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Avis n°401

Baisse de consommation et économies d'énergie

Ajouté par Claude ANONYMISé (St didier au Mont d'or), le
[Origine : Site internet]

Lorsque est évoquée la problématique énergétique, la première phrase souvent citée en préambule est : « L'économie la moins coûteuse est celle que l'on ne consomme pas ».
Cet adage répété notamment par l'Ademe, dans chacune de ses interventions, telle une vérité suprême, peut paraître une évidence, sans conteste importante, mais il est en grande partie erroné et trompeur. Il omet de préciser que faire des économies d'énergie peut en fait très souvent coûter très cher.
En fait il faut distinguer, lorsque le terme économie d'énergie est évoqué, ses deux composantes, la sobriété et l'efficacité :
• la sobriété repose sur la sagesse de chacun, qui se contente de moins, en espérant que ceci ne lui sera pas imposé directement de façon autoritaire, ou indirectement par manque de moyens financiers et n'aura pas de conséquence sur sa santé (on pense notamment aux limitations des températures imposées aux personnes âgées).
• l'efficacité vise à répondre mieux aux mêmes besoins par l'amélioration des rendements des procédés, moins de perte... L'efficacité repose surtout sur la technique et la créativité, qui imposent en général des investissements, dont certains ne verront jamais un retour financier, dès que l'on prend en considération le moindre taux d'indexation, et que l'on exclut les aides. Il est vrai que les aides de l'état, ou d'organismes assimilés, peuvent faire pencher la balance, mais les dépenses se retrouvent au niveau de la collectivité et quelqu'un paye ces aides via les impôts, taxes... (exemple la CSPE pour l'électricité).

Dans le dossier du maître d'ouvrage nous trouvons sur le thème économies d'énergie les objectifs suivants pour 2030, par rapport à 2012 :
• - 20 % de consommation d'énergie finale
• + 27 % d'efficacité énergétique
Pour l'objectif 2050, il est simplement rappelé que ceci doit se placer dans l'objectif global des – 75 % d'émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990 , sans détailler ce qui doit venir des économies d'énergie.

La juxtaposition de ces deux valeurs pour 2030 soulève une première question. Si le PIB augmente comme annoncé, dans le dossier, entre 1.6 et 1.3, dans cette période de 18 ans, cela donne au total une augmentation totale d'environ 30 %. Si l'efficacité énergétique est améliorée de 27 %, la consommation ne devrait pratiquement pas bouger, et non voir une baisse de 20 %. Faut-il voir dans cette baisse l'effet sobriété, soit du même ordre de grandeur que l'effet efficacité ?
Il faudrait expliquer ceci, pour le citoyen.

Hors explication sur la cohérence des valeurs, en ne regardant que la baisse de consommation finale, celle-ci est donc strictement dans la lignée de la loi sur la transition énergétique LTE votée en 2015, qui prévoyait de réduire la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 par rapport à la référence 2012, en visant un objectif intermédiaire de 20 % en 2030.
Ainsi, en se plaçant sur une trajectoire, avec une consommation finale devant baisser de 50 %, d'ici 2050, tout en prenant en compte un accroissement de population d'environ 13 % pour la France, cela supposerait que chaque Français baisse sa consommation de plus de la moitié (56 %). Est-ce tenable ?
N'est-on pas en pleine utopie, en retenant dès le niveau de la PPE, une baisse de 20 % d'ici 2030, et une accélération vertigineuse pour les 20 années suivantes, alors que les tendances serait plutôt à une très légère hausse, pour l'énergie dans son ensemble, accentuée pour le vecteur électricité.
En effet, si on regarde l'histoire au niveau mondial, on ne trouve jamais, en dehors des périodes de guerre, de crises graves, une baisse significative de la consommation étalée sur une longue période (comme dix ans). En dehors de hausses continues, on trouve parfois des retours et stabilisations, après un creux.
En France la consommation finale d'énergie a ainsi retrouvé le niveau des années 1996/1997, Mais cette apparente stabilité fait suite après une lente hausse de l'ordre de 8 % sur 10 ans entre 1995 et 2005, à une chute de 7 % , dont au moins 5 % sont liés à la crise économique, crise financière et à la faillite de Lehman Brothers (en septembre 2008), Cette quasi stabilité ne résulte pas d'actions volontaires de maîtrise des dépenses d'énergie, mais est le reflet, outre à la crise économique, d'une certaine décroissance avec en corollaire le chômage, la baisse de pouvoir d'achat et leurs conséquences sociales. Une relance s'impose et les hypothèses retenues sur l'évolution du PIB sont très timides

La loi LTE de 2015, semble ne pas avoir pris en compte la totalité du débat national DNTE de 2013, tenu en préparation et des diverses variantes, autour des économies d'énergie.
Dans le DNTE, avec comme objectif la division des rejets de gaz carbonique, d'un facteur 4, d'ici 2050, la réduction d'énergie finale était considérée, on peut se demander pourquoi, comme un premier critère de sélection, avec comme à l'entrée du paradis, avec les bons d'un côté et de l'autre les mauvais, à écarter. Ainsi, le premier critère de sélection, à partir du tendanciel, amenait à deux grandes orientations, d'un côté ceux qui visaient les 50 %, et ceux qui retenaient une réduction de la demande modérée de l'ordre de 20 %.

Les indications de préparation de la programmation PPE semblent ne retenir que les scénarios proches des 50%, qui se retrouvaient :
• dans la famille SOB (pour sobriété) avec le scénario Négawatt et la sortie totale du nucléaire d'ici 2035.
• dans la famille EFF, (pour efficacité) avec le scénario ADEME, et un a priori forte réduction du nucléaire
Ce sont deux scénarios très proches, comme inspirés par la même famille de pensée, avec soit zéro, soit très peu de nucléaire (si peu que symbolique, signifiant en fait sa fin).
Mais pour arriver au résultat du facteur 4, ayant mis de côté l'électricité nucléaire décarbonée, compte tenu des potentialités des renouvelables électriques, dont ceux variables ou /intermittents, il fallait réduire considérablement les besoins d'énergie, et surtout ne pas augmenter la part d'électricité.

Hors à côté dans le DNTE, avait été présenté dans la famille DEC (pour décarboné) le scénario Négatep, ne mettant a priori aucune limite sur le nucléaire, le critère principal étant le coût de la tonne de carbone évitée.
Négatep, dans la continuité de la sortie du charbon engagée dans les années 80/90 avec le développement du nucléaire, mettait l'accent sur le remplacement des deux sources de fossiles restantes, à savoir le pétrole pour la mobilité et le gaz pour le chauffage, par de l'électricité décarbonée, avec un équilibre nucléaire/renouvelables. Un équilibre à trouver en tenant compte des coûts et de la continuité (garantie) de fourniture, sans aller vers la décroissance et des réductions socialement non soutenables de la consommation.

En conclusion, si comme indiqué dans l'édito du Ministre d'Etat, en préambule au dossier PPE, la dynamique doit être celle fixée par l'Accord de Paris et la baisse des rejets de gaz à effet de serre. Rien n'impose d'y arriver par des réductions de la consommation d'énergie, supérieures à 50 %, d'ici 2050, et déjà de 20 % d'ici 2030.
Pour arriver à 50 % de réduction de consommation, celles escomptées dans les principaux postes de consommation, que sont les logements et les transports, sont techniquement et financièrement inaccessibles. Elles supposent en outre que de nombreux interdits soient mis en place : interdit d'augmenter les surfaces de logement, alors que les tendances actuelles sont dues en grande partie à la multiplication des familles monoparentales et au vieillissement de la population, interdits sur l'alimentation, interdits sur l'habitat individuel, etc. Les mesures préconisées vont sans doute dans le bon sens, mais, poussées à l'extrême, elles deviennent irréalistes, sans compter que la volonté de les imposer systématiquement ne peut qu'inquiéter.