Les cahiers d'acteurs du débat public sont des contributions écrites d'acteurs du débat public, institutionnels ou associatifs, édités par la CPDP au cours du débat. Ils permettent d'éclairer le public, sur des questions touchant les nanotechnologies.
Ce
cahier présente les nanotechnologies utilisées en cosmétique et
s’intéresse plus particulièrement au dioxyde de titane. Il donne
également des informations relatives à l’évaluation de leur sécurité.
Les nanotechnologies en cosmétique
L’Industrie cosmétique a mis au point différentes innovations issues des nanotechnologies. Il s’agit de nanodispersions liquides et de nanomatériaux.
Les nanoformulations liquides
Ces nanoformulations regroupent des nano-émulsions et des nano-capsules.
Les
nano-émulsions sont des préparations renfermant des gouttelettes d’eau
ou d’huile de taille nanométrique, préparées à l’aide, par exemple, d’ultra-sons.
Les nano-formulations ont plusieurs avantages, en terme d’efficacité du produit d’une part, de texture d’autre part.
En terme d’efficacité,
elles permettent de protéger des éléments actifs mais fragiles à l’air,
comme les vitamines, dans des systèmes nanométriques appelés liposomes
ou nano-capsules.
Au contact de la peau, ces structures de taille nanométrique se désagrègent et libèrent
les éléments qu’elles contiennent, préservés de l’oxydation. Les
ingrédients actifs restent ainsi efficaces pendant la conservation du
produit et sont libérés là où ils agissent.
En terme de texture
par ailleurs, les nano-émulsions offrent la possibilité d’avoir des
préparations à forte teneur en huiles (huiles nutritives dans les
produits capillaires par exemple) sans l’inconvénient d’une texture
grasse.
Les nanomatériaux
Le
Règlement « Cosmétiques », voté le 24 mars 2009 au Parlement européen,
introduit une définition du nanomatériau : un matériau non soluble ou
bio-persistant, fabriqué intentionnellement et se caractérisant par une
ou plusieurs dimensions externes ou par une structure interne, sur une
échelle de 1 à 100 nm.
Parmi les nanomatériaux, le plus connu et le plus utilisé est le dioxyde de titane (TiO2).
Ce
filtre minéral est connu pour sa capacité à réfléchir, disperser et
absorber les rayons ultra-violets (UV) et à protéger contre les effets
délétères induits par une exposition prolongée au soleil. Il est
utilisé dans les produits de protection solaire sous la forme de nano
dioxyde de titane depuis bientôt 20 ans.
Le TiO2 sous forme nanométrique présente
un double avantage. C’est un filtre solaire plus efficace, notamment
pour absorber les UV. En outre, le TiO2 nanométrique est moins blanc,
plus transparent que la forme micrométrique. Les consommateurs
appliquent plus volontiers un produit de protection solaire qui ne rend pas le visage ou le corps «tout blanc».
En complément avec d’autres filtres, notamment
organiques (chimiques), le TiO2 est incontournable et permet d’obtenir
des indices de protections solaires UVB et UVA très élevés, bien
équilibrés, qui jouent un rôle essentiel dans la prévention des cancers
cutanés.
L’évaluation de la sécuritéde ces nanotechnologies
Les types de danger
D’un point de vue scientifique, les nanomatériaux sont questionnés sur deux types de risque : une réactivité cellulaire et tissulaire
particulière en rapport avec leur très petite taille (pour la même
quantité de matière, la surface de contact est plus grande), et un
risque de passage de barrières physiologiques, comme la peau ou la barrière pulmonaire.
Par ailleurs, la même interrogation se pose s’agissant de la dissémination de ces particules dans les écosystèmes, leur histoire naturelle étant encore mal connue.
Evaluation de la sécurité - Nanoformulations
Les
nanoformulations liquides n’exposent pas à ces risques. Les
nanoémulsions et les liposomes sont des systèmes qui se désagrègent au
contact de la peau et qui ne posent pas de problème de sécurité lors de
leur utilisation en cosmétique (SCCP/1147/07, 18 décembre 2007). Les
méthodes conventionnelles d’évaluation du risque sont suffisantes, car
le caractère nano de ces éléments ne nécessite pas d’évaluation
particulière.
Evaluation de la sécurité - Nanomatériaux
En
ce qui concerne les nanomatériaux solides en général, le même avis du
CSPC reprend les interrogations soulevées plus haut sur l’éventualité
d’une plus grande réactivité moléculaire, sur le passage à travers des
barrières naturelles et sur l’empreinte environnementale.
Dans
le cadre des questions actuellement posées sur la sécurité des
nanomatériaux utilisés en cosmétique, l’Industrie cosmétique poursuit
ses travaux : des études scientifiques sont en cours afin de préciser les propriétés des nanomatériaux solides et d’en confirmer l’innocuité, notamment dans le cadre de REACh et des programmes mondiaux sur l’évaluation des nanotechnologies.
Le dioxyde de titane
Pour sa part, le dioxyde de titane a fait l’objet de nombreuses études.
Absence de passage transcutané du nano TiO2
Une
vingtaine d’études de la pénétration percutanée du TiO2 sous forme
nanométrique dont celles menées dans le cadre du programme européen de
recherche NANODERM, ont montré que le
nano-TiO2 ne pénètre pas dans les couches vivantes de la peau. Ces
études ont été conduites sur différents modèles in vivo ou in vitro,
après administration unique ou réitérée, sur peau saine ou altérée, en
utilisant de nombreux supports formulatoires différents, sur différents
types de TiO2 (enrobé ou non, forme et taille des cristaux différents),
et par des acteurs aussi différents que des industriels, des équipes de
recherche académiques et des agences gouvernementales.
En Australie,
où le gouvernement est très sensible aux questions touchant à la
protection solaire et où soixante-dix pour cent des produits de
protection solaire contiennent des nanoparticules de dioxyde de titane,
une revue exhaustive de la littérature a été effectuée en 2006 par le
Ministère de la santé. Cette revue a conclu à l’absence de pénétration des nanoparticules de dioxyde de titane en deçà des couches supérieures de la couche cornée de la peau. Cette conclusion a été confirmée en 2009.
Depuis
ces études, on sait enfin que le TiO2 nano ne reste pas sous forme
nanométrique lorsqu’il est formulé mais qu’il s’agrège en agrégats et
agglomérats de 1 à 3 microns.
Classification par le CIRC et risque pulmonaire et rénal
Le
CIRC (Centre international de Recherche sur le Cancer, organe de
l’évaluation de l’OMS) a émis l’hypothèse que le dioxyde de titane
pourrait être cancérigène s’il entre en contact avec les cellules
pulmonaires et l’a classé, en 2006, en 2B, carcinogène possible chez l’homme, par inhalation.
En
effet, des études de cancérogenèse chez les rongeurs, dans la trachée
desquels on dépose de grandes quantités de TiO2, montrent la survenue
de cancers chez l’animal. A l’inverse, toutes les études chez l’homme,
sauf une, ne montrent pas de surmortalité par cancer du poumon ni du
rein chez les travailleurs exposés au dioxyde de titane.
Avis du Comité scientifique des produits de consommation
Le
CSPC a évalué le dioxyde de titane (SCCNFP/0005/98, 24 octobre 2000) et
a conclu que celui-ci est, dans un produit cosmétique, un ingrédient
sûr.
Dans le cadre de sa réflexion sur les
nanotechnologies, la Commission européenne a décidé de procéder à une
nouvelle évaluation, spécifiquement de la forme nano. Cette évaluation
est en cours.
Protection des travailleurs
Les
ingrédients cosmétiques qui sont utilisés à l’échelle nanométrique sont
obtenus de telle manière qu’il n’y a pas de contact avec l’homme lors
de leur fabrication.
Ensuite, pour manipuler
ces ingrédients, les laboratoires cosmétiques bénéficient de systèmes
de protection adaptés et tout est mis en place pour éviter l’inhalation
de ces matériaux.
De plus, un guide de Bonnes
Pratiques de protection des travailleurs exposés aux nanomatériaux dans
l’Industrie cosmétique est en cours d’élaboration.
L’Industrie cosmétique, pionnière de l’encadrement des nanomatériaux
Le Règlement « Cosmétiques », voté le 24 mars 2009 au Parlement européen, introduit un nouveau système d’encadrement des nanomatériaux.
Il impose à toute entreprise qui souhaite commercialiser un produit contenant des nanomatériaux, d’en informer,
6
mois avant la mise sur le marché, la Commission européenne. En cas de
doute, cette dernière pourra requérir l’avis du Comité Scientifique
pour la Sécurité des Consommateurs.
De plus,
l’entreprise devra indiquer la présence de ces nanomatériaux dans la
liste des ingrédients qui figure déjà obligatoirement sur tous les
produits. Une règle d’étiquetage a été prévue à cet effet : nom de
l’ingrédient [nano]. Cela donnera par exemple : Titanium dioxide
[nano].
L’Industrie cosmétique est ainsi le premier secteur économique à se doter d’un encadrement spécifique des nanomatériaux.