Question n°586
Comment concilier COP 21 et LTECV ?
le ,Dans son cahier d'acteurs, l'Académie des sciences souligne la confusion des objectifs de la LTECV et accuse la contradiction entre l'éradication la plus rapide possible du parc nucléaire, moyen qui autorise un niveau de décarbonation rarement égalé dans le reste du monde, et l'objectif majeur de l'Accord de Paris, la lutte contre le réchauffement climatique qui suppose une neutralité carbone en 2050. Bien que formulés à quelques mois d'intervalles en 2015, avec une participation proactive de la France dans la COP 21, le premier interdit le second, selon moi.
Faute de solutions performantes (fiables, économiquement viables et écologiquement durables) pour stocker l'électricité et la restituer dans des conditions respectueuses de l'équilibre des réseaux d'électricité et garantes de la satisfaction permanente des consommateurs, ne nous engageons nous pas d'en une impasse ? Oublieux du scepticisme habituel des contempteurs du scientisme et du progrès scientifique, les promoteurs du renouvelable m'opposeront les promesses de progrès techniques considérables dans les moyens de stockage. La défiance vis à vis du progrès des sciences et techniques serait-t-elle à dimension variable ? Impuissante à maîtriser les risques industriels, dans les secteurs honnis, retrouverait-t-elle ses vertus quand elle s'attache à résoudre les défauts des nouveaux renouvelables (intermittence et non modularité, recours massif aux métaux rares et polluants, manifestations contre les préjudices écologiques multiples des éoliennes etc ) ?
Alors que notre électricité est déjà exceptionnellement décarbonée (90%), n'est-il pas risqué de précipiter la fermeture irréversible de 50% de nos capacités nucléaires, une petite vingtaine d'unités, à l'horizon 2025, au profit d'éoliennes et autres fermes solaires peu ou très peu performantes, pour espérer gagner les derniers points qui font défaut pour atteindre 100% ? Ne faut-il pas temporiser cet objectif alors que l'électricité ne pèse que 25% dans l'ensemble de notre consommation énergique et que le transport et l'immobilier comptent pour l'essentiel dans nos émissions de GES ?
Nous vous remercions pour votre contribution. L’évolution du mix électrique est une question structurante pour la Programmation pluriannuelle de l’énergie.
La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) d’août 2015 a fixé des objectifs de réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990, de 40 % de production d’électricité à partir d’énergies renouvelables d’ici 2030, et de 50 % à partir d’énergie nucléaire d’ici 2025.
La Programmation pluriannuelle de l’énergie définit les priorités du Gouvernement pour le système énergétique pour atteindre les objectifs fixés par cette loi.
Le fait que l’essentiel de la production d’électricité provienne de centrales nucléaires et des énergies renouvelables (notamment hydraulique) contribue à placer la France parmi les plus faibles émetteurs de gaz à effet de serre (GES) pour la production d’électricité. Toutefois, si l’énergie nucléaire est d’un point de vue des émissions de gaz à effet de serre un atout, sa forte proportion est également susceptible de dégrader la robustesse du système électrique. Ainsi que l'a rappelé à plusieurs reprises l'Autorité de Sûreté Nucléaire, il est en effet important de disposer de marges suffisantes dans le système électrique pour faire face à l’éventualité de suspendre simultanément le fonctionnement de plusieurs réacteurs qui présenteraient un défaut générique grave. Un exemple de tel défaut générique est l’anomalie de concentration en carbone de l’acier qui a affecté les générateurs de vapeur de douze réacteurs à l'hiver 2016. Le développement des énergies renouvelables doit ainsi être apprécié au regard de la diversification du système électrique.
Dans la communication du Conseil des Ministres du 7 novembre 2017, le Gouvernement a rappelé « son attachement à la diversification du mix électrique, qui se traduit par le double objectif d’une baisse à 50 % de la part du nucléaire dans la production d’électricité et d’une forte croissance des énergies renouvelables dont le potentiel économique est désormais démontré ». Le gouvernement a également affirmé sa volonté de ne pas augmenter les émissions de gaz à effet de serre du secteur de production d’électricité.
Le Gouvernement a pris acte des études menées par RTE qui montrent que la réduction de la part du nucléaire à 50 % à l’échéance de 2025 soulève d’importantes difficultés de mise en œuvre au regard de nos engagements en matière climatique. Malgré le développement volontariste des énergies renouvelables entrepris par le Gouvernement, la France serait contrainte de construire jusqu’à une vingtaine de nouvelles centrales à gaz dans les sept prochaines années pour assurer la sécurité d’approvisionnement lors des pointes de consommation, conduisant à une augmentation forte et durable de nos émissions de gaz à effet de serre.
Le Gouvernement a ainsi souhaité qu’une nouvelle trajectoire soit établie dans le cadre de la révision de la PPE. L'objectif du gouvernement reste d'assurer dès que possible l'atteinte de l'objectif de réduire à 50 % la part d'électricité d'origine nucléaire. Il est important de préciser qu’il s’agit de réduire la place de la production du nucléaire dans le mix électrique à 50% et non de fermer 50% des centrales.
Au-delà de la centrale nucléaire de Fessenheim, dont le Gouvernement confirme la fermeture lors de la mise en service de l’EPR de Flamanville, la PPE fixera les orientations en matière de réduction du parc nucléaire existant, en intégrant l’incertitude sur les avis futurs de l’Autorité de sûreté nucléaire, autorité indépendante, concernant la prolongation de la durée d’exploitation des réacteurs au-delà de leur quatrième visite décennale. La Programmation pluriannuelle de l’énergie définira également les modalités du maintien du recyclage du combustible nucléaire.
Le gouvernement sera à l’écoute des retours du public, notamment sur les variantes des scénarios « Volt » et « Ampère » proposés par RTE permettant d’assurer qu’aucune nouvelle centrale thermique à combustibles fossiles ne soit construite et que les émissions de gaz à effet de serre de la production électrique française n’augmentent pas.
Il est vrai que les énergies renouvelables développées à grande échelle nécessitent une adaptation des réseaux et une évolution des modes de gestion du système en nécessitant plus de flexibilité. Le Bilan Prévisionnel de RTE publié en 2017, qui couvre les années 2018 à 2035, montre qu’il est possible d’intégrer une part importante d’énergies renouvelables à cet horizon, jusqu’à 49 % dans le scénario Ampère, sans impact majeur sur le système électrique. L’Agence internationale de l’énergie considère que les besoins d’évolution du réseau, à partir de 45 % d’énergies non pilotables, augmentent les coûts de réseau d’un ordre de grandeur compris entre 12 % et 40 % des coûts de production.
À de hauts niveaux d’intégration, le pilotage de la demande doit être actionné avec notamment des « compteurs intelligents », et d’autres formes de flexibilité comme le stockage. Certaines technologies de stockage d’électricité gagnent rapidement en maturité. Le stockage d’électricité à grande échelle est en train de devenir une réalité technologique. Il permet d’équilibrer la production et la consommation en stockant de l’électricité lorsque la consommation est faible et à l’inverse, lors d’une consommation plus forte, il rend de l’électricité au réseau. Le développement du stockage d’électricité devrait aider à gérer un réseau comportant davantage d’énergies renouvelables dont la production dépend des conditions de climat (vent, ensoleillement…).
Le développement du stockage d’électricité pourrait également contribuer à :
- mieux utiliser les capacités de production en diminuant la pointe de consommation ;
- développer l’autoconsommation voire de l’autonomie énergétique de sites isolés ;
- baisser les besoins de renforcement des réseaux de distribution et de transport d’électricité et donc à faire des économies de réseau.
Les moyens de stockage décentralisés présentent encore un coût d’investissement élevé qui ne permet pas leur rentabilité en métropole continentale. Le coût des batteries baisse rapidement en même temps que le développement des énergies non pilotables.