Déroulement des réunions
Comptes-rendus et synthèses des réunions publiques
Les comptes-rendus des réunions publiques font état de l’intégralité des propos échangés par l’ensemble des acteurs du débat. Un compte-rendu synthétique des réunions publiques sera, lui aussi, accessible au fur et à mesure du débat.
Compte-rendu de la réunion publique de Clermont-Ferrand
Deuxième séquence : la recherche en nanotechnologies et les applications en Auvergne
Panélistes : Marie-Odile Homette (VIAMECA), Alain Pauly (LASMEA), Marc
Dubois (LMI CNRS), Rachid Mahiou (LMI), Pierre Disseix (LASMEA)
Animateur : Jacques Arnould, membre de la CPDP
M. ARNOULD.- Je vais demander aux participants de la seconde séance de prendre la place de ceux de la première.
J’invite M. Rachid Mahiou, M. Marc Dubois, Mme Marie-Odile Homette, M. Pierre Disseix et M. Alain Pauly à me rejoindre.
M. ARNOULD.- Comme nous avons précédemment parlé des chercheurs, ce
sont entre autres ceux auxquels nous pouvons nous adresser maintenant
qui travaillent avec des nanotechnologies.
Un certain nombre de personnes qui sont ici travaillent ensemble. Il y
a une espèce de collaboration tout à fait notoire quand on les écoute.
Je voudrais que M. MAHIOU, du LMI, nous présente une partie de ce
secteur de recherches en Auvergne, consacré aux nanotechnologies.
M. MAHIOU.- J'ai la lourde tâche de prendre la parole pour la deuxième
partie de ce débat concernant les nanotechnologies et les
nanomatériaux. Lorsque l'on l'essaie de définir les choses (c'est ce
que l'on m’a demandé de faire en premier lieu) lorsque l'on va parler
de nanotechnologies ou de nanomatériaux, je crois qu'un intervenant du
premier débat a dit que ce n'était pas tout à fait la même chose et
qu’il fallait faire attention à ce que l’on dit.
Effectivement, les nanomatériaux seront des objets qui ont une
définition bien précise. Un nanomatériau sera un objet qui aura une des
dimensions inférieures à 100 nanomètres. Cette définition est reconnue
au niveau international et c'est la norme utilisée.
Il y a eu un long débat concernant tout ce qui touchait à la
dissémination de ces nano objets, nanoparticules. Le problème est que
si un objet fait plus de 100 nanomètres, il ne devient plus
nanomatériau. Cela pose un problème au niveau des normes, lorsqu'il
s'agit de définir ce genre de choses.
Si je reviens sur ce qui est fait en recherche, le terme qui a été
utilisé est Auvergne, mais je vais plutôt parler de l'université Blaise
Pascal. C'est plus restrictif, mais cela me permet de parler de choses
que je connais.
Sur le site clermontois, environ une centaine de chercheurs sont
mobilisables à la fois dans le domaine de la chimie et dans celui de la
physique avec deux principaux laboratoires. Un laboratoire en physique,
qui est celui des sciences des matériaux pour l’électronique et
l'automatique, et un en chimie, qui est le laboratoire des matériaux
organiques.
Avec des spécificités assez fortes et marquées, notamment dans le
domaine de la synthèse des matériaux, de leur préparation, mais cela
reste assez confidentiel. Ce sont des quantités de matériaux qui se
font à l'échelle d’un laboratoire, dans des milieux confinés avec les
précautions nécessaires pour que cela ne se retrouve pas disséminé dans
la nature.
Un monsieur du CEA a parlé de NanoSafe, qui est piloté par le CEA. Pour
certains programmes que nous développons au niveau du laboratoire des
matériaux, nous avons l'obligation de faire contrôler les installations
que nous utilisons pour savoir si elles ne sont pas susceptibles de
relarguer des nanomatériaux dans la nature.
Les recherches mobilisent une centaine de chercheurs globalement. Elles
concernent des secteurs pouvant aller de l'informatique à celui de
l'éclairage, de la santé, des revêtements. Je ne sais pas si cela
répond à peu près à ce que vous souhaitiez que j'introduise.
M. ARNOULD.- En termes de nombre... Votre lien avec l'extérieur. Vous parlez de recherche fondamentale appliquée...
M. MAHIOU.- Nous avons une forte connexion avec des industriels. En
amont, nous essayons de répondre à des demandes du secteur industriel
pour améliorer des produits et développer de nouvelles fonctionnalités.
Par rapport à cela, il y a une recherche contractuelle forte qui nous
permet d'avoir des moyens pour faire la recherche.
Mais nous avons également un souci de comprendre les mécanismes.
Lorsque l'on parle de nanomatériaux et de nanotechnologies, on a
l'impression que c'est quelque chose de très nouveau. En fait, les
chercheurs étaient comme des Monsieur Jourdain. On faisait des
nanomatériaux sans pour autant savoir que l'on en faisait. Le problème
est qu’avec les outils de détection et les outils permettant de
manipuler ces objets dans le cas des échelles moléculaires, on sait
maintenant préparer ces matériaux et orienter leur fonctionnalité pour
répondre à des besoins bien particuliers.
A ce niveau, des connexions fortes existent entre divers laboratoires.
J’ai cité deux laboratoires, le LASMEA et le LMI ; mais il existe
d'autres laboratoires en biologie ou en chimie organique avec lesquels
des connexions existent et sur lesquels nous avons des projets de
recherche communs. Je n'oublierai pas de citer CASIMIR qui est sur le
campus de l'université, qui développe actuellement un réseau autour des
nanotechnologies et qui permet de recenser tout ce qui peut se faire
sur le site clermontois.
M. ARNOULD.- Merci. Y a-t-il des questions sur ce tissu de recherches scientifiques sur les nano sur une partie de l’Auvergne ?
Madame Homette, puisque nous venons de parler de lien entre la
recherche, l’industrie et l’application, pouvez-vous nous présenter
VIAMECA et ses activités ?
Mme HOMETTE.- VIAMECA est un pôle de compétitivité. Nous travaillons
sur le secteur de la mécanique. Nous sommes à l'interface entre les
travaux de recherches qui viennent d'être présentés et les applications
industrielles potentielles. Cela se fait par le biais de montages de
projets, en général collaboratifs. Pour aller vers une application,
vers un développement, nous allons trouver une équipe composée de
chercheurs, d'acteurs du transfert de technologie et d'entreprises, et
nous allons nous attacher à amener les applications vers l'industrie
avec méthodologie.
Nous avons eu beaucoup de débat sur la sécurité, sur les problèmes de
toxicologie ce soir. Dans le montage des projets de transfert de
technologie, un certain nombre d’outils sont activés et permettent de
sécuriser le transfert de technologie.
Nous faisons un travail en amont avec le chercheur, avec l’industriel
pour travailler sur les différentes phases de vie du produit. Des
aspects sont liés à l’élaboration du produit, d’autres sont liés à
l’usage, d'autres aux aléas pendant l'usage. Nous avons précédemment
parlé des accidents avec la voiture électrique. C'est un aspect d'aléa
lié à l'usage. Quand nous faisons un projet de transfert de technologie
vers l'industrie, nous devons aussi nous soucier des aspects de fin de
vie, de recyclage et de gestion du produit jusqu'à la fin du recyclage.
Nous introduisons ces méthodes dans les projets de transfert de
technologie dès le départ et à partir du laboratoire. C'est une façon
de sécuriser, d’alimenter la réflexion. Des organismes comme les
nôtres, au carrefour entre les scientifiques et l'industrie, permettent
de sécuriser l'industrialisation de nouveaux produits par le
développement de ces méthodes et de ces démarches.
Avec les travaux menés dans les laboratoires clermontois dans le
domaine des nanomatériaux ou nanoparticules, il est clair qu'il y a des
perspectives très intéressantes en matière de développement industriel.
Il faut considérer ces perspectives, les analyser, les évaluer, les
transférer vers l’industrie avec des méthodologies, mais nous ne
pouvons pas décider de ne pas regarder tout ce potentiel. Nous sommes
au début de la mise en oeuvre de ces matériaux et de ces technologies.
Elles sont prometteuses et il faut s'attacher à les développer pour
tous les secteurs qui peuvent en bénéficier.
Nous avons parlé des applications dans le domaine médical. Il y a des
applications intéressantes dans le domaine du transport, pour
l'aéronautique et pour le véhicule, des applications dans les objets de
bien d'équipement, et nous avons également vu des applications dans le
domaine du design, dans le domaine de l'aspect.
Il est nécessaire d'amener cela vers nos entreprises, de leur donner
cet outil complémentaire pour leur développement. Le pôle est là pour
accompagner ces démarches.
Il faudrait que nous passions cinq minutes à évoquer le travail fait
par le pôle technologique CASIMIR qui fait actuellement un important
travail d'analyse du potentiel de ces technologies, qui informe
actuellement les entreprises sur le potentiel de ces technologies et
sur les précautions à prendre sur la façon d’encadrer le transfert dans
l'industrie. Il y a tout un programme.
Je ne sais pas si CASIMIR veut le détailler un petit peu.
M. ARNOULD.- Un micro pour monsieur.
M GAZELLE.- Je suis Alain Gazelle. J'appartiens à une structure qui
s'appelle CASIMIR. C'est certes une allusion au petit personnage, mais
c'est beaucoup plus sérieux. Au moins sur le plan marketing, cela se
retient.
CASIMIR est le Centre d’Appui et de Stimulation des Industries par les
Moyens d’Innovation et la Recherche. Encore plus concrètement, cela
signifie que nous sommes une structure qui gravite dans les entreprises
régionales et, à ce titre-là, nous cherchons à résoudre leur problème
d’expertise ou de contrôle qualité. C'est aussi l'accompagnement de
projet, la veille technologique et donc l'information vers les
entreprises régionales.
Cela fait trois ou quatre ans que nous travaillons sur ce domaine
CASIMIR. Avec la DRIRE Auvergne et l'Europe qui nous soutiennent
financièrement, comme l’a dit Mme Homette, nous avons réalisé tout un
travail d'état de l'art consistant à recenser tous les laboratoires
travaillant dans le domaine des nanomatériaux et des nanotechnologies,
non seulement au plan régional, mais au plan national au minimum voire
au-delà, un peu européen.
La connaissance de ces ressources nous permet de connaître ce
potentiel. Comme nous gravitons en permanence dans les entreprises, à
chaque fois qu'un problème est évoqué, nous pouvons tout à fait essayer
de le traduire en termes scientifiques et rapprocher la demande de
l’industriel vers ces laboratoires.
Cela est terminé. Nous en sommes à la phase encore plus opérationnelle
consistant à porter l’information domaine par domaine régional
spécifique vers ces entreprises. Nous organisons, dans les quatre
semaines qui viennent, cinq matinées nano véritablement dédiées aux
entreprises thématiques par thématique. Une matinée est consacrée au
médical, à la santé, une autre à l’hygiène beauté, une matinée
plasturgie, une matinée mécanique métallurgie et une matinée textile
puisque nous avons un bassin particulièrement centré sur les textiles.
Comme cela se passe déjà, des projets naissent dans les entreprises à
force de leur vanter les mérites de ces nanomatériaux et nous comptons,
bien au travers de ces matinées, faire émerger différents projets que
nous accompagnons.
Je précise aussi que toutes ces matinées thématiques se terminent par
l’intervention d'une personne sur les risques associés aux
nanomatériaux. Ce sont donc des matinées tout à fait objectives qui
présentent l’état de l’art, ce que nous savons faire aujourd'hui.
Directement, à très court terme, nous savons faire des choses et le but
est de les faire pénétrer dans les entreprises pour qu'elles se
démarquent, notamment sur le plan de l'innovation.
M. ARNOULD.- Y a-t-il des questions sur ce lien entre recherche, entreprise, CASIMIR ou des précisions ?
Nous avons précédemment entendu un certain nombre de questions sur la
notion d'indépendance des différents secteurs les uns par rapport aux
autres. J'aime bien votre manière de montrer que vous êtes dépendants
les uns des autres dans la mesure où, comme vous venez de le dire, une
industrie peut avoir besoin de la recherche dans les questions qui lui
sont posées.
Si vous n'aviez pas évoqué CASIMIR, comment auriez-vous répondu à cette
question de l'indépendance de la recherche par rapport aux exigences ou
aux attentes d'industriels, les uns ou les autres puisque nous abordons
ces questions ?
Dans la salle.- Je voudrais faire quelques commentaires et peut-être
une suggestion. Concernant la recherche, il est important de distinguer
la création de nouvelles connaissances et les usages que ces nouvelles
connaissances peuvent avoir, soit sous forme de produit soit sous forme
d'usage au niveau de la société.
Je pense que l'une des grandes forces qui anime l’homme est justement
de vouloir connaître plus dans son univers, dans son environnement etc.
L'accumulation de connaissances est à mon avis instoppable. Aucun
principe de moratoire n’arrivera à faire en sorte que l'homme ne puisse
pas accumuler de nouvelles connaissances. C'est une force à mon avis
innée.
Nous pouvons en revanche nous poser des questions sur les nouvelles
sciences appliquées. Certains usages apportent une véritable valeur
sociétale dans le domaine des nano ou dans d'autres, mais d'autres
usages sont contestables. Nous en avons entendu un certain nombre et je
crois pouvoir partager certaines objections pour certains usages ; mais
il est important de faire cette distinction entre l'accumulation de
nouvelles connaissances et les usages que nous aurons.
Entre cette accumulation et les usages que nous en aurons, il y a un
interface dont vous avez parlé qui est celui de la technologie, des
nouvelles méthodes pour arriver à produire ces usages. Il faut à
nouveau bien distinguer entre tous ces éléments pour bien comprendre où
nous allons.
Quand quelqu'un dit qu’il faut un moratoire sur ceci ou cela, nous
pouvons imaginer que, pour certains usages un peu néfastes pour
l'homme, nous puissions émettre ces objections et obliger par la
législation de mettre un certain nombre de moratoires pour ces choses.
D'un autre côté, sous prétexte que certains usages sont néfastes, il ne
faut pas ne pas voir que d'autres sont très bénéfiques et que nous
n'arrêterons de toute façon jamais l'accumulation de nouvelles
connaissances.
Mme JAGNEAU.- Je voudrais revenir sur ce problème de moratoire que
certains ont demandé et refaire une distinction. Certains demandent un
moratoire sur la recherche et le développement en particulier, et non
pas sur la recherche en tant qu'accumulation de connaissances. Le
principe de précaution n'empêche pas la recherche, la soif de savoir
qui est dans tout être humain.
Il y a en revanche une différence très nette entre la recherche
appliquée et il y a en France un manque très fort de recherche et de
développement à l'intérieur des entreprises qui sous-traitent aux
laboratoires publics les capacités de recherche et développement qu’ils
n’ont pas voulu développer au sein des entreprises.
Les pôles de compétitivité sont une tentative de réponse toute récente
mise en place par l'Etat pour répondre à cela. On peut remonter cela à
loin, peut-être que j'ai poussé loin les questions que vous vous posez.
C'est une particularité franco française. Les ingénieurs dans les
entreprises ne sont pas formés ni à la recherche ni par la recherche
puisque issus des grandes écoles.
VIAMECA est un pôle de compétitivité de la région Auvergne qui émarge
aussi la région Rhône-Alpes. Je vais parler en tant que conseillère
régionale de Rhône-Alpes. Nous n’avons pas vu passer tant de projets
étiquetés nano que cela. Il est vrai que nous avons le pôle de
compétitivité mondial des nanotechnologies, mais il y a aussi un manque
de continuum entre ce que l'on peut appeler la nanoscience, qui
repousse les connaissances aux limites de la physique quantique, et le
pôle de compétitivité Minéalogic, Minatec, VIAMECA, LUTB ou d’autres
dans le domaine.
Ce que l'on veut nous faire croire comme un continuum entre la
recherche fondamentale, qui remplit les étagères de la connaissance, et
la recherche appliquée n'est pas si continu que cela.
M. ARNOULD.- Y a-t-il des réactions par rapport à cette remarque, ce constat ou cette invitation ?
Dans la salle.- J’aurais voulu savoir ce que, en Auvergne, donnaient
les recherches nanotechnologies dans le textile, la plasturgie, la
médecine et les deux autres domaines que vous avez cités, les cinq
matinées ?
M. DUBOIS.- Vous voulez évoquer un certain nombre de domaines beaucoup trop large pour tout évoquer en trois minutes.
Sur les réalisations, nous avons pas mal parlé d'automobile. Nous
pouvons choisir cet angle d'attaque pour présenter ce qui se fait dans
le laboratoire clermontois sur les nanomatériaux. Sur les nanomatériaux
à Clermont, ce sera principalement le laboratoire des matériaux
inorganiques mais également le LASMEA. Mes collègues du LASMEA en
parleront tout à l'heure.
Concernant l'automobile...
Dans la salle.- Quoi ?
M. DUBOIS.- Vous voulez précisément notre méthode ?
Dans la salle.- Ce que vous réalisez.
M. DUBOIS.- En tant que chimistes du solide, nous travaillons sous deux
angles d'attaque. Soit par la synthèse des nanomatériaux, soit par la
modification de matériaux déjà existants. C'est ce qui me concerne. Je
travaille sur les nanocarbones, les nanotubes, les nanofibres et
d’autres nanocarbones et je réalise une fonctionnalisation par une
fluoration. D'autres membres du laboratoire travaillent sur la synthèse
et optimisent les matériaux.
Vous voulez avoir des notions concrètes, un exemple de ce que nous faisons ?
Nous travaillons par exemple sur des nanolubrifiants dans le cadre du
pôle de compétitivité VIAMECA, mais également avec deux autres pôles
pour une utilisation de ces nanolubrifiants à haute température.
Cette utilisation concrète se fera dans l'aéronautique pour limiter les
frottements. Ces nanolubrifiants, qui sont des nanofibres fluorées,
seront utilisés comme technologie de réduction des frottements.
Un autre exemple est celui d’une utilisation de nanocomposites. Nous
utiliserons soit des nanotubes de carbone, soit des charges
nanostructurées dans des polymères pour réduire l'impact de choc
mécanique sur la carrosserie d'une voiture par exemple. Ce sont deux
exemples de ce que nous pouvons faire.
Nous travaillons aussi dans le domaine du stockage de l'énergie. La
personne du CEA a parlé des batteries. Nous travaillons plutôt sur des
piles au lithium non rechargeables avec une forte valorisation vers
l'extérieur, puisque les nanomatériaux que nous synthétisons, que nous
modifions, sont utilisés industriellement par une entreprise,
malheureusement pas en France mais aux Etats-Unis, qui les utilise dans
le domaine du stockage de l'énergie. C'est un autre exemple concret des
matériaux que nous traitons.
Nous utilisons également les nanomatériaux dans le cadre de la
détection de la pollution atmosphérique et pour fournir des
microcapteurs sélectifs de la détection de l'ozone ou du NO2 par
exemple.
Voilà quelques exemples concrets. Je pourrais les multiplier à l'infini, mais je me limite à ceux-là pour des raisons de temps.
M. MAHIOU.- Pour compléter ce que M. Dubois a dit par rapport à votre
question, au niveau des entreprises par l'intermédiaire de CASIMIR, on
peut faire des choses relativement exotiques comme des lacets ou des
tissus fluorescents qui émettent de la lumière sur des rayons ultra
violet.
Réaction de la salle.
M. MAHIOU.- Vous savez, comme disait Coluche, on a trouvé des lessives
qui lavaient plus blanc que blanc ; il n'empêche qu'il vous a aidés à
manger quand il a créé les restaurants du cœur.
Il y a les lacets, les tissus et on peut imaginer les traceurs fluorescents pour tout ce qui est du domaine de la biologie.
M. ARNOULD.- Nous avons parlé des capteurs atmosphériques. M. Pauly, pouvez-vous nous en dire plus ?
M. PAULY.- On peut passer les deux ou trois transparents qui accompagnent le texte.
Je veux être concret, c'est pourquoi je m'attacherai à un projet
précis. Il s'agit d'un projet de détection de polluant. M. DUBOIS l’a
précédemment mentionné, c'est un projet commun avec le LMI. Je suis
physicien, mais M. DUBOIS est chimiste. C'est un projet
interdisciplinaire. Il n’y a pas vraiment de frontière. Les
nanotechnologies n'appartiennent pas à une discipline plutôt qu'à une
autre. Nous ne sommes ni chimistes, ni physiciens, mais plutôt à la
frontière.
Le projet vise à détecter sélectivement les polluants de l'atmosphère.
Il a été mentionné l'ozone et le dioxyde d’azote. Les capteurs que nous
produisons sont les seuls au monde permettant d'obtenir ces paramètres.
Ils empruntent beaucoup aux nanotechnologies. J'ai essayé de me faire
accompagner d’un visuel. Vous voyez que les capteurs sont une
succession de couches minces empilées les unes sur les autres.
Nous empruntons beaucoup aux nanotechnologies, puisque la couche
filtrante est faite de nanocarbones. C'est sur ce thème que nous
travaillons en particulier avec M. Dubois. Ce sont des nanocarbones
éventuellement fonctionnalisés. Vous avez des images de nanocarbone.
C'est assez joli. En plus, ces nanotechnologies sont très belles à
montrer. Je souhaitais m'accompagner d'images.
Vous voyez des nanofibres. Ces dernières permettront d'être sélectives
sur la détection. Cela a fait l'objet d'un brevet récemment déposé.
Nous sommes à la recherche de partenaires industriels. Nous sommes
actuellement dans cette phase du projet.
Sur cette couche filtrante, vous avez un semi-conducteur qui est la
couche sensible. Tout le monde connaît le silicium qui est le
semi-conducteur minéral par excellence. Nous travaillons avec d’autres
matériaux semi-conducteurs qui se prêtent mieux aux échanges avec les
gaz. Ce sont des semi-conducteurs organiques un peu exotiques,
puisqu'ils sont faits de molécules que vous avez sur la gauche, ce sont
des phtalocyanines. C'est peut-être un peu hébreu, mais c'est assez
commun en chimie. C'est de la famille des porfirines. Et cela se trouve
avoir des propriétés de semi-conduction.
C'est un semi-conducteur pour chimiste mais que les physiciens
utilisent. Vous voyez des images de microscopie AFM où il y a de très
belles choses.
Voilà pour le projet que nous développons entre le LMI et LASMEA. Je disais que ces capteurs avaient des performances uniques.
J'aurais souhaité passer au deuxième transparent pour visualiser les
résultats. Vous voyez la réponse du capteur sur l'échelle en volt en
fonction de la concentration en gaz. C'est une échelle un peu spéciale.
Ce sont des PPB. Il y a une concentration qui va de zéro jusqu'à une
certaine quantité largement au-delà de ce que l'on trouve dans la
pollution urbaine. Nous voyons que les deux molécules NO2 et ozone qui
sont cousines, très nocives pour les poumons, là les nanotechnologies
vont participer à améliorer la santé.
Nous avons précédemment dit que c'était très nocif, mais nous allons
pouvoir démontrer des choses un peu contraires. Nous essayons de
participer à l'amélioration de la santé publique au moyen de
nanotechnologies.
Vous avez une détection parfaite du dioxyde d’azote. C'est une gageure.
Aucun capteur ne le fait et nous espérons bien arriver à traduire cela
dans l'industrie et à pouvoir produire ce style de capteur. Les
performances nous donnent de bons espoirs.
Dans la salle.- Vous parlez de capteurs. Que changent-ils au fait qu'il
y ait plus ou moins de pollution ? Cela ne réduit en rien la pollution.
C'est bien. Il y a de plus en plus d'informations, on peut affiner, on
peut savoir si c'est de l'ozone ou autre, mais c'est toujours la course
en avant, la fuite. Toujours plus. J'imagine qu’ils servent à évaluer
les pollutions des véhicules dans les villes. Je ne vois pas tellement
à quoi cela sert personnellement.
M. PAULY.- Vous avez raison de poser cette question. Elle est logique.
Dans un premier temps du moins, nous allons mesurer la pollution. Il
serait très utile que cela puisse servir d'alerte. Des gens sont des
déficients pulmonaires et subissent tous les pics de pollution. On peut
le voir dans les résultats d’Atmo Auvergne ou en voyant les déficients
pulmonaires arriver aux urgences.
C'est bien si nous arrivons à faire en sorte que les déficients
puissent être prévenus par avance qu'il y a un danger à sortir en ville
en particulier. Je suis d'accord avec vous. Nous ne devons pas nous
contenter de cela, mais j'apporte ma petite pierre très modeste à cet
édifice que nous bâtirons tous ensemble pour améliorer les choses. Je
ne peux pas faire mieux. Je suis désolé. Je suis assez content de ce
que j'ai fait.
Applaudissements.
Dans la salle.- J'ai rencontré des étudiants, il y a peu de temps, car
nous avons fait une espèce de contre débat il y a quelques jours pour
parler des nanotechnologies. Plusieurs étudiants ont dit qu'ils
travaillaient sur des segments très précis. Cela me fait penser à ce
que vous présentez. Tout le monde travaille sur des segments assez
fins, que ce soit en mathématique sur des algorithmes, en chimie ou en
physique.
Avez-vous une perception de ce que donnent tous ces travaux que vous
faites les uns, les autres ? Les étudiants ont dit qu’ils ne savaient
pas ce que faisaient leurs collègues, car c'est très segmenté.
Que deviennent toutes ces technologies une fois que cela s’accumule ?
Qu’est-ce que cela peut produire pour ceux qui les maîtrisent ou qui
les font converger ?
M. PAULY.- Je partage votre point de vue. Nous sommes un peu dans une
société de spécialistes. C'est vrai, c'est probablement dangereux. Les
spécialistes font ce qu'ils peuvent pour diffuser. Nous sommes un peu
là pour cela aussi. Bien sûr, essayer de prendre toutes les
connaissances pour converger vers quelque chose, je pense que c'est le
philosophe qui va d’abord le faire. J'aurais souhaité qu'un philosophe
des sciences s’exprime.
M. ARNOULD.- Il y en a un parmi nous. Il s'exprimera s'il le désire.
M. PAULY.- Nous sommes spécialistes dans notre spécialité, mais on ne
peut pas être spécialiste en tout. Cela se saurait. Peut-être
faudrait-il à l'avenir songer à casser les murs des spécialités.
Vous avez raison, mais je n'ai pas la réponse. Je suis comme vous. Nous
sommes très modestes contrairement à ce que j'ai précédemment entendu.
Si les scientifiques sont critiques, et ils doivent l’être, ils doivent
être modestes. Sinon, c'est délicat. On a du mal à percevoir quelque
recul que ce soit sur les choses.
Dans la salle.- Je n’ai pas une question, mais un témoignage.
Je voudrais réagir à la remarque faite concernant le fait que les
ingénieurs ne sont pas formés pour la recherche car venant de grandes
écoles. On imagine plutôt un centralien dans la partie management, mais
quand on fait une école plus spécialisée comme je l’ai fait, ce n'est
pas le cas.
Dans le domaine des nanotechnologies dont nous parlons aujourd'hui, je
suis un jeune ingénieur dans ce domaine. J’ai étudié à MINATEC, qui a
été évoqué plusieurs fois.
Il faut savoir que les deux tiers de la promotion partiront en
doctorat. Ils ont dans l'idée de faire directement de la recherche.
Cela sera exactement mon cas aussi. Je commencerai ma thèse d’ici
quelques semaines et je voudrais souligner que je ne me destine pas à
devenir physicien ou chimiste, mais que mon doctorat sera dans les
sciences et techniques de l’ingénieur. Je reste dans le domaine
appliqué. Je viens pourtant d'une grande école française. D'autre part,
je travaille dans une entreprise qui fait également de la recherche et
du développement.
Pour répondre au dernier point évoqué, la sectarisation qui se trouve
dans les nanotechnologies est normale vu qu’extrêmement vaste et
compliquée. Mais des applications peuvent naître par le fait de
partenariats entre entreprises ou même entre différentes branches dans
une même entreprise.
Je suis dans l'électronique organique. Nous avons une autre antenne qui
fait des diodes, donc des composés électroniques qui s'allument, si un
autre fait des transistors à côté, nous pouvons faire des écrans et
moins polluants que les LCD par exemple. C'est par le biais de
partenariats que cela peut répondre à votre question.
D'un point de vue européen, c'est très bien fait entre les universités
et le grand consortium comme le CEA qui collabore avec mon entreprise
par exemple.
M. ARNOULD.- Merci de votre témoignage. Nous sommes dans le timing long
pour l’instant, pour commenter ce qui se fait en Auvergne. Monsieur
DISSEIX, que faites-vous de votre côté dans les nano ?
M DISSEIX.- Je travaille au LASMEA dans le domaine de la
nanophotonique. C'est l'étude des propriétés optiques de matériaux
nanostructurés de taille nanométrique intéressants pour leur potentiel
par rapport aux applications optiques dans le domaine de
l'optoélectronique ou dans celui des composants optiques, comme des
émetteurs de lumière, des lasers à faible consommation ou des
composants nouveaux basés sur de nouveaux concepts physiques.
Mes activités de recherche sont très en amont des applications
industrielles. Elles portent sur des nanomatériaux semi-conducteurs tel
que l'oxyde de zinc.
En tant que chercheur, la recherche est là pour produire de la
connaissance. Je pense que nous ne pouvons pas tirer un trait sur les
nanotechnologies car ce serait se fermer la porte à de multiples
applications dans des domaines aussi variés que ceux de la médecine, de
l'environnement ou de l'énergie.
Nous avons parlé des financements. Les financements de mes activités de
recherche sont soit des projets nationaux financés par l’ANR (Agence
Nationale pour la Recherche), soit des contrats européens. Il est vrai
que c'est une recherche très en amont des applications industrielles.
Nous en sommes pour le moment à l'étude des propriétés physiques du
comportement des nanomatériaux. Lorsque les matériaux sont
nanostructurés, cela change la physique ; ils ne se comportent plus du
tout de la même façon. Je n'ai pas de collaboration directe avec le
milieu industriel.
M. ARNOULD.- Y a-t-il des questions sur ce qui se fait et comment cela se fait en Auvergne ?
Dans la salle.- Pour la dernière intervention qui a eu lieu, je
m'interroge. J’étais à l'école il y a 40 ans et, pour moi, la physique
des solides, physique des liquides, physique des gaz était un certain
nombre d'éléments très précis.
J'ai entendu qu'il était très facile de définir ce qu’était un solide.
C'était un corps qui avait une température de fusion bien précise.
C'était un critère très précis.
Que signifie cela quand on parle à l'échelle de quelques atomes ? Car
c'est malgré tout un nombre limité d'atomes. Est-ce vraiment une
physique des solides ? Les propriétés chimiques, c'est-à-dire
l'aptitude qu'ont les autres composés à se combiner sur une chaîne
quand on a par exemple des nanotubes, disons que l'on peut en quelque
sorte greffer la même chose qu'en chimie organique, on peut greffer des
fonctions avec une réactivité et des sensibilités à la réaction très
importantes en biologie. En biologie, cela se dose à des dizaines de
degré de température près.
Il y a là un immense champ à explorer.
Vous parlez d'un financement national ou européen. Sont-ils vraiment à
la hauteur des besoins ? Pour la recherche que vous effectuez dans les
universités, car les besoins que nous avons sont pour dans les cinq,
les deux ou trois ans, les financements seront-ils suffisants pour en
quelque sorte explorer tous ce que nous avons envie de faire, tout ce
que nous n'avons pas envie de faire et qui se fera tout de même, comme
des propriétés qui ne seraient pas très catholiques ?
Dans la salle.- Le prix Nobel 2007 est un premier papier qui a les
premières idées un peu plus nano. C'était au début de l’année 1990 et
même avant, en 1987. Cela faisait longtemps que les chercheurs
travaillaient sur la propriété de s’associer au spin de l'électron,
c'est-à-dire la toupie autour de l'électron. Cela a débouché, car il y
a des moyens technologiques. Mais il a fallu 20 ans pour faire des
produits sur le marché. Et ce sont des produits à cinq milliards de
tête, qui font de l'économie d'énergie sur les disques durs ; et
personne n'avait envisagé cela.
Je répète toujours que personne ne l'avait prédit dans les rapports de
prospective d'Internet. Des idées émergent, elles ont beaucoup plus de
force que celles que nos pauvres petits cerveaux peuvent faire émerger.
C'est vrai pour beaucoup de choses. Il faut être modeste.
Bill Gates, c'est Dieu. En 1981 il disait : « Il n’y a pas de place
pour avoir une utilisation de plus de 640 K de mémoire. » Dans la clé
USB de votre poche, vous avez 80 gigas. C'est énorme.
Tous les gens qui ont essayé d'être prédictifs... Il faut être modeste
pour ne pas trop brider. Le nombre d’idées et de choses que nous
n'avons pas faites est largement supérieur au nombre de choses que nous
avons faites.
Si nous parlons de segmentation de recherche, il est vrai que nous
sommes un peu segmentés, mais nous sommes un peu curieux. Si des
produits sortent, c'est parce que des curiosités se sont rencontrées, y
compris dans le domaine des nano.
Un intervenant.- Le financement pour la recherche est une chose, mais
le plus important sont avant tout les hommes et les femmes. C'est
vraiment la matière principale pour faire avancer les connaissances. Le
problème, s'il y en a un, est davantage lié au fait qu'il y a une
certaine désaffection des sciences dans beaucoup de pays développés et
que nous avons un peu de mal à attirer des jeunes vers ce type de
carrière. Pour moi, c'est plus ce problème qu'un problème d'âge.
Un intervenant.- Nous parlons de segmentation mais nous n’avons pas
parlé de la convergence NBIC. J'aimerais savoir ce que les chercheurs
qui sont dans cette salle en pensent. C'est tout de même assez
impressionnant, nano, bio...
M. ARNOULD.- Jean-Michel BESNIER, notre philosophe des sciences.
M .BESNIER.- Il se trouve que je suis professeur de philosophie et
directeur scientifique au ministère de la recherche. M. BERGOUGNOUX a
évoqué le comité d’éthique du CNRS. J'en suis également membre.
La balle m’a été lancée parce qu'on s'est dit que, devant l'extrême
parcellisation du savoir que semblent véhiculer les nanotechnologies,
la vision un peu systémique d'un philosophe ne serait pas inutile.
On a fait appel à la modestie, je crois que le philosophe a tout lieu
d'être modeste aussi par rapport à cela. Ce par quoi il se sent un peu
fondé à affronter la question des nanotechnologies, c'est le fait que
les nano posent au plus haut point aujourd'hui la question de la
maîtrise que nous nous sommes assurés sur notre environnement. Ou
plutôt les nanotechnologies révèlent que nous sommes peut-être à la
veille de devoir considérer que nous sommes décidément livrés à une
forme d’immaîtrise par rapport à ce que nous sommes capables de
produire.
Cela a été dit à plusieurs reprises au cours de la soirée,
l'incertitude liée aux nanotechnologies est structurelle. Elle tient au
fait qu'aborder la matière à l'échelle du nanomètre, c'est s'exposer à
des phénomènes d'émergence, c'est s'exposer à des effets quantiques et
c'est s'exposer à une manière d'indétermination.
La question qui se pose à nous concernant les nanotechnologies, c'est
de savoir quelle part de risques sommes-nous prêts à consentir par
rapport à ces technologies ? Quelle part d'indétermination sommes-nous
capables d'affronter ?
Monsieur a précédemment évoqué la modestie qui est celle du chercheur,
et il a en même temps dit, ou c'est ce que j'ai cru comprendre, que le
chercheur était contraint d'affronter, et même de manière un peu
exaltée, des phénomènes d'émergence.
Nous sommes à la fois modestes et en même temps prêts à susciter des
phénomènes "émergentiels", qui produiront ce qu'ils produiront, et nous
nous demandons aujourd'hui comment faire en sorte non pas d'anticiper,
puisque par définition on n’anticipe pas les phénomènes d'émergence,
mais en tout cas de réguler notre maîtrise concernant ces problèmes.
Les nanotechnologies posent un problème de nature éthique et je trouve
que le débat de ce soir l’a révélé de façon assez flagrante. La
question de l'éthique, c'est essentiellement la question du bien vivre.
Comment pouvons-nous mettre ensemble les éléments qui nous permettront
de bien vivre ?
J'ai entendu s'affronter deux points de vue au cours de la soirée. Ce
n’était pas de l’ordre de l’affrontement, mais nous avons entendu deux
sons de cloche concernant les nanotechnologies.
Nous avons entendu des gens qui s'inquiètent très légitimement des
risques et des avantages à retirer des nanotechnologies. Là, la
question est presque d'ordre technique. Comment pouvez-vous mesurer
comparativement les risques et les avantages pour répondre à notre
question ? Oui, nous avons intérêt à pousser la recherche sur les
nanotechnologies car nous en tirerons des avantages qui dépasseront les
risques. C'est une question technique.
L'autre position était : pourquoi est-il si intéressant de vouloir agir
sur la matière à l'échelle du nanomètre ? Pourquoi est-il si
intéressant de vouloir faire des textiles ou des lacets qui intégreront
des nanofibres ? Pourquoi est-il si intéressant de consacrer des sommes
d'argent faramineuses pour des projets qui nous conduiront toujours
plus vers la fuite en avant ?
C'est une vraie question. C'est la question éthique. Et lorsque le
comité d’éthique du CNRS a produit une réponse à la saisine que lui
avait fait la présidence du CNRS sur les nanotechnologies, c'est par là
qu'il a conclu en disant : « Sommes-nous prêts à substituer à ce qui
était un principe de maîtrise depuis le dix-septième siècle,
c'est-à-dire à l'idée que la science et la technique doivent d’abord et
avant tout servir à nous rendre comme maîtres et possesseurs de la
nature ? Sommes-nous prêts à substituer à ce principe de maîtrise un
principe d’immaîtrise qui reviendrait à dire qu'au fond, on peut
consentir que les scientifiques soient d’une certaine manière des
apprentis sorciers, non par accident mais par vocation, et à accepter
qu'ils veuillent finalement nous ménager ce que quelqu'un a appelé un
nanomonde. »
Je crois que les questions tournent toutes autour de cela. Je ne veux
pas monopoliser la parole trop longtemps. Je dirai que la vertu de ce
débat qui se tient là et dont certains participants s'inquiètent de
savoir s'il ne vient pas trop tard, est d'étayer la société civile
autour de questions qui sont des questions éthiques et philosophiques.
Oui, je ne pense pas que nous, participants de ces débats, influerons
vraiment sur les décisions à proprement parler, mais nous aurons, je
crois, en quelque sorte, solidarisé nos points de vue. Nous
représenterons une surface sinon de résistance ou en tout cas de
délibération qui permettra d'infléchir un certain nombre de décisions.
Je crois que le débat vient à son heure et depuis cinq semaines qu'il
est engagé, on parle des nanotechnologies. Beaucoup plus de gens
mettent vraisemblablement quelque chose devant le mot nanotechnologie
aujourd'hui alors qu'il y a un mois, les micros trottoirs que nous
avions faits révélaient le vide abyssal de connaissances du public sur
ces questions.
Applaudissements.
M. ARNOULD.- Nous n'avons pas répondu à la question des NBIC. Vue
l'heure, je vous demanderai peut-être d'accepter que la réponse arrive
dans la suite du débat de Clermont-Ferrand car il ne s'achève pas ce
soir. Il se poursuit par bien d'autres moyens. J'espère, madame, que
vous ne serez pas trop déçue. Nous prendrons plus le temps que
maintenant car il ne faut pas abuser de notre patience. Nous avons
parlé de modestie, mais il y a la patience dont il ne faut pas abuser.
J'ai dépassé le temps imparti de cinq bonnes minutes. Je remercie les
participants à cette séquence.
M. BERGOUGNOUX.- Mes premiers mots seront pour vous remercier, pour
remercier les panelistes des deux séquences et ceux qui ont accepté de
réfléchir ensemble, de façon sereine sur les problèmes tout à fait
essentiels pour notre avenir.
La seule chose que je voudrais dire, c'est que le débat continue.
J'aurais pu expliquer, mais je n'ai pas pu le faire, que nous pensons
qu'il faut examiner les différentes facettes de cette problématique si
nous ne voulons pas toujours refaire un débat sur des généralités qui
conduirait à accepter ou à rejeter en bloc, ce qui n'est pas du tout
l'objet de ce débat.
La prochaine réunion se tiendra à Lille. Vous pourrez continuer à
travailler sur ce qui a été dit à Clermont et suivre le débat. Je vous
signale que notre site Internet a déjà eu plus de 30 000 visites depuis
sa création, ce qui est pas mal, et cela en fait un outil
complémentaire intéressant aux réunions publiques que nous menons et
qui sont irremplaçables.
Merci à tous et je vous en prie, cela ne s'arrête pas là. Continuez,
posez des questions, apportez des contributions, suivez tout ce qui va
se passer pour avoir une vision d'ensemble.
La séance est levée à 23 heure 24.