M. Patrick LEGRAND.- Merci. Madame, vous aviez un complément à apporter ?
Mme Patricia BLANCHE.- Je travaille également au Ministère de l’Écologie et du Développement durable, notamment sur le règlement REACH dont mon service à la charge de la mise en œuvre.
Le règlement REACH va permettre d’évaluer l’ensemble des substances aujourd'hui sur le marché, au-dessus d’un seuil d’une tonne par an de substances mises sur le marché. Ce seuil est trop élevé lorsque l’on parle de nanomatériaux : l’AFSSET a fait récemment une analyse, elle estime qu’en moyenne les nanomatériaux sont sur le marché à hauteur de 750 kg par an, en dessous du seuil.
Bien que le règlement REACH s’applique également à eux, très souvent, les nanomatériaux seront en dessous du seuil qui rend leur enregistrement obligatoire. Cela suppose, pour pouvoir leur appliquer pleinement ce règlement, qu’on le modifie pour changer ce seuil.
Un travail est assez avancé au niveau communautaire avec un groupe d’autorités compétentes auquel la France participe assez activement sur l’adaptation du règlement REACH. Malgré tout, il s’agit d’un règlement européen. De ce fait, en codécision, cela va prendre deux ou trois ans pour le réviser.
Dans l’attente, il est décidé de connaître ces nanomatériaux pour en évaluer les risques, en termes de nature, de caractérisation, de tonnage et d’usage. C’est l’objet du projet de déclaration obligatoire de fabrication et de mise sur le marché des nanomatériaux qui se trouve dans le projet de loi Grenelle 2 aujourd'hui.
La France sera le premier État en Europe à mettre en place ce système de déclaration obligatoire, ce qui va permettre d’élaborer une base de données des nanomatériaux qui sont aujourd’hui sur le marché. C’est une étape indispensable avant d’évaluer concrètement les risques ; c’est ce dont parlait la DGCCRF précédemment.
Notre objectif est de pouvoir ensuite exporter ou élargir cette banque de données au niveau européen, parce qu’une base de données uniquement française serait un peu limitée dans ce domaine. Dès lors que la loi Grenelle 2 aura pu être votée, nous la notifierons à la Commission européenne dans l’espoir d’avoir ensuite une mesure harmonisée, une base de données européenne en attendant que le règlement REACH puisse être révisé pour mieux s’adapter aux nanomatériaux.
M. Patrick LEGRAND.- Merci pour ces compléments.
M. Lionel GERMAIN.- Je me serais peut-être senti plus à l’aise de l’autre côté, j’ai beaucoup de questions à poser également !
Je saute sur l’occasion, puisque quelqu'un s’occupe de REACH ici. Je croyais avoir compris que REACH était basé surtout sur l’autoévaluation par l’industriel de la toxicité de ses propres produits.
C’est récent, le 14 décembre, l’Express et, le 11 décembre, le Monde ont parlé de l’affaire Monsanto. La Commission chargée de la réévaluation du génie génétique, le CRIIGEN, a relevé que, finalement, le MON810 était toxique, alors qu’il avait été approuvé par l’Union européenne, selon des études menées par Monsanto lui-même.
REACH, c’est mieux que rien, avant il n’y avait rien, c’est un très gros travail pour lequel je vous félicite ; il n’empêche qu’il y a encore des failles. Y a-t-il des choses pour améliorer cela prochainement ?
J’aimerais également que, lorsque l’on évalue la toxicité, ce ne soit pas seulement la toxicité humaine mais aussi pour l’environnement, et que l’on prenne en compte tout le cycle de vie des particules. Cela s’applique pour toutes les technologies, pour toutes les substances toxiques. C’est très général.
Selon moi, il y a un rôle de l’État. Une des critiques du Sénat disait que REACH ferait augmenter le prix des produits, puisque c’est financé par les industriels. Finalement, ne pourrait-on pas le payer avec nos impôts directement ? Cela garantirait une certaine indépendance.
Les nanotechnologies sont une bulle dans l’espace des substances toxiques.
M. Patrick LEGRAND.- La question concernait également le temps de l’industrie et celui de l’évaluation. Cela ne suscite pas de réflexion ?
M. Lionel GERMAIN.- Concernant Monsanto, il s’agissait de quelques mois. Les conditions de test doivent être réalistes. Concernant les nanoparticules, les tests sont réalisés à partir de doses que l’on ne rencontre jamais dans la vie courante, auxquelles on expose des rats.
Je pose la question pour les toxicologues de la bioaccumulation et du devenir des particules, des expositions répétées à de toutes petites doses. En tant que cycliste, j’ingère des rejets de diesel à longueur de journée. Je me pose la question de ma santé, c’est légitime.
M. Patrick LEGRAND.- Madame, vous aviez quelque chose à nous dire au sujet de la régulation des nanoparticules ?
Mme Patricia BLANCHE.- Effectivement, le règlement REACH est le renversement de la charge de la preuve. Le principe est que, dans les années précédentes, c’étaient les États membres de l’Union européenne qui étaient chargés d’évaluer les risques posés par les produits chimiques sur le marché.
En 20 ans, on a dû évaluer quelques dizaines de produits chimiques sur 30 000. Manifestement, les moyens n’étaient absolument pas à la hauteur du sujet et le renversement de la charge de la preuve - qui correspond au principe pollueur – payeur, consiste à demander à la personne qui met sur le marché un produit qui potentiellement présente des risques, de financer l’évaluation des risques.
Pour nous, c’est fondamental, c’est un principe que la France a soutenu, cohérent avec le principe de pollueur - payeur. Il me semble difficile de le contester maintenant.
En revanche, y a-t-il quelqu’un (autorité, agence ou État membre) qui évalue le dossier réalisé par les industriels ? La réponse est oui. Dans le cadre du règlement REACH, les États membres ont mis en place une Agence européenne des produits chimiques, basée à Helsinki, qui n’est financée que par les États membres et la Commission européenne, chargée d’évaluer la qualité des dossiers d’enregistrement ou d’évaluation montés par les industriels.
Bien entendu, ce n’est pas une évaluation à 100 %, mais en France on ne contrôle rien à 100 %. Ce sera une évaluation des dossiers et des substances les plus préoccupantes, sur échantillon de la qualité des analyses et des tests. Il y a une possibilité de refaire des tests, il y a un travail d’évaluation de la qualité des dossiers qui sont originellement réalisés par les industriels.
Dans ces dossiers, on ne parle pas seulement de toxicologie mais aussi d’écotoxicologie, d’impact sur la faune, sur la flore, sur les milieux. Tout cela est vraiment couvert dans les dossiers d’enregistrement dans le cadre de REACH ; c’est ce qui rend ces dossiers si lourds et ce qui fait que cela va prendre du temps.
De ce fait, certains s’inquiètent du coût pour l’industrie chimique. Il me semble important qu’il soit porté par les personnes qui mettent sur le marché et non par les contribuables. C’est une question de débat, mais pour moi c’est le sens du principe pollueur - payeur.
Le dossier d’enregistrement est réalisé par les industriels, mais le contrôle de ce dossier est fait par une agence indépendante, l’agence européenne des produits chimiques.
Ensuite, ce n’est pas parce que le financement vient des industriels que les études ne sont pas indépendantes. Dans un certain nombre de domaines, tels que les ondes électromagnétiques, on réfléchit aux modalités de financement. On peut en envisager selon lesquelles l’ensemble des opérateurs économiques cotise à un fonds, servant ensuite à financer des travaux de recherche.
Ce n’est pas parce que les fonds viennent des industriels que leur utilisation n’est pas marquée par la neutralité ou l’indépendance. Il faut être prudent, sinon on remet en cause le principe de pollueur - payeur. Il faut seulement qu’une organisation transparente justifie l’utilisation des fonds.
Quant au maïs Monsanto 810 et les OGM, une étude a été menée par le CRIIGEN qui est une ONG (ce n’est pas le Haut conseil des biotechnologies installées dans le cadre du Grenelle de l’environnement) ; vous savez qu’en France, ce maïs n’est plus cultivé, un moratoire a été décidé dans le cadre du Grenelle de l’environnement.
La France a estimé que l’autorisation délivrée au niveau européen ne répondait pas à un certain nombre de questions et que, tant que les réponses n’étaient pas arrivées, on ne cultiverait pas ce maïs. Ce n’est pas l’étude du CRIIGEN qui a conduit au moratoire, cela a été décidé bien avant. Ces travaux sont suivis par le Haut Conseil des biotechnologies au niveau national.
M. Patrick LEGRAND.- Merci pour ces compléments.
M. Lionel GERMAIN.- Quel est le budget d’Helsinki, combien de personnes y travaillent ? Je cherche à savoir s’il a les moyens en face pour agir…
M. Patrick LEGRAND.- Vous répondrez plus tard, c’est un engagement, cela apparaîtra sur le site internet du débat public.
M. Guy CAMBIANICA.- Je suis très intéressé par tout ce qui est mis en œuvre pour protéger le consommateur et l’environnement. Je pense que l’on ne va pas encore assez loin.
Comme le disait Monsieur tout à l’heure, les moyens alloués à ce contrôle au niveau de l’Europe sont certainement eux aussi de type nano par rapport aux enjeux ; il faut aller beaucoup plus loin. En revanche, ce débat me gêne un peu, il est le même que lorsqu’on disait que Pasteur avait inventé les microbes. On noircit un débat qui est plutôt porteur d’espoir.
On pourrait peut-être revenir un peu sur toutes les faces plutôt avenantes de ce sujet, sans méconnaître les problèmes puisqu’il faut les traiter. Ce n’est pas suffisant. Il faut savoir que les nanotechnologies vont nous permettre de mieux utiliser l’énergie, d’allonger la vie, de sauver des vies, etc. Cela me paraît tout de même intéressant.
Il faudrait tout de même revenir à un peu plus de raison, jusqu’à ce jour et grâce à la science, les gens vivent plus vieux et en meilleure santé. Tant que l’on n’a pas prouvé qu’une avancée technologique, comme celle de l’amiante par exemple, était pointée du doigt pour raccourcir la vie, il faut continuer de travailler plutôt sur les aspects positifs, bien qu’il ne faille pas négliger, au contraire, les aspects qui peuvent être potentiellement porteurs de danger.
M. Patrick LEGRAND.- Merci. Sur cette question, vous avez sûrement tous quelque chose à dire.
M. Lionel GERMAIN.- Je trouve en fait qu’il y a deux poids, deux mesures. J’ai fait une étude bibliométrique : en toxicologie, cela représente 3 % des articles scientifiques publiés. Sur les applications et le développement, actuellement, dans la balance, il n’y a pas vraiment d’équilibre.
M. Patrick LEGRAND.- Du côté des aspects bénéfiques ou pour ne pas trop noircir le tableau, il y a certainement quelque chose à dire sur l’utilité et l’efficacité de ces nanotechnologies.
Mme Sophie DELEYS.- Nous sommes en lien avec différents laboratoires qui nous sollicitent pour les aider à monter des projets d’innovation. Les nanotechnologies en font clairement partie actuellement ; c’est un thème récurrent. On rencontre des chercheurs et des industriels qui balaient vraiment des domaines d’application variés.
Si le but de la question était de demander où l’on peut trouver des nanotechnologies et quels sont leurs avantages, pour tout ce qui est vraiment matériaux de construction, aéronautique, énergie ou autres, cela tient à leurs propriétés. Dans l’aéronautique, c’est une question de poids. On peut aujourd'hui garder des propriétés mécaniques dans un tableau tout en l’allégeant. On va résoudre des problèmes de poids. On va retrouver tout ce qui touche l’écologie. Lorsqu’on parle de voler, moins on est lourd et moins on va polluer. Cela va tout de même dans le bon sens.
Au niveau de la médecine, beaucoup de choses sont faites. Je ne suis pas spécialiste, je vulgarise vraiment beaucoup, ce n’est pas ma spécialité, c’est pour vous donner des thèmes que l’on peut rencontrer. Au niveau de la médecine, des laboratoires, du côté de Nancy, travaillent sur des vecteurs permettant de soigner des cellules cancéreuses en ciblant réellement les problèmes et les cellules malades. On peut le faire grâce à des nanovecteurs qui peuvent être fonctionnalisés et qui permettent réellement de cibler la tumeur. On a d’assez bons résultats. Cela va plus loin que ce simple constat d’avantages puisqu’ils se sont déjà posé la question de comment les tracer -on parle tout de même du corps humain-, comment vérifier que cette nanoparticule ne reste pas dans le corps. Ils travaillent alors sur les différents matériaux utilisés pour tracer, grâce à des contrôles IRM, la présence ou non de ces nanovecteurs dans le corps après activation de ces nanoparticules.
Ce sont des exemples vulgarisés pour démontrer que les nanotechnologies touchent tous les corps de métiers, tous les domaines d’application, il y en a des centaines et des milliers. Je suis à fait d’accord avec vous, je dis simplement qu’il y a des avantages dont il faut mesurer les conséquences à différentes échelles en fonction des thématiques.
J’ignore si vous pouvez expliquer plus dans le détail les applications de vos laboratoires respectifs, est-ce que les nanotechnologies peuvent aller dans le bon sens au niveau de l’énergie ?
M. Abdallah OUGAZZADEN.- Je peux donner quelques exemples d’application selon lesquelles la nanotechnologie peut apporter une amélioration.
Je prends pour exemple l’efficacité des cellules solaires. Si l’on parle des panneaux solaires, on regarde l’absorption du spectre solaire avec le silicium, qui n’est faite que sur un spectre très court en longueur d’onde. Tout le reste du spectre se transforme en chaleur et subit des pertes. Avec des nanostructures, on peut désormais faire une conversion de longueur d’onde ou de couleur afin de mettre l’ensemble du spectre à la longueur d’onde efficace pour l’absorption de certains matériaux. On augmente l’efficacité par exemple des cellules solaires en ajoutant des nanostructures.
On peut également concentrer plus de lumière, les nanostructures jouent le rôle de concentrateur. Au lieu d’avoir l’équivalent d’un soleil, on en a deux ou trois, voire plusieurs dizaines sur une cellule.
On peut, avec les nanostructures, faire un revêtement de la surface pour éviter tout le mouillage, puisque c’est hydrophobe, de la surface ou l’accrochage de poussières qui diminuent l’efficacité. En ajoutant ce revêtement, on garde une surface très propre et une efficacité constante.
Ce sont des exemples selon lesquels les nanostructures améliorent l’efficacité ; je parlais des panneaux solaires, je donne le dernier exemple des portables. Nous avons des processus électroniques, le rêve est d’aller vers le tout optique qui est rapide et compact. Le problème est celui de la limitation dans la compacité, c’est l’effet de la diffraction de la lumière.On ne peut aller à l’échelle nanométrique avec des longueurs d’onde qui sont dans l’infrarouge. Avec la nanostructure, en faisant des plots métalliques en lieu et place des fils métalliques, plots disposés à une certaine périodicité, on peut guider la lumière sur une échelle manométrique. On peut même le faire tourner à 90°, les photons tournent à 90° pour aller d’un composant à un autre. On peut parvenir à faire toute une intégration optique, entraînant de nombreuses conséquences positives : rapidité, densité de stockage, etc.
M. Patrick LEGRAND.- Monsieur avait un complément à apporter.
Intervenant.- Une remarque et deux questions. Le thème était annoncé autour de l’habitat et de l’énergie, je suis désemparé par le fait que, seulement après deux heures de débat, on arrive à la question de l’énergie et pas encore à celle de l’habitat.
Il serait intéressant d’avoir votre point de vue sur les applications en termes d’habitat : quelles sont les nouvelles applications permises par cela ? C’est intéressant pour demain. Beaucoup de questions posées sur Internet et dans la salle n’ont pas eu d’écho sur ces questions.
M. Patrick LEGRAND.- Vous faites la problématique du débat.
Intervenant.- Je renvoie ma seconde question à l’ensemble des intervenants. On a bien expliqué au départ combien les nanotechnologies étaient définies d’abord par la capacité nouvelle, récente, à les mesurer.
Je suis surpris que l’on ne fasse porter nos précautions, nos préventions, voire nos contrôles, que sur les nouvelles nanoparticules que nous fabriquons. C’est une première chose, une première étape ; seulement, si je comprends bien, certaines existent dans la nature depuis longtemps. De plus, on en fabrique volontairement aujourd’hui. Troisièmement, n’y a-t-il pas une encore plus grande quantité que nous fabriquons depuis très longtemps, involontairement et sans le savoir, puisque nous n’avions pas les moyens de les mesurer ?
Je suis surpris qu’il n’y ait pas d’approche -on ne l’a pas encore entendu- de vérification et de contrôle de ce qui existe déjà par exemple dans l’habitat, comme matériaux. Lorsque je perce un trou dans les matériaux qui m’ont été vendus il y a des années, je produis peut-être plus de nanoparticules que vous n’en fabriquerez jamais dans vos laboratoires.
A-t-on dans les matériaux actuels de l’habitat des présences de nanoparticules, que nous découvrons aujourd’hui, mais dont les moyens de les découvrir doivent permettre d’en vérifier la nocivité éventuelle, avant même de vérifier la nocivité de futures nanoparticules que nous fabriquerons ?
M. Patrick LEGRAND.- Merci.
M. Joël JACQUET.- L’ensemble de ces questions est intéressant.
Concernant votre première remarque au sujet de l’habitat, je vous donne un exemple, celui de l’utilisation de verre autonettoyant, que l’on sait aujourd’hui fabriquer. Cela a un double intérêt. L’utilisateur n’a plus à laver ses vitres. De ce fait, c’est lié à l’éco-environnement, c’est une économie de détergent.
Il y a d’autres exemples, on a parlé du photovoltaïque, c’est l’énergie fabriquée à la maison. Quelle était la seconde partie de votre question ?
Intervenant.- Elle concernait les nanoparticules que nous avons fabriquées sans le savoir.
M. Joël JACQUET.- Cela rejoint ce que je disais au début au sujet de la mesure. Si je déchire une feuille de papier, je vais fabriquer des nanoparticules, cela me paraît évident.
Je voudrais rebondir sur ce qui était dit tout à l’heure. En tant que scientifiques, nous apparaissons peut-être comme les méchants dans le débat, apportant de mauvaises nanoparticules. En ce qui me concerne, ce qui m’intéresse n’est pas de fabriquer une nouvelle crème qui va se vendre à des millions d’hectolitres ; les histoires de lobbying ne m’intéressent pas du tout.
Les exemples évoqués sur les applications médicales, de mise au point des nanoparticules permettant d’améliorer les traitements, de les focaliser, de les rendre moins invasifs et plus performants, moins traumatisants, ce sont des motivations, des points positifs, des progrès sur lesquels il est évident que notre motivation se manifeste le plus.
Sur l’ensemble, vous avez raison, c’est un travail énorme. En région Lorraine, de nombreuses personnes ont travaillé dans des mines et ont souffert de la silicose ; ces personnes ne savaient pas ce qu’étaient les nanotechnologies, mais elles mourraient de respirer des particules de silice. C’est une réalité, le travail est énorme.
M. Patrick LEGRAND.- Merci. Cela a un peu engagé la réponse. Il me semble que Madame a peut-être une réponse complémentaire.
Intervenante.- Je voulais rappeler que, concernant les OGM, si les faucheurs -et donc les citoyens- n’avaient pas retardé au maximum la plantation et l’utilisation à l’air libre des OGM, la France n’en aurait pas été aussi protégée.
Un Gouvernement qui ne parvient pas à limiter la quantité de sel dans les produits cuisinés, alors que l’on sait que cela éviterait un certain nombre de maladies cardiovasculaires, ce Gouvernement pourrait être plus protecteur des citoyens.
J’ai une remarque plus qu’une question. Que les chercheurs cherchent me paraît tout à fait naturel, on n’a pas à l’empêcher. En revanche, j’aimerais que tous les participants du débat public entendent qu’il faudrait qu’au moins la moitié des crédits de recherche soient consacrés aux études d’impacts, qu’ils soient sanitaires, sociaux ou autres.
On est sur l’habitat et l’énergie, il n’empêche que, derrière l’utilisation des nanotechnologies, il existe des possibilités de contrôles sociaux absolument inimaginables aujourd'hui. Avec les progrès des nanotechnologies, par exemple, la résistance ne serait plus possible parce que les personnes ne pourraient pas se cacher avec l’utilisation des RFID.
Cela a l’air grandiloquent, simplement je ne suis pas persuadée qu’un débat avec aussi peu de publicité, alors que les enjeux sont aussi importants -on sait que les enjeux financiers le sont également-, je ne suis pas sûre que les politiques, notamment les députés, soient suffisamment informés. Ce sont eux qui font la loi.
Au regard du nombre de décrets sur les protections environnementales (on affiche des lois sans décrets, il n’y a donc pas d’application ni de mise en œuvre), j’ai cette demande forte. Je demande également que les procédures soient nettement plus rapides afin d’aboutir à un REACH 2. Le temps de la négociation va encore prendre trois ans. Pendant ce temps, chacun sert de cobaye.
M. Patrick LEGRAND.- Merci pour ce discours ferme et musclé.
M. Fabien MORTIER.- Je veux rebondir sur ce que vous venez de dire. Je ne travaille pas du tout en toxicité et ne suis pas apte à vous donner beaucoup d’informations à ce sujet.
Je sais tout de même qu’au CEA, 26 % des sommes engagées sur les nanotechnologies sont consacrées aux études toxiques : ce n’est pas dérisoire, ce n’est pas rien. On ne peut pas dire que l’on s’en fiche et que l’on est sur une politique qui invente sans appréhender les conséquences. Des sommes importantes sont mises en face de cela.
Intervenante précédente.- Cela répond à ma question, il n’empêche que cela ne me rassure que très partiellement.
M. Patrick LEGRAND.- Merci. Il y a un nid d’inquiets !
M. Daniel BÉGUIN.- Je reviens sur le sujet du jour, l’énergie dans l’habitat. C’est pour nous une vraie question, au vu des moyens financiers que nous mettons aujourd’hui afin de diminuer de manière très importante nos consommations d’énergie dans l’habitat, notamment pour les personnes les plus défavorisées.
Une interrogation se pose : aujourd’hui, les techniques les plus avancées, les plus élaborées d’économie d’énergie dans l’habitat ou de production d’énergie renouvelable sont très peu accessibles aux citoyens les plus démunis. Or, ce sont eux qui ont besoin d’une solidarité bien plus grande. Ce sont ceux pour lesquels les charges d'énergie, comme les charges d’eau, pèsent sur les budgets des ménages, ils sont en difficulté à chaque fin de mois.
Au regard de l’évolution significative des technologies, on le mesure, les prix des matériaux n’ont pas fondamentalement changé. On voit la progression du photovoltaïque : en un an, nous avons 6 000 dossiers subventionnés sur le photovoltaïque des particuliers, cela explose, mais depuis quatre ans, le prix des matériaux n’a pas véritablement diminué, celui des installateurs encore moins.
Ces technologies, dont on nous dit qu’elles nourrissent en elles des potentialités énormes, à la fois sur le plan de l’efficacité de la production d’énergie mais aussi éventuellement sur les réductions de coûts, ne donnent pas entièrement satisfaction.
Pensez-vous qu’à moyen terme on va être capable, en développant les technologies les plus avancées, notamment les nanotechnologies, d’avoir des matériaux isolants ou des matériaux de production d’énergie renouvelable largement accessibles au plus grand nombre ?
Si non, que pensez-vous qu’il nous faille faire, nous comme vous, pour faire en sorte que les citoyens les plus défavorisés puissent eux aussi accéder à ces technologies et à ces économies d’énergie ? C’est une vraie question de société.
M. Patrick LEGRAND.- Merci. Qu’est-ce que ce genre de question vous inspire ?
M. Lionel GERMAIN.- Les technologies vertes sont souvent plus chères que les autres, pour la simple et bonne raison qu’il y a une intériorisation des coûts qu’il n’y a pas dans les autres technologies, malheureusement. C’est aussi à l’État que je m’adresse, il faudrait légiférer dans ce domaine.
M. Abdallah OUGAZZADEN.- C’est une question très intéressante que celle des conséquences de deuxième ordre. On arrive à développer technologiquement des choses très bénéfiques pour l’humanité : longévité et bonne santé. La conséquence de deuxième ordre est que l’on doit travailler plus longtemps. Ces questions se posent.
On peut arriver à avoir des matériaux poreux qui ont une bonne isolation thermique, qui sont résistants, légers, etc. Pour le moment, c’est cher et peu accessible aux personnes défavorisées. C’est une opinion personnelle, je me base sur les anciennes technologies : les ordinateurs qui, au début, étaient très chers, ont vu leurs prix diminuer avec le temps, les demandes et la quantité à fabriquer.
C’est comme les médicaments, lorsque l’on commence à les fabriquer, ils ne sont pas accessibles à tout le monde. Après, si l’on regarde à long terme, ce sera bénéfique. Je peux me tromper.
M. Claude PARMENTELAT.- Je vois que l’on aborde des problèmes économiques. Il ne faut pas rêver, on est dans une économie libérale, s’il y a un marché à prendre par les professionnels du produit et de l’installation, pensez bien qu’ils n’auront pas tous les mêmes objectifs.
Certes, à terme, il y aura des économies d’échelle, des diminutions relatives de prix ou des hausses modérées, cependant il est sûr que par rapport à la mise sur le marché de certains produits, le prix est la résultante du marché. Je le répète : on est en économie libérale. Pour que l’on puisse intervenir sur le prix, il faut un texte. Ce n’est pas la direction que l’on a prise depuis 25 ans.
M. Patrick LEGRAND.- Merci. Madame Rousseau ?
Mme Michèle ROUSSEAU.- Je voulais réagir sur la phrase : une technologie verte est forcément plus chère. Pas forcément. Une technologie verte est une technologie dont le but est de préserver l’environnement ou de consommer moins d’énergie.
Si je prends les éoliennes, qui étaient très chères à l’origine, leur coût a tout de même sensiblement baissé. Dès lors que les technologies se répandent, leur coût baisse beaucoup. Il n’y a pas de fatalité pour dire que les technologies vertes sont plus chères que les autres.
Ceci étant, pour les technologies dont nous parlions tout à l’heure, le photovoltaïque, il est certain que c’est encore le futur ; cela peut permettre de répondre aux investissements qu’il y aura à faire à court terme dans les bâtiments publics, ceux de l’État ou des collectivités locales.
M. Patrick LEGRAND.- Monsieur ?
M. Daniel BÉGUIN.- Madame, vous représentez le Ministère de l’Écologie. Comment allons-nous faire ?
On en discute à Copenhague : pour 2050, nous aurons des engagements déterminants pour ce qui concerne la réduction de nos consommations d’énergie. Il va falloir travailler à des échelles qui sont aujourd’hui inconnues pour la rénovation de l’ensemble des habitations anciennes sur la France. En région Lorraine, il va falloir travailler sur 80 000 logements par an. Cela représente 1,4 milliard d’euros.
Vous dites qu’il va falloir attendre, c’est une contradiction majeure. Si la collectivité entière doit s’engager pour réduire les gaz à effet de serre et nos consommations d’énergie, et donc pour remplir nos engagements internationaux, il faudra qu’en face, des politiques publiques d’accompagnement entraînent sur une vraie traduction auprès de l’ensemble de nos concitoyens.
Il me semble que l’on ne peut pas afficher un objectif très ambitieux, sans se donner les moyens de les réaliser. La puissance publique tout entière, par des investissements publics, par une fiscalité adaptée ou par une réglementation adaptée, devra intervenir à ce niveau.
Je m’interroge là-dessus, je suis un peu inquiet quant à la distance entre l’affichage, les propos et ceux que j’entends de la part d’une représentante du Ministère. Je connais les Ministères depuis 30 ans, j’ai connu 13 Ministres et Secrétaires d'État, on a l’habitude.
M. Patrick LEGRAND.- Ce n’est pas exactement le sujet. On peut solder la querelle temporairement.
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