Vous êtes ici

Avis n°68

Comment réussir la transition énergétique ?

Ajouté par Bernard ANONYMISé (Peyrolles en Provence), le
[Origine : Site internet]

Réussir la transition énergétique suppose d'abord de définir les bons objectifs. Plusieurs sont mis en avant au niveau de l'Etat :
- réduire les émissions de GES (Gaz à effet de serre) : un facteur 4 d'ici 2050
- baisser la consommation d'un facteur 2 d'ici 2050
- réduire la part du nucléaire à 50% dans la production d'électricité

Réduire les émissions de GES :
Le consensus scientifique est clair : l'humanité va à la catastrophe si elle ne réussit pas à réduire ses émissions de GES. Cet objectif est donc prioritaire et a été établi comme tel à la COP21. Dans le domaine de l'énergie, l'électricité française étant largement dé-carbonée, les progrès possibles à ce niveau sont limités à la fermeture des quelques centrales fossiles en fonctionnement. Les émissions de GES dues à l'énergie sont essentiellement celles du chauffage et des transports. Les progrès possibles sont :
- la diminution des consommations chauffage (donc l'isolation des bâtiments),
- le transfert de la consommation résiduelle de chauffage (fuel ou gaz) vers l'électricité dé-carbonée en utilisant des pompes à chaleur ; la chaleur injectée dans les bâtiments est alors aux 2/3 renouvelable.
- La diminution des dépenses énergétiques de transport : augmentation des rendements des moteurs thermiques, développement des transports collectifs, diminution des besoins en transport (circuits courts pour les marchandises, télétravail...)
- Le transfert vers une électricité dé-carbonée de transports voitures et trains.
Tout cela est possible et prioritaire.

Baisser la consommation d'énergie d'un facteur 2 d'ici 2050 :
Cet objectif louable mais pas forcément réaliste est un bon challenge. Les principaux leviers sont l'isolation des bâtiments et les progrès en efficacité énergétique. Mais il faudra aussi fortement réduire nos demandes en services rendus par l'énergie et les transformations sociétales correspondantes sont loin d'être négligeables. Un autre aspect est que cette réduction de consommation énergétique ne veut pas dire réduction de la consommation d'électricité car ce vecteur merveilleux, s'il est dé-carboné, doit aussi remplacer les fossiles dans le chauffage et les transports (voir l'objectif premier). On peut aussi espérer une ré-industrialisation du pays utilisant des robots (électriques) et on sait que les « data centers » prendront une place croissante dans la consommation d'électricité. S'ajouteront d'autres besoins en électricité pour, par exemple, transformer de la biomasse (renouvelable) en carburant de synthèse. On peut donc même conclure que la baisse de la consommation électrique n'est pas un but souhaitable. Cette affirmation, vraie en France, l'est aussi au niveau du monde.

Réduire la part du nucléaire dans la production d'électricité :
L'objectif de réduire la part du nucléaire à 50% de l'électricité française est énoncé dans la loi Transition Energétique et Croissance Verte. Il peut être contradictoire avec l'objectif de décroissance des GES si la diminution de la part du nucléaire conduit à une croissance des équipements fonctionnant avec des fossiles, c'est-à-dire si les énergies renouvelables sont insuffisantes pour remplacer le nucléaire arrêté. La question sous-jacente est celle de l'intermittence des principales énergies renouvelables électriques que sont l'éolien et le photovoltaïque. Il faut compenser cette intermittence qui peut être sévère dans les soirées d'hiver (pas de soleil), en cas d'anticyclone prolongé (pas de vent) pendant une période froide. Il faut alors disposer de sources pilotables qui, si on se limite aux énergies renouvelables, peuvent être des centrales thermiques à biomasse ou l'hydraulique. Or, il se trouve que ces sources sont limitées et insuffisantes même en les développant au maximum. Une façon de gonfler la contribution relative de ces sources renouvelables pilotables est de baisser la consommation totale, de la rendre partiellement flexible en la décalant partiellement dans le temps, et de faire appel aux importations. Encore faut-il que les pays voisins, qui, eux aussi manquent souvent en même temps de soleil et de vent (large anticyclone européen) puissent fournir l'électricité aux bons moments. Cette gymnastique peu réaliste est celle qui est souvent mise en œuvre dans les scenarii qui surestiment la place que peuvent prendre les énergies renouvelables dans le bouquet électrique. Elle se heurte au fait que, comme discuté ci-dessus, la décroissance de la consommation électrique n'est pas souhaitable.
Une solution est de faire appel à des systèmes de déstockage d'électricité préalablement stockée pendant des périodes de surproduction éolienne ou photovoltaïque. Malheureusement, les techniques pour stocker l'électricité sont nombreuses mais aucune n'est adaptée à un stockage important (des TWh) sur des périodes longues allant de la durée d'un anticyclone qui paralyse les éoliennes (10-15 jours) à plusieurs mois permettant d'utiliser en hiver l'abondante énergie solaire de l'été. Sur de courtes périodes (jour/nuit), les batteries seront une solution onéreuse mais possible. Sur des périodes un peu plus longues, le stockage mécanique des STEPS est déjà très adapté mais limité. Pour les périodes plus longues et/ou pour des quantités importantes de l'ordre du TWh, seule la solution power-to-gas-to-power semble possible mais très onéreuse et avec des rendements faibles (nettement inférieurs à 50%) qui accroissent encore les prix.
On ne parvient pas aujourd'hui à résoudre le problème de l'intermittence éolienne ou solaire sans faire appel à des installations dites de back-up utilisant soit des fossiles soit le nucléaire. Les premières (choix de l'Allemagne) présentent l'inconvénient majeur des GES, mais aussi celui de la pollution. La seconde (choix de la France) se heurte à la volonté politique répandue de sortir ou de limiter le nucléaire, volonté faisant écho à la peur d'un accident dispersant des déchets fortement radioactifs. Cette crainte est compréhensible, même s'il est établi que les dégâts sanitaires par MWh produit sont, accidents de Tchernobyl et Fukushima compris, bien plus faibles avec le nucléaire qu'avec les fossiles (voir par exemple : http://academie-technologies-prod.s3.amazonaws.com/2017/07/13/09/14/40/4...).
Il semble aujourd'hui impossible de sortir purement et simplement du nucléaire. La réduction à 50% de production donnée dans la loi est un compromis qui peut d'ailleurs se discuter puisqu'il ne réduit pas la crainte d'un accident. C'est même l'inverse car le nucléaire risque de devenir la technique de compensation de l'intermittence avec un fonctionnement très variable dans le temps pour suivre les fluctuations rapides de vent et de soleil, ce qui peut induire un vieillissement prématuré des équipements. Un tel fonctionnement induit aussi des surcoûts puisque le facteur de charge des réacteurs va diminuer alors que le coût principal de cette technologie est celui de l'équipement et de son amortissement.
La seule attitude scientifiquement et économiquement raisonnable est aujourd'hui d'acter le fait que l'on a besoin du nucléaire. Il faut donc envisager son futur en termes de remplacement progressif des réacteurs actuels avec, comme priorité, la sûreté permettant de minimiser à un faible niveau les conséquences d'un accident au demeurant très improbable. Les filtres à sable, les adsorbeurs passifs d'hydrogène, la force d'action rapide nucléaire d'EDF répondent à ces exigences.

Commentaires

Je n'ai rien à ajouter à la démonstration de Bernard Tamain. En revanche, je recommande à Monsieur Hourdequin de lire l'avis que j'ai rédigé sur la Suède qui a fait une démarche tout à fait pragmatique pour réduire par 2 sa consommation de pétrole et qui n'a pas de réseau de gaz.
Il y a aujourd'hui en Suède une forte opposition aux éoliennes car les scientifiques considère qu'avec les moyens que l'on consacrerait aux éoliennes, on gagnerait beaucoup plus en accélérant le passage aux véhicules électriques.

69003

à M Hourdequin :l' avis sur la Suède est le 244

90000

Il est curieux qu’un glissement sémantique ait opéré si facilement en France entre la transition écologique et la transition énergétique. La première est louable et doit réduire les pratiques polluantes dont celles qui produisent des GES, doit s’attaquer au gaspillage dont celui lié aux habitations mal isolées, doit éveiller les consciences aux problématiques environnementales pour préserver au mieux les équilibres naturels et améliorer la gestion des ressources. La transition énergétique est l’un des outils pour y parvenir mais il ne faut pas l’utiliser à des fins dogmatiques sinon les objectifs de la transition écologique seront piétinés. Il se trouve que les solutions énergétiques capables d’atteindre ces objectifs sont connues au travers des énergies qui polluent peu : l’énergie hydraulique, éolienne et nucléaire. Les autres énergies renouvelables ou pas (y compris le solaire) polluent dans des proportions différentes mais qui desservent les objectifs de la transition écologique. Il convient donc d’équiper au mieux nos vallées pour l‘hydraulique de s’appuyer modestement sur l’éolien (offshore si possible pour l’efficacité) et de renforcer le parc nucléaire. Aussi surprenant que cela puisse paraître et contrairement à ce que certains peuvent penser, la France est très en avance sur ce plan et on peut même se demander si la transition énergétique n’a pas été accomplie en France il y a 35 ans et que son parachèvement peut se limiter à des derniers ajustements sur le parc thermique classique. Nous devrions nous en féliciter et ne pas prendre en otage la politique énergétique de notre pays en invoquant une transition au nom d’un déficit de la politique écologique qui revêt des problématiques plus larges et qui peuvent impliquer un processus de transition. Ceux qui ont opérer cette confusion, comme l’Allemagne, ont mené un combat inutile sur un fond idéologique pour la transition énergétique et ont abouti à un désastre écologique. Ne nous trompons pas de combat.

92330

Pages