L’atteinte aux libertés individuelles
|
La Commission nationale de l’information et des libertés (CNIL) Créée par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, la Commission nationale de l’information et des libertés est une autorité administrative indépendante chargée de veiller à la protection des données personnelles. Elle a pour missions principales : * d’informer le public et de proposer au Gouvernement les mesures législatives ou réglementaires pour adapter cette protection à l’évolution des techniques ; * de garantir le droit d’accès (notamment, pour le compte des citoyens qui le souhaitent, l’accès aux fichiers intéressant la sûreté de l’État, la défense et la sécurité publique, notamment ceux des Renseignements généraux) ; * de recenser les fichiers utilisant des informations sur les personnes et mettre à disposition le fichier des fichiers, c’est-à-dire la liste des traitements déclarés ; * de contrôler les applications informatiques, sécurité des systèmes d’information ; * de sanctionner, le cas échéant (de l’avertissement à des sanctions pécuniaires pouvant atteindre 300 000 €) ; * de réglementer (normes simplifiées et formalités allégées pour les traitements les plus courants et les moins dangereux). |
Divers ouvrages de science fiction évoquent, dans un horizon lointain, la possibilité que l’homme perde le contrôle de nano-objets qu’il a créés. Ces derniers se multiplieraient à l’infini (autoréplication), consommant rapidement les ressources vitales de la planète et conduisant l’humanité à disparaître.
Si les progrès de la science permettent de manipuler la matière atome par atome et de créer ainsi des nano-objets, la possibilité de voir ces derniers se répliquer tout seuls demeure impossible à cause de deux phénomènes physiques.
Les seuls êtres qui soient à ce jour hors de contrôle de l’homme restent les êtres vivants (virus, bactéries, animaux) qui profilèrent sans toutefois tout envahir car ils sont soumis aux mêmes lois que nous : il leur faut de l’énergie et des ressources ainsi que des conditions extérieures favorables à leur reproduction.
Une nanovoiture
La perspective de nanorobots s’autorépliquant appartient donc à l’imaginaire de la science fiction. Ce scénario n’est actuellement validé par aucune donnée scientifique ni même prospective. |
EXPLICATION
Deux phénomènes physiques rendent l’autoréplication de nano-objets impossible : - la conservation de l’énergie : manipuler la matière à l’échelle atomique requiert une énergie importante car il faut casser les liaisons entre les atomes et les reconstruire. De plus, à l’échelle du nanomètre, les interactions avec d’autres molécules environnantes sont incessantes. Il faut donc une atmosphère maîtrisée pour arriver à structurer la matière comme on le souhaite. Dans des conditions ambiantes, un nanorobot autorépliquant se verrait vite englué dans des centaines de molécules indésirables et ne pourrait parvenir à se cloner ; - la disponibilité des ressources : s’autorépliquer nécessite de l’énergie et des atomes. Compte tenu de la science actuelle, il est impossible de créer une machine autoréplicante et autonome qui ne possède pas quelques molécules rares (contenant des métaux ou des éléments chimiques comme le fluor) hors de portée de nanorobots disséminés dans la nature. |
REPERES La gelée grise ou gray goo Formulée pour la première fois par Éric Drexler en 1986, dans son texte Les moteurs de la création (Engines of Creation), la menace du gray goo – gelée ou glue grise – reprise par l’univers de la science fiction, est un exemple des inquiétudes générées par le développement des nanotechnologies. Désormais entré dans l’imagination collective, ce scénario, à la base du célèbre roman de l’Américain Michael Crichton La proie (Prey) paru en 2002, évoque une catastrophe généralisée suite à la perte de contrôle du processus d’autoréplication d’une nuée de nanorobots échappés d’un laboratoire. Dans le mythe de la gelée grise, cette autoréplication consomme toute la vie sur la planète pour s’assurer l’énergie nécessaire au processus de reproduction des nanorobots. La masse des nanomachines répliquantes, qui forme une substance gluante (goo), remplace alors la matière de l’univers. |
Les nanotechnologies, comme d’autres technologies, soulèvent deux autres questions : celle de la perte de contrôle de la technologie au profit d’un petit nombre de firmes et celle de l’aliénation à la technologie.
La première, évoquée, dans des termes différents certes, à propos de certains médicaments, de la téléphonie mobile ou encore des fournisseurs internet, concerne la maîtrise des conditions de développement, de diffusion et de reproduction des technologies par un nombre restreint d’acteurs.
Ce risque de monopole - qui s’exerce aussi sur des actes ou des relations qui traditionnellement échappaient à la technique – a été notamment développé par Françoise Roure et Jean-Pierre Dupuy dans un rapport en 2004. Selon eux, il serait susceptible d’approfondir les inégalités mondiales et d’engendrer de nouvelles pauvretés. Enfin, il renforcerait, via la science et la technique, la domination exercée par quelques firmes toutes puissantes sur des populations qui, dans leur immense majorité, n’ont pas accès à la culture scientifique et technique.
Cette question ne saurait trouver de réponse au seul niveau national. Notons toutefois qu’en France, l’État joue, à ce titre, un rôle dans la surveillance du respect de la concurrence et la garantie de la transparence des relations entre les concurrents. Il encourage aussi les actions d’information de la population. Enfin, dans les pays développés, les associations de consommateurs jouent également un rôle majeur. Les consommateurs eux-mêmes développent de plus en plus un niveau élevé d’exigence en matière de transparence et de contrôle de la qualité des produits.
Le deuxième volet, l’aliénation à la technologie, concerne plus fondamentalement la question de l’utilité sociale de certains développements technologiques. La notion de progrès elle-même n’est en effet plus considérée aujourd’hui comme un processus linéaire inéluctable : l’ensemble des problèmes sociaux n’est pas réglé par plus de technique, les nouvelles connaissances créent de nouvelles incertitudes, les innovations techniques génèrent de nouveaux risques en même temps qu’elles sont source de gains, le bénéfice devenant négatif au-delà d’un certain seuil.
N’est-il pas à présent envisageable d’établir la balance entre les avantages que la société espère du développement des nanotechnologies et les risques qu’ils peuvent présenter, discutés de façon collective dans le cadre proposé par le principe de précaution ?
REPERES Françoise Roure et Jean-Pierre Dupuy sont les auteurs du rapport Les nanotechnologies : éthique et prospective industrielle, publié en 2004. Il situe notamment les nanotechnologies dans une analyse des contextes européen et international, en prenant en compte toutes leurs dimensions, en particulier sociétales et éthiques. |
EXPLICATION Une concurrence sous surveillance en France Conformément à la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008, l’Autorité de la concurrence a remplacé depuis le 13 janvier 2009 le Conseil de la concurrence avec des pouvoirs étendus pour mieux répondre à ses objectifs de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles, d’étude du fonctionnement des marchés et du respect de l’ordre public économique. |
CITATION Face aux promesses de la technologie et à l’impératif concurrentiel, P-B Joly, socioéconome à l’Inra et auteur, en 2005, d’un rapport sur la démocratie locale et la maîtrise sociale des nanotechnologies, souligne : « Le discours des promoteurs européens des nanotechnologies s’articule autour de deux idées complémentaires : la promesse d’un monde meilleur lié à la révolution technologique et le risque pour l’Europe de ne pas se hisser au rang des économies fondées sur la connaissance. Ce discours a deux limites. En premier lieu, cette économie des promesses renvoie à une conception linéaire du progrès, aujourd’hui largement remise en cause. En même temps, cette économie des promesses génère un univers très précoce d’attentes autour de grandes fictions collectives. La compétition internationale et la logique de l’urgence qui lui est liée peuvent donner le sentiment qu’il n’y a pas de possibilité de choix et que la seule alternative est d’être dans la course ou de ne pas y être. » |
La convergence des nanotechnologies avec la biotechnologie, l’infotechnologie, et les sciences cognitives soulève des interrogations et des inquiétudes : cette combinaison de disciplines pourrait aboutir à une convergence entre le vivant, le non vivant et l’artificiel qui permettrait notamment d’améliorer les performances humaines, voire de créer des briques de vie synthétiques ou de la vie artificielle. D’où le surnom de petit BANG (Bits, Atoms, Neurons, Genes) que d’aucuns lui ont donné.
La convergence NI (nanotechnologies + matériel d’acquisition et de traitement de l’information) est déjà largement une réalité ; les convergences NB (nano + biologie) et NC (nano + sciences cognitives) sont en cours d’exploration.
Un certain nombre de travaux s’appuient notamment sur la biologie synthétique. Leurs retombées pourraient aider le corps humain à ralentir le vieillissement ou à se doter ou récupérer des fonctions qui lui manquent (la vue pour les non-voyants, par exemple). Mais dans les versions les plus futuristes, elles intègrent les connaissances sur le génome et sur le fonctionnement du cerveau pour reproduire artificiellement la vie. C’est ce que tend à promouvoir le courant transhumaniste en invoquant diverses possibilités d’augmenter les capacités de l’homme : en modifiant son génome, à l’instar de ce qui est fait pour les plantes, afin de rendre l’homme plus fort, plus intelligent… ; en l’assistant par des machines (capteurs optiques implantés dans les yeux pour voir la nuit, bras renforcés, voire implant crânien pour interagir avec le cerveau…) ; en le dopant avec des traitements chimiques et, enfin, en créant une vie artificielle plus robuste où il pourrait transférer ce qu’il est.
Si ces perspectives sont très lointaines, il n’existe pas actuellement d’obstacles théoriques absolus à leur réalisation. C’est pourquoi elles suscitent des inquiétudes et soulèvent des questions éthiques. C’est en effet la propre nature de l’homme qui est interrogée et les seuils de transformation que l’humanité est prête à accepter sur elle-même.
Selon Jean-Pierre Dupuy, « avec l’ingénierie inverse (bottom up, autoassemblage), ce n’est plus seulement en faisant des expériences sur la nature, ce n’est plus seulement en la modélisant, que les hommes connaîtront cette nature. C’est littéralement en la refaisant. Mais, du coup, ce n’est plus la nature qu’ils connaîtront, mais ce qu’ils auront fait. C’est l’idée même de nature, donc de donnée extérieure à soi, qui apparaîtra comme dépassée. La distinction même entre connaître et faire tendra à perdre son sens, de même que celle qui sépare encore aujourd’hui le savant de l’ingénieur. »
Enfin, la perspective de cette vie artificielle évoque la disparition, ou du moins le brouillage, des distinctions fondamentales entre le vivant et le non-vivant, le naturel et l’artificiel…
La convergence des nanotechnologies avec la biotechnologie, l’infotechnologie, et la technologie cognitive (dite convergence NBIC) soulève des inquiétudes et des questions éthiques : n’aboutira-t-elle pas à une convergence entre le vivant et des artefacts ? Au-delà de l’amélioration des performances humaines, ne s’agira-t-il pas de créer des briques de vie synthétiques ou de la vie artificielle ?
|
|
DEFINITION Biologie synthétique Fondée sur des principes d’ingénierie, elle vise à synthétiser des systèmes complexes, inspirés par ou basés sur le vivant, en les dotant de fonctions n’existant pas dans la nature. Elle cherche à comprendre comment l’ensemble des gènes et protéines découverts dans les grands programmes de séquençage opèrent en synergie, s’influencent réciproquement et forment des modules et des circuits fonctionnels. Elle pourrait permettre la conception de machines biologiques. |
CITATION Qu’en dit le comité d’éthique du CNRS ? Le comité d’éthique du CNRS (Comets), dans son rapport de 2006, souligne qu’« aujourd’hui, les programmes de recherche sont en prise directe sur l’actualité économique, sociale, médicale, politique. Ce brouillage de la frontière entre science fondamentale et science appliquée a mis en lumière la nécessité de contacts plus étroits et plus directs entre les secteurs académiques et les secteurs de production de biens et de services, tant dans la production des connaissances que dans la formation (...) Ainsi, s’est créé un horizon d’attentes qui, certes, favorise les financements publics et les investissement privés dans les nano-initiatives, mais qui met la recherche sous de telles pressions, que l’on ne peut plus vraiment parler d’autonomie des chercheurs. (...) Ces règles de base – universalisme, communalisme, désintéressement, scepticisme organisé – se trouvent de moins en moins praticables, étant donné le climat de compétition et les enjeux industriels et militaires qui sous-tendent la recherche en nanosciences et nanotechnologies et qui en font un domaine hybride. ». |
CITATION
Le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie
et de la santé (CCNE) indique, dans son avis 96 (1er février 2007) : «
Ce qui est porteur de sens, c’est notre refus de toute aliénation
nouvelle déjà si présente dans notre transfert croissant de l’humain
sur des prothèses. Nous avons déjà un rapport au monde qui délègue à
des instruments une part importante de notre liberté avec l’illusion
justement d’une liberté accrue. Notre rapport technologique au domaine
de l’information montre que chaque être humain est désormais traçable,
localisable, convocable, alors que lui-même se pense comme à
l’émergence et à l’origine du système. Investir sans réflexion
sociétale, sans conscience de la dignité humaine, avec une sorte de
naïveté, dans un environnement et une médecine qui produiraient a
priori le bien-être et la santé par les nanotechnologies aboutirait de
façon paradoxale à exiler l’homme de lui-même. ».
|