Avis n°280
Avis sur une relecture du bilan prévisionnel de RTE pour 2025
le ,Ne pensez-vous pas qu'il serait utile que RTE ajoute un ou deux scénarios aux 5 du bilan prévisionnel ? En effet, sur les 5 scénarios donnés par RTE, 2 outrepassent la LTECV en se fixant une sortie du nucléaire. Or à tout le moins RTE doit respecter la loi qui ne prévoit pas la sortie du nucléaire. Les 5 scénarios aboutissent tous à une augmentation des émissions de CO2 du secteur électrique.
1- Les 5 scénarios partent du principe qu'avec l'accroissement de l'efficacité électrique, il n'y aura pas d'augmentation de la consommation. Ceci nous paraît être une erreur compte tenu des nouvelles applications et de la montée en puissance des véhicules électriques et des 2 roues. Or, en 2017, la consommation d'électricité brute en France métropolitaine a atteint 482 TWh en 2017, soit 0,3% de plus qu'en 2016. Cette faiblesse de la consommation est plus liée aux performances économiques du pays car il ne faut pas oublier que la consommation a atteint 513 TWh en 2010, 489 TWh en 2012 et 495 TWh en 2013(pour une production de 530 TWh). Or le secteur économique redémarre et sa consommation suit cette évolution.
(En Allemagne également, les consommations ne suivent absolument pas la baisse prévue par la transition énergétique. La ligne retenue était de partir de 620 TWh par an en 2008 vers 556 TWh en 2020. Or la consommation reste supérieure à cette ligne puis qu'elle a été de :
- En 2015 de 595, TWh pour un objectif de 580 TWh
- En 2016 de 595 TWh pour un objectif de 577 TWh
- En 2017 de 599 TWh pour un objectif de 574 TWh. )
Ceci confirme que les consommations retenues par RTE d'ici 2025 sont trop faibles. Car il y aura 2 millions d'habitants supplémentaires ainsi qu'un nombre de ménages également supérieur.
Nous devons également prendre en compte qu'un million de véhicules électriques consomment 3,5 TWh par an.
Enfin, les logements dits « passoires thermiques » ne sont pas chauffés à l'électricité.
Donc faire un scénario qui prendrait en compte une consommation de 520 TWh en 2025 paraitrait plus raisonnable que certains scénarios calés sur Négawatt.
2- Les 5 scénarios prennent en compte 3 GW d'éolien off-shore avec un facteur de charge élevé. Or, à juste titre, le Ministre a pris conscience des coûts de production des projets aujourd'hui retenus qui sont effectivement prohibitifs. Il veut renégocier ces contrats voire les annuler et refaire un appel d'offres. Autant dire que nous sommes très loin d'avoir 3 GW d'éolien off-shore et qu'il vaudrait mieux les annuler dans le bilan prévisionnel.
3- RTE part du principe que pendant 90 % du temps, la puissance apportée par les éoliennes est également à 10 % de la puissance installées. En Allemagne, les prévisionnistes prennent un chiffre de 1 %. Or le point bas atteint en 2017 en France est de 50 MW pour un parc de 12 GW, c'est-à-dire une puissance inférieure à 0,5 % de la puissance installée. Or un prévisionniste en électricité ne peut pas jouer aux dés. Des délestages, voire un black-out, seraient dévastateurs sur le plan économique, médiatique et politique.
4- Comme on a pu le voir cet hiver, notre parc de production se rapproche du parc adapté en énergie mais il est clairement sous-adapté à la pointe d'hiver. En ne prenant que les moyens pilotables et quelques indisponibilités, notre parc ne peut fournir que 85 GW. La pointe de cet hiver à 95 GW n'est passée que grâce aux importations en provenance de l'Allemagne qui dispose encore jusqu'en 2022 d'un parc pilotable de 100 GW, supérieur à sa pointe de consommation de 82 GW.
5- Enfin plusieurs scénarios prévoient une augmentation massive des possibilités de transfert par les interconnexions.
Est-il rationnel d'afficher des développements aussi considérables des interconnexions ? En outre, il y a déjà côté réseau français des congestions qui font qu'avec les mêmes interconnexions nous pouvons moins importer qu'exporter. Le renforcement des interconnexions pose le problème de la restructuration en profondeur du réseau électrique très haute tension national. Mais il est essentiel de regarder l'évolution des puissances pilotables chez nos voisins.
5-1- L'Allemagne devrait perdre au total 36 GW de puissance mobilisable (nucléaire + charbon + lignite) sur 100 GW. La pointe actuelle en Allemagne est de 82 GW. Sa puissance mobilisable actuelle lui laisse de la marge contrairement à la situation française. Qu'en sera-t-il en 2025 ? Elle n'aura en principe plus que 70 GW de sa puissance mobilisable actuelle à l'appel, sauf si ses opérateurs ont programmé la mise en service massive de centrales au gaz, ce qui ne semble pas être le cas.
5-2- L'Italie est structurellement déficitaire en énergie et en puissance. Rien n'est véritablement programmé en nouveaux moyens mobilisables. Bien au contraire, elle envisage d'arrêter toutes ses centrales thermiques à l'exception des centrales au gaz ce qui aggravera sa situation électrique. L'Italie est bien connectée en gaz avec la Russie, via le hub Autrichien, et avec les pays du Maghreb. Elle a aussi le projet de se connecter avec le gisement Israélien Léviathan. Le problème en Italie aussi sera de donner de la visibilité sur la rentabilité des CCG aux opérateurs.
5-3- La Belgique a voté la loi sur la sortie totale du nucléaire, qui représente 50 % de sa puissance installée, pour 2025. A notre connaissance, elle n'a pas, pour l'instant, programmé la construction de nouveaux moyens de production mobilisables. Elle sera donc déficitaire en énergie et en puissance.
5-4- La Grande-Bretagne est structurellement déficitaire en énergie. Il n'est pas certain que les 4,5 GW de nucléaire, cités par RTE, soient opérationnels en 2025. Et lorsqu'ils le seront, le parc AGR Britannique commencera à arrêter un certain nombre de tranches. Les Britanniques ont également l'intention d'arrêter des puissantes centrales au charbon comme celles de Drax et de West Burton d'ici 2025, pour respecter leurs objectifs de réduction des émissions de CO2. Les Anglais seront-ils auto-suffisants en puissance et en énergie ? Rien n'est moins sûr ! Il ne faut donc pas compter sur eux pour boucler notre bilan en puissance et en énergie.
5-5- La Suisse a voté une loi de sortie du nucléaire au fur et à mesure de l'arrêt définitif de ses tranches. Mühleberg est ainsi non remplacée à la suite de son récent arrêt définitif. Par ailleurs, en raison de son hydraulicité d'hiver très faible, la Suisse est déjà structurellement déficitaire en puissance et s'appuie sur les parcs français et allemands notamment.
5-6- L'Espagne. La production nucléaire est à peu près constante tandis que la production à partir de combustibles fossiles a nettement chuté depuis 2011 avec, curieusement, une baisse nette du gaz tandis que le charbon et le pétrole restent constants. Ceci probablement à cause des prix du charbon et de l'absence de taxe sur le CO2.
Cependant, pour respecter ses engagements sur la baisse de ses émissions de CO2, ce pays devra baisser sa production au charbon et au pétrole. Dans ces conditions, il rebasculera sur ses centrales au gaz sous-utilisées. Mais rien n'est réellement prévu comme construction de nouveaux moyens de production mobilisables.
6- RTE additionne les productibles annuels des EnRi. Ceci n'est possible qu'à la condition stricte que la puissance délivrée par les EnRi ne dépasse pas 30 % à 50 % de la puissance instantanée (suivant qu'elle est basse ou haute) appelée par la consommation afin de garantir la stabilité du système électrique. Ce qu'a bien montré l'étude récente de la R&D d'EDF. Or les hypothèses faites sur des taux très importants de développement des EnRi font que l'on est certain que l'on devra se séparer d'une partie de leur production à certains moments de l'année comme cela se passe déjà en Allemagne. Donc additionner les productibles de ces sources n'a pas de sens pour vérifier notre auto-suffisance en énergie électrique annuelle.
Conclusion- Toutes ces raisons militent pour que RTE ajoute un scénario de consommation plus haute tout en respectant les émissions du secteur électriques actuelles.
Absence de politique européenne sur l'énergie ?
L'argumentaire de Jean Fluchère démontre que chaque état européen conduit une stratégie nationale contraire aux objectifs de la COP 21.
La peur du nucléaire en Allemagne ressuscite l'exploitation du charbon et de la lignite et empêche la convergence de l'Europe sur une taxe carbone d'au moins 30 euros la tonne.
L'objectif de baisser la production nucléaire à 50% avec la loi LTECV amènera la France à avoir recours au gaz russe au détriment de notre indépendance énergétique.
Est-ce vraiment ce que nous souhaitons ?
Puisque chaque état européen conduit sa propre politique énergétique, la France devrait conserver ses atouts et la PPE devrait réorienter la LTECV en revoyant les scénarios utopiques du RTE.