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Documents du débat
Le dossier du maître d'ouvrage
Le dossier du maître d’ouvrage aborde les grands champs du sujet qui structurent le débat.
Dossier du Maître d'ouvrage - Partie 3
Le maître d'ouvrage
Nanotechnologies et nanomatériaux : état des lieux et axes de développement
Risques pour la santé et l’environnement
L’utilisation de nanomatériaux est appelée à s’étendre de façon importante dans les prochaines années du fait des nouvelles propriétés physiques, chimiques ou biologiques qui sont apportées à cette échelle. Ces nanomatériaux constituant une nouvelle source d’exposition, il est légitime de se poser la question du risque qu’elle représente pour l’homme et pour les écosystèmes.
Pour pouvoir évaluer un risque (industriel, sanitaire ou environnemental), il est nécessaire de connaître précisément le danger, c’est-à-dire la source potentielle de dommages ou de préjudice pour une personne, un bien ou l’environnement et l’exposition, c’est-à-dire la situation dans laquelle une personne, un bien ou l’environnement se retrouvent soumis à un danger. Le risque désigne la probabilité qu’un dommage se réalise à la suite d’une exposition à un danger.
Une fois cette connaissance acquise, il est possible de mettre en œuvre des moyens de prévention, c’est-à-dire des mesures qui permettent de réduire le risque, soit en diminuant l’exposition de la personne, soit en diminuant le danger (produits de substitution).
Toutefois, en situation d’incertitude, lorsque toutes les données nécessaires sur les dangers ou l’exposition ne peuvent être connues, des mesures de précaution doivent être prises.
Cette démarche d’évaluation des risques doit impérativement être mise en œuvre à toutes les étapes du cycle de vie des produits issus des nanotechnologies : fabrication, transport, usages, élimination (déchets, déchets ultimes), récupération, valorisation. Pour cela, il appartient de connaître précisément tous les producteurs (et importateurs) et les industriels qui manipulent ces nanomatériaux. Il faut également identifier les catégories de populations concernées (consommateurs, travailleurs…). Enfin, les filières d’élimination et de recyclage doivent être recensées. Tout ce corpus d’information devra être actualisé en permanence pour tenir compte des évolutions.
Du fait de leur singularité, l’évaluation des risques présentés par les éléments constitués de particules à l’échelle nanométrique ou en intégrant, ne manque pas de soulever des questions nouvelles, de méthodes et d’outils, à toutes les étapes de la démarche d’évaluation des risques.
EXPLICATION
Exemple de risques : utiliser des solvants
Vous venez de repeindre le plafond de votre appartement. Quelques
taches ont sali le sol. Vous entreprenez donc de les nettoyer avec un
solvant dégageant du chlorure de méthyle. Il fait froid dehors et vous
n’avez pas ouvert les fenêtres.
Le danger : utilisation de produits chimiques volatils contenant du chlorure de méthyle.
L’exposition : local non ventilé
Les risques : intoxication par les solvants et malaise.
Les moyens de prévention :
– utilisation d’un autre solvant (réduction du danger) ;
– ne pas utiliser plus de produits que nécessaire ;
– ventiler le local (réduction de l’exposition) ;
– ne pas prolonger l’opération (limitation de la durée d’exposition).
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PRECISION
L’évaluation des risques s’est développée au début des années 1980
comme « une démarche méthodique de synthèse des connaissances
scientifiques disponibles en vue d’évaluer les effets sur la santé
résultant d’une exposition d’une population ou d’individus à une
substance, un agent ou une situation dangereuse » (Académie des
sciences américaine, 1983).
Elle s’est peu à peu imposée au niveau
international comme l’outil de référence pour évaluer les risques
sanitaires chimiques, biologiques et radiologiques liés à
l’environnement.
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EXPLICATION
Une taille variable en fonction des résultats attendus
Les
applications des nanoparticules sont nombreuses et leurs effets
dépendent généralement de leur taille. Les propriétés d’un matériau
(résistance, absorption…) peuvent être modifiées en introduisant, lors
de sa fabrication, des particules de taille nanométrique bien définie. Contrôler la taille, la morphologie et l’environnement chimique des
nanoparticules permet de modifier les propriétés macroscopiques du
matériau.
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Comment caractériser le danger et l’exposition ?
Cette étape exige d’identifier précisément les propriétés physiques et chimiques spécifiques aux nanomatériaux considérés et de collecter les données résultant de tests en laboratoire pour déterminer leurs effets sur la santé et l’environnement.
Classiquement, toute démarche pour caractériser le danger d’une substance chimique exige d’être en mesure de connaître le plus exactement sa dénomination, sa composition chimique et son niveau de pureté mais aussi ses caractéristiques physiques et chimiques (ex : poudre gel, acide caustique, taille des particules). Dans le cas des nanomatériaux, la difficulté tient au fait que, pour les distinguer les uns des autres et les différencier des substances chimiques conventionnelles, il faut tenir compte de propriétés spécifiques comme la taille moyenne des nanoparticules et ses variations, leur forme (sphère, fibre), l’arrangement de leurs cristaux, l’état énergétique de leur surface, l’existence d’un revêtement ou de contaminants externes, leur capacité à s’agréger et/ou à s’agglomérer…
Des travaux de normalisation (création en 2005 du comité technique de l’ISOTC 229 « nanotechnologies ») sont en cours afin de lister des paramètres permettant d’identifier et de classer les nanomatériaux puis de documenter les études de toxicité et de risques.
Par ailleurs, l’élaboration d’une nomenclature dédiée aux nanomatériaux, tenant compte de certains de ces paramètres, est à l’étude. Une fois disponible et accessible, elle permettra d’avancer dans l’évaluation des risques liés à ces éléments. (Cf. Moyens déjà mis en œuvre ou envisagés)
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Étiquette normalisée d’un produit chimique
Avant de donner lieu à des mesures d’étiquetage
précis, les nanoparticules doivent faire l’objet de travaux de
normalisation et de classification.
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Dispersion d’un polluant dans l’environnement
Les principaux modes de diffusion des nanoparticules dans l’environnement.
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DEFINITION : Qu’est ce qu’une norme ?
Il s’agit d’une règle commune soit juridique, soit technique. Dans ce
cas, elle concerne les caractéristiques d’un produit ou service et son
mode de fabrication et de commercialisation.
Une norme n’est pas obligatoire, sauf si elle est intégrée dans une loi
ce qui est très souvent le cas. Si ce n’est pas le cas, chaque
entreprise est libre ou non de la respecter.
Elle est définie par un organisme de normalisation indépendant des
fournisseurs, par opposition au standard proposé par un consortium de
fabricants ou d’éditeurs.
Les normes prennent le nom de l’organisme : ISO (International
standards organization), CEN (comité européen de normalisation), NF
(normes françaises).
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DEFINITION
L’analyse du cycle de vie (ACV) est un outil
d’évaluation des impacts environnementaux potentiels d’un produit, bien
ou service, depuis l’extraction des matières premières qui le composent
jusqu’à son élimination en fin de vie, en passant par les phases de
distribution et d’utilisation : cette méthode est normalisée au niveau
international, série des normes ISO 14 040. (voir Pistes de travail)
Dans ce cadre, l’Afsset a été saisie en juin 2008 afin d’étudier l’impact environnemental des nanomatériaux.
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EXPLICATION : Les tests classiques de toxicité
Classiquement, et selon les lignes directrices de l’OCDE, les tests
visant à déterminer le seuil de toxicité d’une substance chimique sont,
par exemple, définis ainsi : la dose létale 50 pour un test chez la
souris est la recherche de la dose qui provoque la mort de 50 % des
souris. Si la dose observée dépasse le seuil admis, la substance sera
considérée comme toxique. |
EXPLICATION
Protection des travailleurs : des recommandations dès 2006
Suite à la demande des pouvoirs publics, l’Afsset a émis un rapport et
des recommandations en 2006 sur la prévention des risques liés aux
nanomatériaux, notamment en termes de :
- connaissance des nanoparticules et nanomatériaux ;
- coordination de la recherche ;
- détection des nanoparticules ;
- toxicologie, épidémiologie, caractérisation des expositions humaines et évaluation des
risques sanitaires ;
- moyens de protection individuelle et collective ;
- normalisation et réglementation ;
- formation et information.
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ILLUSTRATION
Les différentes formes du dioxyde de titane
Le dioxyde de titane sous forme de poudre micrométrique est utilisé
comme opacifiant dans différents produits comme les comprimés blancs,
les crèmes cosmétiques ou les emballages.
Mais il est aussi employé sous forme nanométrique dans différents types
d’applications pour lesquelles il possède des caractéristiques
différentes : pour une activité de dépollution, on le trouve à l’état
cristallin et pour une activité de filtre ultraviolet dans les
cosmétiques, il subit un traitement de surface par une autre substance
chimique.
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Concernant la collecte des données toxicologiques permettant de déterminer les effets des nanomatériaux sur la santé et l’environnement, des travaux sont en cours pour vérifier la pertinence des tests habituellement menés sur les substances chimiques. En effet, la détection et le dosage spécifique des nanomatériaux nécessitent des outils spécifiques qui tous ne sont pas encore harmonisés ou développés. Cette collecte de données, sans parler de la préparation des échantillons pour mener les tests, dépend étroitement de la collaboration des milieux industriels et de la recherche.
Par ailleurs, le développement considérable des nanomatériaux dans le domaine de la santé et les perspectives ouvertes dans le secteur alimentaire posent la question de leur dissémination dans l’organisme (Voir L’alimentation et l’agriculture). En effet, du fait de leur petite taille et de leur énergie de surface, ces particules peuvent franchir les barrières naturelles de l’organisme jusqu’à pénétrer dans les cellules en s’étant ou non préalablement liées aux protéines circulantes de membranes, ce qui peut-être un facteur favorisant l’atteinte des noyaux et de l’ADN. Quelques études montrent le pouvoir de certaines particules à s’accumuler dans des organes comme le foie, le rein et le cerveau. Ainsi, la position française, exprimée au niveau international, en termes d’études prioritaires à mener est la suivante :
* les études de toxicocinétiques ou ADME (absorption, distribution, métabolisation et excrétion) afin d’identifier les organes cibles en fonction des nanomatériaux ;
* les études de génotoxicité, compte tenu du manque de données de la littérature ou des données contradictoires et en raison des risques cancérigènes et sur la reproduction.
Exposition de la population et atteinte à l’environnement
En matière d’évaluation du risque sanitaire des nanomatériaux manufacturés, on distingue l’exposition de la population via l’utilisation ou la consommation de produits en contenant ainsi que via l’environnement, déchets, eaux de consommation, air, sols, et celle des travailleurs.
Il s’agit, à cette étape, de distinguer les différentes voies possibles d’exposition (par ingestion, par respiration ou par la peau) et d’évaluer quelle quantité du nanomatériau est susceptible d’être considérée comme dangereuse, en fonction de la voie d’exposition, de sa fréquence et de sa persistance dans l’organisme.
Rappelons que les nanoparticules possèdent des propriétés spécifiques, différentes de celles de leurs équivalents chimiques de taille micrométrique, qui déterminent notamment leur réactivité au sein de systèmes biologiques et environnementaux. Pour n’en citer que deux : la nature du milieu dans lequel elles se trouvent (plus ou moins acide, conducteur ou isolant…) peut influer sur leur comportement et leur relation aux éléments qui les entourent ; pour une même substance, il peut donc exister plusieurs formes, ayant chacune des propriétés différentes (cf. exemple dioxyde de titane). Une caractérisation physique et chimique est donc absolument nécessaire, ne serait-ce que pour pouvoir mener des tests toxicologiques et comprendre l’impact toxicologique de ces substances sur les systèmes biologiques.
On peut globalement distinguer deux types d’exposition de la population aux nanomatériaux : les expositions directes (nanomatériaux dans les produits d’hygiène corporelle, les médicaments, les emballages alimentaires, les vêtements…) et indirectes (aux nanoparticules ou nano-objets se retrouvant dans l’environnement et résultant de l’usure ou de la fin de vie des nanomatériaux contenus, par exemple, dans les pneumatiques, les encres, les essences, ou déposés sur les vitrages, les panneaux solaires…).
Actuellement, un premier inventaire non exhaustif des produits commerciaux contenant des nanomatériaux est accessible dans une base de données internationale (Woodrow Wilson Institute). 800 produits au moins, dont beaucoup de grande consommation, ont déjà été recensés. La population dans son ensemble est donc potentiellement concernée. Une meilleure connaissance des usages va devoir se développer.
Les programmes français
De nombreux travaux de recherche en France dans le domaine des
nanosciences et nanotechnologies s’appuient sur le réseau des centrales
technologiques. Ils sont également menés dans le cadre des programmes
soutenus par l’ANR et dans les pôles de compétitivité.
L’ANR soutient plusieurs programmes :
– le programme P3N
(programme national en nanosciences et nanotechnologies) subventionne
des projets de recherche fondamentale et appliquée, nanocomposants,
micro-nanosystèmes, nanobiotechnologies, nanomatériaux, instrumentation
et métrologie, modélisation et simulation. Un volet est dédié à
l’impact et aux risques des nanotechnologies pour la santé et
l’environnement ainsi qu’aux aspects éthiques et sociétaux. À titre
d’exemples :
– Aquanano (2007), transfert de nanoparticules manufacturées dans les
aquifères : développement d’une méthodologie et identification des
processus ;
– Nanobench (2007), Assessing the S&T economic and social impact of nanotechnologies ;
– le programme matériaux et procédés vise la recherche de nouveaux
matériaux et de procédés industriels, l’amélioration de leurs
performances techniques et économiques et encourage le transfert de
technologie vers l’industrie. Les nanomatériaux occupent donc une bonne
place dans ce programme ;
– le programme SEST
(santé environnement et santé travail) a pour but de révéler l’impact,
encore peu connu, des facteurs environnementaux sur la santé humaine,
en mesurant l’exposition à ces facteurs et en identifiant leur rôle
dans l’origine ou l’aggravation de certaines maladies. Ce programme
s’intéresse en particulier à l’éventuelle toxicité des nanoparticules.
À titre d’exemples, les programmes suivants peuvent être cités :
– Nanofeu (2007), impact des nanocharges sur le comportement au feu ;
– Signanotox (2007), signatures toxicologiques de nano-objets
manufacturés sur des cellules humaines après inhalation ou ingestion ; |
PRECISION : Nanogenotox
À signaler, dans le programme européen de santé publique 2008-2013, une
action conjointe publiée en février 2009 sur la sécurité des
nanomatériaux sous présidence française de l’Union européenne en
décembre 2008. La France a assuré la coordination de cette action, qui
a fait l’objet d’un appel d’offres, et a présenté un dossier pour un
programme dénommé Nanogenetox visant à établir une méthodologie robuste
relative à la détection de molécules potentiellement génotoxiques,
c’est-à-dire pouvant compromettre l’intégrité du génome. Quinze
nanoparticules déjà sur le marché et utilisées dans divers produits
(silice, dioxyde de titane et nanotubes de carbone) vont être
soigneusement caractérisées au plan physique et chimique et faire
l’objet de tests. Cette action, sur trois ans, regroupe 17 institutions
et 13 États membres.
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EXPLICATION
Exigence de traçabilité et connaissance des risques
L’étiquetage des produits finis utilisés par le consommateur est un
élément contribuant à la traçabilité. Le Grenelle environnement a
envisagé l’étiquetage des produits finis contenant des nanoparticules
manufacturées mis à la disposition du public. Cette option n’a pas été
retenue compte tenu des contraintes règlementaires au plan
communautaire relatives à l’étiquetage des produits chimiques et du
manque actuel d’informations sur les dangers réels. En revanche, il a
été proposé de porter cette question au niveau européen. Notons que la
mise en exergue systématique de la présence de nanoparticules pourrait
induire dans l’esprit du consommateur une suspicion de risque alors
même que les travaux internationaux sur ce sujet sont toujours en cours
et leurs conclusions attendues.
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PRECISION
L’Afsset soutient, depuis 2004, plusieurs programmes en santé environnement.
En 2007 :
- impact sur cellules rénales des nanoparticules manufacturées ;
- devenir des nanoparticules minérales manufacturées dans les milieux aquatiques.
En 2006 :
- Nanop : niveaux, déterminants et variabilités des nanoparticules dans l’environnement intérieur ;
- évaluation in vitro de la réactivité des particules fines et ultrafines.
En 2004 :
- toxicité respiratoire des nanotubes de carbone (université catholique de Louvain).
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EXPLICATION : Les fullerènes et l’eau
Il a été montré que le fullerène (C60), très peu soluble, réagit avec
l’eau pour former des agrégats colloïdaux ayant des diamètres compris
entre 5 et 500 nm (nC60). Les agrégats sont relativement stables
pendant 15 semaines dans des milieux aqueux représentatifs des eaux
douces. Ils sont en revanche instables dans un milieu aqueux
caractéristique des eaux salées. (Cf. L’eau)
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Trois voies d’exposition : respiratoire, à travers la peau et orale
La voie respiratoire constitue la voie d’entrée privilégiée des nanoparticules en raison de leur taille. Les quelques données disponibles jusqu’ici montrent qu’elles se répartissent dans les voies respiratoires en fonction de leur diamètre. Toutefois, l’appareil respiratoire semble présenter une barrière efficace et le passage des nanoparticules entre les poumons et le sang serait limité. On l’estime, à partir de données expérimentales chez l’animal, à environ 1 % des nanoparticules inhalées. Le dépôt des nanoparticules peut se produire à tous les niveaux de l’appareil respiratoire depuis le nez jusqu’aux alvéoles.
La présence de nanoparticules dans de nombreux produits cosmétiques ou paramédicaux amène à s’interroger sur l’exposition à travers la peau. Aujourd’hui, il semble que la peau intacte constitue une barrière efficace : les particules ne passeraient pas la couche cornée de l’épiderme, même si une accumulation dans les follicules pileux (qui produisent les poils) est observée. L’exposition au travers d’une peau lésée n’a pas encore été étudiée avec précision. Toutefois, selon la lésion, les nanoparticules sont susceptibles de pénétrer dans l’organisme via le derme et le réseau des veinules (vaisseaux sanguins de la peau) qu’il contient ainsi que les terminaisons nerveuses.
L’exposition par ingestion de nanoparticules peut se produire en mangeant des aliments contaminés, en avalant des particules inhalées ou en portant à la bouche une main contaminée. L’évaluation de l’exposition est limitée par l’absence de méthodes validées et applicables en routine permettant la détection, l’identification et la quantification des nanoparticules dans la matrice alimentaire.
Le comportement des nanoparticules dans l’eau est très important pour apprécier leur toxicité. Elles peuvent avoir, par rapport à leurs homologues microscopiques, une moindre capacité à se dissoudre et une plus grande tendance à s’agglomérer lorsqu’on les disperse.
Il est important de préciser que les nanoparticules se présentent rarement sous une forme unitaire mais le plus souvent sous la forme d’un agglomérat ou d’un agrégat de nanoparticules, d’une taille, par conséquent, supérieure à celle de la nanoparticule elle-même. Il ne faut néanmoins pas négliger la possibilité que ces agglomérats-agrégats se décomposent lorsqu’ils pénètrent dans l’organisme et que des nanoparticules unitaires passent ainsi l’ensemble des barrières. Par ailleurs, les nanoparticules en agrégats conservent leurs propriétés spécifiques.
Exposition d’une personne à l’inhalation de nanoparticules
La caractérisation de la pénétration des nanoparticules dans l’appareil respiratoire dépend de leur taille.
Toxicité : des données expérimentales pour mener des évaluations
Les données dont on dispose aujourd’hui sur la toxicité des nanoparticules proviennent en partie des études épidémiologiques et expérimentales sur les particules fines et ultra-fines de la pollution atmosphérique et des études expérimentales portant sur les nanoparticules manufacturées telles que les nanoparticules d’oxyde de titane, de noir de carbone, les nanotubes de carbone…
Les premières montrent une association entre les polluants sous forme particulaire présents dans l’air et les maladies pulmonaires telles que l’asthme et la bronchite chronique et cardiovasculaires. Toutefois, la plupart du temps, la composante nanométrique de la pollution atmosphérique n’a pas été spécifiquement mesurée et il n’est donc pas possible de séparer les effets spécifiquement liés aux particules plus grosses. Cependant les études expérimentales montrent clairement que les nanoparticules sont plus toxiques que les particules plus grosses de taille micrométriques pour la même composition. Ceci est clair pour les nanoparticules d’oxyde de titane et de noir de carbone. Pour les particules fines et ultrafines atmosphériques, la toxicité observée a été attribuée en partie aux contaminants adsorbés (collés) en surface de la particule.
De nombreuses études chez l’animal ont montré que la toxicité pulmonaire des nanoparticules était plus importante que celle observée avec la même quantité de particules de même nature mais plus grosses. Leur toxicité tient à leurs propriétés de surface ainsi qu’à leur taille et leur forme.
EXPLICATION : La disponibilité des informations : une préoccupation des agences de sécurité sanitaire
Les agences et instituts concernés par des études sur les
nanotechnologies (Afssa, Afssaps, Afsset, InVS) font part des
difficultés qu’elles rencontrent pour répondre aux saisines, en raison
du manque de spécificité des méthodes d’essais toxicologiques et du
manque de méthodes validées concernant la caractérisation et la mesure.
Ces agences souhaiteraient également une diffusion de l’information et
la facilitation de l’accès au savoir concernant la production, les
usages, les bénéfices et les risques des nanomatériaux de la part
notamment des industriels les utilisant ou les fabriquant. L’obligation
d’enregistrement vivement défendue par la France devrait pallier
certaines de ces difficultés. (voir Règlementation)
EXPLICATION : Les diverses formes des nanotubes de carbone
Une étude a montré que les propriétés physico-chimiques des nanotubes de carbone dépendent de leur environnement (sols, eaux de surface, eaux souterraines, végétaux, animaux…).
Ceci implique que chaque écosystème est exposé à un type différent de nanotubes de carbone.
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Crèmes et cosmétiques contenant des nanoparticules font l’objet de tests spécifiques avant leur mise sur le marché
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EXPLICATION
Quelle valeur donner aux résultats des tests menés sur le rat ?
Plusieurs études par inhalation chez le rat montrent que les nanoparticules ont la capacité de passer de l’épithélium nasal (la paroi interne du nez) au bulbe olfactif (zone du cerveau où sont analysées les odeurs captées par le nez). Par ailleurs, il n’est pas certain que ce que l’on observe chez le rat puisse s’appliquer à l’homme : les rats respirent par le nez uniquement, leur muqueuse nasale est olfactive à 50 % (contre 5 % chez l’homme) et le poids de leur bulbe olfactif est proportionnellement 177 fois plus élevé que chez l’homme. Néanmoins, une étude ancienne chez le singe a montré un passage de nanoparticules d’or (50 nm) par cette voie.
Toutefois, certains spécialistes discutent les conditions de réalisation de l’expérience.
Rappel
Quelques particularités des nanoparticules
* Elles agissent par leur surface. Et, comme plus une matière est
divisée, plus elle tend à être active, l’effet des nanoparticules
dépend largement de la superficie de leur surface extérieure.
* Leur forme joue un rôle : les premiers résultats montrent, par
exemple, que les fibres sont plus nocives que les sphères car plus
susceptibles d’effets mécaniques (piqûres) et plus difficiles à
dégrader et à éliminer par l’organisme.
* Elles peuvent très aisément transporter des substances collées (adsorbées) à leur surface.
* Toutes ne sont pas solubles.
Des premiers travaux suggèrent que leur taille les amène à suivre des «
chemins » différents des particules microscopiques au sein de
l’organisme (franchissement des barrières poumon sang, sang cerveau,
placenta…)
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La majorité des études in vivo publiées à ce jour porte sur le rat, qui n’est pas toujours le modèle le plus pertinent pour l’exposition humaine, d’autant plus que la majorité des expériences ont été effectuées par instillation directe des substances par la trachée, ne reproduisant pas ainsi les conditions normales d’inhalation. La communauté scientifique n’est pas unanime à reconnaître la validité des résultats d’une étude montrant qu’une substance reconnue habituellement comme peu toxique, le dioxyde de titane, présente une toxicité pulmonaire plus importante lorsqu’elle est de dimension nanométrique.
Parmi les différents nanomatériaux, les chercheurs s’intéressent aux nanotubes de carbone dont certains présentent une similitude de forme avec les fibres minérales de type amiante. Il a été montré que les plus grands nanotubes mettaient plus de temps à être éliminés par les poumons. Toutefois, ce résultat est diversement accueilli car certains agglomérats évoqués par les études sont, chez l’homme, normalement filtrés par des dispositifs au niveau du nez (alors qu’ils ont été instillés et non inhalés par le rat lors de l’expérience).
Concernant les produits cosmétiques, l’Afssaps a mené une enquête auprès des industriels de la cosmétique en 2008. Il ressort des réponses obtenues que les produits cosmétiques sont susceptibles de renfermer notamment des nanoparticules insolubles et/ou biopersistantes telles que les dioxydes de titane et de fer et des oxydes de zinc, d’argent et d’or. Toutes les catégories de produits (crèmes, gels, lotions, savons…) peuvent contenir des nanoparticules. Concernant l’évaluation des risques, l’Afssaps insiste sur le fait que les outils analytiques appropriés sont insuffisamment pertinents pour quantifier ces nanoparticules et mesurer leur biodégradabilité. De plus, l’interdiction de l’expérimentation animale sur les produits finis et sur les ingrédients est effective depuis mars 2009 (7e amendement de la directive 76/768/CEE) bien qu’il n’existe actuellement aucune méthode d’essai in vitro validée pour évaluer la toxicité à long terme des nanomatériaux. De même, la littérature disponible ne permet pas d’exclure un passage, aussi faible soit-il, des particules dans la peau viable. L’Afssaps s’interroge sur le devenir des nanoparticules en cas d’accumulation dans les follicules pileux et sur le risque lié aux applications sur une peau lésée.
Seules quelques études ont abordé la toxicité des nanoparticules après ingestion orale. Les résultats sont souvent discordants et ne permettent pas de conclure à un effet dose, à un effet taille, à une relation entre les caractéristiques physico-chimiques de la particule et la toxicité. C’est pourquoi toute évaluation de nanomatériau devra être conduite au cas par cas, en prenant en considération ses propriétés spécifiques, différentes de celles du matériau conventionnel correspondant.
De manière générale, la toxicité des nanoparticules sur l’ensemble de l’organisme (systémique) est encore insuffisamment explorée.
Par ailleurs, concernant les risques de cancer, les données liées aux nanomatériaux manufacturés sont encore peu nombreuses. Les premiers résultats concernant les fullerènes et le dioxyde de titane sont contradictoires. Plusieurs études in vitro suggèrent un potentiel carcinogène de ces deux substances sous l’action des UV mais aucune augmentation de l’incidence de cancers n’a été mise en évidence in vivo. Plusieurs études sont parues en 2008, notamment sur la capacité des nanotubes à induire des tumeurs pulmonaires chez les rongeurs. Une similitude d’action a été avancée pour certains nanotubes (plutôt longs et rigides) et l’amiante. Toutefois, là encore, les conditions de l’expérience (doses et mode d’administration) ne permettent pas, selon quelques spécialistes, de conclure à un risque cancérogène chez l’homme.
En conclusion, il apparaît qu’il ne suffit pas de considérer l’espèce chimique des nanoparticules (en quoi sont-elles faites ?) et la concentration maximum admissible (combien de milligrammes par mètre cube pour obtenir tel effet négatif ?) comme on le fait habituellement dans les études de toxicité. Les travaux à mener doivent permettre de comprendre leur devenir une fois qu’elles ont pénétré dans l’organisme, les réactions qu’elles provoquent, la manière dont elles sont éliminées ou non.
Il n’est donc pas possible aujourd’hui de mener une évaluation pertinente des risques sanitaires potentiels liés aux nanoparticules manufacturées pour la population en général. Comparativement aux substances chimiques conventionnelles, les données épidémiologiques et toxicologiques valides tout comme les caractéristiques des expositions des populations ne peuvent être générées du fait de méthodes et d’outils de mesure adaptés encore insuffisants.
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