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Le dossier du maître d'ouvrage
Le dossier du maître d’ouvrage aborde les grands champs du sujet qui structurent le débat.
Dossier du Maître d'ouvrage - Partie 5
Le maître d'ouvrage
Moyens déjà mis en œuvre ou envisagés
Pour accompagner efficacement le développement des nanotechnologies, la France a jusqu’à présent opté pour une stratégie basée sur trois axes majeurs :
* l’approfondissement des connaissances et des méthodes d’expertises, en particulier à propos des risques ;
* une présence active au niveau international pour demander la mise en place de normes et de réglementations adaptées au niveau international plutôt qu’au niveau national afin de ne pas pénaliser ses industries ;
* le cas échéant, l’adoption de mesures et de réglementations nationales spécifiques pour pallier l’insuffisance de régulation internationale.
Entre les initiatives spécifiques que peuvent prendre séparément différents États, y compris voisins, et la nécessaire harmonisation internationale, l’Union européenne a un rôle essentiel à jouer.
EXPLICATION
Rendre la recherche plus réactive
Le financement par projet, et non plus structure, pourrait accroître la
réactivité de la recherche. Face aux risques émergents, il apparaît en
effet opportun de maintenir une veille scientifique assurée notamment
par des enveloppes de crédits spécifiques (en veillant à une évaluation
de qualité). En parallèle, il semble aussi utile de renforcer
l’animation de la recherche pour mobiliser les équipes, y compris de
sciences humaines, sur des thèmes nouveaux.
Cette réactivité passe également par une fédération des opérateurs de
recherche pour mieux coordonner les infrastructures et notamment les
plates-formes en sciences du vivant (plates-formes technologiques,
centres de ressources biologiques).
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L’expertise et la recherche
Tout programme de recherche industrielle lié aux nanoparticules devrait être associé à des travaux visant à évaluer la sécurité sanitaire et environnementale. Dans ce sens, il importe de renforcer les financements de la recherche publique sur les nanotechnologies, dédiées à l’évaluation du risque. Le financement par projet constitue peut-être une solution, car sa réactivité en fait une réponse complémentaire aux programmes lourds financés par unité de recherche. D’une façon plus générale, il serait souhaitable d’encourager la création auprès de la Commission européenne d’une unité spécialisée pour coordonner/superviser les recherches sur les nanoparticules.
Parmi les actions à développer, citons :
* favoriser la recherche sur la métrologie et les risques (en particulier la caractérisation physico-chimique des nanomatériaux, et leur toxicologie et écotoxicologie afin de connaître le devenir des nanomatériaux dans les organismes et dans l’environnement) ;
* développer une recherche en matière de sécurité des nanomatériaux ;
* assurer une veille concernant les études relatives à la sécurité et à la caractérisation des nanomatériaux ;
* assurer une participation active et coordonnée aux travaux européens et internationaux, en particulier ceux de l’OCDE (notamment le groupe de travail sur les nanomatériaux manufacturés ) et de l’Iso (TC-229 travaux de normalisation sur les nanotechnologies) ;
* consolider l’élaboration des orientations stratégiques en matière de recherches sur la sécurité des nanomatériaux et améliorer la coordination des acteurs, par exemple à travers un partenariat de recherche public-privé ;
* faire un point d’étape concernant l’avancée des travaux sur l’impact sanitaire des produits issus des nanotechnologies réalisés par les agences et institut de veille sanitaires (Afssa, AfssaPS, Afsset, InVS) en réponse aux saisines des ministères.
Dans un souci de meilleure coordination, le ministère chargé de la recherche a également mis en place des groupes de concertation sectoriels (GCS) impliquant les représentants des organismes de recherche, des agences de financement, des ministères et des agences sanitaires.
La veille scientifique, qui fait partie des missions des agences sanitaires, doit être renforcée par la mutualisation, par l’ensemble des partenaires concernés, des outils de veille scientifique et technologique.
De plus, alors que le public n’est pas partie prenante de la définition des priorités de recherche fondamentale, ne conviendrait-il pas de revoir les procédures pour organiser une telle participation ?
Enfin, au plan international, il importe de renforcer encore l’expression de la recherche française dans les programmes européens spécifiques aux nanotechnologies. La France insiste notamment sur la nécessaire prise en compte des questions de sécurité sanitaire liées aux nanotechnologies dans les 7e et 8e programmes cadres de recherche et de développement (PCRD).
Réglementation
Plusieurs textes réglementaires existants peuvent faire l’objet de modifications en vue d’une meilleure information sur la présence de nanoparticules dans les produits et l’utilisation des nanotechnologies dans les processus de production.
Concernant les nanoparticules, la France préconise, au niveau communautaire, l’adoption dans le règlement REACH d’obligations d’enregistrement et de dispositions visant l’amélioration des informations, notamment via les fiches de données de sécurité. Le nouveau règlement REACH ne prenant pas en compte les substances produites à moins d’une tonne par an ni la spécificité des propriétés liées à l’état nanoparticulaire, sauf s’il est démontré qu’elles sont particulièrement préoccupantes, il est envisagé de prendre des mesures au niveau national.
Concernant la réglementation relative aux installations industrielles classées pour la protection de l’environnement, des possibilités d’évolution sont à l’étude afin d’y intégrer les activités relatives à la fabrication des nanomatériaux et leurs impacts éventuels sur l’homme et l’environnement.
Les projets de loi Grenelle I et Grenelle II se sont appuyés sur les engagements du Grenelle Environnement et sur les recommandations du comité de la précaution et de la prévention (CPP). La loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement (dite Grenelle 1), du 3 août 2009, prend en considération la prévention des risques pour l’environnement et la santé. À ce titre, elle énonce par exemple que la réduction de l’exposition aux substances préoccupantes, notamment en milieu professionnel, nécessite une meilleure information des entreprises et de leurs salariés, à laquelle l’État veillera.
La loi dispose également que la France encouragera au plan européen une rénovation de l’expertise et de l’évaluation des technologies émergentes afin d’actualiser les connaissances utilisées en toutes disciplines.
Concernant plus précisément les nanotechnologies, elle retient, au-delà du débat public, l’objectif, dans les deux ans suivant sa promulgation, de rendre obligatoire une déclaration portant sur la fabrication, l’importation ou la mise sur le marché de substances à l’état nanoparticulaire ou de matériaux destinés à rejeter de telles substances. Cette déclaration à l’autorité administrative prendra notamment en compte les quantités et les usages.
La loi prescrit aussi une obligation d’information du public et des consommateurs et l’élaboration d’une méthodologie d’évaluation des risques et des bénéfices à ces substances et produits.
Il est ainsi prévu d’introduire dans le code de l’environnement un nouveau chapitre (chapitre III du titre II du livre V) consacré à la prévention des risques sanitaires et environnementaux liés à ces substances, contenant les obligations de déclaration et la mise à disposition du public des informations (articles L 523-1 et suivants nouveaux). Un décret en Conseil d’État devra préciser les modalités d’application de ces articles.
Pour les produits cosmétiques, le nouveau règlement européen en cours d’adoption, applicable au plus tard 42 mois après sa date de publication, constitue une avancée significative en matière d’encadrement des produits cosmétiques contenant des nanomatériaux. Il prévoit en effet un système de notification préalable avec production par l’industriel notamment d’une justification de l’utilisation et l’évaluation spécifique de la sécurité. La Commission européenne s’autorise à demander au comité scientifique européen compétent d’évaluer les risques du produit contenant le nanomatériau en donnant un avis conditionnant la mise sur le marché. D’autres dispositions sont prévues, comme la création d’un inventaire.
Normes
À côté des dispositions obligatoires à l’étude par les États, des démarches volontaires s’engagent également. Ainsi, en matière de normalisation, un comité technique ISO (ISO/TC) pour les nanotechnologies a été créé en mai 2005 (ISO/TC 229 « Nanotechnologies »). Il travaille sur la compréhension et le contrôle de la matière et des processus à l’échelle nanométrique ainsi que sur l’utilisation des propriétés spécifiques aux objets nanométriques. Cette approche devrait être élargie au développement de normes concernant notamment la terminologie et la nomenclature, la métrologie et l’instrumentation, les méthodologies d’essai, le calcul et la simulation .
La délégation française, conduite par l’Afnor, est chargée de défendre, devant ce même comité TC 229, les positions suivantes au sein des différents groupes de travail :
* favoriser la création d’une nomenclature spécifique des nanomatériaux ;
* axer les priorités du comité de stratégie sur l’adaptation ou le développement des méthodes concernant les caractéristiques physico-chimiques spécifiques identifiées des nanomatériaux ;
* consolider le projet relatif aux caractéristiques physico-chimiques des nanomatériaux en lien avec les activités de l’OCDE et les activités européennes ;
* soutenir et participer au projet visant à l’élaboration d’une fiche de données de sécurité spécifique ;
* soutenir le projet de définition de bandes de danger qui permettent de classer les nanomatériaux en fonction des données physico-chimiques et toxicologiques disponibles ;
* participer aux discussions relatives au dioxyde de titane concernant les spécifications physicochimiques à retenir en fonction des applications.
Le comité TC 229 déploie un ensemble de liaisons avec d’autres comités au sein de l’Iso, en particulier dans les domaines de l’électronique, l’optique et la photonique, de l’énergie, des matériaux et des activités de normalisation biomédicales. La future norme ISO 26 000 en cours d’élaboration, relative à la responsabilité sociétale des entreprises, pourrait également s’appliquer au secteur des nanotechnologies.
Vers une dynamique industrielle responsable
Pour inciter les partenaires industriels à se positionner sur ce créneau et prendre des parts de marché tout en respectant les impératifs sanitaires et environnementaux inhérents à ces développements, la direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS) a lancé une action collective. Elle vise à former et informer les industriels (en particulier les PME) sur les potentialités des nanomatériaux tout en les sensibilisant aux dispositions à prendre pour un développement responsable.
Cette action devrait se solder, fin 2009, par le lancement de plusieurs projets de développement. Deux études ont également été lancées pour comparer les compétences françaises en matière de nanomatériaux à celles d’autres grands opérateurs mondiaux (États-Unis, sud-est asiatique, pays émergents) et, d’autre part, faire le point sur l’état de ce que l’on peut qualifier d’ingénierie sécurité pour les nanomatériaux. Les rapports de ces études sont disponibles sur le site du ministère de l’industrie.
De plus, la présence d’un chapitre « sécurité sanitaire et environnementale » est maintenant obligatoire dans tous les projets collaboratifs de développement des nanotechnologies. Ainsi, les projets labellisés par les pôles de compétitivité et subventionnés par le Fonds unique interministériel (FUI), comprennent-ils systématiquement une part dédiée à la santé et à l’environnement. Ce principe vaut également pour les projets académiques financés par l’ANR et pour les projets industriels lancés par OSEO innovation.
Gouvernance
À la demande de plusieurs associations de consommateurs, le secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation a décidé le 10 juillet 2008 l’organisation, dans le cadre du Conseil national de la consommation (CNC), d’un groupe de travail dont l’objet est :
* de rassembler des informations sur l’utilisation des nanotechnologies pour la production de biens et de services destinés aux consommateurs (nature des applications, poids économique global et par secteur, nombre de consommateurs concernés, avantages apportés…) ;
* d’entendre des experts sur les risques associés à ces productions, sur les démarches suivies ou à engager pour connaître, réduire et supprimer ces risques, et en particulier sur les études à conduire ;
* d’organiser le dialogue économique entre les professionnels et les consommateurs pour examiner avec réactivité les problèmes nouveaux que peuvent soulever les nanotechnologies ;
* d’évaluer l’efficacité des règles juridiques existantes et des dispositifs de contrôle qui protègent le consommateur lorsqu’il acquiert ou utilise des produits incorporant des nanotechnologies ;
* d’identifier les besoins d’accompagnement que les nanotechnologies font apparaître et de formuler, s’il y a lieu, des propositions visant à compléter la législation et la réglementation, au niveau national ou européen, afin de les adapter au contexte du développement des nanotechnologies ;
* de permettre la mise en place d’une information simple et compréhensible du consommateur sur les nanotechnologies, les avantages qu’elles procurent, les risques qu’elles peuvent comporter et les précautions qu’elles appellent. Cette réflexion portera non seulement sur l’information à caractère général concernant ces technologies mais aussi sur celle qui doit accompagner chaque produit mis sur le marché à titre gratuit ou onéreux.
Ce groupe de travail est toujours actif et il devrait rendre ses conclusions prochainement.
Pistes de travail
Plusieurs pistes de travail sont à l’étude pour encadrer efficacement le développement des nanotechnologies. La discussion est naturellement ouverte. La liste ci-dessous répertorie simplement les pistes qui apparaissent incontournables pour les pouvoirs publics :
* en raison des propriétés spécifiques dues à leur taille, les nanoparticules doivent être appréhendées comme des substances en tant que telles ou comme de nouvelles entités chimiques, et non comme la simple miniaturisation de substances ou de produits dont les caractéristiques, risques et nuisances sont déjà connus ;
* un principe d’évaluation systématique des nanoparticules doit être établi. Des plates-formes de toxicologie et d’écotoxicologie dédiées devraient être créées, visibles et facilement accessibles aux industriels qui en auront besoin. Des tests toxicologiques adaptés et standardisés doivent être réalisés systématiquement lors de la mise en œuvre de toutes les nouvelles variétés de nanoparticules manufacturées, en s’appuyant sur les tests prévus dans la réglementation européenne ;
* la traçabilité des produits susceptibles de disperser des nanoparticules (à toutes les étapes de la fabrication, de la mise en œuvre industrielle, de l’usage et du recyclage) doit être mise en place ainsi qu’un étiquetage spécifique (principe de transparence) ;
* le lien recherche/réglementation devra être renforcé pour une exploitation optimisée et rapide des résultats de la recherche à des fins règlementaires et la fixation d’un plan d’action stratégique dédié aux impacts sanitaires et environnementaux des nanomatériaux. À titre d’exemple, une cartographie précise des productions et utilisations des substances à l’état nanoparticulaire permettrait de cibler des plans d’actions de formation, de sensibilisation et de contrôle ;
* tout programme de développement de nanoparticules devrait être associé à des recherches significatives destinées à évaluer la sécurité sanitaire et environnementale de ces substances et produits. En outre, l’approche méthodologique d’analyse du cycle de vie gagnerait à être développée ;
* enfin, d’un point de vue social et éthique, les bénéfices directs et indirects du développement des nanotechnologies pour la société et pour les individus devront être systématiquement mis en relation avec les risques qu’ils peuvent engendrer. Dans ce cadre, deux pistes sont envisagées :
– la création d’un site nanotechnologies.fr pour donner accès à l’ensemble des ressources documentaires publiques et privées disponibles sur les nanotechnologies ;
– le renforcement de l’observatoire européen Nanoobservatory afin d’être doté d’un observatoire sociétal permanent du développement, de la production et de l’usage des nanotechnologies pour permettre d’interroger l’utilité sociale des nanotechnologies et la nécessité de leur production pour la société dans différents domaines d’application. Les modalités d’implication des acteurs concernés (entreprises, chercheurs, travailleurs, usagers, riverains, consommateurs) dans cette observation et ce suivi des nanotechnologies devront alors être examinées avec soin.
Plus généralement, pour encadrer le développement des nanotechnologies, diverses pistes sont imaginées, mais aucune ne fait à ce jour l’objet de décision. Ainsi sont évoquées les idées suivantes :
* création d’une instance de gouvernance spécifique des nanotechnologies (conseil national des nanotechnologies)
* mise en place d’un groupe interministériel sur les nanotechnologies
* mise en place d’une structure de concertation permanente incluant l’ensemble des parties prenantes (élus, associations, industriels, État, individus)
* création d’une agence spécialisée et/ou d’une instance de coordination voir de contrôle.
EXPLICATION
Un observatoire sociétal
Cet observatoire serait le correspondant naturel de l’observatoire
européen financé par le 7e PCRD, Observatory nano, qui couvre
l’évolution de l’état de l’art, la mise en réseau des centres de
recherche dans le cadre du projet relié ICPC Nanonet, et l’inclusion
des aspects éthiques, légaux et sociétaux. Depuis 2008, le CEA
contribue à ce projet.
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