Les risques pour l’environnement
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Peu de données existent à l’heure actuelle pour
apprécier de manière certaine la mobilité, le devenir et les éventuels
effets toxiques des nanoparticules dans les eaux et sur les organismes
aquatiques
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Les impacts sur l’air, les sols et les eaux
Compte tenu de leur taille, les nanoparticules pourraient être
facilement dispersées par voie atmosphérique, transportées sur de
longues distances puis redéposées loin de leur lieu d’émission.
Toutefois, du fait de leur réactivité chimique élevée, il semble
qu’elles tendent à fixer d’autres polluants et donc à se déposer plus
rapidement sur le sol même s’il existe, à cet égard, des différences
entre les particules ultrafines, issues par exemple de la combustion,
et les nanoparticules industrielles.
Il existe peu d’études spécifiques concernant la mobilité des nanoparticules dans les sols. Néanmoins, du fait de leur taille, elles y sont potentiellement mobiles. Par ailleurs, leurs propriétés de surface leur confèrent celle de fixer certains polluants comme les métaux lourds ou divers pesticides |
et pourraient donc favoriser tout autant leur transport dans les sols que leur capture lors d’une opération de dépollution.
La formation de ces complexes peut aussi s’accompagner de changements des propriétés toxiques des nanoparticules. La combinaison de ces phénomènes peut entraîner des modifications de la qualité du sol et des eaux souterraines.
Des nanoparticules se retrouvent aussi dans des eaux de surface suite au ruissellement et au lessivage de sols contaminés, aux dépôts de particules transportées par voie atmosphérique ou à un déversement accidentel. On ne sait pas aujourd’hui si, en milieu aqueux, leur structure physique, et donc leurs propriétés, peuvent être modifiées, y compris, par exemple leur capacité à se dissoudre dans l’eau.
En outre, si les industries spécialisées disposent sans doute de données permettant d’apprécier l’efficacité et les risques associés à l’usage de nanotechnologies dans le traitement des eaux, peu de données publiques sont disponibles à l’heure actuelle (Voir Applications – L’eau).
En conclusion, dans l’environnement, les nanoparticules sont soumises à différents mécanismes qui affectent leur mobilité et leur devenir. Leur étude en laboratoire est limitée par le fait qu’il est difficile de reproduire à l’identique les diverses conditions environnementales qu’elles peuvent rencontrer, en particulier lorsqu’il s’agit des agrégats qu’elles tendent à former spontanément dans la nature.
S’agissant de l’impact des nanoparticules sur le monde vivant, diverses études ont été menées sans qu’il soit possible de tirer des conclusions générales.
La première étude de toxicité des nanoparticules sur un vertébré non mammifère date de 2004 (fullerène vis-à-vis de la perche truitée). Si de nombreux organismes aquatiques ont fait l’objet de recherches, les données d’effets écotoxiques les concernant sont actuellement quasi inexistantes.
Les connaissances relatives aux micro-organismes sont abondantes, vraisemblablement du fait de l’effet bactéricide de certaines nanoparticules. En revanche, très peu de travaux existent concernant leur toxicité vis-à-vis des plantes. Néanmoins, compte tenu de leur taille, les végétaux pourraient logiquement les absorber dans les sols et dans les airs. Quel impact ont-elles alors sur ces derniers, du fait de la présence de polluants adsorbés à leur surface ou piégés dans leur structure ? Des études sur l’effet du dioxyde de titane à l’échelle nanométrique sur l’épinard font apparaître des effets, comme des inhibitions de germination, de croissance et de synthèse de chlorophylle, que la micropoudre du même composé ne présente pas.
Sans qu’il soit toutefois possible de dégager de conclusion générale, divers impacts ont également été observés sur les crustacés et les poissons dans plusieurs études : altérations du développement embryonnaire chez le poisson zèbre (Danio rerio), altérations des capacités respiratoires chez la truite arc-en-ciel exposée à des nanotubes de carbone monoparois, phénomènes de mortalité chez des amphibiens exposés à une forte concentration de nanotubes de carbone à double paroi.
En conclusion, les connaissances sur l’écotoxicité des nanoparticules sont encore aujourd’hui très limitées, rendant délicate l’évaluation des risques pour les écosystèmes liés à leur utilisation. Compte tenu du développement de l’utilisation de ces composés et des effets de leur relargage dans les milieux, il est aujourd’hui nécessaire de développer d’une part les études de caractérisation de l’écotoxicité et d’autre part d’affiner les connaissances concernant leur devenir dans l’environnement afin de préciser les niveaux d’exposition potentielle des organismes.
En attendant l’élaboration de lignes directrices spécifiques, les essais devront être réalisés conformément aux lignes directrices existantes. Les travaux actuellement menés au sein de l’Iso (TC 229) pourront sans doute contribuer à répondre à ces questions et fournir des outils adéquats.
Le développement extrêmement rapide des nanomatériaux et des nanotechnologies induit l’exposition d’un nombre croissant de travailleurs, tant dans les domaines de la production et de l’utilisation industrielle que dans les laboratoires de recherche. Il est donc impératif de mettre en place des dispositifs d’évaluation des risques qui doivent conduire à l’élaboration de lignes directrices en matière de prévention.
En milieu professionnel, le poumon est le principal organe cible des nanoparticules. Au poste de travail, la fraction inhalée sera d’autant plus importante que l’activité physique est intense.
La détermination de l’exposition aux nanomatériaux est un sujet complexe, faisant l’objet de réflexions depuis déjà quelques années au niveau international. Les principales difficultés rencontrées par les spécialistes de médecine du travail pour progresser dans les aspects normatifs de mesure de l’exposition des opérateurs sont liées aux inconnues sur les mécanismes de réponse biologique, au caractère multiforme d’une même substance (taille, cristallinité, morphologie, chimie de surface…) et aux équipements de mesure qui, bien que nombreux, ne sont pas spécialisés dans une seule des grandeurs à mesurer.
REPERES Sans caractérisation du danger, quelle prévention ? Via l’enregistrement prévu par le règlement REACH (Registration, Évaluation, Autorisation and Restriction of Chemicals) et le nouveau règlement sur la classification, l’étiquetage et l’emballage, qui prévoit la classification des substances dangereuses dès leur mise sur le marché quel que soit le tonnage, et sous réserve de disposer d’un système d’identification et de caractérisation des nanomatériaux, il deviendra possible de connaître les nanomatériaux présentant des dangers, fabriqués et mis sur le marché. Cependant la réglementation actuelle rend la mise à disposition de cette fiche obligatoire uniquement pour les substances présentant des dangers avérés. Une démarche est initiée dans le cadre de la normalisation internationale afin de constituer des fiches spécifiques de sécurité pour les nanomatériaux renseignées avec les données disponibles. Par ailleurs, leur mise à disposition même en l’absence de dangers sur la base du volontariat des industriels est explorée. Cette démarche volontaire est préconisée par l’association des industries allemandes depuis 2008. |
CHIFFRES Selon une étude, réalisée par l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) en 2007, 2 000 à 4 000 travailleurs sont susceptibles d’être exposés aux nanomatériaux dans des installations françaises de production de nanoparticules manufacturées. L’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (Afsset) précise, en juillet 2008, que ce nombre croît de manière significative si on y associe les effectifs des industries qui utilisent ou incorporent ces nanomatériaux en vue de fabriquer des produits industriels ou de grande consommation. Dans les laboratoires de recherche publique, 7 000 personnes seraient susceptibles d’y être exposées, dont près de 2 300 seraient tout particulièrement concernées. |
Devant ces difficultés, le Comité de la prévention et de la précaution (CPP) a préconisé, dès 2006, l’introduction, aux postes de travail où sont manipulées des nanoparticules, d’un ensemble de dispositions protégeant les travailleurs, sans attendre la mise en évidence de la toxicité ou de l’innocuité de ces composés.
Les dispositions recommandées portent sur l’obligation de contention dans des systèmes clos chaque fois que cela est possible, la limitation et l’évaluation des expositions, l’exclusion des postes de travail concernés des femmes enceintes et allaitant, la mise à disposition de moyens collectifs et individuels de protection, la collecte, l’évacuation et le traitement sûrs des déchets, l’information des travailleurs, de leurs représentants et des organismes de contrôle et, enfin, une surveillance médicale spéciale.
L’Afsset recommande, quant à elle, dans son rapport de juillet 2008, la mise en œuvre de bonnes pratiques et rappelle, qu’au vu des incertitudes quant aux effets sanitaires des nanoparticules, il est plus prudent de déclarer les nanoparticules en « niveau de danger inconnu » et d’appliquer à leur manipulation les procédures de sécurité sanitaire qui sont utilisées pour diminuer l’exposition aux matières dangereuses.
Les principes de nanosécurité proposés par l’Afsset, afin de prévenir spécifiquement les risques potentiels liés aux nanomatériaux, comportent l’application d’une stratégie de priorité dans les mesures de prévention conformément au principe Stop (substitution, technologie, organisation, protection), la signalisation des risques, l’archivage et la traçabilité des informations concernant l’exposition résiduelle et les conditions de travail des salariés, le mesurage de l’ambiance des locaux ou du personnel, le suivi médical et la formation des travailleurs et la mise en application des moyens de prévention conformément aux règles en vigueur pour le transport des marchandises dangereuses.
Concernant l’efficacité des équipements de protection individuelle, les premières études réalisées notamment par l’INRS (ND 2 288) et le CEA concernant des médias filtrants (de type P3) conduisent à estimer que ces protections respiratoires seraient efficaces pour la rétention des nanoparticules. À ce stade, il semble que l’efficacité du média filtrant augmente avec la diminution de la taille des particules jusqu’à un point critique probable mais non déterminé pour l’instant (lire ci-contre).
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En 2007, on estime, en France que 7 000 personnes sont susceptibles d’être exposées aux nanomatériaux dans les laboratoires de recherche publics. |
EXPLICATION : Une recommandation de confinement Le Haut Conseil de santé publique (HCSP), saisi par la direction générale de la santé sur les nanotubes de carbone, a rendu un rapport et un avis le 9 janvier 2009 dans lequel il recommande, en particulier dans l’attente d’une procédure d’enregistrement, d’évaluation et, le cas échéant, d’autorisation, et en vertu du principe de précaution, que la production des nanotubes de carbone et leur utilisation pour la fabrication de produits intermédiaires ou de produits de consommation et produits de santé soient effectuées dans des conditions de confinement strict, visant à protéger les travailleurs d’une exposition lorsque ces activités présentent un risque d’aérosolisation et/ou de dispersion. Cette recommandation s’applique aussi aux laboratoires de recherche. |
EXPLICATION : Une évaluation en cours
L’Afsset a été saisie par les ministères de tutelle, en juin
2008, pour évaluer le risque des nanomatériaux représentatifs du marché
et couvrant l’ensemble des voies d’administration, en prenant tout
particulièrement en compte l’analyse complète du cycle de vie (y
compris les déchets).
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EXPLICATION : Des masques adaptés En matière de protection individuelle des travailleurs, il est, en tout état de cause, essentiel de veiller à l’étanchéité des masques au niveau de la jointure avec le visage. C’est la raison pour laquelle certaines organisations professionnelles préconisent l’utilisation de masques à ventilation assistée ou à adduction d’air, afin d’assurer une surpression à l’intérieur du masque qui évite l’entrée d’air par des fuites éventuelles de jonction. Des études complémentaires sont en cours de réalisation pour confirmer ces données et vérifier en particulier l’efficacité des gants et vêtements de travail. |