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Le dossier du maître d'ouvrage
Le dossier du maître d’ouvrage aborde les grands champs du sujet qui structurent le débat.
Dossier du Maître d'ouvrage - Partie 1
Le maître d'ouvrage
Nanotechnologies et nanomatériaux : état des lieux et axes de développement
Les quatre premiers chapitres du dossier apportent une information synthétique sur ces technologies et leurs applications. Les propriétés spécifiques des particules et objets à l’échelle nanométrique permettent de nombreuses applications, dans des domaines très diversifiés, résumées dans ce dossier et situées en terme d’enjeux pour la recherche et le développement économique. Une présentation de l’état des connaissances concernant les risques associés, pour la santé et l’environnement, complète cet état des lieux.
Définitions
Le préfixe nano vient du grec nanos qui signifie nain. Les scientifiques l’utilisent comme préfixe dans les unités de mesure pour exprimer le milliardième de l’unité de base : le nanomètre est donc le milliardième de mètre, soit 0,000 000 001 mètre (ou 10-9 mètre). Il est d’usage de l’écrire en abrégé nm.
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Il représente un milliardième de mètre. Aussi,
comment se figurer le nanomètre ? Il y a autant de différence de taille
entre la Terre et une meule de fromage qu’entre cette meule et un
nanomètre |
C’est à cette échelle que sont menées, depuis une vingtaine d’années, des recherches sur les propriétés de la matière et la compréhension des phénomènes au niveau de l’atome ou de la molécule, qu’il s’agisse des sciences physiques, chimiques, mais aussi biologiques. Elles ont abouti progressivement à la capacité à observer et à façonner des échantillons de matière toujours plus petits et à mieux exploiter et contrôler leurs propriétés.
DEFINITION : Un nanomètre
Un nanomètre, c’est environ :
- 500 000 fois plus fin que l’épaisseur d’un trait de stylo à bille
- 30 000 à 100 000 fois plus fin que l’épaisseur d’un cheveu
- 100 fois plus petit qu’une molécule d’ADN
- de la taille de 4 atomes de silicium placés côte à côte
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CITATION
Richard P. Feynman, prix Nobel de physique en 1965, déclarait, dès
1959, devant la Société américaine de physique : « Il y a beaucoup de
place en bas » pour désigner les perspectives offertes par la physique
à très petite échelle. Cette phrase est passée un peu inaperçue à
l’époque. Elle est pourtant citée, depuis les années 1990, comme ayant
annoncé l’ère des nanosciences.
Si Feymann a eu le mérite d’être parmi les premiers à percevoir les
enjeux de la miniaturisation, il n’a toutefois jamais travaillé dans ce
champ de recherche.
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REPERES
Des années 1980-1990 décisives :
En 1981, Gerd Binnig et Heinrich Rohrer (prix Nobel 1986) inventent le
premier appareil permettant de voir les atomes en trois dimensions, le
microscope à effet tunnel (STM).
En 1985, Richard Smalley, Robert Curl et Harold Kroto découvrent les «
fullerènes », molécules composées de 60 atomes de carbone, disposés en
forme de ballon de football.
En 1990, Donald Eigler parvient, à l’aide d’un STM, à dessiner trois
lettres montrant ainsi qu’il est possible de manipuler la matière,
atome par atome.
En 1991, Sumio Ijima découvre les nanotubes de carbone.
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REPERES
On doit le terme nanotechnologies à l’universitaire japonais Norio
Taniguchi qui le créa en 1974. Mais c’est un ingénieur américain du MIT
(Massachusetts Institute of Technology), Éric Drexler, qui l’a
popularisé en 1986 dans un essai traduit en français sous le titre
Engins de création.
Avant de s’attacher aux aspects scientifiques et aux propriétés de
systèmes et d’objets fabriqués, il convient de prendre la dimension du
« nano ».
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Nanosciences et nanotechnologies
Les termes de nanosciences et de nanotechnologies se sont véritablement imposés dans les années 1980 avec l’invention du microscope à effet tunnel et la synthèse de nouveaux matériaux et objets ayant au moins une dimension nanométrique. Les progrès, tant en caractérisation qu’en synthèse, ont été impressionnants depuis ces travaux pionniers de sorte qu’aujourd’hui la manipulation de la structure et des mouvements de la matière à l’échelle nanométrique permet d’envisager leur exploitation dans de nombreuses applications.
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En 1990, pour la première fois, Donald Eigler
parvient à déplacer la matière, atome par atome, à l’aide d’un
microscope à effet tunnel (STM). Ici, des atomes de cobalt ainsi
manipulés forment le mot CNRS.
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Nanosciences et nanotechnologies se réfèrent donc à une même échelle même si elles présentent des finalités distinctes :
* les nanosciences regroupent les recherches visant à comprendre et
mettre en œuvre les phénomènes, lois physiques et propriétés
apparaissant dans les objets, dispositifs et systèmes dont au moins une
dimension est nanométrique. Elles constituent une base de connaissances
sur les phénomènes nouveaux et spécifiques liés à cette échelle ;
* les nanotechnologies regroupent les instruments, les techniques de
fabrication et les applications dérivées exploitant les phénomènes
spécifiques liés à cette échelle nanométrique.Nanosciences et nanotechnologies recouvrent un ensemble de
connaissances et de technologies communes à beaucoup de disciplines
scientifiques traditionnelles : chimie, physique, science des
matériaux, technologie, biosciences, médecine et sciences de
l’environnement. L’élément unificateur est la dimension nanométrique
des objets étudiés et/ou des outils permettant leur manipulation.
CITATION
Heinrich Rohrer, prix Nobel de physique en 1986, définissait ainsi
la nanoscience : « Elle s’intéresse aux nano-objets individualisés dont
il convient de mesurer, de comprendre mais aussi de modifier
sélectivement les propriétés ; ces nano-objets, on souhaite par
ailleurs pouvoir les manipuler, les positionner et les usiner. Il
s’agit donc du développement de nouveaux concepts permettant de traiter
ces nano-objets et tout spécialement une grande collection d’entre eux
».
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Au-delà de la taille, de nouvelles propriétés
Nanosciences et nanotechnologies ne se présentent pas comme de nouveaux
champs disciplinaires. Elles se caractérisent plutôt comme une forme
d’appréhension nouvelle de disciplines classiques déjà existantes. Pour
autant, elles ne sont pas une simple étape de la miniaturisation :
elles se caractérisent par la mise en œuvre au sein des nano-objets,
nano-dispositifs ou nano-systèmes de nouvelles lois de comportement et
de nouvelles propriétés qui apparaissent et déterminent leur
fonctionnement.
En effet, à cette échelle, les matériaux et les systèmes peuvent
révéler des caractéristiques qu’ils n’ont pas lorsque la taille est
plus importante. Pour comprendre et exploiter ces propriétés, il faut
faire appel aux lois de la physique quantique, qui prédit des
phénomènes parfois inhabituels, comme l’effet tunnel.
Ainsi, les lois de la mécanique quantique montrent que les
nanomatériaux possèdent aussi très souvent des propriétés optiques
(absorption de la lumière par exemple), électriques et magnétiques
différentes de celles de leurs homologues macrostructurés. Ils se
prêtent par exemple au déclenchement de la réaction catalytique.
Une grande partie de la chimie utilise les interactions de surface
(lire l’encadré sur les produits effervescents) : on comprend dès lors
l’avancée considérable que constituent les nanotechnologies.
DEFINITION : l’effet tunnel
L’effet tunnel est un effet déroutant se produisant à l’échelle du
nanomètre. Il désigne la propriété que possède un objet quantique de
franchir une barrière de potentiel, franchissement impossible selon la
mécanique classique. Prenons un exemple imagé : d’après les lois de la
mécanique classique, il est impossible à un ballon de football de
passer par-dessus une colline si on ne lui donne pas une énergie
initiale suffisante (un coup de pied…). Il montera à une certaine
hauteur, puis redescendra en rebroussant chemin. La mécanique quantique
permet de montrer qu’un électron a une probabilité faible de franchir
la colline même si son énergie initiale est insuffisante : il peut
passer de l’autre côté comme s’il avait trouvé un tunnel (voir aussi
microscope à effet tunnel)
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DEFINITION : catalyse
Action d’un élément qui accélère ou ralentit une réaction chimique,
sans lui-même se modifier. Les secteurs du raffinage, de la
pétrochimie, de la chimie de spécialité et de la chimie fine, par
exemple, sont sans cesse à la recherche de catalyseurs plus actifs
(permettant d’économiser de l’énergie), plus sélectifs (générant moins
de sous-produits), à durée de vie accrue et à coûts plus compétitifs.
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Outre les effets particuliers issus de la mécanique quantique, d’autres propriétés inhérentes aux nano-objets proviennent en grande partie de leur grand rapport surface volume comparativement aux objets de plus grande taille.
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Chaînes d’atomes d’or sur une surface de silicium observées au microscope à effet tunnel
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Cet énorme accroissement du rapport surface volume entre un matériau nanostructuré et le même matériau structuré à une plus grande échelle (on dit alors micro ou macrostructuré, le terme macro désignant l’échelle supérieure au micromètre) a un effet considérable sur les propriétés : ainsi comparé à son équivalent micro ou macrostructuré, un nanomatériau est en général beaucoup plus réactif chimiquement. Par exemple, il fond plus vite car l’énergie de surface est plus importante et vient compenser l’énergie de volume.
Loin d’être uniquement liées à sa composition chimique, les propriétés d’un matériau dépendent beaucoup de la taille de sa structure interne, du type de molécules se trouvant en surface et d’effets quantiques lorsque le matériau est structuré à l’échelle nanométrique. Structurer la matière à cette échelle permet ainsi de disposer de matériaux aux propriétés nouvelles offrant des applications technologiques dans de nombreux domaines de la science : optique, électronique, magnétisme, chimie…
Une organisation qui offre plus d’atomes en surface
En organisant un volume de matière en nanoéléments,
il est possible de disposer de plus d’atomes en surface qu’avec des
éléments plus gros. On peut ainsi améliorer les propriétés de certains
matériaux. Pour comprendre ce rapport surface volume avantageux,
prenons un cristal d’atomes disposés en cube : un cube de 1 000 nm de
côté est formé d’environ 1 milliard d’atomes dont 0,6 % se trouvent en
surface. Un cube de 10 nm de côté ne compte plus que 1 000 atomes, mais
50 % d’entre eux sont en surface. À quantité d’atomes égale, il y a
donc environ cent fois plus d’atomes en surface dans l’organisation en
petits cubes que ceux offerts par le gros cube.
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Surface et réactivité : l’exemple des produits effervescents
Un exemple imagé permet de comprendre l’importance de la surface par rapport à la quantité de matière même s’il n’est pas tiré de l’univers nanométrique. Les comprimés effervescents se dissolvent dans l’eau grâce à une réaction chimique entre l’eau et les molécules présentes à la surface du comprimé. Avec un comprimé normal, la dissolution prend environ une minute et nous avons l’habitude de voir le comprimé s’agiter et diminuer progressivement de taille. Mais si on broie préalablement le comprimé avant de le verser dans l’eau, la dissolution ne dure plus que quelques secondes car la surface de réaction entre l’eau et la poudre broyée est beaucoup plus importante.
Des nanoparticules d’origine naturelle
Les nanoparticules ne sont pas toutes une invention humaine. De nombreux matériaux naturels doivent leurs propriétés au fait d’être nanostructurés ou au fait de contenir des nanoparticules.
Divers phénomènes naturels sont responsables de la présence de quantités considérables de particules de poussières micro et nanoscopiques dans l’atmosphère et la haute atmosphère. Mais l’homme a aussi sa part dans la production de nanoparticules atmosphériques, en particulier par la combustion liée aux moteurs qu’ils soient diesel ou à essence. On estime qu’en atmosphère urbaine, il y a typiquement entre 10 millions et 20 millions de particules par litre d’air (dans la gamme <100 nm), ce qui représente entre 1 et 2 nanogrammes de matière.
Les nanoparticules manufacturées n’ont toutefois pas attendu la fin du XXe siècle pour voir le jour. Bien avant l’utilisation du préfixe nano, les premières nanoparticules que l’homme a émises datent d’il y a 500 000 ans, quand l’humanité a commencé à maîtriser le feu. La fumée contient en effet de la suie constituée de recombinaisons d’atomes de carbone issus de la décomposition, à très haute température, des molécules élémentaires du bois.
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Les poussières volcaniques
Des nanoparticules errantes sont générées par la
nature (embruns, poussières désertiques, volcanisme comme ici) ou par
des activités humaines.
D’autres produits ont été créés par l’homme en recourant aux propriétés
de l’infiniment petit sans qu’il soit encore conscient du véritable
potentiel offert à cette échelle. On sait par exemple que les femmes de
l’Antiquité se teignaient les cheveux d’un noir profond grâce à une
teinture, qui comportait des cristaux de sulfure de plomb (galène)
d’une taille d’environ 5 nanomètres. Ces nanoparticules, présentes en
milliards dans une poudre très fine, étaient suffisamment petites pour
pénétrer à l’intérieur du cheveu et se substituer à la mélanine, qui le
colore naturellement.
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De même, on a découvert que la dureté exceptionnelle des fameuses épées de Damas, dont le tranchant était redouté des croisés, était due à la présence, dans leur acier, de nanofibres de carbure de fer, encapsulées dans des nanotubes de carbone. Celles-ci résultaient de divers traitements thermiques d’un minerai de fer très chargé en carbone, provenant d’Inde. Si cet exemple permet de montrer que les nanotubes de carbone avaient déjà été utilisés empiriquement au Moyen Âge, il souligne surtout une propriété précieuse des nanoparticules : la capacité à modifier les caractéristiques des matériaux massifs lorsqu’ils sont incorporés dans ceux-ci à des doses infimes.
Plus récemment, et dans un registre moins guerrier, les chercheurs ont découvert que les vitraux de certaines cathédrales contiennent des nanoparticules. En effet, les artistes verriers de l’époque obtenaient diverses couleurs du verre en y incorporant de l ‘or. Il s’avère que leurs techniques leur permettaient de maîtriser la taille des particules d’or qui se formaient dans le verre en fusion et que c’est cette taille qui donnait les différentes couleurs.
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Vitrail, épée de Damas,
Des produits ont été créés par l’homme en recourant
aux propriétés de l’infiniment petit sans qu’il soit encore conscient
du véritable potentiel offert à cette échelle. On a retrouvé des
nanotubes de carbone dans des épées produites avant le XIe siècle. Les
verriers du Moyen-Âge, pour réaliser des vitraux, avaient constaté que,
selon le temps de broyage, l’or, réduit à l’état de
poudre très fine, changeait de couleur.
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DEFINITIONS
Plusieurs termes, qui font encore débat aux niveaux scientifique,
juridique et politique, sont employés pour décrire la technologie et
les matériaux utilisés à l’échelle nanométrique. Ils ont comme
caractéristique commune leur dimension approximative entre 1 et 100 nm
dans au moins une des trois dimensions et ils font intervenir de
nouvelles propriétés physiques et chimiques spécifiques à cette petite
échelle.
Nanomatériaux : terme générique utilisé pour les
matériaux dont la structure interne ou externe est de dimension
nanométrique dans au moins une des trois dimensions. Les nanomatériaux
incluent les nano-objets.
Nano-objet : objet de dimension nanométrique
dans au moins une des trois dimensions, en particulier les
nanoparticules, les nanofibres et les nanoplaques (ou nanofeuillets).
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Nanoparticule : nano-objet ayant les trois
dimensions à l’échelle nanométrique. Il convient de distinguer les
nanoparticules d’origine naturelle (poussières volcaniques par
exemple), les nanoparticules d’origine humaine non intentionnelles
(particules émises lors de combustion par exemple) et les
nanoparticules manufacturées.
Nanosystème : système résultant de l’assemblage
de plusieurs composants d’échelle nanométrique. Si les nanomatériaux
existent à l’heure actuelle, les nanosystèmes verront le jour dans un
futur plus ou moins éloigné.
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