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Le dossier du maître d'ouvrage

Le dossier du maître d’ouvrage aborde les grands champs du sujet qui structurent le débat.

Dossier du Maître d'ouvrage - Partie 1

Le maître d'ouvrage

Les procédés de fabrication

Les nanotechnologies couvrent des domaines d’application très variés et à chacun sont associés des procédés spécifiques. On peut distinguer la fabrication des nanoparticules utilisées comme renforts dans des matériaux existant par ailleurs (métaux, polymères, céramiques) et les procédés de la nanoélectronique, mis en œuvre pour la fabrication des nanocomposants et nanosystèmes intégrés dans les dispositifs des technologies de l’information et de la communication (TIC).

 

L’élaboration des nanoparticules

Il existe trois grandes classes de procédés de fabrication de nanopoudres : les procédés physiques, chimiques et mécaniques. Ils visent à faire « germer » l’espèce chimique que l’on souhaite obtenir, puis à en limiter la croissance à la taille que l’on souhaite obtenir ou en contrôler la forme. Ces poudres sont ensuite soumises à des procédés de conditionnement visant à empêcher toute dispersion et à garantir leur innocuité avant leur incorporation dans des matrices pour obtenir des objets. Enfin, les procédés de consolidation visent à obtenir des pièces intégrées dans des systèmes ou utilisées comme telles.

Ces procédés se distinguent également par leur capacité de production. Certains sont déjà très largement utilisés dans l’industrie ; d’autres sont spécifiques aux activités de laboratoire.

Les méthodes physiques de fabrication des nanoparticules font toujours intervenir le changement d’état vapeur-liquide en phase saturée en atomes ou en ions métalliques, suivi d’une trempe rapide à partir de ces états. La condensation brutale de la vapeur métastable dans un gaz inerte (généralement l’argon) favorise la germination de très petits agrégats dont la croissance est à l’origine de la production de poudres ultrafines. La vitesse de refroidissement et la densité de la sursaturation locale influencent la finesse des poudres obtenues.

Dans les procédés chimiques d’élaboration des nanoparticules, une réaction utilisant des réactifs appropriés favorise la germination, limite au maximum la croissance des grains et peut modifier la géométrie, voire la nature des produits formés.

Les méthodes mécaniques, issues directement de procédés bien maîtrisés pour des matériaux classiques, sont probablement celles qui sont le plus utilisées et qui conduisent aux plus fortes productivités (plusieurs tonnes / heure). Elles sont connues sous le terme générique de « mécanosynthèse », réactive (c’est-à-dire accompagnée de réactions chimiques modifiant la nature de la poudre) ou non.

Après avoir été produites, les nanopoudres doivent être conditionnées. En effet, elles sont très pulvérulentes et présentent la propriété d’occuper spontanément l’espace disponible et, de façon antagoniste (mais non contradictoire), en raison de leur forte énergie de surface, elles ont spontanément tendance à s’agglomérer. Il convient également de prévenir les risques d’explosion, toujours très présents en raison de la forte réactivité de surface des nanoparticules. Les nanopoudres sont donc méticuleusement stockées.

Une fois produites, les nanopoudres doivent être consolidées pour réaliser des objets. Diverses méthodes sont disponibles, dont le frittage classique, mais qui, en général, en raison des hautes températures associées à la compression, détruisent une bonne partie de la structure nanométrique. Des méthodes associant compaction et activation par plasma ou encore compression et décharge électrique sont les plus utilisés et conduisent à des pièces qui peuvent être « proches des cotes » et utilisées moyennant un très léger usinage final.

 

Les procédés physiques d’élaboration des nanoparticules


Les procédés physiques se distinguent par la technique utilisée pour vaporiser le matériau que l’on souhaite obtenir sous forme nanoparticulaire. On trouve ainsi :

* l’évaporation-condensation sous pression partielle inerte ou réactive. Elle permet d’obtenir en condition industrielle (plusieurs dizaines de tonnes par an) des nanoparticules métalliques ou céramiques. Cette méthode consiste à évaporer un métal par chauffage puis à condenser la vapeur métallique afin d’obtenir une poudre de taille nanométrique. Les conditions opératoires, le recours à une atmosphère réactive ou non, dépendent beaucoup de la nature chimique des poudres fabriquées. Ainsi, en atmosphère oxydante on peut obtenir, en particulier, des nanopoudres d’oxydes métalliques ;
* la pyrolyse laser. La pyrolyse laser repose sur l’interaction en jets croisés entre l’émission d’un laser CO2 et un flux de réactifs. Selon les mélanges de précurseurs introduits dans le réacteur, une grande variété de poudres peut être synthétisée, telles Si, SiC, SiCN, Si3N4, TiO2 etc. Bien qu’encore limité aux activités de recherche (avec une productivité de l’ordre du kg/h), ce procédé pourrait se développer industriellement très rapidement ;
* les flammes de combustion. La synthèse des nanoparticules est obtenue par oxydation dans des flammes à partir de précurseurs gazeux ou liquides. Cette technologie est très utilisée industriellement, en particulier pour la production de dioxyde de titane (TiO2) utilisée en cosmétologie ;
* le plasma thermique. Le matériau d’apport est vaporisé dans les hautes températures produites par un plasma. Les vapeurs produites sont ensuite condensées sous l’effet d’un refroidissement très rapide suivant l’étape de fusion-vaporisation. Ce procédé est bien adapté aux matériaux réfractaires. Il permet de produire des nanopoudres de TiC, SiC, pérovskites que l’on aurait du mal à synthétiser autrement ;
* le dépôt physique en phase vapeur. Cette technique sous vide (appelée PVD pour Physical Vapor Deposition), qui consiste à pulvériser une cible métallique solide, permet de déposer des couches d’épaisseur nanométrique sur des substrats que l’on souhaite revêtir. Des dépôts de TiN, CrN, (Ti,Al)N ont ainsi pu être obtenus par PVD cathodique magnétron, évaporation par arc ou dépôt ionique ;
* les autres procédés. D’autres technologies sont utilisées pour la production de nanopoudres à l’échelle du laboratoire. On peut citer par exemple l’utilisation des fluides supercritiques (sans réaction chimique), les micro-ondes, l’irradiation ionique ou électronique. Ces procédés en développement ne sont pas utilisés de façon significative à l’échelle industrielle.

 

  Pilote de synthèse par pyrolyse laser du CEA. (détail du réacteur et vue d’ensemble)Pyroloyse laser

 

 

 

Nouvelle machine SPS

Nouvelle machine SPS installée sur la plate-forme de la société Mécachrome à Vibraye (Sarthe). Caractéristiques maximales : force : 2 000 kN ; courant : jusqu’à 30 000 ampères sous une tension de 10V ; température 2 400 °C ; diamètre maximum de pièces réalisables : 350 mm. (équipement opéré en partenariat avec le CEA).

 

 

Les procédés chimiques d’élaboration des nanoparticules

Quelques considérations générales s’appliquent à ces procédés chimiques : la synthèse peut s’opérer en phase solide, liquide ou gazeuse ; les synthèses en phase liquide ou solide demandent des quantités importantes de réactifs et de produits ; enfin, en phase gazeuse, la production de nanopoudres est faible et dispersée dans un grand volume de gaz. Les grandes productivités sont donc difficiles à atteindre.

Les procédés chimiques sont les suivants :

* les réactions en phase vapeur. Le procédé CVD (Chemical Vapor Deposition) repose sur une réaction chimique entre un composé volatil du matériau à déposer et la surface du substrat à recouvrir. Elle peut être activée par un chauffage du substrat (CVD thermique) ou par l’action d’un plasma électrique (CVD assistée plasma). Le procédé est mis en œuvre dans une chambre de dépôt, généralement sous pression réduite.
Cette technique permet d’élaborer des couches minces de matériaux de natures très diverses (carbures, nitrures, oxydes, alliages métalliques, etc.). Elle permet également la synthèse de masse de nano-objets tels que des nanotubes de carbone ;
* les réactions en milieu liquide. La synthèse en milieu liquide est réalisée à partir de la mise en solution de réactifs qui vont conduire à la formation des nanoparticules, dont la taille est contrôlée par l’utilisation de surfactants ou en réalisant la réaction à l’intérieur de nanoréacteurs. Ce procédé permet d’obtenir des quantités industrielles de nanopoudres ;
* les techniques sol-gel. Elles permettent de produire en conditions industrielles des nanomatériaux à partir de solutions d’alkoxydes ou de solutions colloïdales. Les matériaux sont élaborés sous forme de monolithes, de nanopigments cristallisés ou de couches minces. Ce sont des techniques fondées sur des réactions de polymérisation inorganiques. Les techniques sol-gel sont utilisées dans de nombreux domaines : optique, magnétique, électronique, supraconducteurs à haute température, catalyseurs, et plus particulièrement céramiques inorganiques et matériaux en verre, matériaux amorphes et nanostructurés, oxydes multicomposés ;
* les réactions en milieu solide. De nombreux procédés de synthèse reposent sur les transformations à l’état solide, comme l’obtention d’oxydes mixtes à partir de poudres (nanométriques) des oxydes purs correspondant (Y2Ti2O7 à partir d’Y2O3 et Ti02), ou bien par réaction sur des sites spécifiques, comme Fe2O3 au sein d’une matrice polymère. Tous ces procédés sont toutefois peu productifs et ne permettent d’obtenir que des quantités limitées de produits. Ils sont donc aujourd’hui limités aux activités de développement ;
* les fluides supercritiques avec réaction chimique. Les procédés utilisant les fluides supercritiques (CO2 ou eau avec réaction chimique) permettent d’ajuster continûment les propriétés physico-chimiques du milieu réactionnel sur une grande échelle par ajustement des paramètres pression et température sur de petites échelles. La maîtrise des propriétés physico-chimiques du milieu permet alors de contrôler la réaction chimique et ainsi l’élaboration du matériau. Ces procédés permettent la synthèse de matériaux inorganiques finement divisés, comme les métaux, les oxydes et les nitrures. Néanmoins, leur faible productivité les cantonne actuellement aux activités de développement.

 

Les procédés mécaniques de fabrication des nanoparticules (la mécanosynthèse)

La mécanosynthèse consiste à broyer des poudres micrométriques (1 à 50 μm) de plusieurs alliages. Elles sont introduites dans un conteneur scellé, agité fortement en présence de billes en acier ou en tungstène dont le mouvement accroît l’énergie du système. La matière est alors affinée en continu jusqu’à l’obtention de la taille nanométrique désirée. C’est selon ce type de procédés que sont produits les alliages dits ODS (Oxydes Dispersed Strenthening), constitués d’une dispersion nanométrique homogène d’oxydes dans une matrice métallique (déjà utilisés dans les applications transport et énergie). L’intérêt de cette technologie consiste à permettre l’élaboration de matériaux nanostructurés ou nanorenforcés sans recours à la manipulation de nanopoudres.
Deux grandes voies de conditionnement des nanoparticules

Il existe deux grandes voies de conditionnement : le conditionnement en phase liquide et l’agglomération en granules micrométriques. La première vise à mettre en suspension les nanopoudres dans des solutions de natures diverses (eau, alcool, solvant, polymères ou des polymères visqueux) mais dépendant des transformations ultérieures.
La seconde consiste à former des agglomérats à partir d’une transformation à l’état solide comme l’atomisation-séchage (séchage de suspensions) ou la granulation par trempe rapide (freeze-granulation). Dans les deux cas on obtient un milieu sécurisé du point de vue sanitaire et environnemental qui doit être redivisé à l’échelle nanométrique avant transformation en objets finals pour ne pas perdre les avantages de la nanostructuration. 

 

La fabrication des nanocomposants et nanosystèmes

Les nanocomposants et nanosystèmes recouvrent un champ très important de produits et d’applications : « puces » électroniques, MEMS et NEMS (Micro/Nano Electro Mechanical Systems) qui peuvent être des capteurs de température, de pression, inertiels, etc., des imageurs, des cellules solaires, des têtes de lecture magnétique, des disques durs, des écrans plats LCD (Liquid Crystals Display)

 

Tous ces composants se caractérisent par l’utilisation de technologies nanométriques pour leur réalisation, mais le produit final est un produit macroscopique. Celui-ci peut faire quelques millimètres carrés ou centimètres carrés pour les puces électroniques, les MEMS et NEMS ou les capteurs d’image (appareils de photographie numérique) jusqu’à des mètres carrés pour des panneaux solaires ou des écrans LCD.

Ces produits se caractérisent par des procédés de fabrication développés depuis plusieurs dizaines d’années et dont les performances et la précision se sont affinées au cours des ans, de dimensions millimétriques ou submillimétriques dans les années soixante, à des dimensions micrométriques dans les années quatre-vingt, puis submicrométriques à nanométriques dans les années quatre-vingt-dix à deux mille. Au-delà du changement d’échelle, les procédés industriels sont restés fondamentalement les mêmes.

Ces opérations se font dans des salles propres appelées salles blanches dont les niveaux de contamination chimique et particulaire contrôlée sont extrêmement bas pour éviter toute contamination des substrats.

 

 
 
Plaquette de sicilium
 
Exemple de circuit nanoélectronique
 
Exemple de circuit nanoélectronique comportant plusieurs dizaines de millions de transistors
 
 Plaquette de silicium de 300 mm réalisée à l’usine STMicroelectronics
de Crolles (Isère)
   

   
     
Salle blanche   Salle blanche pour la fabrication de circuits nanoélectroniques.

 

Les procédés de fabrication des nanocomposants

Les procédés utilisés pour fabriquer les nanocomposants consistent à venir insérer un motif fonctionnel sur ou dans un substrat initial. Il peut s’agir aujourd’hui d’une plaquette de silicium d’un diamètre de 200 mm à 300 mm (figure 4) ou d’un autre semi-conducteur, d’un substrat de verre ou de plastique, ou même d’un substrat métallique. Les procédés sont les suivants :

* Modifications locales de composition en utilisant des techniques d’épitaxie, de diffusion ou d’implantation d’éléments chimiques à des concentrations extrêmement faibles, inférieures à 1 ppm (partie par million).

L’épitaxie consiste à faire croître une couche généralement monocristalline de composition parfaitement définie de quelques nanomètres à quelques centaines de nanomètres d’épaisseur sur le substrat, de façon à obtenir de nouvelles propriétés semi-conductrices. Les procédés utilisés sont généralement la MOCVD (Metal Organic Chemical Vapour Deposition) qui est un dépôt sous vide en phase vapeur utilisant des composés organométalliques, ou l’épitaxie par jets moléculaires (MBE) qui est un dépôt sous vide poussé à partir d’une ou plusieurs sources solides chauffées.

La diffusion consiste à faire diffuser dans un four à haute température (à environ 1 000 °C) un composé chimique dans la plaquette de semi-conducteur.

L’implantation se fait sous vide. Un équipement d’implantation ionique se compose d’une source de production d’ions, d’un accélérateur de particules et d’une chambre où se trouvent les substrats ;

* Oxydation ou dépôts de couches de composition et d’épaisseur extrêmement bien définies : dépôts de couches inorganiques ou de polymères à partir de solutions, dépôts PVD, CVD ou PECVD tels que décrits dans le chapitre précédent, ainsi que des méthodes dérivées encore plus précises telles que la MOCVD ou l’ALD (Atomic Layer Deposition). Les épaisseurs de ces couches peuvent aller de quelques nanomètres à quelques micromètres. Jusqu’à très récemment, les couches déposées étaient de l’oxyde de silicium, des borophosphosilicates, de l’aluminium, du cuivre, du titane, de l’or, du platine et du nitrure de titane. De nouveaux composés apparaissent aujourd’hui pour améliorer les performances électriques ou électroniques des composants, tels que les oxydes d’hafnium ;
* photolithographie et gravure pour définir des motifs. Ce procédé permet d’atteindre aujourd’hui des dimensions de motifs extrêmement réduites de quelques dizaines de nanomètres et donc de mettre sur une seule puce électronique d’un centimètre carré de surface des centaines de millions de transistors ;
* photolithographie. Elle utilise des équipements d’exposition sous rayonnement UV (λ = 365 nm, 248 nm ou 193 nm) dont le principe est le même que celui des chambres d’exposition photographique classiques, la longueur d’onde étant simplement plus basse et la résolution meilleure, puisqu’on atteint aujourd’hui des résolutions de 40 nm (dimension minimale d’un motif). Pour descendre encore plus bas en résolution (10-20 nm), sont actuellement développés des équipements à source dite « Deep UV », de longueur d’onde de 13,5 nm.
* Il existe deux types de procédés de gravure : les procédés de gravure humide qui utilisent des solutions chimiques pour graver les couches déposées et les procédés de gravure par plasma, réactif ou non, qui utilisent une décharge dans un milieu gazeux pour attaquer ces couches ;
* autres procédés : à ces procédés s’ajoutent des recuits thermiques ou sous flux lumineux, laser ou autres, des procédés de polissage mécanique ou mécano-chimique et éventuellement d’autres procédés très spécifiques pour certaines applications.