Déroulement des réunions

Comptes-rendus et synthèses des réunions publiques

Les comptes-rendus des réunions publiques font état de l’intégralité des propos échangés par l’ensemble des acteurs du débat. Un compte-rendu synthétique des réunions publiques sera, lui aussi, accessible au fur et à mesure du débat.

Compte-rendu intégral de la réunion publique de Marseille

Le règlement Reach s'applique également aux substances qui sont sous forme de nanoparticules. Malheureusement, lorsqu'on a préparé le règlement Reach, on ne connaissait pas encore cette question des nanomatériaux, on n'en parlait pas encore beaucoup. Des négociations importantes avaient eu lieu mais le règlement a abouti sans que l'on traite ce problème particulier.

Le règlement peut être révisé, cela fait  partie des décisions qui sont à venir, à savoir comment adapter le règlement Reach pour qu'il prenne en compte les nanomatériaux.

Dès à présent, il va y avoir via le règlement Reach un certain nombre de substances qui seront enregistrées, déclarées par les industriels, et les industriels devront déposer des dossiers pour mieux définir les risques potentiels qui peuvent exister, afin que l’on puisse au niveau des autorités voir s'il y a lieu de restreindre l'usage de ces nanomatériaux.

M. CHAUSSADE.- Plusieurs questions touchent au problème de la toxicité.

Mme COHU.- J'ai ici trois questions, dont une concernant l'écotoxicité, une sur la santé et une sur la mondialisation.

Un INTERVENANT.- Je n'ai rien contre les nanotechnologies. Mais la crainte, c'est la dérive qui pourrait venir des pouvoirs occultes ou non en matière de maîtrise des consciences ou des gènes.

Quand on voit qu’un pays grand comme la Chine exporte autant d'objets, maintenant qu'un émetteur récepteur a la taille d'un grain de sel, comment peut-on nous garantir qu'il n'y ait pas déjà des millions de ces émetteurs récepteurs sur les nounours de nos gamins par exemple ?

Un INTERVENANT.- Je suis bâtisseur et j'ai connu des hauts et des bas. J’ai connu les nanotechnologies pour les greffes. Comment peut-on se renseigner sur les avancées et les résultats dans ce domaine ?

Un INTERVENANT.- Je ne doute pas que les nanomatériaux ne soient très performants, mais je me pose des questions sur les molécules, leur durée de vie dans l’environnement au stade de déchets et leurs effets sur la santé. J'ai appris qu'il y avait des utilisations dans l'alimentaire et je me demandais si une mise sur le marché de ces nanotechnologies ne devrait pas être limitée à certains secteurs, en fonction de l’utilisation, que ce soit plus contraignant dans l'alimentation que pour les lunettes par exemple.

M. CHAUSSADE.- Je vais rapprocher la dernière question d’une autre, posée par Internet par Pierre Bonnard : « Je suis maintenant chez moi après avoir vécu tout cela en direct dans la salle. Existe-t-il une législation propre au devenir des déchets contenant des nanoparticules ?

M. BOTTERO.- Je ne suis pas écotoxicologue, mais je travaille avec des écotoxicologues. Je m'intéresse aux interfaces entre les nanomatériaux, l'eau et l'interface avec le vivant.

Pour répondre à la question, on sait depuis 2009 qu’il y a plus de 1 000 produits vendus, dans le commerce, sur lesquels la moitié sont des produits de grand commerce, c'est-à-dire des vêtements, des chaussettes, des crèmes solaires, etc. bref des produits grand public. Mais il faut se rendre compte que cela représente des tonnages extrêmement faibles.

Si je prends l'exemple du titane qui se trouve dans la crème solaire transparente, à l'heure actuelle c'est 10 000 tonnes par an. Il est prévu dans 20 ans d'aller jusqu'à un million de tonnes.

M. CHAUSSADE.- Au plan français ?

M. BOTTERO.- Non, au plan mondial. L'argent que l'on trouve dans un certain nombre de vêtements comme les chaussettes, c'est 5 tonnes au niveau mondial. Il est prévu, dans 20 ans 50 tonnes. Il faut donc un peu relativiser les choses.

L'argent, c'est un biocide qui est utilisé depuis longtemps. En ce qui concerne l'argent nanométrique, on se pose des questions : est-il plus dangereux, plus biocide que l'argent sous forme dissoute ? Le titane est bien connu, c'est un oxydant. Mais ce sont des productions faibles pour l'instant.

Le problème, c'est que l'on n'a pas encore de matériau avec des masses suffisamment fortes pour que l'on puisse étudier vraiment le vieillissement de ces matériaux. On a des tests, mais ce ne sont pas des tests normés, ce sont des tests de laboratoire, qui vont changer d'un laboratoire à l'autre. Le matériau qui ressort, ce n'est pas forcément la particule de titane nanométrique seule, c’est la particule de titane avec dessus un enrobage parce qu'elle vient d'un produit où il y a eu une formulation de surface.

La vraie difficulté est là : on ne regarde pas l'écotoxicité du titane qui est fabriqué dans un laboratoire, on regarde l'écotoxicité d'un titane sortant d'un produit qui est une crème solaire, un ciment, un verre et qui n'est pas exactement le même que ce que l'on fait dans un laboratoire où on étudie la réaction du vivant.

M. CHAUSSADE.- Un internaute dit que justement tous ces problèmes de toxicologie et écotoxicologie vont nécessiter un besoin croissant d'expertise, de recherche en matière de toxicologie. Cela suppose de former de plus en plus de chercheurs dans les années à venir. Pour lui, il y a une insuffisance et il faut développer.

M. SENTIS.- Effectivement on a besoin de gens. Ce qui est assez récent, c'est que nos programmes de recherche sont de plus en plus transdisciplinaires. Concrètement, au laboratoire on élabore des nanoparticules.  Nos programmes maintenant insèrent des équipes de la Timone pour étudier en premier les problèmes de toxicité des particules, très tôt dans les programmes de recherche. C'est un comportement assez nouveau.

Comme le citoyen maintenant est préoccupé de ces problèmes de développement durable, d'éléments recyclables ou pas, dans les laboratoires on est dans la même approche. Au niveau européen, à ma connaissance il y a au moins deux programmes complètement dédiés à ces études sur l'impact sur l'environnement et la santé. C'est vraiment des choses qui sont maintenant au cœur de nos recherches d'associer… on envisage même aujourd'hui de prendre des gens de la sociologie et autres, très transdisciplinaires.

M. CHAUSSADE.- Ce qui ressort des réunions précédentes, c'est cette réflexion sur les pourcentages attribués à toutes ces questions de santé publique, toxicité, impact des nanomatériaux sur la santé, sur l'environnement, etc. au niveau de 5 % de l'ensemble des budgets de recherche. Dans beaucoup de réunions, c'est un sujet qui revient. Pour beaucoup, ce n'est pas à la hauteur des enjeux. Dès lors que cela concerne le grand public, il faut être beaucoup plus certain sur ces questions, il faut développer.

Mme COHU.- Une personne de l'AFNOR voudrait apporter un complément d'information.

Une INTERVENANTE.- Je voulais ajouter au programme de recherche qui existe qu'une normalisation européenne et internationale a commencé depuis deux-trois ans pour définir, faire des méthodes de caractérisation, et faire un programme sur la santé sécurité liée aux nanotechnologies.

Pour revenir à l'internationalisation, on voit dans notre domaine que les Asiatiques ont une approche commerciale. Ce qui les intéresse, c'est la définition des matériaux pour vendre des produits, alors qu'en France nous nous battons pour qu'il y ait un management des risques et pour faire des documents de management des risques avant de mettre de nouveaux matériaux sur le marché.

Nous nous battons au niveau européen là-dessus, nous l’avons fait il y a encore 15 jours dans une réunion. Ce type de débat doit permettre de faire savoir qu’en France les gens sont d'accord pour qu'il y ait une évaluation des risques. Nous ne pouvons pas nous battre seul face aux autres pays.

M. CHAUSSADE.- Je voudrais aborder les autres questions : maîtrise des consciences, dérives. On a cité la Chine. Est-ce que dans les jouets il pourrait y avoir des choses que l'on ne discerne pas, qui pourraient nous surveiller, nous contrôler ?

M. ROUX.- Je suis Laurent Roux, je dirige deux entreprises dans le domaine de la microélectronique qui évolue maintenant vers la nanoélectronique et dans le domaine de l'optique, notamment de l'optique intégrée.

Sur l'aspect des nanopuces qui pourraient venir d'ailleurs avec des jouets, je ne réponds pas pour le futur parce que tout avance très vite, mais je pense pouvoir dire qu'à l'heure actuelle ce n'est pas encore possible. Il y a une difficulté particulière : pour que les puces communiquent il faut une très petite antenne qui va communiquer à des longues d’onde particulières qui ne peuvent être lues que de manière très proche. C’est typiquement la RFID que l’on aura dans les supermarchés. Il n’est donc pas imaginable de penser qu'on peut aller lire une puce à partir d'un satellite. On ou alors il faudrait qu'elle soit visible et on verrait l'antenne.

Une autre problématique difficile est l'énergie. Aujourd'hui, pour émettre il faut des quantités d’énergie assez importantes. Or un e-dust* ne sait pas récupérer de l’énergie. Si vous mettez un capteur solaire dessus, vous allez le voir parce qu’il faut qu’il soit 10 à 100 fois la taille de l’électronique compte tenu du rendement énergétique.

Aujourd’hui ce n’est pas encore à l’ordre du jour. Ce le sera toujours pour ces problèmes d’énergies.

M. RANQUET.- C'est exactement la même explication qui à mes yeux fait que les fantasmes sur la gelée intelligente mortifère, dont certains romanciers à succès ont fait leur beurre, ne peut pas fonctionner non plus. Ces nanoparticules, pour avoir une action, doivent être capables de communiquer et d'emporter de l'énergie. À cette échelle, ce n'est tout simplement pas possible, comme l'a souligné M. Roux.

M. CHAUSSADE.- Je n'ai pas bien compris la troisième question sur la notion de greffe. Peut-elle être précisée ?

Un INTERVENANT.- J'ai mal formulé ma question. Je suis bâtisseur et dans mon métier j'ai vu des gens qui se sont coupé les doigts. J’ai entendu parler de greffes. Comment se renseigner sur l’état de la recherche là-dessus ?

M. CHAUSSADE.- Cette question avait été évoquée lors d'une réunion. Nous l’enregistrons et vous allez avoir une réponse. Ce point des réparations, des greffes est très important. Je sais que l’INSERM travaille sur cette question mais aujourd’hui nous n’avons pas de spécialiste pour répondre à la question.

Sur les questions liées à l'environnement, Josée Cambou qui participe très activement à ce débat demande : « On voit bien que le défaut d'affichage sur les produits contenant des nano ne permet pas à chacun de savoir où il y a des nano ou pas. Cette absence d'information disponible contribue à créer des doutes et de l'angoisse ».

Mme FONTAINE.- Je suis à la Direction générale de la santé. Sur la question de l'affichage, on peut rappeler que dans le domaine des cosmétiques un règlement européen vient d'être adopté, qui stipule que d'ici quelque temps il y aura nécessité pour les substances à l'échelle nanoparticulaire de le mentionner sur les emballages et les étiquettes de ces produits.

Pour le moment c'est le seul domaine sur lequel on va avoir une obligation d'étiquetage particulière sur la présence de nanoparticules.

M. CHAUSSADE.- Par rapport à la demande de Josée Cambou qui concerne l'ensemble des nano, vous avez une réaction ? Qu'en pensez-vous ? Y a-t-il une réflexion ? Est-ce envisagé au plan français ou européen ? Ou est-ce que le débat va collecter toutes ces demandes, attentes et questions, pour apporter les réponses ?

Mme MIR.- Je pense qu'il faut être clair. Nous sommes dans un espace communautaire où les produits circulent librement, pour autant qu'ils répondent à un certain nombre de normes et de règles, dont l'étiquetage. Les règles d’étiquetage sont essentiellement arrêtées au niveau communautaire, lorsqu'il s'agit d'un étiquetage obligatoire.

Il peut y avoir des étiquetages volontaires, par exemple pour dire « sans nano », mais en tout cas pour les étiquetages obligatoires les dispositions sont établies au niveau communautaire. En ce qui concerne les dispositions nationales, il faudrait que cela soit vraiment justifié par des dangers évidents que l'on mettrait en exergue. Il faudrait que l'on justifie vraiment des dispositions nationales sur le plan scientifique.

En revanche, on peut tout à fait défendre au niveau européen des positions sur l'étiquetage de certains produits. Ensuite, il faut que cela apporte véritablement une information pour le consommateur, mais on voit que certains consommateurs demandent à bénéficier de cet étiquetage. C'est ce qui s'est produit pour les cosmétiques au niveau européen. Peut-être que pour d’autres produits on verra la même chose.

M. CHAUSSADE.- Rappelez-nous ce qui existe dans le Grenelle 2 sur les déclarations. C'est différent de l'affichage, mais c'est quand même un élément-clé.

Mme MIR.- Le dispositif prévu dans le Grenelle de l'environnement est différent de l'étiquetage. C'est une déclaration faite par le fabricant, par l'importateur ou la personne qui met sur le marché des nanomatériaux. Elle déclare à l'État le type de nanomatériaux, les quantités mises sur le marché et l'usage. Ces informations seront mises à disposition du public de façon générale, parce qu'il y a une obligation de respect du secret industriel et commercial.

Les données seront traitées et mises à disposition du public, lequel sera à même de savoir que dans telle catégorie de produits on peut ou non trouver des nano. Mais c'est différent d'un dispositif d'étiquetage sur chaque produit.

Un INTERVENANT.- Je voudrais savoir comment connaître la liste des produits actuellement sur le marché. Est-ce accessible à tous ? Où peut-on trouver la liste des produits ?

Mme FONTAINE.- Pour le moment, il n'y a pas d'obligation d'étiquetage, mais sur Internet on peut aller sur certains sites, en particulier le Woodrow Wilson Institute qui donne la liste des produits. Il faut savoir qu'en majorité ces listes sont déclaratives, c'est ce que les gens ont bien voulu déclarer. On a pu constater que parfois des produits sont mentionnés sur cette liste alors qu’ils ne sont pas vraiment à l’état nanoparticulaire, en particulier pour des produits qui contiennent de l’argent. Parfois, il y a des produits qui peuvent contenir des nano et qui ne sont pas sur la liste. C'est tout le problème de ces listes déclaratives.

Il existe d’autres sites sur Internet qui donnent des listes assez longues.

M. BOTTERO.- Le site le plus large est le site du project and emerging technologies.

Un INTERVENANT.- Une question sur l’écotoxicité à la personne qui travaille avec les toxicologues, sur le fait que des molécules agissent à très faible dose. On sait que certains produits ont des effets très néfastes sur l'environnement, entre autres sur le Rhône où l’on ne peut plus pêcher sur 200 kilomètres. Est-ce que dans le domaine des nanotechnologies on ne pourrait pas faire comme pour l'amiante ? On a vu que c'était nocif et on l'a autorisé dans des domaines très spécifiques comme les combinaisons des pompiers, les freins des camions. Si les nanotechnologies sont dans une matrice bien sécurisée, on pourrait permettre de le faire, mais pas dans l'alimentation.

Autre remarque sur le fait que c'est déclaratif : il faudrait que les gens qui mettent des nanotechnologies dans les produits qu'ils conçoivent soient imposés de les déclarer. S'ils ne le font pas, qu'on leur interdise la mise sur le marché de leurs produits.

M. BOTTERO.- En France, les premières études ont commencé dans les années 90 côté américain. En Europe, avec un peu de retard, mais on s'est d'abord intéressé justement aux risques pour l'homme, et plus précisément pour le travailleur, c'est-à-dire celui qui manipule les produits.

Les nanotubes de carbone ont été les premiers matériaux qui ont fait l'objet d'études, parce que c'était des fibres qui ressemblaient à l'amiante et la peur était là.

On en est maintenant à une bonne dizaine d'années d'études, c'est un minimum, sur les risques liés aux nanotubes de carbone, pour l'homme, et développer des masques, des vêtements, des gants, etc. Il y a eu un effort important là-dessus. C'est nettement moins vrai pour d'autres matériaux que l'on retrouve dans des produits grand public.

Mme COHU.- D'autres questions portent notamment sur les budgets alloués aux recherches sur les nanotechnologies.

Un INTERVENANT.- J'aimerais savoir quelle partie vous étudiez le plus, s'il y a eu plus d'argent donné pour l’alimentation, la santé, l'armement ou la sécurité. Quel est le domaine où il y a le plus de recherche ?

M. CHAUSSADE.- Qui peut répondre à cette question sur l’affectation des budgets recherche ?