère de la recherche. Ce
serait bien de traiter d'abord les liens entre la recherche en France
et le lien avec les programmes européens.
M. PRENAT. – Bonsoir. J’appartiens au ministère de l’enseignement
supérieur et de la recherche où je travaille dans le service pour la
stratégie, la recherche et l'innovation.
Je vous parlerai d'un sujet ciblé ; je vais vous parler précisément de
comment mon ministère articule la politique et le suivi de la
programmation européenne vis-à-vis de ses propres priorités nationales.
Pour cela, il faut savoir que dans le cadre du septième programme-cadre
de recherche – ce fut le cas dans les programmes-cadres précédents –
ont été créés des comités de programmes. Ces comités sont présidés par
la Commission européenne et au sein desquels les états-membres sont
représentés. Pour la recherche, c'est le ministère de la recherche qui,
seul ou avec d'autres représentants, représente l'Etat français.
Ce comité de programmes est en charge d'élaborer un programme annuel
concernant les aspects nanos par exemple. Ce programme fait l'objet
d'un appel à projets aux alentours du 31 juillet au cours duquel les
consortia sont invités à répondre à des challenges, à des défis, à des
questions scientifiques ou technologiques. Ce programme est élaboré en
coopération avec les Etats-membres : la Commission fait des
propositions et les Etats-membres font des contre-propositions et
négocient les amendements.
Pour la France, nous ne décidons pas seuls. Il a été décidé par le
ministère de la recherche que la position française serait élaborée
d'une manière « collective », à l'aide d'un outil que nous appelons le
Groupe thématique national. Ce groupe rassemble l'ensemble des
ministères partie prenante et d’autres : le ministère de l'industrie,
les ministères de la Défense et de la Santé, des représentants du
milieu académique, c'est-à-dire des universitaires, des représentants
d'organismes de recherche (CNRS, CEA, INSERM), des représentants du
monde industriel ou des syndicats d’industriels, et parfois aussi des
représentants du monde associatif.
Avec l'aide de ces représentants, nous définissons la position
nationale pour répondre à cet appel à projet européen, les amendements
que nous souhaitons voir inscrits dans cet appel à projet, de manière
que les positions et les participants français soient le mieux
positionnés et que nous puissions voir pris en compte, au niveau
européen, des enjeux identifiés au niveau national. C'est par ce double
processus de décision collective au niveau national, puis de
négociations au niveau européen, que la France peut agir sur la
programmation européenne.
M. CHAUSSADE. - Il m’a semblé entendre que les associations étaient impliquées dans cette réflexion. Est-ce bien cela ?
M. PRENAT. – On a souhaité que des associations participent à plusieurs
de ces réunions de groupe de thématiques nationales. Cela peut varier ;
ils sont invités au cas par cas. Il serait probablement souhaitable que
l’IGTN soit un tant soit peu élargi à des participants représentatifs
qui viennent le plus souvent possible.
M. CHAUSSADE. – Merci. Nous passons à un exemple concret de ce travail
entre l'Europe et la France dans le programme NANOSAFE 2, piloté au
plan européen par le CEA.
La parole est à François Tardif qui nous en parle précisément.
Diaporama.
M. TARDIF. - Bonsoir à tous. Le programme européen NANOSAFE a débuté il
y a quatre ans et vient juste de se terminer. Il traitait en fait des
risques potentiels des nanoparticules - la partie nanomatériaux et non
pas nano-dispositifs - spécialement pour les salariés, qui sont les
plus exposés au départ – avec trois grandes thématiques : la mesure des
nanoparticules, la toxicologie et la sécurisation des personnels et des
équipements.
Pour ce projet, il y avait vingt-quatre partenaires, composés à la fois
– il est important de le noter - de chercheurs et d’industriels comme
Arkema, BASF, des PME et un grand nombre de centres de recherche. Le
budget annuel de l’Europe était de 6 M€ en investissement.
Il est intéressant de mettre en perspective ce chiffre par rapport à ce
qui a été dépensé sur les projets européens qui traitent de la
nano-sécurité à hauteur de 75 M€. Ce chiffre très intéressant est à
comparer à la part des actions nano-sécurité dans les projets européens
qui traitent des nanomatériaux et qui s'élève à 15 %. Ce taux est un
peu différent de celui énoncé par mon collègue. Cette différence
résulte du fait que la Commission européenne a regardé les actions ou
programmes uniquement dédiés à la nano-sécurité mais également toutes
les actions entrant dans tous les programmes. Finalement, on arrive à
un total de 15 % ; ce qui illustre l'engagement de la Commission pour
la nanosécurité.
Quelques résultats obtenus à titre d'exemple.
En termes de détection et de monitoring, des méthodes ont été mises au
point pour mesurer les nanoparticules de façon spécifique pour ne pas
être gêné par le bruit de fond des particules naturelles (10 000/cm3.)
Pour avoir une meilleure sensibilité aux nanoparticules d’intérêt -
celles que l'homme fabrique -, il faut agir, déterminer et mesurer des
choses spécifiques aux nanoparticules.
Deuxièmement, faire des mesures, c’est bien, mais il est important
aussi de mesurer, vérifier que les salariés ne soient pas exposés.
C'est ce que l'on a fait avec un système de prélèvement individuel qui
se porte comme un badge : on mesure les particules par la présence de
leurs éléments à l'intérieur. Par exemple, pour mesurer des particules
d’oxyde de titane, on va mesurer le titane en ultratraces.
Deuxième point : l'évaluation du danger. Dans les nanoparticules, il y
a une espèce de zoologie incroyable avec une seule formule chimique on
peut avoir une dizaine de formes de particules différentes. D'où la
difficulté de faire des études toxicologiques. On a donc développé un
système automatique de screening des effets des nanos sur la santé
humaine.
Un problème concerne aussi l'explosion des nanoparticules, un peu comme
dans les silos à grain ; c'est un risque réel. Bien sûr, quand elles
sont en très grande concentration – ce ne sera jamais le cas pour le
consommateur - au niveau de la production, il faut développer des
technologies qui permettent de mesurer et de prévoir ces comportements
pour diminuer le risque.
Le troisième volet concerne l'exposition.
On a vérifié la théorie de la filtration qui dit que, à la fois les
masques, les gants, les tenues vestimentaires, sont encore plus
efficace contre les nanoparticules que pour des particules plus grosse.
C’est très positif. On a travaillé sur la sécurisation des équipements.
Dernier point : développer et avoir autant de données est très
intéressant, mais c'est plus intéressant si l’on communique ces
résultats.
On a donc communiqué ces résultats par plusieurs moyens : d'une part
des rapports de dissémination en quatre pages pour le grand public avec
des questions simples - par exemple, est-il facile de mesurer des
nanoparticules au poste de travail ? Réponse : oui. On a développé un
logiciel de formation Nanosmart, que je vous invite à consulter. On a
aussi organisé une conférence en 2008, à Grenoble, pour restituer tous
les travaux réalisés dans ce projet. On organise la même conférence en
2010 et je vous invite tous à cette conférence en novembre.
M. CHAUSSADE. - Merci beaucoup. A vous entendre le sujet de la protection des travailleurs semble traité presque complètement.
Ma question s'adresse à Christophe GOEPFERT de l'entreprise Cilas. Il
va nous dire ce qu'est cette entreprise. Cette entreprise est pilote du
programme européen SAFIR, qui ressemble à certains aspects de
méthodologie de mesures. Qu'apporte SAFIR par rapport NANOSAFE ? Où en
est-on puisque c’est un programme à venir ?
M. GOEPFERT. - Bonsoir. Je suis directeur de développement de Cilas,
filiale d’EADS, et j'ai plaisir de coordonner, avec le CEA parce que
c’est un vaste projet, le projet SAFIR, acronyme que je ne vous
traduirai pas de l’anglais, mais qui signifie la production sécurisée
de nanoparticules et leur recyclage.
Ce projet fait suite à NANOSAFE dans la mesure où l’on essaie de
décliner, dans l’industrie, les conclusions apportées par le projet
NANOSAFE. Cela veut dire que l'on va essayer de mettre en oeuvre des
équipements industriels de manière à assurer une production et à
sécuriser, puisque le risque n'est pas nul dans la production de
particules. L'idée est d'automatiser les machines de manière à éviter
au maximum toute intervention de l'homme dans la manipulation de ces
nanoparticules en automatisant ces équipements et en apportant des
moyens de réaction très rapide dans le cas de dérive de ces
productions.
Parallèlement à cela, on essaie aussi, dans ce projet vaste qui
regroupe une vingtaine de partenaires, avec un budget de 16 M€, et avec
ces partenaires, de mettre en évidence les propriétés nouvelles
apportées par ces nanomatériaux. Il faut en effet vérifier que ces
nanomatériaux, dans des applications comme les surfaces
nanostructurées, pour le recyclage de l'air, les énergies nouvelles ou
les applications dans l'automobile pour les traitements
anti-frottement, ou l'aéronautique pour créer des pièces massiques plus
résistantes que les pièces ordinaires, apportent des performances
nouvelles.
Voilà l'objet du projet SAFIR. Mon temps de parole est terminé. J’en
aurais beaucoup plus à dire, mais je suis prêt à répondre à vos
questions. En tout cas, je passerai avec plaisir quelques plans lors du
débat qui se tiendra Orléans.
M. CHAUSSADE. – Merci beaucoup. Je prends une question qui nous a été
envoyée et je m'adresse à Philippe Galiay et à Raphaël Prenat : «
Quelles sont les perspectives d'emploi dans la recherche en France et
en Europe dans le domaine des nanomatériaux et nanotechnologies. »
En termes d'emplois qu'est-ce que cela représente ? A-t-on des ordres de grandeur ?
M. GALIAY. - Je vais consulter mes tablettes car je ne peux pas vous
répondre pour l'Europe. Je ne sais pas si M. Prenat peut répondre pour
ce qui est de la France au moins…
M. PRENAT. – Sans botter en touche, c’est une très bonne question mais
assez compliquée. En emplois directs ou indirects pour des chercheurs
uniquement ou dans le secteur industriel, ce n'est pas évident. Par
contre, on pourra donner la réponse très vite. Dès demain, je pense
avoir la réponse que vous pourrez mettre sur le site internet.
M. GRASSI. - Je n'ai pas les statistiques sur l’emploi, mais j'ai des
données sur le suivi du programme de recherche soutenu par l’ANR sur
les résultats de 2005. Les programmes 2005 sont terminés, sur lesquels
on avait financé 250 emplois sur ces projets. On a pu identifier qu'on
en avait uniquement 13 % qui étaient aujourd'hui en recherche d'emploi
et près de 30 % qui avaient trouvé des CDI.
Le sujet important est que l’on a identifié très peu de ces emplois,
plutôt ultra-qualifiés pour des projets de recherche très innovants
avec des taux de sélection autour de 20 %. En fait, on s'aperçoit que
ces gens extrêmement qualifiés diffusent très faiblement dans le tissu
industriel, en particulier dans les PME et les TPE.
A cet égard, je crois que, collectivement, il y a un vrai sujet à
attraper : on a une espèce de terroir scientifique et intellectuel très
fort qui, aujourd'hui, ne profite pas du tout à notre entreprise et à
notre compétitivité économique.
Voilà ce que je souhaitais amener au débat.
M. CHAUSSADE. - On va redonner la parole à Raphaël Prenat pour qu'il
nous parle de la stratégie nationale en matière de recherche. Ce sera
une bonne continuation au regard de cette question. Ensuite, je vous
repasserai la parole sur la programmation des programmes de recherche.
Vous aurez aussi une question de d’un étudiant en physique, qui dit,
dans l'un des points : « Il serait bien de mettre en avant financement
public / financement privé. Quelle est la logique de marché par rapport
à la santé ? »
Je vous redonnerai la parole sur ces sujets.
M. PRENAT. - Je vous parlerai donc de l'aspect stratégique.
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