On peut penser aller plus loin que cela. L'idée est d'utiliser toutes les propriétés de ces particules et de les mettre dans une vésicule. Les nanoparticules sont de l'ordre de 10 à 50 nanomètres. La vésicule est plutôt de l'ordre du micron, plutôt de la taille d'une cellule. Elle est artificielle. Dans ce sac, on met des nanoparticules. On peut y mettre d'autres choses, par exemple un médicament. On verra à quoi cela sert après. Sur les parois du sac, on peut très bien greffer des choses qui vont aller chercher un récepteur particulier d'un cancer ou d'une bactérie. Je vous ai parlé de traceurs IRM. On saura par définition où sont ces sacs. Il suffit de se mettre dans un IRM. C'est pratique, on pourra les suivre.
On va utiliser le ciblage magnétique. C'est astucieux. Comme ce sont de petits aimants, on peut imaginer (mais cela ne marche pas très bien) avec un aimant très fort les emmener à l'endroit où l'on veut qu'elles soient, sur la tumeur. Le problème du traitement des cancers, ce sont les effets secondaires. On a besoin de poisons ou de toxiques terribles pour les cellules cancéreuses. On aimerait qu'ils ne le soient pas pour les autres cellules. L'un des moyens serait d'emmener le médicament strictement à l'endroit de la tumeur. Ce qui marche le mieux, c'est de placer l'aimant sur la tumeur. Par la circulation sanguine, les vésicules tournent et, à chaque fois, un certain nombre s'arrêtent. Globalement, on les concentre sur la tumeur. On peut amener un produit anticancéreux directement sur la tumeur en évitant qu'il fasse trop de dégâts à l'extérieur.
Autre possibilité, l'hyperthermie magnétique. C'est vraiment très astucieux. Si on envoie des ondes électromagnétiques à une certaine fréquence, on agite ces petites particules noires. Cela crée de la chaleur. Si elles sont au niveau de la tumeur, on va cuire la tumeur. C'est une manière de s'en séparer physiquement sans faire de chirurgie, sans avoir à couper ou à faire quelque de sanguinolent. C'est l'intérêt.
On peut aussi faire une délivrance de médicaments. Ce sont ces capsules, j'en ai parlé. On voit l'exemple sur une tumeur cérébrale. La spécificité se fait toute seule. La barrière sang-cerveau est très efficace. Elle empêche toutes les molécules de venir dans votre cerveau. C'est un inconvénient quand on veut soigner le cerveau, car on ne peut pas y entrer. Coup de chance, au niveau de la tumeur, la barrière sang-cerveau est pleine de trous. Les particules vont aller spécifiquement à cet endroit. C'est une autre manière d'amener des particules à un endroit.
A partir de nanoparticules, on voit tout ce que l'on peut faire. Il y a de nombreuses autres possibilités, comme la vectorisation. C'est très à la mode. Cela veut dire emmener un médicament à l'endroit où l'on veut qu'il aille alors qu'en lui-même le médicament n'y va pas forcément. Il va dans le corps entier. Voilà un exemple.
Mme COHU.- J'aurais une question. Elle est souvent revenue sur notre site où tout le monde peut en poser. Que deviennent ces nanoparticules une fois libérées dans le corps ?
M. BELOEIL.- Dans le cadre de l'oxyde de fer, c'est utilisé comme agent de contraste depuis des années. Cela va se mettre dans le foie. Ou c'est éliminé directement ou c'est métabolisé parce que l'on peut métaboliser les oxydes de fer. On n'a rien découvert. L'agent de contraste est vendu en pharmacie. Cela veut dire qu'il a passé les phases 1, 2 et 3 sur les médicaments. Vous pouvez être tout à fait rassurés, il n'y a pas grand risque à incorporer des oxydes de fer. C'est un exemple. D'autres exemples sont plus compliqués. On essaie de faire ce genre de chose avec des nanotubes de carbone. Selon leur longueur, ils sont inoffensifs ou dangereux. Ce sont des choses que l'on étudie. On y fait très attention. Cela ressemble à un tube d'amiante. Les mêmes processus peuvent se faire. Si on maîtrise bien sa longueur, on peut l'utiliser en tant que porteur de médicament ou comme agent de contraste sans danger. Il faut savoir ce que l'on fait.
Mme COHU.- Monsieur a une question.
M. BOURLITIO.- Philippe BOURLITIO, de l’association Sciences et Démocratie. Je me pose une question "méta" que je vais essayer de ramener pour interroger nos intervenants de ce soir. J'ai l'impression que le terme nanotechnologie regroupe tellement de choses différentes, et plusieurs intervenants ont signalé que cela englobe des choses connues depuis très longtemps, que je me demande s'il est pertinent de débattre des nanotechnologies. Pour ramener au débat de ce soir, dans le cadre de vos pratiques le fait que le terme nanotechnologie soit apparu, a-t-il changé quelque chose ? Vous avez parlé, Monsieur BELLEVILLE, du poste de travail, de l'expérimentateur. Le fait que l'on parle maintenant de nano, vous a-t-il ou non obligé à changer vos procédures ?
M. BELLEVILLE.- Les nanos sont connues. On les utilisait sans forcément savoir que c'étaient des nanos. On a maintenant des outils permettant de savoir et de voir des objets nanos. Il est important de continuer à développer ce savoir pour les propriétés et les aspects toxicologiques. Au niveau du poste de travail et des travailleurs travaillant sur les nanos, comme je l'ai dit, c'est le principe de précaution. Dans la mesure où l'on n'en connaît pas les effets, puisqu'ils ne sont pas avérés, on applique ce principe. On ne s'expose pas. Ne pas s'exposer, c'est porter des protections individuelles, des gants, des masques, des barrières de confinement, des boîtes à gants, etc. Cela permet de ne jamais exposer les travailleurs à ces objets nanos. En parallèle, on développe de la métrologie associée, des outils qui mesurent ces objets nanos pour s'assurer qu'il n'y a pas de diffusion, qu'on ne traverse pas nos barrières et que l'on a une innocuité totale vis-à-vis du travailleur. On garantit à travers la traçabilité de son suivi médical qu'il ne sera pas exposé aux nanos tant qu'on n'en connaît les effets complets, en termes de toxicologie.
Mme COHU.- Le ministère de la Santé veut répondre sur le sujet.
Mme POCHET.- J'aurai certainement l'occasion d'en reparler, je suis en effet à la deuxième table ronde, on a une stratégie en termes de prévention des risques des nanotechnologies, compte tenu des difficultés à les caractériser et à les doser, des problèmes de métrologie, et à les distinguer entre elles. On sait que c'est un développement qui va prendre de l'ampleur, qui est incontournable vu les bénéfices attendus. La volonté du gouvernement et du ministère de la Santé est d'avoir un encadrement responsable et de faire en sorte que l'évaluation de la sécurité des technologies sur le marché soit effectuée. Je pourrai intervenir plus longuement plus tard si vous le souhaitez, sur ce sujet.
Mme COHU.- On était sur le domaine de la métrologie et des caractérisations. Nous avons ici M. GOEPFERT, de la société CILAS qui travaille dans ce domaine. Pouvez-vous nous éclairer un peu ?
M. GOEPFERT.- Bonsoir. Je suis Directeur du développement de CILAS, Compagnie industrielle des lasers.
(Projection)
CILAS est une entreprise spécialisée dans les lasers. Nous faisons des équipements intégrant du laser. Nous développons en particulier des systèmes permettant de mesurer des tailles de particules dans des poudres. Le laser est très utile puisque l'on arrive à descendre dans des tailles qui nous intéressent. Je ne vais pas m'attarder sur la définition des nanotechnologies, on l'a répété plusieurs fois. On va passer à la planche suivante.
On s'occupe de métrologie. On aime bien parler des unités. J'ai essayé d'écrire tout ce que veulent dire les nanomètres. Il y a beaucoup de zéros, cela peut faire un peu peur. Voilà ce que cela peut représenter : 1 millionième de millimètre, 40.000 fois plus petit que le diamètre d'un cheveu. Cela a déjà dit par le CEA, la taille d'un virus. Ou plus imagé, j'ai représenté l'écart entre un mètre de couturière et la taille d'une nanoparticule. L'écart est le même qu'entre la terre et une noix. Cela donne le rapport. Ce sont des choses un peu évidentes qu'il est utile de rappeler.
A quoi servent les nanotechnologies ? C'est la manipulation d'objets à l'échelle atomique. Tout cela est destiné à améliorer les propriétés des matériaux. Pourquoi les propriétés des matériaux s'améliorent-elles par rapport à celles des matériaux conventionnels ? Sur cette taille très petite, on a beaucoup d'atomes en surface. Dans le cas précis, 6 atomes sur 7 sont en surface. Cela donne aux nanoparticules des propriétés complètement nouvelles, en termes de réactivité, etc. Un exemple assez intéressant, on peut se demander le rapport entre les bâtons de craie et la coquille d'huître. C'est pourtant le même matériau, sauf que la coquille est nanostructurée et que la craie ne l'est pas. On sait très bien que la coquille d'huître est relativement résistante. On a tous essayé d'ouvrir des huîtres. On voit que c'est très résistant par rapport à un bâton de craie qui est très friable.
Voici les grands domaines, cela a déjà été dit mais c'est bien de l'illustrer. Le premier est la puissance du traitement de l'information. Il faut miniaturiser de plus en plus les composants pour avoir des téléphones plus performants. Le second domaine, ce sont les matériaux qu'il faut améliorer pour alléger les moyens de transport, pour faire des énergies renouvelables, la maison à l'énergie positive. Le troisième grand domaine est la médecine et la pharmacie. On a l'aspect diagnostic et l'aimant évoqué tout à l'heure pour véhiculer les médicaments dans le corps humain. Tous ces développements ne pourront pas se faire sans une analyse de risques pertinente. En effet, la toxicité de ces nanoparticules est relativement incertaine. Il faut faire absolument une analyse de risques dans l'ensemble des procédés et des processus allant de l'élaboration de ces matériaux jusqu'à leur utilisation et leur recyclage.
J'aime bien cette figure. C'est une figure de l'INERIS, l'Institut spécialisé dans l'étude des risques industriels. Sur la figure de droite, vous avez le risque lié à un événement. L'exemple le plus flagrant est l'explosion qui aboutit à des blessures. Sur la figure de gauche, ce sont les risques qui s'échelonnent sur un plus long terme, liés à des expositions sur une durée plus longue, et qui aboutissent à des maladies. Le risque, formule assez simple, est le produit de trois termes : la gravité du risque, la fréquence du danger et la fréquence d'exposition. La solution la plus simple pour éviter tout risque est d'éviter les expositions. Si vous annulez l'un des termes de cette formule, vous annulez le risque. Le risque zéro n'existe pas mais si on arrive à réduire la fréquence d'exposition à quasi zéro, on réduit le risque de manière évidente.
Les enjeux pour réduire les expositions sont de développer des moyens, des équipements permettant d'automatiser les process. Quand on a des machines de production de nanoparticules, on les récupère souvent, on les met dans des boîtes, il faut en transporter une partie pour les mesurer dans un laboratoire de l'autre côté de la rue. Ce sont donc des manipulations, et donc des risques d'exposition. Si on arrive à automatiser ces processus en contrôlant et en faisant de la métrologie en temps réel sur ce qu'il sort de ces équipements de production, on évite toute manipulation. On réduit donc considérablement les risques. Autre possibilité, ce n'est pas exclusif mais plutôt complémentaire, on peut développer des systèmes de mesure d'exposition. Ce sont des sortes de badges accrochés aux opérateurs, donc les gens qui vont manipuler ces nanoparticules. Ces badges vont mesurer une exposition sur une durée de quelques jours de la semaine. Ensuite, ils vont être renvoyés à un laboratoire qui va mesurer s'il y a des nanoparticules sur ce badge, de manière à vérifier que l'opérateur n'a pas été exposé. En dernier recours, d'autres systèmes permettent de développer des systèmes de détection. Recours, pourquoi ? Il n'est pas impossible qu'il y ait des fuites sur un processus bien que toutes les précautions aient été prises. On développe aujourd'hui des systèmes qui pourront être implantés dans les laboratoires et les ateliers de production.
Ils permettront de surveiller les ambiances, l'air autour des machines de production et ils alerteront en cas de fuite et donc d'exposition des opérateurs à ces particules en fuite.
Pour développer l'ensemble de ces équipements, nous menons à bien des projets. Certains sont européens, financés, cofinancés par la Commission européenne. D'autres sont plus locaux, cofinancés par l'Etat, l'ANR et par les collectivités territoriales qui font beaucoup d'efforts dans ce domaine, surtout en région. C'est un premier projet, SAPHIR, projet européen d'une vingtaine de partenaires, 16 millions de budget, coordonné par CILAS et qui vise à développer des matériaux innovants pour différents secteurs : l'aéronautique, les énergies, le bâtiment et d'autres. L'élaboration de ces nanoparticules est toujours effectuée avec le souci de la maîtrise des risques, à tous les niveaux. On a mis au point notamment, c'est un exemple parmi d'autres, des systèmes permettant de granuler les nanoparticules. On enferme ces nanoparticules, éventuellement dangereuses si elles étaient dissipées dans l'air, on les regroupe dans des coquilles à des dimensions microniques, et donc plus très dangereuses. Ensuite, elles peuvent être transportées en toute sécurité. Lorsqu'elles seront réutilisées dans le cadre de l'application finale, pour faire des surfaces, des pièces un peu massiques, elles seront redispersées. On fait éclater la coquille et on retrouve les nanoparticules avec les propriétés initiales, ce qui est important, cela a été démontré. On développe également des systèmes permettant d'automatiser les processus de production, de manière à éviter toute rupture dans la chaîne de production, et donc à éviter toutes les manipulations potentielles des opérateurs. On va également jusqu'au recyclage. On propose dans ce projet des solutions éventuellement de recyclage, sans forcément les mettre en œuvre mais ce sont des propositions tout de même.
Parmi les autres projets plus locaux, on a des projets comme NANOCARAT qui comporte plusieurs partenaires. Avec CILAS, on peut citer le GREMI dont le Directeur est dans la salle, l'INERIS dont je parlais, spécialisé dans les études des risques industriels, le CEA où nous développons des projets d'équipements qui permettront de mesurer, de caractériser la taille et la forme, assez importante dans la toxicité éventuelle de ces particules. Voici une photo d'une maquette en cours de développement chez nous. Elle permet de mesurer la forme. Vous voyez que les nanoparticules peuvent être regroupées, agglomérées, être sphériques ou plutôt filandreuses, et la toxicité peut évoluer en fonction de cet aspect.
Autre projet, GENESIS. L'objet est de développer des appareils de détection, des mesures d'exposition. On le voit ici sous forme de nanobadges ensuite mesurés en laboratoire, comme je le disais. Nous avons également un système de détection à base de laser qui permet, en schématisant, d'envoyer ce faisceau laser dans l'air. Lorsque le laser atteint et impacte les nanoparticules en suspension dans l'air, une information est renvoyée sous forme de pic.
C'est la figure en bas. Ces pics correspondent au type de matériau. Il est très facile de déterminer s'il y a présence ou non de matériau dans l'atmosphère. Ce n'est pas facile parce que dans l'atmosphère, dès que vous respirez, vous prenez une bouffée d'air et vous avalez quelques millions de nanoparticules. Il n'est pas évident de distinguer les nanoparticules fabriquées dans l'atelier des particules naturelles ou non circulant déjà dans l'atmosphère. Je vous dispense du tableau mais il montre que, pour plusieurs types de matériaux, on arrive à détecter les seuils en dessous des seuils minimum réglementaires par rapport à une inhalation de l'homme.
Pour la métrologie, j'en ai terminé. Je voudrais rappeler qu'il y a des enjeux notamment économiques dans le développement de ces nanoparticules. On peut y revenir tout à l'heure. Je vous remercie de votre attention.
Mme COHU.- Je ne sais s'il y a des réactions concernant la métrologie, des incertitudes ou des questions. Je sais qu'il y a dans la salle, M. Jean-Pierre CAQUET de l'entreprise Merck.
M. GRAND.- Bonsoir, je fais partie des Verts. Je suis élu à Orléans et c'est en tant qu'élu que je voudrais poser une question.
Des financements publics sont octroyés pour le CNRS, pour la recherche fondamentale. Cela ne pose pas de problème particulier, si ce n'est que pour les entreprises et si j'ai bien compris CILAS en fait partie, il y a du financement public aussi. Cela me pose un plus gros problème. J'aimerais savoir, puisque c'est une industrie à forte valeur ajoutée, s'il est vraiment nécessaire d'avoir des financements publics pour ce type d'activité. Y a-t-il un retour vers les collectivités qui ont financé, du type avances sur recettes ? Le jour où les outils que vous mettez au point sont opérationnels et rapportent un chiffre d'affaires conséquent, y a-t-il un retour vers la collectivité pour d'autres financements, qui peuvent de mon point de vue, être plus importants ? Concernant l'innocuité des nanotechnologies sur la santé et l'environnement, je pense qu'il faudrait également un financement de la part des entreprises travaillant dans ce domaine, pour faire la recherche nécessaire à la découverte de cette innocuité. Merci.
M. GOEPFERT.- Le retour, ce sont les emplois. Quelques précisions par rapport à cela. Ce sont des financements de projets collaboratifs de recherche. Ce n'est pas CILAS qui est financé, c'est un projet qui est financé, auquel participent des laboratoires de recherche de l'université d'Orléans, notamment. Le retour, c'est l'amélioration des connaissances, l'industrialisation et la vente des produits qui sont financés par les entreprises. Ce sont les emplois. C'est éventuellement l'implantation d'autres laboratoires et d'autres entreprises, la création de start-up éventuellement dans ces domaines. Mais on revient toujours à nos emplois.
M. PERNIN.- En tant que représentant des consommateurs, je souhaitais réagir aux différentes présentations très riches et très claires. Je vous en remercie.
Notre perception est sans doute assez différente de celle des chercheurs ou des professionnels directement impliqués dans le développement de ces technologies. Notre regard est un peu plus distancié, un peu extérieur. Le constat quand on s'est intéressé au sujet est qu'il y a une convergence très forte d'un certain nombre d'avis rendus par des agents sanitaires. Il ne s'agit pas de mouvements militants ou engagés qui émettraient des avis un peu en apesanteur sur un sujet. Ce sont réellement des agences d'expertise scientifique collective, chargées d'évaluer les risques pour la santé et l'environnement. Elles ont quand même émis des avis très réservés sur les données relatives à l'innocuité des nanoparticules. En gros, les conclusions sont celles de l'AFSSET, de l'Agence française de la sécurité de l'environnement et du travail, et de l'EFSA, l'agence européenne de sécurité des aliments. On n'en a pas parlé mais des applications sont aussi envisagées en matière alimentaire. Il y a eu des avis aussi du comité scientifique des risques émergents au niveau européen. L'ensemble de ces avis concorde pour dire qu'en matière d'évaluation des risques toxicologiques ou éco-toxicologiques (pour l'environnement) on ne dispose pas de méthodes et d'outils suffisamment fiables pour évaluer et quantifier ces risques. Ce n'est pas nous qui le disons, ce sont des conclusions d'agences d'expertise collectives.
C'est le premier point qui nous invite à ne pas à rejeter les nanotechnologies dans leur ensemble. On l'a bien vu, les perspectives sont absolument fascinantes en termes de traitement, de soins ou d'économie d'énergie. On ne peut avoir une position de refus dogmatique. Il faut vraiment réfléchir au tempo de la recherche, du développement des applications et du rythme auquel on développe les approches scientifiques pour évaluer les risques. Notre sentiment est que l'on a une espèce de déphasage, les applications vont très vite. Je l'ai bien compris, les exposés l'ont montré, les scientifiques ont conscience à leur niveau qu'il faut prendre des mesures de confinement, de protection des opérateurs. C'est un point important. Mais quid des risques lorsqu'on met sur le marché les produits ? Quid des risques en termes de recyclage et de fin de vie des produits ? Toutes ces questions sont nettement en retard en termes d'évaluation et d'analyse. La question est de mettre en place des procédures collectives associant les laboratoires, laissant une place suffisamment importante à la recherche publique pour que l'on progresse de façon coordonnée sur l'ensemble de ces aspects.
M. LEMAIGNEN.- Je voudrais réagir sur le financement public/privé. Les élus sont les VRP d'un territoire. Ils cherchent à développer de l'activité et de l'emploi. Que ce soit dans les pôles de compétitivité ou la nanotechnologie, nous essayons de développer, de créer de la valeur. Les financements sont publics/privés partout. Dans les pôles de compétitivité, il s'agit de faire en sorte que les laboratoires de l'université, avec les entreprises et l'ensemble des partenaires, développent de nouvelles innovations qui seront l'économie de demain. C'est assez logique que l'on intervienne. On le fait d'autant plus facilement pour NANOCARAT que l'on est exactement sur la mesure, et donc finalement sur l'appréhension du risque potentiel. Je crois que l'on est pleinement dans notre rôle.
Mme LANQUETUIT.- Danielle LANQUETUIT pour l'association VivAgora qui a déposé un cahier d'acteurs, et également pour l'alliance citoyenne sur les enjeux des nanotechnologies.
Certaines questions sont prises en compte, d'autres non en ce qui concerne la nécessité et les alternatives de certaines solutions. Il semble que la science ait fait beaucoup pour vulgariser les possibles mais le débat public devrait être plus permanent à des moments stratégiques de choix. Quand on passe d'un brevet à des utilisations, à des mises sur le marché, c'est sûrement là que des questions sont à se poser. Il serait intéressant qu'il y ait plus de pratiques et de mises en débat à ces moments.
Je prends l'exemple du nanoargent et de ses propriétés bactéricides. Si l'on nous avait demandé, au moment où s'est développée cette technique, s'il était plus nécessaire de la confiner au niveau de la santé, voire des solutions pour les problèmes des pays développés et des autres, plutôt que d'en mettre dans les chaussettes fabriquées en Chine mais qui reviennent en Europe, on n'aurait peut-être pas la même perception. Est-il possible que des débats publics inversent certaines tendances sur de mauvais choix ? Peut-on les greffer au moment où des brevets passent dans l'industrie, de façon à ne pas courir derrière des problèmes ? Dans le nanoforum qui a eu lieu au CNAM concernant la question de la mesure du nanoargent, il semble que la recherche publique courre derrière des solutions de mesure de l'impact des pratiques collectives, notamment en ce qui concerne les stations d'épuration. Là encore, il ne faut pas être angélique. Il semble que des domaines de précaution soient du domaine de l'industrie et que d'autres viennent de l'accumulation des pratiques.
Sur ce sujet, je voudrais suggérer que les entreprises fassent parler leurs statistiques de vente par rapport à des territoires et à des populations, pour que l'on ait des seuils d'alerte de ce qui est acceptable en termes d'augmentation des usages.
Mme COHU.- Je vous remercie. Le ministère de la Santé veut-il répondre ?
Mme PAUCHET.- J'ai envie de réagir. On est au cœur du sujet. On est typiquement dans la gestion des incertitudes et du problème de gouvernance. Effectivement, les séances que l'on a eues dans le cadre du nanoforum ont montré qu'il fallait réfléchir à l'utilité de certains usages.
Madame a bien posé la question de l'utilité des chaussettes contenant du nanoargent dont on sait qu'au premier lavage 80 % de ce nanoargent va se retrouver dans l'environnement. On peut donc réfléchir aux bénéfices versus risques encourus, notamment lorsqu'il y a des incertitudes. C'est pour cette raison que, suite à ces nanoforums qui se sont terminés un peu avant le début du débat public, et suite aux travaux que l'on mène dans le cadre de la normalisation, nous avons souhaité fortement, avec l'ensemble des participants et notamment le président de la commission AFNOR de normalisation ici présent, réfléchir à une méthodologie d'approche sur le développement nanoresponsable.
Il faut que les bonnes questions soient posées lors de la mise sur le marché d'un produit. Les questions sanitaires, avec le problème de la gestion de l'incertitude, la question des bénéfices apportés, la question des impacts socio-économiques, voire éthiques. Il faut que tous les acteurs soient présents autour de la table. Ce ne sont pas seulement les industriels, ce sont d'abord eux, mais aussi les consommateurs et les experts, de manière à trouver une méthodologie d'approche qui fasse que lorsqu'un produit est mis sur le marché dans le cadre d'une nouvelle technologie, l'industriel puisse justifier qu'il s'est posé les bonnes questions. Par exemple : je mets ce produit sur le marché parce que je sais qu'il a tel bénéfice, qu'il peut avoir tel risque, mais le bénéfice est supérieur au risque, et qu'il en a mesuré les impacts.
M. JANVROT.- Guy JANVROT, président de la fédération régionale des associations Environnement Région Centre. Je suis représentant de France nature environnement qui sera présente tout à l'heure à la tribune.
On pourrait croire que l'on est pour ou contre le progrès. On est plutôt beaucoup plus loin. Quel type de société avons-nous devant nous ? Quel est celui que l'on voudrait voir développer ? Quand j'entends le représentant du ministère de la Santé nous dire que, finalement, quand il y a de l'économique, on est en incapacité de dire non, c'est le sujet majeur. Les pouvoirs publics sont-ils en capacité de dire non lorsqu'une nanotechnologie fera en sorte que nous aurons des surprises sur la santé ? Quand j'entends que cela peut partir dans les boues de station d'épuration, voire ailleurs et on sait que c'est déjà ailleurs, comment ensuite faire en sorte que l'environnement et la santé humaine n'en supportent pas les désagréments ? Le sujet majeur est là.
Pour terminer ma petite intervention, on est complètement démuni en tant que citoyen lorsque l'on veut simplement s'investir, même sans être militant. Comment voulez-vous que nous sachions à notre niveau, associatif, local, ce qu'il y a dans l'air, dans notre corps ? En outre, ces aspects nanotechnologies se retrouveront dans la surveillance du territoire et celle des individus. J'aimerais que vous évoquiez ce sujet. Serviront-elles à la défense ou à la surveillance des individus ?
Mme COHU.- Je ne sais pas si le ministère veut répondre sur ce sujet.
M. MARCET.- Vincent MARCET, simple particulier. Je ne suis pas non plus expert. Je voulais simplement intervenir rapidement. Peut-être après pourra-t-on répondre à l'autre question. C'est plus en rapport avec la réflexion du ministère de la Santé. On n'est de toute façon pas capable de vraiment savoir de quoi l'on parle, sinon on serait tous experts. En outre, de nombreuses applications sont possibles. On ne va pas pouvoir se réunir à chaque nouvelle application. Ne peut-on pas imaginer, ou en avez-vous parlé sans que je l'aie vraiment compris, une espèce d'organisme de mesure comme lorsque l'on met un médicament en place, pour faire les tests 1, 2, 3 ou autres ? De toute façon, on revient aux problèmes de santé ou d'environnement. On parle de particules et non pas d'applications, d'agrégats mécaniques, nanométriques, etc. Pour l'instant, on est sur ce qu'il existe, des particules. La crainte est surtout que cela se retrouve en nous et que cela nous donne des maladies ou dans l'environnement et que cela le détruise et nous-mêmes, au final. Ne peut-on pas imaginer un organisme compétent disant aux industriels : venez me voir avec votre dossier, vous voulez vendre des chaussettes, c'est à base de nanoargent, cela va permettre d'éliminer les odeurs. Mais, au final, testé on voit que 80 % des particules vont se retrouver dans la nature. Cet organisme pourrait demander une amélioration de la solution. C'est peut-être un peu délicat mais il faudrait pouvoir répondre qu'il y en a trop dans la nature. Sachant que c'est dangereux, c'est non, revoyez votre copie. Il faudrait appliquer cela à l'énergie, à tout. Comment est-ce mis en place et où vont ensuite toutes ces particules ?
Mme PAUCHET.- J'ai deux réflexions, suite à votre question.
La première, on est dans la gestion des incertitudes et non pas d'un risque. On n'a pas d'éléments de danger mais des éléments d'alerte sur certains nanotubes de carbone, avec un avis pour le travailleur, et donc des mesures de confinement nécessaires. On est dans la gestion d'incertitudes, avec des outils à trouver et donc une recherche active sur ces outils. C'est une chose.
La deuxième, on est dans une réglementation communautaire pour un certain nombre de produits. C'est de la responsabilité de l'industriel qui met sur le marché, quel que soit le produit, même s'il est spécifique, d'en vérifier la sécurité. Il faut qu'il ait les outils adéquats pour garantir qu'une fois son produit mis sur le marché, il ne présente pas de danger. L'idée de ce développement nanoresponsable est qu'il se pose toutes les questions dans le cadre de l'incertitude. Sur le nanoargent, on n'a pas d'éléments de danger. L'argent lui-même, on le connaît bien. On a peu de données de toxicité. Il s'agit surtout de savoir vraiment l'utilité des usages puisque que l'on est en période d'incertitude. C'est surtout cela. On n'est pas dans un problème de risque, sinon on prendrait des mesures. On agit très en amont. On n'a pas envie, je parle au nom du ministère de la Santé, et pas nécessairement parce que c'est dans notre compétence, de voir se reproduire le scénario amiante, par exemple.
Mme ROUSSEAU.- Je voudrais compléter la réponse donnée. Il existe, pour les substances chimiques, un règlement communautaire que l'on appelle le règlement Reach. Il demande aux industriels pour toutes les substances existantes, de les caractériser et d'en indiquer les effets. Des discussions sont lancées au niveau européen pour prendre en compte l'effet nanométrique des substances. Ce n'est pas encore le cas mais les discussions sont en cours.
QUESTION.- Je suis vraiment très étonné d'entendre quelqu'un parler au nom du ministère de la Santé publique et dire des choses comme : c'est la responsabilité des industriels de prouver l'innocuité. Où est la responsabilité du ministère dans cette histoire ? J'ai lu un excellent livre sur les pesticides. C'est qu'il s'est passé pendant cinquante ans qui a eu le résultat désastreux, que l'on déplore. Comment voulez-vous, si vous demandez à quelqu'un de prouver l'innocuité de quelque chose qu'il vend, avec lequel il fait des bénéfices, pour lequel il a investi des sommes importantes, qu'il vous dise que cela va apporter des désagréments à tout le monde, et qu'il le retire du marché ? Il sera un tout petit peu porté à penser que son produit n'a absolument aucun désagrément pour qui que ce soit, et qu'il pourra tirer profit de ses recherches et de des productions. Personne n'est choqué d'entendre la démission des pouvoirs publics sur la nécessité de vérifier ce que disent les gens. Quelqu'un qui vend, qui fait du bénéfice en vendant un produit, n'est pas porté à dire que c'est un mauvais produit.
(Applaudissements)
Mme COHU.- Des industriels dans la salle souhaitent répondre.
M. CAQUET.- Bonsoir à tous. J'appartiens à la société Merck qui fabrique des nanopoudres de différentes matières. Je voudrais répondre.
Il y a eu un transfert de responsabilité entre les autorités et les industriels avec le règlement REACH. On a fait tout un pataquès du règlement REACH. De quoi s'agit-il ? Toutes les substances parues avant 1981 devaient être étudiées. On devait faire un rapport de toxicité sur ces matériaux. Les matériaux apparus après 1981 sont conformes à REACH. Le transfert a eu lieu il y a presque trente ans. Ce n'est pas très nouveau. J'appartiens à une société qui fait de la pharmacie et de la chimie. On applique aujourd'hui les principes pharmaceutiques à la chimie. On ne va pas s'amuser, sauf nécessité et on pourra s'en expliquer après, à sortir un produit toxique. C'est la première chose. Le règlement REACH amène l'industriel à se responsabiliser. On a travaillé pendant trente ou quarante ans sur les cristaux liquides. Vous en utilisez tous, vous avez tous des écrans plats. On avait des molécules super dynamiques qui pouvaient faire avancer les choses, ce qui a permis dès 1985 les écrans larges. Ces molécules étaient toxiques, et aussi un peu CMR . On les a retirées du marché. Il y a eu une responsabilisation de l'industriel. Il ne faut pas toujours dire : c'est la société qui doit faire que… On est responsable. Chacun est responsable.
J'en viens aux nanotechnologies. Nous sommes fabricants de nanopoudres. On en respire tous les jours. Il y a 5.000 à 15.000 particules par centimètre cube dans l'air le plus pur. Mais puisque cela va être utilisé dans le domaine industriel, les industriels doivent se responsabiliser et chercher. Le seul problème, c'est que l'on ne connaît pas et qu'il est difficile de prévoir les effets à long terme. C'est dans toute industrie. Lorsque la radioactivité est née au niveau applicatif, elle existait depuis des milliards d'années. On a commencé à l'utiliser. Mais on l'a mal utilisée au départ parce qu'on ne savait pas. Aujourd'hui, on a des barrières. Utilisons-les. Cependant, on ne peut pas tout prévoir. Il faut savoir que dans les industries, il y a ce que l'on appelle un management du risque. C'est apparu en pharmacie, en cosmétique et maintenant dans les produits chimiques courants. Cette analyse de risque doit être faite. Le fabricant est responsable des risques qu'il amène. On ne va pas s'amuser à mettre sur le marché des produits toxiques. Néanmoins, on a un principe de précaution. Tant mieux. Il nous dit que, tant que l'on ne connaît pas tous les effets, il faut prendre le maximum de précautions dans l'utilisation des produits. En particulier dans les nanotechnologies et la fabrication des nanopoudres, c'est là que c'est le plus dangereux. On part d'une solution, on l'amène à haute température, on la nébulise un peu. Comme quand vous faites un éternuement, vous nébulisez votre salive. Suivant la vitesse que l'on a, et le traitement thermique qui va après, on arrive à avoir des particules de 5 à 150 nanomètres. On peut aller plus haut mais c'est une autre technologie de fabrication. Ces particules sont des particules libres. Si vous ouvriez la porte derrière, vous en auriez partout. Il faut prendre un maximum de précautions.
Dans les fabrications, on travaille en circuit fermé. Il y a une deuxième protection qui est une salle fermée. Lorsque la fabrication est faite, on a de petits prototypes qui peuvent produire 10 à 50 grammes, soit un demi-litre. On arrive à fabriquer jusqu'à 10 kilos par lot. Et on laisse au moins 48 heures avec des revêtements spéciaux dans la salle pour que le matériau se dépose. Une fois qu'il est déposé, il est collé au sol ou sur les revêtements. On prend le maximum de précautions. Les gens qui rentrent en production sont munis de masques, de gants, de tout l'attirail que l'on utilise déjà dans l'industrie électronique. Mais c'est pour la protection individuelle et non pas pour la protection de ce que l'on produit. Ensuite, ces particules sont enrobées. On ne va pas mettre sur le marché une particule qui, lorsque vous ouvrez le récipient, se balade dans toute la pièce. On les enrobe soit dans des polymères, soit dans de la silice. Ainsi, elles peuvent être commercialisées. On ne va pas le faire n'importe comment. Les premières choses qui ont été commercialisées, c'était pour l'industrie cosmétique. On a retiré les poudres que l'on fabriquait pour les céramiques, justement parce qu'elles ne pouvaient pas être enrobées. On ne va pas mettre des particules de carbone dans les céramiques.
M. CHAUSSADE.- Pardon de vous interrompre. Votre exposé est intéressant mais un certain nombre de personnes doivent intervenir. Je vous propose que vous fassiez l'exposé qui est intéressant et qui mérite un grand développement, comme une contribution par écrit et que l'on mette cela sur le site Internet. C'est tout à fait passionnant mais nombre de personnes veulent intervenir.
M. FERTET.- Jean-Paul FERTET. Je participe à l'Agenda 21 au niveau d'Orléans. Je voulais poser plusieurs questions.
Au niveau de la recherche, on a souvent un problème en terme de financement. C'est une certaine indépendance par rapport aux sociétés privées. On le voit dans le domaine des OGM, du tabac, etc. Il faut une recherche complètement indépendante du niveau industriel pour garantir un niveau de contrôle suffisant. Par ailleurs, on parle de contrôle des risques, d'entreprises responsables des risques qu'elles vont apporter. Une entreprise a mis sur le marché un médicament très bon, mais qui n'a pas empêché les gens de se suicider. Des gens gèrent des entreprises dans le cadre Seveso, que l'on a caractérisées. Je me pose la question : quand une entreprise, même avec des polymères autour, produit des petites bulles, quels moyens de protection a-t-on s'il y a un accident industriel ? Ce sont des questions importantes.
Je reviendrai sur ce que disait la personne à côté de moi. C'est très important. Le problème, et on le voit dans le Grenelle de l'environnement, c'est que l'on a un problème de temps. On met des produits à une vitesse supersonique sur le marché parce qu'il faut être plus efficace, plus rapide que les autres. On n'a pas raisonnablement le temps de qualifier les risques de ces produits. Il faudrait avoir des stades de validation. Une personne parlait du nucléaire. On ne l'a pas mis en production en dix jours. Il y a eu des phases, on a fait une première expérience. Je suis halluciné que quelque chose que l'on ne maîtrise pas, à vous entendre, soit mis aussi vite en consommation, au niveau de différents produits sans que les gens soient au courant ou que vous maîtrisiez les risques.
M. PERNIN.- Deux mots peut-être. Nous demandons qu'il y ait une recherche publique, indépendante, avec des garanties d'indépendance sur la question de l'évaluation des risques. Nous considérons que les professionnels qui prennent la responsabilité de développer et d'innover dans ce sens, devraient contribuer à un fonds qui permettrait en toute indépendance (c'est un fondamental) d'évaluer les risques liés à ces innovations. Si vous mettez sur le marché ce type de produit, cela pose une question d'évaluation des risques. On ne peut pas pour des raisons de principe, confier au professionnel lui-même l'évaluation de ces risques. Il faut qu'il y ait une certaine étanchéité. Voilà ce que l'on propose : un fonds permettant de financer ce type de recherche.
Mme ROUET-MEUNIER.- Myriam ROUET-MEUNIER, Union des industries chimiques de la région Centre. Je voudrais poursuivre la discussion dans un autre sens.
Les industriels n'ont pas attendu que vous posiez ce genre de questions pour se les poser eux-mêmes. Ils souhaitent qu'il y ait plus de discussions, plus d'information, même entre eux. C'est pourquoi l'Union des industries chimiques a déjà établi un guide de bonnes pratiques en termes de manipulations des nanomatériaux et des nanotechnologies. Le développement de ces nanosciences et nanotechnologies est très important pour les industriels. Vous ne pouvez pas les empêcher de se développer. Bien évidemment, ils le font en toute conscience de ce qu'ils peuvent faire ou ne pas faire. Sur certaines nanotechnologies, on a beaucoup de recul. On parlait de l'oxyde de titane. Je ne vais pas prendre la parole à M. REDZINIAK mais il y a de nombreux autres éléments sur lesquels nous avons avancé depuis fort longtemps. C'est pourquoi l'un de nos propos est de dire : attention, il y a des incertitudes. Nous avons raison de nous poser des questions et vous avez des raisons de vous poser des questions. Faites-le avec discernement. Ne rejetez pas d'un bloc toute la nanoscience et les nanotechnologies. Vous l'avez dit, Monsieur PERNIN. Merci.
M. REDZINIAK.- J'ai une réflexion simple. Je vais reprendre une phrase de Coluche : tous les champignons sont comestibles sauf qu'il y en a que l'on ne mange qu'une fois.
(Rires)
Les nanoparticules, voire les nanopoudres, il y en a des bonnes et il y en a des moins bonnes. C'est une conscience des scientifiques. Je ne reprendrais pas la phrase de François Rabelais qui, en 1532, a écrit dans Pantagruel, chapitre 8, « Science sans conscience n'est que ruine de l'âme ». Il faut prendre conscience de ce que l'on manipule. Le scientifique fait des découvertes, l'industriel fait des applications dont il faut avoir les bornes. C'est ce qui est important.
Cela va peut-être m'amener à faire mon commentaire sur la cosmétique, pour parler un peu de poésie et de beauté, de bien-être.
(Rires)
Allons-y, cela va apporter un peu de sourire.
La cosmétique, comme je viens de le dire, c'est de la beauté et du bien-être. Le 22 juillet 1946, à New York, 52 Etats sont autour de la table. Cela s'appelle l'OMS, l'Organisation mondiale de la santé. Ils définissent le mot santé. C'est un état de bien-être qui n'est pas seulement physique mais mental et social, et pas seulement l'absence de maladie et d'infirmité. Mon métier de cosmétologue est d'apporter, de vous apporter, de m'apporter à moi-même, du bien-être. Voilà pour situer la cosmétique : c'est un métier de bien-être. Pour cela, j'en suis et nous en sommes très responsables.
(Projection)
Derrière moi, un joli sigle : une goutte d'eau qui tombe sur la peau. C'est l'emblème de la Société française de cosmétologie. Nous sommes 1.600 chercheurs, techniciens du monde public, privé, des biologistes, des chimistes, des formulateurs (les gens qui font la cuisine). Vous les avez peut-être vus à la télévision, dans des cuisines mais aussi de grands laboratoires. C'est tout cela, les 1.600 chercheurs en cosmétologie. Nous sommes une ONG, une association loi 1901. On est dans un groupement de 17.000 chercheurs dans le monde, donc Cosmétique sans Frontières. On échange des informations. Mon travail, notre travail est de faire passer toutes ces informations au niveau des chercheurs et ensuite au niveau des produits. Quand vous ouvrez un pot de crème, il y a le sourire de la formulatrice mais aussi un certain nombre de recherche. C'est un métier extrêmement sérieux, réglementé. On y viendra en séquence numéro 2. Des experts, des acteurs, des gens réglementent notre métier. Comme la pharmacie, il est extrêmement rigoureux dans lequel bien sûr on utilise des nanotechnologies. Sans nanotechnologies, je vous regarde tous, vous ne seriez pas là en train de m'écouter en ce moment. Elles existent depuis 3,5 milliards d'années. La vie est issue des nanoparticules. Pas plus tard que le 7 octobre 2009, une nanoparticule a été nobelisée : le ribosome, 30 nanomètres. Vous en avez des milliers par cellule. Votre corps, c'est 60.000 milliards de cellules. Dans la peau, il y en a 2.000 milliards. Vous avez des millions de nanoparticules dans vos cellules. Cela peut dédramatiser. On est dans la nanoparticule de vie.
Dans notre métier, on utilise aussi des nanoparticules pour vous protéger. Vous le lisez dans le Code de la santé publique, un produit cosmétique est fait pour maintenir la peau en bon état, protéger, rendre beau. Bien sûr, il y a du maquillage, des crèmes et des produits solaires. Dans nos produits, nous utilisons différents types de structures en fonction de leur taille. Cela va des solutions vraies à quelques angströms. C'est le parfum que vous pouvez appliquer. Les molécules sont à l'état libre. On montre à différentes tailles. Solution micellaire, oui Mesdames, quand vous achetez en pharmacie des produits indiquant solution micellaire, c'est transparent et cela contient des nanostructures. La cosmétique les utilise pour nettoyer votre peau. Vous trouvez des macromolécules, des microémulsions. C'est très bien. On en utilise dans les shampooings. Et des liposomes ! Vous pouvez être fiers, vous êtes à Orléans. Il y a trente ans les travaux sur les liposomes démarraient dans un petit village près d'ici, à Saint Jean de Braye, dans un laboratoire chez Christian Dior. Les liposomes de Dior ont fait le tour de la planète. Ils ont fait gagner beaucoup d'argent à beaucoup de sociétés de cosmétiques. Soyez-en fiers, la technologie du liposome, c'est à Orléans qu'elle a été faite. Au laboratoire du Centre de biophysique moléculaire,
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