Déroulement des réunions

Comptes-rendus et synthèses des réunions publiques

Les comptes-rendus des réunions publiques font état de l’intégralité des propos échangés par l’ensemble des acteurs du débat. Un compte-rendu synthétique des réunions publiques sera, lui aussi, accessible au fur et à mesure du débat.

Note de synthèse de la réunion publique de Metz

Note de synthèse de la réunion publique de Metz

Note de synthèse
du débat public Nanotechnologies
de Metz le 15 décembre 2009
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Patrick Legrand introduit cette dixième réunion, qui s’inscrit dans une liste de dix-sept, en se présentant comme membre de la CPDP chargée d’animer le débat public sur les nanotechnologies et vice-président de la CNDP.

Il lance la réunion en rappelant que la pratique du débat public est née avec la loi du 2 février 1995, dite Loi Barnier, sur la protection de l’environnement. Les dispositions concernant le débat public ont été remplacées par celles de la loi de 2002, relative à la démocratie de proximité, à la suite du Grenelle de l’environnement.
    
Le débat public intervient en amont et touche pour l’essentiel les grands projets d’aménagement (TGV, autoroutes, terminaux méthaniers et autres). Le grand public est au centre du débat et participe à la construction de grands projets d’intérêt national, avec des conséquences majeures en matière environnementale, sociale et économique.

Patrick Legrand explique que le débat public est une procédure particulière où les représentants de la CPDP jouent un rôle d’intermédiaire entre les différents acteurs concernés, dans le but de rendre compte objectivement de l’ensemble des arguments et des prises de position échangés au cours des débats.

A l’issue des 17 réunions publiques, la Commission fera un compte-rendu du contenu exhaustif des débats. Il s’agira de rendre compte le plus honnêtement possible de tout ce qui aura été dit au cours des quatre mois de débat. À partir de là, le maître d’ouvrage aura trois mois pour décider de la suite à y donner.

Une nouveauté a été ajoutée et consiste à intégrer dans les réunions publiques un dispositif de retransmission par Internet. Patrick Legrand précise que la Commission essaie d’étendre les moyens mis à sa disposition. Elle expérimente notamment la formule d’un numéro vert de téléphone, de type « le téléphone sonne ».

Patrick Legrand invite le public à poser des questions, oralement ou par écrit. Il propose de développer certains points : l’opportunité du débat, ce qui se fait en Lorraine à partir d’interventions de spécialistes, l’enjeu du sujet (ce qui peut se faire et ce qui ne se fera pas), et les modalités de régulation. Il insiste sur l’enjeu important autour de l’articulation de l’intégration de la science et des technologies dans la société.

Joël Jacquet, responsable de la recherche et des relations industrielles à SUPELEC Metz, est invité par Patrick Legrand à donner le schéma de réflexion des analyses de ce soir. En tant de chercheur et scientifique, il travaille sur les nanotechnologies à la fois au niveau de la conception, de la réalisation et des mesures, en étroite collaboration avec les laboratoires de l’université de Metz.

Il rappelle que l’origine du mot nanotechnologies découle de l’invention du microscope à effet tunnel, dans les années 1980. Celle-ci a en effet permis de mesurer à l’échelle nanométrique. Des nano-objets ont pu être identifiés et manipulés, afin d’étudier leur comportement. Les nanoparticules générées par l’homme ou par la nature existaient déjà depuis longtemps, mais la possibilité de les mesurer est une chance.

Abdallah Ougazzaden, directeur du laboratoire micro et nano systèmes Georgia Tech Lorraine, professeur et chercheur, fait ensuite état de l’interaction de la lumière avec la matière à l’échelle nanométrique. Il se trouve que la matière à l’échelle nanométrique a des propriétés optiques électriques et mécaniques complètement différentes. La lumière peut être guidée, focalisée, concentrée et contrôlée. Ces propriétés sont utilisées pour développer de nouvelles fonctionnalités dans le domaine de l’énergie, de l’éclairage, de l’environnement (capteurs de pollution et de gaz), du biomédical, de la sécurité et de la transmission d’information. Cependant, leur utilisation nécessite des équipements et des outils spécifiques. Elle requiert également des équipes mixtes dans le domaine de la chimie, de la physique, de l’électronique, de l’optique, pouvant travailler ensemble, puisque les projets sont pluridisciplinaires.

Son laboratoire participe à des projets à l’échelle nationale, financés par l’ANR. Un projet avec la Région Lorraine, visant à transférer les nanotechnologies des laboratoires vers les industries, est en cours. Avec cinq régions européennes, sept centres technologiques européens, les projets se situent au niveau international.

Sophie Deleys, chef de projet au pôle de compétitivité MATERALIA, précise que le pôle de compétitivité a pour objectif de mettre en relation les laboratoires et les industriels, pour faire en sorte que les avancées technologiques trouvent leur place auprès des industries. Elle rappelle que la thématique de leur pôle porte sur les matériaux, puisque la Région est marquée par la métallurgie. Les nanotechnologies font partie intégrante des thèmes du pôle.

Néanmoins, elle souligne que différents états des nanotechnologies sont à relever : d’une part, la manipulation des poudres nanométriques permettant d’obtenir des revêtements de taille nanométrique, et d’autre part, les particules par voie liquide qui ne sont pas du tout sous forme volatile. On a donc différentes échelles de manipulation des nanotechnologies.

Philippe BURG, vice-président du conseil scientifique de l’université Paul Verlaine et professeur de chimie spécialisé dans les matériaux carbonés, présente l’enjeu scientifique en termes de recherche fondamentale et précise que les propriétés à ce niveau sont complètement différentes du niveau microscopique.

Il se félicite que les quatre universités du site tendent vers une seule et même université. Ce système pluridisciplinaire est une chance. Outre la chimie et la physique, l’université a un rôle à jouer sur l’impact environnemental des nanotechnologies. Tous les aspects qui rejaillissent sur la société doivent être envisagés (l’aspect recherche, l’aspect transfert de technologie).

Première séquence : habitat et énergie


Panélistes : Gilbert Krausener (vice-président du CES Lorraine, Philippe Burg (vice-président du conseil scientifique de l’université Paul Verlaine), Sophie Deleys (chef de projet au pôle de compétitivité MATERALIA), Joël Jacquet (responsable de la recherche et des relations industrielles à SUPELEC Metz), Abdallah Ougazzaden (directeur du laboratoire micro et nano systèmes Georgia Tech Lorraine), Lionel Germain (Amis de la Terre 57), un représentant de MIRABEL Lorraine nature Environnement, Philippe Muccielli (responsable du CNIDEP).

Animateur : Patrick Legrand, membre de la CPDP

Patrick Legrand introduit cette séquence dont le propos est de débattre autour des questions posées par le public.

Daniel Béguin, vice-président du Conseil régional Lorraine et adjoint au maire, déplore le peu d’élus dans la salle. Il estime que comme toute science ou technologie, les nanotechnologies sont ce que les hommes en font et comment ils l’utilisent. Lorsque l’on a réussi à introduire les nanotechnologies au bon endroit et au bon moment, il s’agit d’un progrès incontestable, mais nous sommes en droit de nous interroger lorsque les technologies d’information risquent de produire des intrus caractérisés dans la vie privée.

Il s’interroge sur l’opportunité de se doter d’un conseil éthique qui puisse formaliser son avis pour aider à la décision.

Philippe Burg remercie la Région de sa collaboration et suggère de nommer ce conseil « comité de réflexion », sur ce qu’il y a lieu de faire, de réguler, de financer, afin d’avoir une réflexion commune sur ces sujets.

En réponse à ces interrogations, Joël Jacquet répond que toutes les études menées dans les laboratoires sont très encadrées. Les différentes actions sont clairement évaluées dans le domaine scientifique.

Lionel Germain, des Amis de la Terre Moselle, déplore l’absence d’agence au niveau national apte à effectuer ce type de travaux.

Daniel Béguin rappelle qu’un comité consultatif citoyen a été mis en place par la Région, afin que des experts puissent présenter le contenu de leur expérience sur telle ou telle thématique.

Il estime fondamentale cette question d’éthique. L’utilisation des fonds publics doit faire l’objet d’une attention particulière. Il insiste donc sur l’importance de la participation citoyenne.

Il a été démontré que, lors de débats de niveau national, les citoyens formés étaient parfaitement en capacité d’appréhender les questions de fond et de donner un avis sur l’état d’avancement de tel ou tel projet.

En effet, l’expert est intéressant, parce qu’il permet d’éclairer le débat, mais il n’est pas le seul à nous permettre de nous forger une décision.

Une intervenante du mouvement démocrate se pose la question de l’utilité de la recherche. Elle souligne l’importance de ne pas effectuer des recherches similaires dans les mêmes régions ou les mêmes pays.

Abdallah Ougazzaden se déclare satisfait que l’utilisation de l’argent public soit contrôlée. En revanche, il n’est pas convaincu de l’utilité d’un comité d’éthique dans chaque région.

Michèle Rousseau du ministère de l’Ecologie, qui représente le maître d’ouvrage, rappelle les raisons qui ont poussé les sept ministères à mettre en place ce débat public. Premièrement, la participation du public était vivement souhaitée. Deuxièmement, le Grenelle de l’environnement a pris 268 engagements, dont celui d’organiser un débat public sur les nanotechnologies.

Frédéric Daubert, juriste auprès de la CLCV, association de consommateurs, se demande si tout ce qui est nanotechnologies se rapporte à la physique quantique. Il suggère également la mise en place de formations auprès du public permettant de dédramatiser les sciences.

Abdallah Ougazzaden précise que tout ce qui est nanotechnologie ne relève  pas forcément de la mécanique quantique. On utilise parfois des nanostructurations pour augmenter la surface, mais il n’y a pas d’effet quantique. Il s’agit simplement d’un effet de taille et d’arrangement de ces particules.

Suite à une question d’un participant, Philippe Burg répond que les activités de recherche sont le quotidien d’un chercheur. Des groupements de recherche internationaux vont associer des laboratoires à l’échelle mondiale sur une thématique donnée et avec une durée de vie de quatre ans.

On trouve de plus en plus de projets où les sciences dures et les sciences subtiles sont mélangées. Au niveau des gros projets des collectivités locales, ce sont toujours les mêmes questions : qu’est-ce qui est fait au niveau local, régional, national ou européen ? Est-ce complémentaire ? Il ne s’agit pas de créer la même chose à quelques kilomètres de distance ou plus loin.

Quant à la seconde question, Abdallah Ougazzaden précise que des actions sont mises en place dans les universités, telles que les cafés des sciences. Un intervenant expose sur un sujet très pointu dans un lieu public. Il existe également la Fête de la Science. Ces processus sont de plus en plus mis en avant.

Daniel Béguin s’interroge à nouveau, notamment sur les éventuelles collaborations industrielles, sur la création d’emploi. Les industriels sont-ils dans la même démarche ?

Abdallah Ougazzaden complète sa réponse sur la coordination de la recherche au niveau national. Il précise qu’un laboratoire est toujours labellisé dans un établissement public (CNRS, CEA, etc.). Suivant le domaine de recherche, il appartient à un organisme qui coordonne la recherche au niveau national. Il existe des pôles de compétitivité au niveau de la région, notamment les pôles matériaux, les pôles fibres, les pôles eau.

Frédéric Daubert fait remarquer que ces actions manquent sans doute de publicité et d’accès aux médias.

Un intervenant qui se définit comme un écologiste de base, s’interroge sur la nécessité d’un contrôle à l’entrée, alors qu’il s’agit d’un débat public.

Patrick Legrand rappelle que nous sommes dans un lieu public qui est soumis à un certain nombre de procédures diverses.

A la question « jusqu’où le principe de précaution entre-t-il dans la pratique des experts ? », Abdallah Ougazzaden répond que les chercheurs essaient toujours d’innover et d’aller le plus loin possible vers la recherche, mais s’il existe un danger, le périmètre de travail est limité.

Claude Parmentelat de la DGCCRF souligne qu’il est prématuré de parler de contrôle en matière de nanotechnologie. Un règlement communautaire commence à s’intéresser à ces problèmes. Une liste positive de produits va être mise en place pour reconnaître la possibilité d’utiliser ou non les nanoparticules.

Marie-Claude Malhomme se demande si des nanoparticules se trouvent déjà dans la nature sans contrôle.

Nathalie Quelquejeu de la DGCCRF explique que certains nanomatériaux n’ont pas été soumis à une autorisation préalable de mise sur le marché. Cependant des réglementations se mettent en place, en particulier pour les produits chimiques, notamment avec le règlement REACH, dont font partie les nanomatériaux, mais il n’y a pas de réglementation spécifique.

Daniel Béguin fait remarquer que notre société est capable de mettre un produit sur le marché sans évaluation préalable. Il soulève également le problème du décalage entre la rapidité de l’autorisation de mise sur le marché d’un produit par un industriel et les délais insuffisants pour prendre les précautions nécessaires.

Patricia Blanc précise que le règlement REACH permettra d’évaluer l’ensemble des substances mises sur le marché.

Un dialogue se noue entre les invités et la salle, qui reprend un certain nombre de thématiques récurrentes, mais fait également émerger des questions ou des constats nouveaux.

La question de la réglementation existante est donc à nouveau posée. Comme l’a rappelé Patricia Blanc, la réglementation REACH, qui impose la charge de la preuve de la non-toxicité au fabriquant de produit chimique s’applique aux nanomatériaux ou aux nanoparticules. Mais cela pose plusieurs questions. D’une part, les quantités produites doivent atteindre la tonne et les nanoparticules en sont, de fait, exclues. D’autre part, comme le fait remarquer un intervenant, comment faire confiance aux industriels, dont les intérêts sont en jeu, pour faire une analyse objective des risques ? À quoi le ministère du développement durable répond que c’est le principe du pollueur payeur, difficilement contestable.

À plusieurs remarques sur le fait qu’il ne faut pas évaluer seulement la toxicité pour l’homme, mais aussi pour l’environnement, elle précise que l’impact sur la faune, la flore et le milieu est également pris en compte.

Plusieurs interventions posent aussi la question d’une instance d’évaluation des risques indépendante, française ou européenne. Mme Blanc révèle l’existence à Helsinki d’une agence européenne des produits chimiques financée par les États et chargée d’évaluer la qualité des dossiers d’enregistrement et d’évaluation des dossiers montés par les industriels, tout en soulignant que seuls les dossiers les plus préoccupants seront évalués. Un intervenant ajoute que l’on peut imaginer des modes d’organisation du financement des industriels garantissant néanmoins l’indépendance des études où l’ensemble des opérateurs économiques d’un secteur participent à un fonds qui, lui, sera géré en toute transparence et dans la neutralité. C’est ainsi qu’en France les nanotechnologies sont suivies par le Haut conseil des biotechnologies.

La question sera posée à nouveau ultérieurement, y ajoutant le sujet des obligations en matière de recyclage. Mme Blanc précise alors l’existence, dans l’alimentaire, d’un système de liste positive énumérant les substances autorisées, renforcé en 2006 par le règlement « nouveaux ingrédients, nouveaux aliments » autorisant ou non leur utilisation dans un nouveau produit, dans laquelle on ne trouve pour l’instant aucun nanomatériau. En matière de cosmétiques, un règlement de 2009 impose la déclaration six mois avant la mise sur le marché d’un produit contenant un nanomatériau au niveau de la CE et son étiquetage en tant que tel. Il existe certains secteurs où, sur des utilisations anciennes qui se sont perfectionnées au fur et à mesure, notamment dans les nanomatériaux, où l’on n’a pas mis les garde-fous en place, mais où une obligation générale de sécurité datant de 1983 impose cependant aux professionnels de tester l’absence de sécurité des produits mis sur le marché en France.

Concernant le recyclage du photovoltaïque, une directive européenne sur le recyclage des déchets d’équipements électriques et électroniques est en cours de révision au sein du Conseil et du Parlement européens et la France milite pour y inclure les nanotechnologies, avec l’objectif de mettre en place une filière de recyclage comparable à celle de la collecte et du recyclage des emballages et des véhicules.

Une autre question récurrente est celle du déséquilibre entre les financements consacrés à la recherche en vue de découvrir de nouveaux produits et ceux affectés aux études de toxicité. 3 % seulement des publications concernent la toxicologie, selon le représentant des Amis de la terre, qui souligne qu’une telle tendance est renforcée ces dernières années par le changement radical du mode de financement de la recherche en France. M. Mortier fait une petite mise au point en informant que le CEA y consacre tout de même 26 %.

Un intervenant fait remarquer que si l’on ne va pas assez loin pour protéger le consommateur, il ne faut pas pour autant noircir le tableau. Les nanotechnologies offrent des solutions dans les domaines de l’énergie et du médical.

Patrick Legrand profite de cette intervention pour inviter les participants à dévoiler les aspects bénéfiques que peuvent offrir les nanotechnologies.

Sophie Deleys met en exergue le fait qu’elles permettent la conception de matériaux beaucoup plus légers, notamment dans l’aéronautique, diminuant ainsi la consommation de carburant. Elle évoque également les travaux extrêmement prometteurs en médecine sur des nanovecteurs permettant de soigner le cancer en ciblant les cellules malades, tout en soulignant que les chercheurs s’interrogent sur le devenir de ces cellules dans le corps. Elle souligne que, d’une manière générale, tous les corps de métier bénéficient des avantages des nanotechnologies.

Abdallah Ougazzaden évoque les applications photovoltaïques, en expliquant différents mécanismes permettant d’optimiser cette source d’énergie. Traditionnellement, l’absorption du rayonnement solaire se fait sur un spectre solaire très court en longueurs d’ondes, tout le reste étant transformé en chaleur. L’utilisation de nanostructures permet une conversion de longueurs d’onde mettant tout le spectre à une longueur efficace pour son absorption et agit comme un concentrateur de lumière. L’utilisation de nanomatériaux dans le revêtement de surface des capteurs pour éviter leur mouillage ou leur empoussiérage permet de garder leur efficacité constante. Il donne aussi l’exemple des connexions dans les portables où, si l’on fait des plots au lieu de fils métalliques, on peut guider la lumière à l’échelle nanométrique et la faire tourner à 90 degrés pour aller d’un composant à un autre, engendrant ainsi une plus grande densité et une plus grande rapidité de stockage.

Dans le domaine de l’habitat, Joël Jacquet entame, avec l’exemple du verre autonettoyant, confortable pour l’utilisateur et facteur d’économie dans l’usage de détergents, toute une série de questionnements.

Un intervenant se dit que s’il fait des trous avec la perceuse dans le mur de sa maison achetée il y a dix ans, il doit soulever un grand nombre de nanoparticules et se demande si l’on met les moyens nécessaires pour les découvrir avant d’en constater la nocivité. Mais c’est la question des coûts, soulevée par M. Béguin, qui provoque plus de discussions, car la nécessité d’engendrer d’importantes économies d’énergie dans l’habitat ou le recours à des énergies renouvelables sont un enjeu fort  et une contrainte lourde pour les collectivités locales. Or elles n’ont pourtant pas les moyens de les mettre en œuvre. Mme Rousseau observe qu’il y a un décalage dans le temps des effets bénéfiques en termes d’économies d’énergie, économies qui apparaîtront d’autant plus importantes que le coût de l’énergie va augmenter. Daniel Béguin, pour qui la question est d’autant plus brûlante que des engagements ont été pris lors du sommet de Rio et que d’autres sont à venir avec celui de Copenhague se préoccupe de la manière d’y arriver. Cela suppose des efforts jamais connus jusqu’à ce jour dans le domaine du logement : 80 000 logements à rénover par an en Lorraine, représentant une dépense de 1,4 MD€, qui requerra une intervention de la puissance publique : soit par des investissements publics, soit par une fiscalité adaptée. M. Germain renchérit en demandant que l’État débloque des fonds pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre dans l’habitat et les transports.

Abordant la problématique de l’habitat, Frédéric Daubert, de la CLCV, dévoile que, dans son travail de défense des consommateurs, il a eu affaire à de nombreuses sociétés spécialisées dans le diagnostic qui se sont évaporées dans la nature et s’inquiète de devoir attendre encore une réglementation dans les technologies de l’isolation, etc., pour éviter que des entreprises abusent de la crédulité de consommateurs persuadés de faire bien les choses en matière d’environnement.  M. Mucielli, responsable du CNIDEP, Pôle d’innovation national en matière d’artisanat et de développement durable, défend l’artisanat, qui représente 930 000 entreprises en France, oubliées dans les liens tissés entre les industriels et la recherche en matière de nanotechnologies. Que ce soient des entreprises de traitement de surface, des garages ou des imprimeurs, les artisans sont amenés à utiliser des produits de plus en plus performants en ignorant qu’ils utilisent des nanotechnologies et les risques potentiels associés, et peuvent être amenés à les mettre en œuvre, les transformer et les utiliser d’une manière différente sans le savoir. Ainsi, il cite un exemple qu’il a rencontré récemment d’une entreprise qui a donné à tester un système « miracle » destiné à casser des molécules par un système de tamis moléculaire à base de nouvelles technologies pour liquider les COV (composés organiques volatils) qui, au lieu de cela, a provoqué chez ses salariés des réactions allergiques cutanées.

La question de la formation est reprise par une intervenante, en particulier dans le bâtiment, qui se plaint d’une forte pénurie en la matière. Daniel Béguin reconnaît que la région n’a pas toujours la capacité de former à la fois dans les lycées professionnels, les Greta et l’AFPA et que l’on tend à travailler encore sur les métiers d’hier et pas assez sur les métiers de demain. De plus, le Grenelle a encore accru ce décalage.

Philippe Mucielli conforte un peu cette analyse pour souligner, à la décharge des artisans, l’enchaînement des causalités. Le professionnel qui va provoquer le changement ne dispose pas des bataillons pour répondre à la demande potentielle, tandis que le marché n’est pas encore mûr. Parallèlement, on exige des performances dans le bâtiment sans vérifier ladite performance produite, car il faut pouvoir la mesurer.

Quelques intervenants relèvent ce qu’ils perçoivent comme des paradoxes, voire des contradictions : par exemple, du point de vue des régions, le fait de demander de prendre davantage de précautions avant la mise sur le marché de nouveaux produits et de réclamer dans le même temps une accélération des applications dans le domaine de l’environnement ; le fait qu’il semble n’exister aucun fabricant de panneaux photovoltaïques en France ni aucun fabricant d’éoliennes, alors que, par ailleurs, le pays est à la pointe en matière de recherche, ce qui est traduit par un chaînon manquant (les choses évoluant toutefois beaucoup ces dernières années en matière de transfert et d’innovation, précise M. Burg) ; ou encore, selon Claude Parmentelat, de la DGCCRF, le fait de réclamer plus de contrôles, quand la tendance est à la réduction des fonctionnaires et, partant, de contrôleurs, soulignant que le sens de la politique actuelle est plutôt la responsabilisation des agents.

À une personne qui déplore qu’on ne sache toujours pas appliquer la maxime « Gouverner, c’est prévoir », une intervenante tient à souligner que les efforts faits en matière de recherche en nanotechnologies répondent aussi à des questions de science fondamentale auxquelles on ne pouvait pas rêver d’avoir accès il y a encore dix ans. Elle donne l’exemple de travaux dans son laboratoire où la recherche sur des capteurs très sensibles peut aboutir à diminuer considérablement le coût des scanners. Mme Deseys insiste aussi sur le fait que, dans le cas des capteurs, les nanotechnologies ne sont pas le plus grand danger pour l’humanité.

Quelques questions abordées au cours du débat sont néanmoins restées sans réponse ou des regrets sont exprimés. Une personne s’interroge sur le fait que l’on puisse, s’il s’avère que les nanomatériaux sont cancérigènes ou écotoxiques, les stopper et revenir en arrière. Frédéric Daubert aurait aimé que l’on traite des risques posés par la RFID pour les citoyens en matière de libertés individuelles. Une autre personne remarque qu’on n’a pas évoqué l’importance des applications militaires et de rôle de la défense en matière de brevets.

Patrick Legrand rappelle que ces sujets étaient au programme d’autres débats qui ont été fortement entravés dans leur déroulement, frustrant les citoyens de ces questionnements, mais cette question sera reprise avec d’autres réflexions qui pourront alimenter des « boîtes  à questions » dans le rapport final.

En conclusion, il tient à remercier les participants. Ce débat lui a paru satisfaisant. Certes, on ne connaît le résultat d’un débat qu’à la fin. Dans les quelques mois qui suivront, le maître d’ouvrage dira ce qu’il compte prendre en compte. Mais on ne sort pas indemne d’un débat public. On apprend des choses, et on n’aborde plus le sujet avec les mêmes appréhensions. Il remercie les intervenants de s’être prêtés au jeu, ce qui requiert d’accepter de se mettre parfois en situation difficile.

Au nom de tous les membres de la CPDP, il remercie tout le public d’avoir vécu cette expérience.