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Point de vue n°23

Cahier d'acteur n°10 - GRDF

GRDF (paris) Représenté(e) par M. William MONIN, Chef du pôle Prospectif de la Direction de la Stratégie Site internet

Le gaz et les infrastructures gazières en particulier sont aujourd’hui indispensables au confort et à un accès sécurisé à l’énergie pour les Français tout au long de l’année. Fixer un objectif à 2028 de 50 TWh de biométhane constitue un signal déterminant pour accélérer la décarbonation du mix énergétique français, la baisse des émissions de particules du secteur de la mobilité et la pérennisation des sites agricoles. Cet objectif est nécessaire pour déclencher une réduction forte des émissions de CO2 et accélérer l’insertion d’énergies renouvelables à horizon 2050 afin de limiter à 2°C le réchauffement climatique.

Commentaires

La filière biogaz a de quoi séduire, telle que présentée dans le cahier d'acteur n°10 de GRDF.
Nos interrogations portent sur les conditions de la production agricole de cette filière. De nombreuses études (INRA et autres) montrent que les modes actuels d'agriculture intensive : 1.sont fortement consommateurs de fertilisants à haute intensité énergétique : a-t-on introduit cette donnée dans le bilan énergétique de la filière biogaz ?
2.ont un impact destructeur durable sur les sols : des modes de production plus respectueux des sols sont-ils préconisés pour cette filière ?
3.nécessite l'usage de produits phytosanitaires à dégradation lente qui peuvent se retrouver dans les nappes aquifères et dans les digestats : a-t-on des données pour cette filière?
GRDF devrait apporter des éléments de réponse à ces questions, et préciser la part de la production agricole qui devrait être orientée vers la filière biogaz (par rapport à la part affectée directement ou indirectement à l'alimentation humaine). Ces réponses seraient de nature à conforter la position du biogaz dans la conception globale de la transition énergétique.

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Bonjour Mme Galibert,

Nous vous remercions pour votre commentaire. Voici nos réponses à vos interrogation sur les conditions de production agricole de la filière méthanisation.

Principale contributrice au verdissement des réseaux de gaz, la filière biométhane transforme des déchets agricoles et urbains en énergie.

Pour ce faire, le modèle français de méthanisation repose sur la co-digestion de déchets et de coproduits agricoles, et en aucun cas sur l’utilisation de cultures issues de l’agriculture intensive dédiée. Cette orientation fut posée par la France dès l’origine, et fut systématiquement renouvelée par les gouvernements qui se sont succédés, contrairement à d’autres pays dont les modèles de méthanisation reposent sur des cultures dédiées comme l’Allemagne et son ancien modèle basé sur la culture de maïs.

Actuellement, dans le cadre de la Loi de Transition Energétique pour la Croissance Verte, un décret autorise l’utilisation de culture principale pour la méthanisation dans une limite maximum de 15% du tonnage entrant. Cette limitation de 15% répond à des critères environnementaux et se justifie dans certains projets par la nécessité de disposer d’une biomasse disponible toute l’année pour un approvisionnement régulier du méthaniseur nécessaire à son équilibre biologique.
Dans la réalité, on constate qu’à ce jour, très peu d’unités de méthanisation ont recours à ce type de biomasse, et, si c’est le cas, de façon très occasionnelle. Cela s’explique notamment par le prix prohibitif de ces substrats « dédiés » ajouté à l’absence de prime à l’achat, contrairement aux coproduits agricoles ou aux déchets qui, eux, bénéficient de prime de tarif.

L’étude de l’Ademe « Un Mix de gaz 100 % renouvelable en 2050 ? », qui définit un potentiel de méthanisation à 140 TWh en 2050, trace une trajectoire en dehors de toute hypothèse de culture intensive. Les substrats de méthanisation pris en compte étant uniquement constitués de déjection animales, de résidus de cultures, de Culture Intermédiaire à Multi-Service Environnementaux (CIMSE), et d’herbes.

A aucun moment il n’est donc question de culture dédiée. Et lorsque le recours à la biomasse est nécessaire, dans les limites et conditions évoquées ci-dessus, il s’agit principalement de cultures intermédiaires, techniquement nommées CIMSE*, qui ne sont généralement pas ou très peu fertilisées et, dans ce cas, à partir de digestat issu directement du processus de méthanisation donc dépourvus de produits phytosanitaires.

Par ailleurs, en plus d’être un appoint d’intrants disponibles et pertinent pour le fonctionnement régulier de certains sites de méthanisation, ces CIMSE s’inscrivent pleinement dans un modèle d’agriculture durable par les atouts qu’elles présentent pour lutter contre l’appauvrissement des sols. Elles permettent :
- d'éviter l’érosion des sols par la couverture des sols,
- de capter les nitrates, à l’instar des CIPAN (Culture Intermédiaires Pièges A Nitrates),
- de stocker du carbone dans les racines, les tiges et par la restitution d’un digestat riche en humus. Avec un potentiel de stockage entre 20 et 40 T de carbone, sous forme d’humus, par hectare, elle constituent de vrais puits de carbone qui pourront contribuer fortement à reconstituer le stock de carbone organique perdu dans les sols ces dernières années en France.
- de produire un engrais vert, tout particulièrement lorsque la CIMSE est une légumineuse captant l’azote de l’air,
- d’étouffer les mauvaises herbes.

Les bénéfices de l’agroécologie sont reconnus et font l’objet d’étude de la part de nombreux organismes dont l’INRA.

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