Je pense que nous aurons une table ronde assez animée et que la salle
pourra questionner et participer pour que ceci devienne véritablement
une réunion d'ouverture.
Comment pouvez-vous intervenir ? Je vous recommande de rédiger un petit
papier sur lequel vous mentionnez votre nom, éventuellement l'organisme
auquel vous appartenez et la question que vous avez envie de poser. Ce
n'est pas pour vous contraindre, c’est pour vous donner une plus grande
certitude que votre question sera bien enregistrée et aura bien les
réponses qui conviennent. Il s’agit de fiabiliser. Cela étant, il n'est
pas interdit de demander la parole de façon impromptue si telle ou
telle chose vous fait réagir.
Ces questions, qui devront donner lieu à des interventions très courtes
ne dépassant en aucun cas trois minutes, seront traitées si possible en
direct, si nous ne sommes pas trop contraints par le temps. Sinon, vous
trouverez les réponses sur le site internet et on vous enverra des
réponses personnalisées si vous avez laissé vos coordonnées.
Enfin, comme c'est notre première réunion, on attache beaucoup
d'importance à connaître vos réactions. Sur le site internet, une
rubrique vous permettra de dire comment vous avez vécu cette première
réunion et ce que nous devons faire pour l'améliorer.
Dans les quarante-huit heures qui suivent la réunion, il y aura un
compte-rendu sur le site et dans la semaine qui suit, vous aurez le
texte intégral de tout ce qui a été dit pendant la réunion.
Nous essaierons de gérer tout cela en donnant le temps de parole
nécessaire, mais je sais qu'il y a des contraintes logistiques et
l'objectif est de terminer avant le départ du dernier tram à minuit
quinze. On terminera donc à minuit pour permettre à ceux qui le
souhaitent de prendre ce dernier tram.
Dernier point à préciser : le droit à l'image. Les personnes qui ne
souhaitent pas figurer sur des photos ou films sur le débat doivent se
manifester auprès de nos hôtesses. C’est évidemment la moindre
courtoisie. Mais je pense que nous avançons tous ici à visage découvert.
Il reste maintenant une agréable formalité à accomplir : remercier ceux
qui nous ont aidés à monter cette réunion, dont notamment la Mairie de
Strasbourg. Nous avons le plaisir d'avoir parmi nous M. Robert
HERRMANN, premier adjoint au maire de la ville de Strasbourg, en charge
de la démocratie locale. Il a pensé qu'il était bon que ce débat public
fasse partie de la démocratie locale, et je ne peux que chaleureusement
l’approuver.
Monsieur le maire, vous avez la parole.
M. HERRMANN. - Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres
de la commission, mesdames et messieurs, au nom de Roland RIES, maire
de Strasbourg, je me félicite et me réjouis d'accueillir la première
des dix-sept réunions de la commission particulière du débat public qui
se tiendront en France jusqu'au 24 février 2010. Je vous souhaite en
particulier une cordiale bienvenue et tout particulièrement à M. Jean
BOURGOUGNOUX.
Les enjeux de ce débat sur les risques et les conditions de
développement des nanotechnologies sont de taille puisque, à partir de
vos idées, vos opinions, vos questions, l'Etat pourra nourrir ses
grandes orientations dans les domaines fondamentaux du soutien à la
recherche et aux innovations, de la prévention sanitaire pour l'homme
et les écosystèmes, de l'information du consommateur, de l'organisation
du contrôle. Ces réunions publiques - dont celle-ci en particulier qui
se tient à Strasbourg - se déroulent dans le cadre de la Semaine
européenne de la démocratie locale pour laquelle notre ville a été
choisie comme ville pilote en France par le Conseil de l'Europe.
Ce débat qui s'ouvre ce soir rejoint donc pleinement les valeurs qui
s’ancrent profondément dans l'identité de Strasbourg ; des valeurs à la
fois humanistes et éthiques pour une ville riche d’un passé animé par
des personnalités exceptionnelles, de Gutenberg à René Cassin en
passant par Goethe, Calvin, Albert Schweitzer ou encore Marc Bloch. Ce
statut de cité de l’humanisme est aujourd'hui symbolisé par la présence
des premières institutions internationales dédiées tout
particulièrement à la défense des droits de l'homme. Cette rencontre
vient également s'ancrer dans notre présent. Elle illustre et nourrit à
la fois le mouvement qui se lance dans notre ville.
À Strasbourg, nous avons souhaité une nouvelle gouvernance – c’est à
l’ordre du jour - et une relation renouvelée entre élus et citoyens. La
prise en compte de la parole des habitants et une nécessaire
transparence dans le dialogue public sont ainsi les fils conducteurs du
dispositif de démocratie locale désormais installé dans notre ville.
Nous menons cette aventure en ayant conscience de la prise de risques
qu'elle entraîne et qui est inhérente au principe même de démocratie,
mais aussi de l'humilité nécessaire pour avancer sur ces territoires.
Les questions qui vont nécessairement ressurgir lors de vos échanges, à
savoir la difficulté de faire participer tous les acteurs, citoyens,
chefs d'entreprise, la méfiance, la crainte de manipulation de
l'opinion, le lien entre les discussions et les décisions qui seront
prises, l'évaluation des travaux, la nécessité d'un débat respectueux
et ouvert ; toutes ces questions, nous nous les posons depuis le début
de la mise en oeuvre du processus de démocratie locale.
Au cours de cette Semaine européenne, chaque rencontre avec les
conseils de quartier, chaque débat, chaque conférence publique avec les
habitants, avec les jeunes, avec notre conseil et notre nouvelle
assemblée des jeunes nous apporte de nouvelles pistes de réflexion,
d’ajustement, de développement.
J'espère que vos échanges permettront véritablement à chacun de
s'exprimer, de débattre, de se faire une opinion à l’image de
l'ensemble des réunions publiques qui sont menées dans cette ville.
Cette exigence d'une nouvelle gouvernance est plus que jamais rendue
nécessaire par la nature même du thème que vous traitez ce soir.
D’abord parce que les nanotechnologies sont déjà très répandues dans de
nombreux domaines comme l’informatique, l’automobile, l’aviation, le
textile, le médical, les cosmétiques. Ensuite parce que la maîtrise des
recherches pose bien sûr un défi scientifique et technique, mais aussi
un enjeu économique incroyable vu les innombrables applications
possibles.
Strasbourg et la région Alsace se sont emparées de cette révolution
technologique. Les nanotechnologies représentent ici un potentiel de
275 chercheurs et enseignants-chercheurs, de quelque 700 étudiants en
formation répartis dans treize unités, centres de recherche et écoles
d'ingénieurs. La vitalité de notre pôle matériaux et nanosciences se
traduit notamment par des partenariats fructueux avec l'industrie et la
réalisation de contrats de recherche avec, par exemple,
Messier-Bugatti, Siemens ou Thales.
Les synergies sont appelées à devenir particulièrement fructueuses dans
le domaine médical avec le développement de la nano-médecine ainsi que
des nano-biotechnologies. Les avancées, le rythme d’obtention des
résultats scientifiques - je pense aux progrès déjà réalisés dans les
vaccins -, les traitements pour les personnes, tout cela est à la
mesure des risques possibles et démultipliés pour la santé de
l'environnement.
Ces nouvelles technologies très prometteuses font l'objet
d'interrogations éthiques et scientifiques. Que deviennent les
nanoparticules absorbées par la peau ou les poumons ? Comment se
débarrasser des pansements, des ordinateurs, des peintures contenant
des particules nanométriques ? Les puces minuscules permettre le
traçage des produits comme des individus. Ne sont-elles pas également
dangereuses ?
Nous naviguons plus que jamais dans un environnement d’incertitudes qui
induit une nouvelle manière de penser les modes de décision.
Je vous souhaite, pour l'ensemble de vos travaux, un très grand débat sur l’infiniment petit. Je vous remercie.
(Applaudissements.)
M. le Président. – Merci, monsieur le maire, des paroles que vous venez de prononcer et merci de votre accueil.
J'appelle Marc DRILLON, directeur de l’Institut de physique et chimie
des matériaux de Strasbourg, Eric FOGARASSY, directeur de l’Ecole
nationale supérieure de physique de Strasbourg, Carole ESCOFFET qui
représente Mulhouse ce soir, Khalid ZAHOUILY, manager de Photon &
Polymers, et Jean-Luc REHSPRINGER, directeur scientifique et technique
de RB Nano. Le panel est au complet.
Comme je me tiens informé, j'ai appris ce matin par alsace.fr qu'un
professeur strasbourgeois a été couronné par l'Académie des sciences :
le chimiste Gero DECHER, professeur à l’université de Strasbourg et
chercheur à l’institut Charles Sadron à Strasbourg. Vous allez nous
expliquer ce qu'il fait.
M. DRILLON. – Merci beaucoup. Gero DECHER a eu cette récompense de
l'Académie des sciences pour ses travaux sur les couches minces qui
sont réalisées en chimie. Il a réussi à la fin des années quatre-vingt
dix à réaliser des empilements de nanomatériaux et de nanoparticules
qui sont chargés alternativement positivement et négativement. Les
domaines d'application sont multiples parce qu’il s'agit d'une méthode
simple de réalisation de couches minces. Les applications sont
multiples : réalisation de couches minces anticoagulantes pour tapisser
l'intérieur de cathéters, réalisation de couches hydrophobes
biocompatibles…
M. le Président. - On comprend mieux. Merci infiniment.
Je propose que Marc DRILLON nous fasse un rapide tour d'horizon des
principales activités de recherche à Strasbourg mais aussi, peut-être,
une petite introduction aux disciplines des nanosciences.
Diaporama.
M. DRILLON.- Très souvent, on associe nanomatériaux et
nanotechnologies. C'est tout à fait louable. Si le mot « nano »
apparaît véritablement au début des années quatre-vingt avec le
développement de la microscopie électronique à effet tunnel, les
nanomatériaux sont bien plus anciens : les premiers exemples
d’utilisation de nanomatériaux datent de l'époque romaine.
Lorsque cette coupe de l'époque romaine, trois siècles après
Jésus-Christ, est éclairée de l’extérieur, elle est verte ; lorsqu'elle
est éclairée de l’intérieur, elle est rouge. C’est simplement le fait
des nanoparticules d'or contenues dans le verre. Les fabricants avaient
utilisé un sable aurifère qui introduisait ces nanoparticules dans le
verre. Au Moyen Age, les verres rouges des vitraux de cathédrale
étaient également obtenus en mettant dans le verre fondu de l’or qui,
en éclatant, donnait des petites particules. Typiquement, aux tailles
nanométriques, l’or est rouge par un phénomène de diffraction.
La première mise en évidence des nanomatériaux date du début des années
’80 : un nanomatériau bien connu dans le monde de la recherche, au
moins autant que les nanotubes de carbone. Leur découverte en 1991 a
valu un Prix Nobel au chercheur qui les a découverts.
On trouve de nombreuses applications avec les nanotubes de carbone. Ce
qui est intéressant, c'est que quand on diminue la taille d'un
matériau, on modifie profondément ses propriétés. En l'occurrence, les
nanotubes de carbone, les fullerènes - qui n'est rien de plus que le
troisième état du carbone, la première étant le graphite, la deuxième
le diamant - sont cent fois plus résistants que l'acier pour une
densité six fois inférieure à l'acier. Ceci ouvre un certain nombre
d’applications, par exemple comme conducteurs mais aussi pour le
renforcement de structures.
Les chercheurs, par exemple sur Strasbourg, étudient ces nanotubes de
carbone pour ce qui préfigure la microélectronique de demain. Il s’agit
de connecter des nanotubes de carbones entre eux pour faire des
circuits de la nanoélectronique qui se développera dans dix, vingt ou
trente ans.
Le chercheur, de manière générale, s'inspire, de temps en temps et même
assez souvent, de la nature. Là vous avez quelque chose que vous
connaissez bien : une feuille de lotus recouverte d'une couche
nano-structurée qui la rend hydrophobe. Ce principe-là a été développé
par les chercheurs pour faire des nano-couches. Gero DECHER fabrique ce
type de couches à partir donc de couches hydrophobes en mimant la
nature. Ce sont quelques exemples de matériaux.
On passe maintenant à ce que l'on appelle les nanotechnologies. Quand
on fabrique des nanomatériaux, il faut encore pouvoir les étudier, les
observer, à l’échelle atomique si possible. Il est évident que la
découverte de la microscopie à effet tunnel nous a permis de faire un
bond fantastique. La microscopie électronique également.
Un exemple : quelque chose que vous connaissez bien, c’est le disque
dur qui existe depuis au moins vingt ans minimum et même plus. C’est
une formidable machine pour aller étudier une surface à l'échelle
nanométrique. Un disque dur, c'est une tête de lecture qui plane à
vingt nanomètres de la surface d'un disque et à trente mètres par
seconde. C'est le même exploit que de faire voler un 747 à un
centimètre de l'eau. Il faut que la surface soit extrêmement plane.
C'est pourquoi cela se fait en salle blanche à l'abri des poussières.
C’était un premier exemple de machine ou d'équipement permettant
d'aller étudier une surface.
Le chercheur va beaucoup plus loin maintenant avec le microscope à
effet tunnel. IBM avait réalisé l'écriture d'IBM avec des atomes, en
déplaçant simplement avec la pointe d'un STM (microscope à effet
tunnel) les atomes un par un pour aller déposer sur une surface le mot
IBM. En équivalence de quantité d'informations qu’on pourrait stocker
par cette méthode, cela correspondrait à mille milliards de volumes sur
une page A4.
Il va sans dire que l'on devrait pouvoir stocker toutes les
bibliothèques de la planète sur une page. Il est évident que les temps
d'accès par contre laissent à désirer.
Autres outils formidables pour étudier la matière à échelle atomique,
le dixième de nanomètre : les microscopes électroniques de dernière
génération qui ont une résolution de 1 angström, soit 0,1 nanomètre. Ce
que vous pouvez voir sur la droite est un nanotube de carbone d’un peu
plus de quatre-vingt nanomètres de large, dans lequel ont été
introduites des petites particules pour des développements en catalyse.
Le dernier exemple est celui d’une nanoparticule poreuse : une photo
classique de microscopie à gauche et en 3D. Par microscopie
électronique et traitement d'image, on peut aller sonder la matière,
cette nanoparticule, en son sein et regarder le type de porosité,
donner toutes les informations aux personnes qui travaillent en
catalyse pour stocker des nanoparticules métalliques dans ces grosses
particules qui font 200 nanomètres, mais également des informations sur
leur type de porosité.
M. LE PRESIDENT.- Merci. C'était clair et passionnant. Y a-t-il une
question spontanée ou tout était-il à ce point limpide ? Maintenant,
monsieur Eric FOGARASSY, que se passe-t-il à l'Ecole supérieure de
physique ?
M. FOGARASSY.- Merci. Bonsoir. Je dirige une école d'ingénieurs :
l’école de physique de Strasbourg. Nous formons des ingénieurs pour les
technologies du futur. Il faut savoir que Strasbourg a un pôle de
compétitivité dans le domaine de la santé. C'est vrai que ce pôle de
compétitivité est un élément fort des recherches développées à
Strasbourg, tant au niveau fondamental qu'au niveau de transfert de
technologies et au niveau des applications. Dans notre école, nous nous
adossons à des laboratoires de l’université et du CNRS, nous
développons des nanotechnologies, mais nous travaillons plus
particulièrement à l'interface avec la santé.
Je prends deux exemples d'activités fortes liées à la santé, et en
liaison avec les technologies. Marc Drillon a rappelé l’importance des
nanotubes de carbone. Il faut savoir que l’une des applications futures
de ces nano-objets, c'est le transport de molécules actives, de
médicaments, de nano-médicaments dans le corps humain. On a
actuellement des développements importants pour transporter très
localement par les voies naturelles des nanoparticules, des molécules
actives localement en toute zone du corps humain. Un exemple très
intéressant des nano-médicaments du futur.
Autre exemple fort d'activité en relation avec l'école : nous
travaillons avec des instituts médicaux, comme l’IRCAD qui est
mondialement connu, en particulier dans le domaine de l'imagerie
médicale. Quand on parle de cela, on parle de contrôle de diagnostic.
Nous sommes tous confrontés à ces nouveaux outils pour la santé.
Évidemment, face aux risques éventuels et futurs des nouvelles
technologies, la capacité de contrôler, d’observer à très haute
résolution le corps humain sont des éléments forts pour le
développement futur de toutes ces technologies.
Voilà un peu balayés deux exemples tout à fait intéressants du
développement des technologies en relation avec les nanosciences.
M. LE PRESIDENT.- Merci. Alors, Carole ESCOFFET, que se passe-t-il d’intéressant à Mulhouse ?
Mme ESCOFFET.- Tout d'abord, une petite entrée en matière : lorsque
l’on dit que l'on fait des nanotechnologies à Mulhouse on nous dit : «
Ah bon, même à Mulhouse on en fait ? » Oui.
D'abord, dans un laboratoire de physique on va étudier des structures
de semi-conducteur très petites, donc des nanostructures ; cela avait
commencé par des couches minces et maintenant c'est également des
petits points, de petits dots.
Ensuite, on a tout un panel de chimie des matériaux. Dans ce cadre,
certains matériaux contiennent des nano inclusions de graphite : cela
peut être des matériaux chargés, cela ressemble à ce que l'on peut
utiliser pour certains pneus. Typiquement, ces nanomatériaux se basent
sur des recherches menées depuis longtemps déjà sur Mulhouse.
Il y a également, tout un pan de matériaux à porosité contrôlée : ce
sont des espèces d’éponges avec des trous à l'intérieur de dimensions
nanométriques ; ce qu'on appelle également zéolite. C'est par exemple
utilisé pour des pots catalytiques et tout ce qui est catalyse ou
filtration.
Il y a également tout un pan de recherches concernant les surfaces et
interfaces. Vous pouvez pensez qu’une surface n’est peut-être pas de la
nanotechnologie. En fait, oui parce que dès que l'on s'intéresse à un
matériau coupé en tout petits morceaux, la quantité des surfaces
augmentent : plus on va avoir un matériau divisé, plus ses propriétés
vont dépendre des propriétés de l'interface. Toute l’étude des surfaces
et interfaces est en lien direct avec les recherches au niveau de la
nanoscience et de la nanotechnologie.
On peut se demander comment il se fait que, dans une petite université,
on ait tellement de domaines différents concernant les nanosciences et
nanotechnologies. Il faut savoir qu'au cours des dernières années, ce
n'est pas que les gens ont voulu se lancer dans des nanosciences pour
faire des nanosciences, c'est plutôt que tous les concepts développés
en nanosciences et nanotechnologies sont rentrés de fait dans le monde
de la recherche. Pour un certain nombre de sujets - tout à l'heure je
parlais des matériaux chargés, c'est-à-dire lorsqu'on inclut des
poudres fines à l'intérieur d'un autre matériau, pour comprendre ce
qu’il se passait -, on a utilisé des concepts de nanotechnologie.
Également un autre domaine : par exemple, dans le domaine des
interactions entre la lumière et la matière, pour travailler avec des
choses de plus en plus petites, on a utilisé les nouveaux concepts de
nanotechnologie pour envoyer de la lumière sur des zones de plus en
plus fines, voire plus petites que la longueur d’onde de la lumière,
c'est-à-dire au-dessous de la centaine de nanomètre. On a commencé à
faire des nanotechnologies.
Autre point : on peut remarquer aujourd'hui, quand on se promène dans
les laboratoires et universités, que des appareils tels que les
microscopes à force atomique sont devenus quasiment des appareils de
routine que l'on trouve dans de très nombreux laboratoires. De fait, un
grand nombre de sujets de recherche, de laboratoires de recherches,
travaillent avec des outils ou dans le domaine des nanotechnologies.
M. LE PRESIDENT.- Merci, cela termine un tour d'horizon trop bref bien
entendu des recherches en cours en Alsace. Maintenant, on va laisser
parler les entreprises qui vont nous expliquer ce qu’elles font.
M. REHSPRINGER.- Je suis conseiller scientifique de la société RB nano,
une TPE (très petite entreprise) qui travaille dans le domaine des
nanotechnologies.
Nous commercialisons des applications à partir de composés que nous
avons développés et qui associent la souplesse des plastiques à la
résistance des minéraux. Ces composés sont déposés en couches
nanométriques à la surface des pièces à traiter et ensuite sont
transformés par un apport d'énergie en couches minérales, le minéral
étant particulièrement résistant et inaltérable.
Pour donner des exemples d'application, on peut traiter par exemple la
surface de pièces en acier pour les protéger de la corrosion avec une
couche extrêmement fine. On peut également apporter ces couches sur des
surfaces de verre et rendre celui-ci, par essence non conducteur et
donc résistant, conducteur par cet apport de matière en surface.
Nous avons également développé des procédés qui permettent, grâce à un
faisceau laser extrêmement fin, en dessinant ou en promenant le
faisceau laser sur la surface que nous avons de dessiner des pistes
extrêmement fines de couches nanométriques pour faire par exemple des
marquages ou des pistes conductrices extrêmement petites ou des objets
un peu plus particuliers comme les hologrammes.
Notre technique comparée aux techniques concurrentielles,
qu’apportent-elles ? D’une part, nous utilisons des composantes non
toxiques. Ensuite, nous n'utilisons pas de solvant de type benzémiques,
qui sont plutôt toxiques ; nos solvants ne sont pas toxiques. Enfin, du
fait du dépôt de couches extrêmement minces, la quantité de matière ou
de vêtement que l'on dépose représente une masse très faible par
rapport à un revêtement classique de protection. On peut dire qu'on est
en utilisant des systèmes nanométriques on a un procédé plus « vert »
que ne le sont les procédés classiques.
M. LE PRESIDENT.- Est-il indiscret de vous demander si vous avez un
passé de chercheur et quelles relations vous entretenez avec des
laboratoires ?
M. REHSPRINGER.- Je suis également chercheur au CNRS et je consacre une
partie de mon temps de travail à la société RB nano. Je conseille les
chercheurs de R Nano dans les développements qu’elle suit avec les
industriels de la région.
M. LE PRESIDENT.- D'accord. C'est assez instructif effectivement comme
procédé de fécondation – si j’ose dire - d'une approche industrielle et
innovante par une vision de chercheurs.
Pas de questions ? Non. Cela semble quand même très prometteur.
M. ZAHOUILY.- Avant d’être directeur et manager de Photon &
Polymers, j'étais jusqu'à 2002 chercheur au CNRS à Mulhouse, dans
l'équipe de Carole Ecoffet. On travaillait plus ou moins dans le même
groupe.
Le domaine des photopolymères, c'est la transformation de la matière
grâce à l’apport photonique. Ce sont des revêtements que vous allez
trouver sur des parquets, pour réparer votre pare-brise chez Carglass
par exemple et de nombreuses applications de ce type.
J'ai créé cette société Photon & Polymers au sein du CNRS avant de
quitter le CNRS en 2004. Nous sommes actuellement cinq personnes :
trois docteurs, deux ingénieurs, deux techniciens.
S’agissant du domaine des nanos, nous avons commencé à travailler dans
le domaine des nano-composites. Nos premiers travaux avec le professeur
Christian Becker* avaient commencé sur l'utilisation des argiles ;
matériau naturel qui en même temps se présente sous la forme
micrométrique à l’œil, quand on ne l'a pas trop manipulé. Mais quand on
l’a traité de façon hydrophyllique, qui devient ce qu’on appelle une
argile hydrophyllique, en fin de compte l'argile, c'est une sorte de
millefeuilles qui empile plusieurs particules de taille nanométrique en
largeur.
Nous avons commencé tout d'abord à ajouter ces argiles naturelles dans
nos résines pour voir ce qu'elles allaient apporter. On s'est rendu
compte que l'argile naturelle n'apporte pas grand-chose sauf un apport
de charges. Quand on a essayé de titiller cette argile et de la faire
exfolier, on s'est rendu compte que notre matériau est maintenant
devenu nano composite, c'est-à-dire une résine dans laquelle il y a des
nanoparticules. On s’est rendu compte que ce nano matériau était devenu
transparent et avait des propriétés thermiques (barrière au gaz et
encore d'autres) que nous n’avons pas eu les moyens d'aller titiller et
de comprendre.
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