Panélistes : Claire Billotey (UCBL - CHU de Lyon - service de médecine
nucléaire), Patrick Boisseau (CEA, Leti - délivrance des médicaments),
Dominique Gombert (AFSSET - toxicologie des nanoparticules), Alain
Chabrolle (réseaua santé environnement de France nature environnement),
Éric Quémemeur (CEA - Toxicologie), Patrice Marche (INSERM -
immunologie) Jean-Pierre Cloarec (Institut des nanotechnologies de
Lyon), Abdelkader Souifi (Institut des nanotechnologies de Lyon)
Animateurs : Jean Bergougnoux, Jean-Pierre Chaussade, Jacques Arnould et Marie Pittet, membres de la CPDP
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Introduction
Jean Bergougnoux, président de la Commission particulière chargée
d’animer le débat public sur les nanotechnologies, introduit cette
douzième réunion, qui s’inscrit dans une liste de dix-sept, en
souhaitant la bienvenue au public.
Son intervention est accueillie par de bruyants applaudissements et des
sifflets. Une cinquantaine de personnes réparties dans la salle tente
d’empêcher que le débat s’engage.
Il demande aux perturbateurs de respecter la démocratie et de se
calmer. Les cris fusent aussitôt. Une dizaine de personnes se déplacent
sur le devant de la scène pour déployer des banderoles. Quelques
personnes du public, venues pour s’informer et discuter, manifestent
leur indignation face à ce comportement. Jean Bergougnoux propose alors
aux opposants de prendre la parole pour défendre leurs opinions, mais
devant l’impossibilité de débattre, il annonce que la réunion est
suspendue et invite les participants à poser leurs questions et à
poursuivre le débat sur internet.
Les intervenants quittent la salle à 20 heures pour rejoindre une autre
salle, où le débat reprend à 20 heures 30, en visioconférence.
Néanmoins, une quarantaine de participants sont restés dans la salle
d’origine et peuvent poser leurs questions.
Jean Bergougnoux présente ses regrets aux Lyonnais qui sont repartis chez eux pour suivre le débat sur internet.
Il constate que depuis la première réunion du 15 octobre dernier à
Strasbourg, la circulation de l’information a été très soutenue. Ainsi,
à ce jour, 2 770 personnes ont participé aux réunions publiques, tandis
que sur internet, on compte 89500 visites, 200 avis et contributions
ont été déposés et 483 questions posées. 685 articles, dont des
articles de fond de plusieurs pages ont été diffusés dans les médias.
Un large éventail d’opinions a également été recueilli à travers 46
cahiers d’acteurs, qui constituent une base documentaire très précise.
Une première question se pose : « être dans le débat ou pas ? » Jean
Bergougnoux déplore alors que certains participants n’aient pas jugé
bon de défendre leurs idées et d’accepter de discuter.
Il propose aux représentants des ministères d’expliquer la nécessité d’un tel débat.
Michèle Rousseau, du Commissariat général au développement durable,
explique qu’il existe forcément un décalage entre le moment où des
recherches sur des produits se développent dans les laboratoires et le
moment où l’on peut organiser un débat de ce type, qui nécessite un
minimum de maturité pour débattre en apportant un certain nombre
d’informations. Les produits commercialisés utilisant des
nanotechnologies sont peu nombreux par rapport à ceux en gestation dans
les laboratoires du monde entier.
Elle souligne que les pouvoirs publics souhaitent agir en faveur des
produits utiles à la société et s’assurer de la vigilance qui sera
apportée quant aux éventuels risques environnementaux, sanitaires ou
sociaux de ces produits.
Ce débat a été jugé nécessaire par les pouvoirs publics ; il résulte
d’un engagement du Grenelle de l’Environnement qui rassemblait l’Etat,
les collectivités locales, les syndicats, les entreprises et les
associations de protection de l’environnement. Le Parlement a confirmé
la demande de ce débat. L’État, c’est-à-dire sept ministères, a passé
commande de ce débat public à la Commission Nationale.
L’État attend de ce débat un état des lieux aussi complet que possible.
Après avoir écouté les attentes des uns et des autres, les espoirs
comme les craintes, il annoncera sa décision quant aux suites qu’il
compte donner aux opinions exprimées lors de ce débat public.
Michèle Rousseau met en avant quelques décisions qui pourraient être
prises ; par exemple, lorsque des aides publiques sont données, un
pourcentage de ces soutiens financiers pourrait être attribué aux
recherches en matière de protection de l’environnement et de la santé ;
la France peut aussi peser sur les processus décisionnels européens.
Les contrôleurs pourraient aussi être plus nombreux.
Jean Bergougnoux récapitule quelques points tirés, à ce stade, du débat
public. Une position extrême est de dire que même si l’on peut espérer
quelques bénéfices des nanotechnologies, les risques que pourraient
comporter leur développement sont inconnus. La prudence serait donc de
tout arrêter, y compris la recherche. C’est la position de moratoire
global défendue par les Amis de la Terre et par ceux qu’on a entendu
s’exprimer ce soir de façon bruyante. À cela, les chercheurs répondent
qu’un moratoire sur la recherche n’est pas envisageable. En effet, les
connaissances acquises grâce à la recherche sont indispensables pour
permettre a minima de se prémunir contre les risques que pourraient
présenter ces produits dans un univers mondialisé.
Le public a bien fait la distinction entre certaines préoccupations
appelant des analyses différentes. S’agissant des produits
manufacturés de la vie courante susceptibles de contenir des
nanomatériaux ou des nanoparticules l’exigence de traçabilité a été
exprimée très fortement : elle se se traduit, par la nécessité de
déclarer les produits contenant des nanoparticules ou nanomatériaux et
par l’obligation d’étiquetage, afin que le consommateur soit informé et
puisse choisir en toute connaissance de cause.
Se pose aussi, bien sûr, la question de la toxicité. On souligne, en
particulier qu’il existe un déséquilibre évident entre les efforts
déployés par les industriels pour promouvoir des utilisations plus ou
moins utiles des nanotechnologies et la modicité des budgets
recherche consacrés à l’appréciation de la toxicité et à la prévention.
Le domaine médical a été fréquemment identifié comme étant celui où
les nanotechnologies peuvent apporter des progrès importants, mais il
pose aussi des questions concernant les effets secondaires et des
dérives possibles au regard de l’éthique qu’il faut analyser et
contrôler.
Les inquiétudes exprimées découlent aussi de l’accroissement des
performances des systèmes d’information. Bases de données
interconnectées permettant le fichage des personnes, miniaturisation
des puces RFID sont ressenties comme un renforcement des menaces pesant
sur les libertés individuelles et collectives
D’une manière générale, l’instauration d’une véritable gouvernance en
matière de développement des nanotechnologies est ressentie comme une
nécessité. Parmi les points-clé obligation de transparence, la
tracabilité, la réglementation, la mise en place de filières
spécialisées pour la récupération des produits en fin de vie, le
respect de règles éthiques, l’élaboration de codes de bonne conduite.
Ces questions seront approfondies vers la fin du débat.
Le public a également compris le rôle important de l’Europe, qui
cofinance la recherche, élabore des règlements qui s’imposent sur un
vaste espace économique. Si l’on excepte certain textes particuliers
tels que le règlement sur les cosmétiques, ces règlements ne permettent
pas de prendre suffisamment en compte les spécificités des
nanomatériaux. Il faudra donc les faire évoluer. Enfin, S’il est vrai
qu’existent en matière de réglementation de nombreux domaines relevant
de notre souveraineté nationale, la question de l’eurocompatibilité
de nos décisions devra toujours êtr examinée avec soin.
Jean Bourgougnoux lance le débat. Un intervenant s’interroge sur ce qui
relève des nanotechnologies et ce qui n’en relève pas et sur la manière
dont elles peuvent passer à travers la réglementation REACH.
Michèle Boisseau (je pense qu’il s’agit de Patrice ! précise que les
molécules sont grossièrement de l’ordre d’un nanomètre et qu’on a
coutume d’appeler nanotechnologies des assemblages moléculaires de
produits ou de surface que l’on a conçus dans une application visée. Ce
ne sont pas des molécules produites par la nature, mais par l’homme.
Claire Billotey, du CHU de Lyon, rappelle l’intérêt d’utiliser les
nanotechnologies et les nanomatériaux en médecine, en particulier dans
l’imagerie. Elles passent les barrières biologiques et cellulaires et
permettent de détecter plus précocement des lésions tumorales. Ce sont
des outils très prometteurs pour améliorer et traiter mieux les
cancers. En réponse à Jean Bergougnoux qui l’interroge sur les
applications, elle souligne qu’il existe déjà des applications
médicales pour le traitement de certains cancers.
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