Déroulement des réunions

Comptes-rendus et synthèses des réunions publiques

Les comptes-rendus des réunions publiques font état de l’intégralité des propos échangés par l’ensemble des acteurs du débat. Un compte-rendu synthétique des réunions publiques sera, lui aussi, accessible au fur et à mesure du débat.

Note de synthèse de la réunion publique de Marseille

Note de synthèse du débat public Nanotechnologies de Marseille

mardi 19 janvier 2010

 

 

Applications des nanotechnologies en optique et photonique et autres développements en PACA


Applications des nanotechnologies pour la sécurité intérieure et la défense nationale

 

 

Panélistes :
 
Marc Sentis, laboratoire LP3 (lasers, plasmas et procédés photoniques), Hugues Giovannini, Institut Fresnel (photonique et métamatériaux), Laurent Roux, entreprises IBS et SILOS (Pôle OPTITEC), André Soulage, Pôle PEGASE (aéronautique et spatial), Jean-Yves Bottero, laboratoire Cerege du CNRS (toxicologie)
 
Robert Ranquet (défense), Pascal Maigné (délégation générale à l’armement) et Philippe Dieudonné (Ligue des droits de l’homme), Jacques Dallest, procureur de la République à Marseille.
 
Animateurs : Jean-Pierre Chaussade et Galiène Cohu, membres de la CPDP

 

Introduction

Jean-Pierre Chaussade resitue le débat dans son contexte général. La ville de Marseille accueille aujourd'hui la 13ème des 17 réunions prévues par la Commission particulière du débat public sur les nouvelles technologies. Ce débat, voulu par le Grenelle de l’environnement et le gouvernement, a pour mission de donner un maximum d’informations à un public le plus large possible sur toute la France, d'écouter et de relayer tous les points de vue. À l’issue des débats, le gouvernement aura trois mois pour rendre un avis.

Jean-Pierre Chaussade rappelle le rôle joué par le site internet dans le débat public (100 000 visites, 500 000 pages consultées, 225 contributions et avis) et la richesse des 46 cahiers d’acteurs réalisés par une très grande diversité de contributeurs (associations, syndicats, agences sanitaires, groupes d’entreprises, etc.)

Il donne la parole à la salle. Malheureusement, comme cela s’est déjà produit dans d’autres séances, le débat est très vite empêché par une cinquantaine de contestataires qui l'interrompent par des sifflets et des slogans hostiles aux nanotechnologies. Jean-Pierre Chaussade interroge la salle pour comprendre les raisons qui font que le public, ici 220 personnes, n’a pas la liberté de s’exprimer, de s’informer, de poser des questions, de donner des avis. La réponse d’un manifestant est que les décisions sont déjà prises et que le débat est là pour les avaliser. Michèle Rousseau, du commissariat général du développement durable, conteste cette vision : plusieurs types de décisions pourraient être induites par ce débat comme le fait d’imposer un certain pourcentage de recherche sur les risques sur la santé et l’environnement, de demander plus ou moins de contrôleurs ou d’agir sur les institutions européennes, et d’autres avis donnés dans le débat.

Devant l’impossibilité de débattre dans les sifflets et les cris des manifestants, Jean-Pierre Chaussade passe le micro à Galiène Cohu pour répondre aux interrogations du public sur le débat, et il donne rendez-vous sur Internet 20 mn plus tard, afin de permettre aux intervenants de présenter leur sujet et de répondre aux questions du public, à la fois le public de la salle qui a eu le courage de rester (liaison par vidéotransmission) et les internautes qui suivent en direct le débat.

Depuis la salle sécurisée, Jean-Pierre Chaussade lance le sujet de la défense nationale. La recherche réalisée par le ministère de la Défense sur les nanotechnologies représente autour de 7 % du montant de la recherche publique dans cette technologie.

Invité par une question de la salle à s'exprimer sur les diverses applications dans le domaine de la défense, Robert Ranquet évoque les applications potentielles qui permettent d’améliorer les performances des matériaux pour les rendre plus légers, plus résistants à la corrosion, résistants à certaines substances chimiques ou biologiques, sur des aéronefs et des véhicules terrestres blindés, les dispositifs donnant des fonctions nouvelles comme la possibilité de faire des diagnostics ou des débuts de traitement en cas de blessure des combattants, ou de nouvelles fonctionnalités en matière de communication incorporée, ou encore la capacité d’emporter de l’énergie ou d’en générer.

Robert Ranquet assure qu’il n’y a pas de distinction fondamentale entre les applications des nanotechnologies dans la défense et celles du domaine civil. L’intérêt de l’armée pour les nanotechnologies ne signifie pas qu’il y aura un jour des nanoarmements. Questionné sur les drones, il explique que les drones tactiques américains sont de véritables avions, plus ou moins grands, mais qui n’ont rien à voir avec les nanotechnologies. La réalisation de drones de quelques centimètres permettrait tout au plus d’embarquer une caméra miniature et ne pourrait guère servir à autre chose qu’à la surveillance.

Interrogé sur l’existence d’applications nano, par exemple l’utilisation de nanoparticules comme vecteurs de propagation d’agents chimiques ou bactériologiques et la difficulté de s’en protéger, Robert Ranquet rappelle que les armes biologiques et chimiques sont interdites par les conventions internationales dont la France est signataire. Elle n’applique donc pas les nanotechnologies dans ce domaine. En revanche, cela serait possible un jour par d’autres pays, il convient donc de s’en préoccuper et de réfléchir à l’avance aux parades.

Un autre internaute évoque la possibilité de fabriquer des virus pour tuer les populations de façon sélective. Robert Ranquet réaffirme l'interdiction d'utiliser des armes biologiques. L'Afrique du Sud, qui avait commencé des recherches en ce sens, les a stoppées sous la forte pression de la Communauté internationale. En outre, ces recherches, qui avaient débuté à partir de vrais virus, comme celui de la peste ou de la variole, sont bien moins complexes à mettre en œuvre que le recours aux nanotechnologies.

Une question porte sur le contrôle des laboratoires qui seraient susceptibles de travailler sur les armes biologiques, Robert Ranquet apporte une double réponse : pour les armes chimiques, la convention internationale a prévu un corps d’inspecteurs internationaux indépendants rattachés à l’OIAC (Organisation pour l’interdiction des armes chimiques) pour surveiller les activités des entreprises susceptibles d’en fabriquer, pour les armes biologiques en revanche il n’existe pas de régime d’inspection au sein de cette convention, cela repose sur les autorités nationales. En France, cela est du ressort du gouvernement et du ministère de la Défense qui dispose d’un corps d’inspecteurs et de contrôleurs indépendants des laboratoires. Au-delà, le Parlement peut exercer son contrôle sur le gouvernement.

Un internaute s’enquiert d'éventuelles applications de travaux dirigés par le CEA de Grenoble sur l’interface cerveau/informatique pour les soldats et des contrôles existants. Selon Robert Ranquet, de telles applications n'existent pas. Quant au contrôle sur les programmes militaires, cela fait partie de la politique de la défense qui fait l’objet d’une définition par le gouvernement, votée et débattue par le Parlement. Le contrôle peut se faire par la représentation nationale qui peut demander des comptes ou par des corps de contrôle particuliers comme le contrôle général des armées.

Sur l’invitation de Jean-Pierre Chaussade, pour illustrer les applications « duale » civiles et militaires, André Soulage décrit les applications développées par le pôle de compétitivité aéronautique et spatial Pégase : des matériaux plus résistants et plus légers, mais aussi l’optimisation du stockage de piles à combustible qui, sans permettre d’envisager à un horizon proche des Airbus électriques, autorise un recours plus important à des composants électriques dans les avions.

Marc Sentis, chercheur du CNRS au laboratoire LP3, donne ensuite un aperçu des applications nanotechnologiques dans le domaine des lasers qui touchent des domaines très différents comme le photovoltaïque (pour la structuration de la surface du silicium afin de la rendre plus absorbante), la santé (pour la fabrication de nanoagrégats servant de vecteurs de produits vers une tumeur cancéreuse ou pour la tuer), ou des secteurs connexes comme l’ultra propreté, pour chasser les poussières à l’échelle nano dans la micro ou nano électronique.

Hugues Giovannini, de l’institut Fresnel, est appelé à évoquer les travaux en cours dans le domaine de la photonique, terme moderne de l’optique. Le fait d’utiliser la lumière   dont la longueur d’onde est de quelques centaines de nanomètres   a amené les chercheurs à s’interroger sur les interactions qui se produisent à l’échelle nanométrique entre une onde et la matière. Hugues Giovannini fait d’ailleurs valoir que c’est ainsi que les insectes se reconnaissent ou se cachent en développant, comme les mites, sur leurs ailes ou leurs yeux, des structures à l’échelle nanométrique qui ne renvoient pas la lumière de manière habituelle et leur permettent ainsi d’échapper à leurs prédateurs.

Il dévoile par exemple l’application de cette propriété pour fabriquer des lunettes antireflets, ou les métamatériaux consistant à essayer de maîtriser les interactions entre la lumière et les objets un peu complexes en ajoutant des inclusions périodiquement à intervalle de quelques centaines de nanomètres pour modifier fortement les propriétés optiques de certains matériaux transparents, ce qui permet d’augmenter les performances des microscopes et des télescopes ou de concevoir de nouvelles lentilles. On fait aussi appel aux opticiens pour améliorer les caméras ou les détecteurs de lumière qui se trouvent sur les portables.

Jean-Pierre Chaussade évoque la cape d'Harry Potter, le grand rêve de l'invisibilité. Hugues Giovannini explique que de manière théorique l'on peut envisager de travailler un morceau de verre transparent en y ajoutant des inclusions correctement réparties, de telle sorte que la lumière contourne ces matériaux et ne soit pas du tout réfléchie. L’onde se retrouve alors de l’autre côté de la source de la lumière, comme elle l’aurait été s’il n’y avait pas eu cet objet entre la source de lumière et l’observateur. La faisabilité a été prouvée avec la radiofréquence et dans les ondes de surface. Ainsi, il a été montré de manière expérimentale qu’il était possible de dévier des vagues à la surface de l’eau, ce qui pourrait être utilisé pour protéger les côtes de grosses vagues. Robert Ranquet signale que des applications de ce type sont utilisées pour rendre les avions moins visibles des radars.

Un internaute s'inquiète de dérives sécuritaires : est-on surveillé en permanence et fiché avec les puces RFID ? Pour Jacques Dallest, magistrat et procureur de la République, très attaché à la protection des libertés individuelles, c'est un grand thème de ce débat. Tout progrès technologique et toute science sont susceptibles de susciter leurs propres dérives. Internet par exemple est une technologie extraordinaire qui favorise la diffusion de l’information et de la culture, mais c'est aussi un vecteur de réseaux pédophiles ou extrémistes.